Catastrophe de Tchernobyl

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

51°23′22.39″N 30°05′56.93″E / 51.3895528, 30.0991472

La centrale de Tchernobyl en Europe.
La centrale de Tchernobyl en Europe.
Carte des zones contaminées par les radiations en 1996.
Carte des zones contaminées par les radiations en 1996.
Les centrales nucléaires en Ukraine.
Les centrales nucléaires en Ukraine.

La catastrophe de Tchernobyl est un accident nucléaire qui s'est produit le 26 avril 1986 dans la centrale nucléaire Lénine en Ukraine. Cet accident a conduit à la fusion du cœur d'un réacteur, au relâchement de radioactivité dans l'environnement et à de nombreux décès, survenus directement ou du fait de l'exposition aux radiations. Il est le seul accident classé au niveau 7 sur l'Echelle internationale des évènements nucléaires (INES), ce qui en fait le plus grave accident nucléaire répertorié jusqu'à présent.

La centrale nucléaire Lénine est située sur un affluent du Dniepr à environ 15 km de Tchernobyl (Ukraine) et 110 km de la capitale Kiev, près de la frontière avec la Biélorussie. L'accident de Tchernobyl est la conséquence de dysfonctionnements nombreux et importants : un réacteur mal conçu, naturellement instable dans certaines situations et sans enceinte de confinement ; un réacteur mal exploité, sur lequel des essais hasardeux ont été conduits ; un contrôle de la sûreté par les pouvoirs publics inexistant ; une gestion inadaptée des conséquences de l'accident[1]. Les conséquences de la catastrophe sont nombreuses, aussi bien du point de vue sanitaire, écologique, économique que politique.

Sommaire

[modifier] Les causes de la catastrophe

La catastrophe de Tchernobyl résulte de l'explosion thermique du réacteur nucléaire n° 4, conséquence de l'élévation excessive de la température à l'intérieur de la cuve où sont situés les barres (crayons) de combustible nucléaire et le graphite servant de modérateur. Lorsque la chaleur produite par le réacteur n'a plus été évacuée en quantité suffisante par le système de refroidissement, la température et la pression ont augmenté à des niveaux excédant les valeurs de dimensionnement des structures. L'explosion physique du cœur a entraîné l'éparpillement autour du réacteur et la diffusion dans l'atmosphère des matériaux constitutifs du cœur sous forme gazeuse ou solide. Cette explosion a été entretenue par la suite par la combustion du graphite, présent en grande quantité dans ce type de réacteurs.

Le réactif de l'explosion est le caloporteur, en l'espèce de l'eau légère. La chaleur aurait provoqué la radiolyse de l'eau, puis la recombinaison de l'hydrogène et de l'oxygène libérés aurait provoqué l'explosion qui a soulevé la dalle de béton recouvrant le réacteur. Selon d'autres experts, l'explosion serait une explosion de vapeur, conduisant aux mêmes conséquences. L'explosion n'a rien de nucléaire : si le point de départ est bien une réaction nucléaire en chaîne, c'est bien une explosion chimique, et non nucléaire qui a provoqué la déflagration.

Suite à l'accident, de grandes quantités de radioisotopes, radioactifs (et pour certains, extrêmement toxiques de surcroît), ont été libérées dans l'atmosphère. L'accident qui s'est produit à la centrale nucléaire de Tchernobyl dans le réacteur n° 4 est ainsi classé de niveau 7 dans l’échelle INES qui sert à mesurer la gravité des accidents nucléaires, correspondant au niveau le plus élevé;

[modifier] Conception et construction du réacteur

Schéma de principe d'un RBMK
Schéma de principe d'un RBMK

Le réacteur de la tranche no 4 est de type RBMK 1000 (réacteur de grande puissance à tubes de force). Par sa conception, ce type de réacteur présente plusieurs points faibles:

  • Son coefficient de vide est positif à basse puissance et dans certaines conditions de fonctionnement (contrairement aux réacteurs RBMK plus récents): si des bulles se forment dans le fluide caloporteur, la réaction tend à s'emballer. Cet état de fait a les origines suivantes.
    • D'une part le modérateur prépondérant est le graphite qui est solide et peu sensible en volume aux variations de température.
    • D'autre part, pour pouvoir utiliser de l'uranium peu enrichi, le réseau en fonctionnement est proche de l'optimum de modération.
    • Ces dispositions étaient considérées comme bonnes par les concepteurs parce qu'elles rendent le réseau relativement peu sensible aux variations du taux de vide dans le fonctionnement normal du réacteur, ce qui est une bonne chose du point de vue de la régulation d'ensemble de la centrale puisque plus la puissance est élevée, plus la pression vapeur est basse et le taux de vide élevé dans le cœur.
    • Dans certaines configurations toutefois on peut se trouver avec un cœur surmodéré dans lequel la disparition d'atomes d'hydrogène modérateurs et celle d'atomes d'oxygène absorbants, induites par l'augmentation du taux de vide dans le cœur, provoquent une augmentation de la réactivité.
  • L'utilisation du graphite comme modérateur le rend inflammable lorsque la température augmente trop.
  • Le système d'arrêt d'urgence du réacteur est particulièrement lent (20 secondes). Ce système d'arrêt d'urgence est assuré par des barres modératrices, dites barres de contrôle, qui descendent dans le cœur du réacteur. En outre, dans certaines situations les barres de contrôle sont faites de telle façon qu'elles apportent de la réactivité durant la première phase de leur descente dans le cœur. Cet état de fait a été un facteur aggravant de l'accident car les opérateurs ont ainsi été trompés : ils disposaient sans le savoir d'un accélérateur et non pas d'un frein de la réaction nucléaire en chaîne. Dans les centrales du même type que les centrales françaises, ces barres descendent sous la seule action de la gravité en cas d'urgence. De ce fait, elles mettent environ 1 seconde à atteindre leur efficacité maximale.
  • Notons également que la centrale de Tchernobyl n'avait pas d'enceinte de confinement, contrairement à la plupart des centrales actuelles; c'est ce qui a permis aux rejets radioactifs de s'échapper aisément dans l'environnement.

Outre ces problèmes de conception, la construction de la centrale a été réalisée sans respecter les normes en vigueur. Un rapport confidentiel de 1979, signé par le directeur du KGB Iouri Andropov et cité par Nicolas Werth[2], souligne que « divers chantiers de construction réalisant le bloc no 2 de la centrale atomique de Tchernobyl mènent leurs travaux sans aucun respect des normes, des technologies de montage et de construction définies dans le cahier des charges».[3]

En 1983, l'« acte de mise en exploitation expérimentale » du réacteur n° 4 de la centrale de Tchernobyl est signé alors que « toutes les vérifications n'avaient pas été achevées.»[2]

[modifier] Cause directe de l'accident

Une expérience était en cours sur le réacteur n° 4, pour tester l'alimentation électrique de secours qui permet au réacteur de fonctionner en toute sécurité pendant une panne de courant. La puissance thermique[4] du réacteur avait été réduite de 3 200 MW à 1 000 MW dans le cadre de ce test dans la nuit du 25 au 26 avril.

L'accident s'est alors produit suite à une série d'erreurs commises par les techniciens de la centrale. Les opérateurs ont notamment violé des procédures garantissant la sécurité du réacteur et donc de la centrale. Enfin, depuis sa mise en service en 1977, la centrale est dirigée par Viktor Petrovitch Brioukhanov, un ingénieur en thermodynamique et non un spécialiste du nucléaire. Il fait partie d'une génération d'hommes promus grâce à « leur volontarisme militant, qui consistait d'abord et avant tout à remplir et dépasser le plan de production, nonobstant le respect des normes de construction ou de sécurité. »[2]

[modifier] Chronologie des événements

  • 25 avril 1986, 13h05 : Dans le cadre de l'expérience prévue, la puissance du réacteur est stabilisée autour de 1 600 MW.
  • 25 avril 1986, 23h10 : La puissance est encore abaissée à 500 MW. Cependant, la puissance de sortie chute brutalement à 30 MW, ce qui provoque un empoisonnement du réacteur au xénon. Les opérateurs essaient alors de rétablir la puissance, mais le xénon-135 accumulé absorbe les neutrons et limite la puissance à 200 MW. Pour débloquer la situation, les opérateurs retirent les barres de carbure de bore, qui servent à contrôler la température du réacteur, au-delà des limites de sécurité autorisées.
  • 26 avril 1986, entre 01h03 et 01h07 : Deux pompes supplémentaires du circuit de refroidissement sont enclenchées pour essayer de faire augmenter la puissance du réacteur. C'est le dernier moment pour arrêter le réacteur et le sauver.
  • 26 avril 1986, 01h19 : Pour stabiliser le débit d'eau arrivant dans les séparateurs de vapeur, la puissance des pompes est encore augmentée. Le système demande l'arrêt d'urgence. Les signaux sont bloqués et les opérateurs décident de continuer.
  • 26 avril 1986, 01h23 : L'essai réel commence. Les vannes d'alimentation en vapeur de la turbine sont fermées, ce qui a fait augmenter la pression dans le circuit primaire.
  • 26 avril 1986, 01h23 et 40s : L'opérateur en chef ordonne l'arrêt d'urgence. Les barres de contrôle sont descendues, sans grand effet : en effet, le réacteur est déjà bien trop chaud, ce qui a déformé les canaux destinés aux barres de graphite; les barres de contrôle ne sont descendues qu'à 1m50 au lieu des 7 m normaux.
  • 26 avril 1986, 01h23 et 44s : La radiolyse de l'eau conduit à la formation d'un mélange détonnant d'hydrogène et d'oxygène. De petites explosions se produisent, éjectant les barres permettant le contrôle du réacteur. « En 3 à 5 secondes, la puissance du réacteur centuple. »[5] Les 2 000 tonnes de la dalle de béton recouvrant le réacteur sont projetées en l'air et retombent de biais sur le cœur de réacteur, qui est fracturé par le choc.

Un incendie très important se déclare, tandis qu'une lumière aux reflets bleus se dégage du trou formé.

Les techniciens présents sur place, ainsi que Brioukhanov réveillé à 1h30, ne saisissent pas immédiatement l'ampleur de la catastrophe. Ce dernier appelle le ministère de l'Énergie à 4h en déclarant que « Le cœur du réacteur n'est probablement pas endommagé. »[2]. Il reçoit pour ordre de maintenir le refroidissement par eau du réacteur; cet ordre, que Brioukhanov persistera à appliquer toute la journée, n'aura pour effet que de libérer plus de radio-éléments dans l'atmosphère et de noyer les installations souterraines communes aux réacteurs 3 et 4, menaçant gravement le fonctionnement et l'intégrité du réacteur 3. L'ingénieur en chef responsable du réacteur 3 prendra, au cours de la journée et contre les directives de Brioukhanov, la décision de faire passer ce réacteur en arrêt à froid, permettant ainsi de le sauver d'une destruction certaine, au vu de la destruction progressive des installations.

[modifier] La catastrophe et sa gestion

[modifier] La lutte contre l'incendie (26 avril 1986)

Afin d'éteindre l'incendie, Brioukhanov appelle simplement les pompiers. Ceux-ci, venus de Pripyat, située à 3km de la centrale, interviennent sur les lieux sans équipement particulier. Cependant, les matières nucléaires ne peuvent être éteintes avec de l'eau. Les pompiers, gravement irradiés, sont évacués et mourront pour la plupart. Les témoignages sur leur souffrance et les conditions de leur mort ont été recueillis par la journaliste biélorusse Svetlana Alexievitch[6].

Le principal danger de l'incendie est que les dégâts qu'il occasionne à la structure risque de provoquer l'effondrement du magma en fusion dans les parties souterraines qui sont noyées. Un contact entre l'eau et le réacteur en fusion provoquerait une explosion qui disperserait d'immense quantité de matière radioactive. Des plongeurs sont envoyés afin de fermer les vannes et installer un système de pompage pour vider les salles noyées. L'incendie finira par être éteint par projection dans le brasier de sacs de sables et de plombs depuis des hélicoptères.

[modifier] L'étouffement du cœur du réacteur en fusion (26 avril - 14 mai 1986)

L'incendie éteint, les techniciens de la centrale prennent conscience de l'étendue des dégâts provoqués par la retombée du toit sur le réacteur, qui est désormais fissuré. Le graphite toujours en combustion, mélangé au magma de combustible qui continue de réagir, dégage un nuage de fumée saturé de particules radioactives.

Il faut donc au plus vite étouffer la réaction nucléaire incontrôlée. Ce n'est qu'ensuite que le réacteur pourra être isolé par un sarcophage.

La première opération est réalisée grâce à un ballet d'hélicoptères militaires de transport mené par plus de mille pilotes. Il s'agit de larguer dans le trou béant des milliers de tonnes de sable, d'argile, de plomb, de bore, de borax et de dolomite, un mélange qui permettra de stopper la réaction nucléaire. La mission est difficile, car elle consiste à larguer les sacs à une hauteur de 200 m dans un trou de 10 m de diamètre environ, et ceci le plus vite possible, car malgré l'altitude les personnes reçoivent 15 Röntgen en 8 secondes (3 000 fois la dose maximale tolérée par an en France pour une personne). Dans la seule journée du 30 avril, 30 tonnes de sable et d'argile sont ainsi déversées sur le réacteur.

Sur le toit et aux alentours immédiats de la centrale, une cinquantaine d'opérateurs sont chargés dans les premiers jours suivant la catastrophe de collecter les débris très radioactifs. Chaque opérateur ne dispose que de 90 secondes pour effectuer sa tâche. Il est exposé à cette occasion à des niveaux de radiations extrêmement élevés dont ne le protègent guère des équipements de protection dérisoires, principalement destinés à l’empêcher d’inhaler des poussières radioactives. Un grand nombre de ces travailleurs en première ligne ont développé par la suite des cancers et sont morts dans les années qui ont suivi.

Cependant, le réacteur est toujours actif et la dalle de béton qui le soutient menace de se fissurer. Plus grave, l'eau déversée par les pompiers pour éteindre l'incendie a noyé les sous-structures, menaçant ainsi l'intégrité et le contrôle des 3 autres réacteurs de la centrale. Si le cœur s'enfonce jusqu'à cette poche d'eau, une nouvelle explosion pourrait se produire. Une nouvelle équipe de pompiers est alors envoyée pour évacuer cette eau. Ceux-ci travailleront toujours sans protection et y laisseront leur vie.

Sous le cœur du réacteur en fusion, la dalle de béton menace de fondre. Au cours de la seconde quinzaine de mai, on fait appel à environ 400 mineurs des mines des environs de Moscou et du bassin houiller du Donbass pour creuser un tunnel de 167 mètres de long menant sous le réacteur[7] afin d'y construire une salle. Un serpentin de refroidissement à l'hélium doit y être installé pour refroidir la dalle de béton du réacteur. Les mineurs travaillent 24 heures sur 24 dans des conditions très difficiles dues à la température élevée et au niveau très important de radiation (le débit de dose à la sortie du tunnel est d’environ 200 Röntgen par heure)[5]. Leur sacrifice sera quasiment vain car le circuit de refroidissement ne sera jamais installé et finalement remplacé par du béton.

Grâce à ces travaux, le niveau de radiation baissera momentanément avant de s'élever à nouveau. Ce n'est que le 6 mai que la radiation absorbée en 8 secondes chute enfin à 1,5 Röntgen. Après cette date, ce sont encore 80 tonnes de mélanges qui seront déversées. Valeri Legassov, un haut fonctionnaire soviétique chargé des questions nucléaires, se suicide en voyant la manière dont l'accident a été géré par les autorités, et publie à titre posthume un article dans la Pravda[8].

[modifier] La réalisation du sarcophage et la décontamination de la zone (14 mai 1986 – décembre 1988)

Icône de détail Article détaillé : Liquidateurs.

Dans les mois qui ont suivi, plusieurs centaines de milliers d'ouvriers (600 000 environ), les « liquidateurs » sont venus d'Ukraine, de Biélorussie, de Lettonie, de Lituanie et de Russie pour procéder à des nettoyages du terrain environnant. Leur protection individuelle contre les rayonnements était très faible, voire nulle. La décontamination était illusoire dans la mesure où personne ne savait où transférer le terrain contaminé.

Selon Viatcheslav Grichine, membre de l'Union Tchernobyl, principale organisation des liquidateurs, sur 600 000 liquidateurs, « 25 000 sont morts et 70 000 restés handicapés en Russie, en Ukraine les chiffres sont proches et en Biélorussie 10 000 sont morts et 25 000 handicapés.»[9]

[modifier] L'évacuation tardive des populations

Vue de la centrale nucléaire depuis la ville de Pripyat, toute proche.
Vue de la centrale nucléaire depuis la ville de Pripyat, toute proche.

Le 26 avril 1986, la population locale n’est pas prévenue de l'accident et poursuit ses activités habituelles sans prendre de précautions particulières. Ainsi à Pripyat, 900 élèves âgés de 10 à 17 ans participent à un « marathon de la paix » qui fait le tour de la centrale. Un film argentique amateur d'époque montre de manière très flagrante que Pripiat est déjà contaminée gravement : la radioactivité y a formé de nombreux flashs blancs au rythme de plusieurs par seconde.

L'évacuation débute le 27 avril et les 45 000 habitants de Pripyat sont les premiers concernés. Ils n'ont été informés que quelques heures auparavant par la radio locale, qui leur demandait de n'emporter que le strict minimum et leur promettait qu'ils seraient de retour sous 2 ou 3 jours. Emmenés par l'armée, ils sont hébergés dans des conditions précaires dans la région de Polesskoie, elle-même gravement touchée par les radiations. Les premiers symptômes d'une forte exposition aux radiations (nausées, diarrhées, etc.) commencent à apparaître déjà chez beaucoup d'entre eux.

Au début du mois de mai, les 115 000 personnes habitant dans un rayon de 30 km autour du site sont évacuées, opération qui se poursuit jusqu'à la fin du mois d'août. Chaque évacué reçoit une indemnité de 4 000 roubles par adulte [10] et 1 500 roubles par enfant. Les évacuations touchent au total environ 250 000 personnes de Biélorussie, de Russie et d’Ukraine. Slavoutich, une ville comptant plus de 30 000 habitants à la fin de l'année 1987, est créée ex nihilo.

Quatre « zones de contamination » décroissantes sont définies. Deux d'entre-elles ne sont pas évacuées, mais les habitants disposent d'un suivi médical et de primes de risque. Il y a eu 50000 personnes évacuées de Pripiat.

[modifier] La gestion administrative et politique de la catastrophe

[modifier] L'opacité des autorités locales et des échelons bureaucratiques

Dans les premières heures qui suivent la catastrophe, l'opacité créée par les différents échelons administratifs est totale. Mikhaïl Gorbatchev n'est informé officiellement que le 27 avril. Le rapport qui lui est transmis parle d'une explosion, de la mort de deux hommes, de l'arrêt des tranches 1, 2 et 3. Les rapports faits au dirigeant soviétique sont entourés d'« un luxe de précautions oratoires »[11]. Le manque d'information des plus hautes instances dirigeantes est certes la conséquence de la sous-évaluation, dès le départ, de la gravité de la catastrophe (cf. supra), mais aussi de la culture du secret inhérente au système soviétique.

[modifier] Le rôle des pays occidentaux

Le 28 avril au matin, un niveau de radioactivité anormal est constaté dans la centrale nucléaire de Forsmark en Suède, qui entraîne l'évacuation immédiate de l'ensemble du site par crainte d'une fuite radioactive interne. Mais les premières analyses montrent que l'origine de la contamination est extérieure à la centrale et vient de l'est. L'après-midi du même jour, l'Agence France-Presse rapporte l'incident.

À partir de ce moment, toutes les hypothèses sont formulées par les médias occidentaux. Les informations arrivent au compte-goutte (interview à Kiev de personnes évacuées de la zone, etc.). L'agence de presse TASS parle le 29 avril d'un accident « de gravité moyenne survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl » tandis que les photos satellites du site de la centrale révèlent les premières images de la catastrophe.

[modifier] La communication de crise : un mélange de propagande soviétique et d'une volonté réelle de transparence

Pour Gorbatchev, la catastrophe constitue la première mise en œuvre de la politique de glasnost (« transparence ») présentée au cours du XXVIIe congrès du PCUS (25 février6 mars 1986) et qui a rencontré de fortes oppositions. Dans son esprit, l'accident constitue « un nouvel argument fort en faveur de réformes profondes. »

Le 14 mai, Gorbatchev prononce une allocution télévisée dans laquelle il reconnaît l'ampleur de la catastrophe et admet que des dysfonctionnements profonds ont eu pour conséquence que « ni les politiques, ni même les scientifiques n'étaient préparés à saisir la portée de cet événement. »

Cette volonté de transparence ne va pas sans une très importante propagande autour des travaux réalisés, destinée à mettre en valeur la « bataille contre l'atome ». Une banderole apposée sur le réacteur éventré proclame que « le peuple soviétique est plus fort que l'atome » tandis qu'un drapeau rouge est fixé au sommet de la tour d'aération de la centrale à l'issue des travaux de déblaiement.

[modifier] Conséquences de la catastrophe

[modifier] Conséquences humaines et matérielles

Une des médailles remises aux liquidateurs : le symbole représente une goutte de sang traversée par les rayonnements alpha, bêta et gamma.
Une des médailles remises aux liquidateurs : le symbole représente une goutte de sang traversée par les rayonnements alpha, bêta et gamma.
Pripyat, devenue une ville fantôme.
Pripyat, devenue une ville fantôme.

Comme l'écrit Philippe Coumarianos : « entre le 27 avril et le 7 mai, deux villes et soixante-dix localités, situées dans un rayon de 30 kilomètres autour de la centrale, furent vidées de leurs habitants. Cette zone d'exclusion couvre une superficie de près de 300 000 hectares, à cheval sur les territoires ukrainien et bélarusse. (...) Au total, environ 250 000 personnes quittèrent leurs foyers[12] ».

Outre l'évacuation des zones qui a constitué un traumatisme majeur sur les populations vivant de l'agriculture, c'est le sort des samosioli qui reste aujourd'hui le plus frappant. Samosioli (ou « colons individuels » en français) est le nom donné aux personnes revenues vivre dans la zone d'exclusion, malgré les interdictions, et qui vivent en autarcie de leur lopin de terre. Leur nombre est estimé à un millier[2].

D'autre part, le trafic s'est développé. Il concerne des objets et mobilier laissés à l'abandon (et parfois fortement contaminés), le bois de chauffage abattu illégalement et le braconnage des animaux qui ont proliféré depuis l'évacuation de la zone. Enfin, des agences de tourisme spécialisées dans la visite du site attirent des « touristes nucléaires » venus du monde entier.

[modifier] Conséquences sanitaires

[modifier] Conséquences en France

[modifier] Conséquences techniques

Le sarcophage qui entoure le réacteur
Le sarcophage qui entoure le réacteur
Photo satellite de la région de Tchernobyl en 1997.
Photo satellite de la région de Tchernobyl en 1997.

Un « sarcophage », constitué d'une partie en béton à sa base et d'une charpente métallique sur les parties supérieures a été construit par les liquidateurs autour et sur les restes du réacteur n°4 détruit. Sa fonction principale est de protéger les matières radioactives des intempéries. Il sert aussi à empêcher les fuites de gaz et de poussières radioactives dans des limites raisonnables, permettant d'effectuer des travaux aux alentours du site. Ces travaux ont été réalisés en un temps record compte tenu des conditions extrêmes de radioactivité (le sarcophage a été mis en service au mois de novembre 1986, soit seulement six mois après la catastrophe). Cela a été rendu possible grâce à la participation massive de soldats de l'armée soviétique.

La catastrophe a accéléré la recherche sur les réacteurs RBMK et leur modernisation. Elle a également mis en évidence la nécessité d'une enceinte de confinement autour des installations, dont l'efficacité a été pleinement démontrée lors de l'accident de Three Mile Island.

En 2000, les autres tranches de la centrale ont été arrêtées définitivement, sous la pression de l'Union européenne et en échange d'aides financières.

Depuis des années, l'eau et la neige s'infiltrent dans le « sarcophage » : le béton a souffert de la radioactivité, et la structure a été bâtie sur des fondations préexistantes ou sur des structures instables dont l'état n'est plus connu avec précision.

En 1997, la communauté internationale jugeait qu'une intervention sur le site de Tchernobyl était nécessaire. Il s'agissait de stabiliser le sarcophage actuel, préparer le site à la construction d'un nouveau sarcophage pour finalement le construire.

Entre 2003 et 2006, des travaux de construction d'un bâtiment de vestiaire, d'un hôpital, d'un centre d'entraînement, d'une base de construction, des réseaux d'alimentation en eau et énergie(s) ainsi que d'un bâtiment administratif ont été réalisés. En 2006, suite à un appel d'offre, une entreprise russe a procédé à la stabilisation des parties instables du sarcophage existant. En 2001 le concept « arche de Tchernobyl » fut choisi. Entre 2002 et 2003, un avant projet a été réalisé. Un appel d'offre international a été lancé le 11 mars 2004 pour la conception, la construction et la mise en service du nouveau confinement. Les travaux de terrassement ont débuté en 2006 et la construction de l'arche devrait s'achever en 2010.

Le coût total de ces projets est estimé à 840 millions d'euros payés en majeure partie par les pays du G7 et l'Ukraine. Son financement est géré par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). L'arche aura pour hauteur 110 mètres, pour largeur 150 m et pour longueur 270 m. Cette arche abritera des ateliers destinés à décontaminer, traiter et conditionner les matériaux radioactifs en vue d'un futur stockage[13].

[modifier] Le recouvrement des conséquences écologiques, sociales et économiques de la catastrophe

Le programme des Nations Unies pour le Développement a lancé en 2003 un programme spécifique pour le développement des régions affectées par l'accident. Basé sur le rapport des Nations Unies, "Les conséquences de l'accident nucléaire de Tchernobyl, pour une stratégie de recouvrement" (2002), le Programme de Recouvrement et de Développement des Régions affectés par Tchernobyl Chernobyl Recovery and Development Programme (CRDP) encourage le développement durable des régions affectés par la catastrophe. Depuis 2003, 190 projets de développement ont vu le jour dans le domaine de l'éducation, de la santé, de l'environnement et de la jeunesse au sein des 4 régions les plus affectées que sont Kievka, Rivnienska, Tchernihiska et Zhytomyrska.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

[modifier] Livres

  • Anonyme, Tchernobyl : anatomie d'un nuage, Ivrea, Champ Libre, 1987.
  • Galia Ackerman, Tchernobyl, retour sur un désastre, Buchet-Chastel, mars 2006, ISBN 2283020948.
  • Philippe Coumarianos, Tchernobyl après l'apocalypse, Hachette Littératures, 2000.
  • Jean-Pierre Pharabod, Jean-Paul Schapira, Les jeux de l'atome et du hasard, Calmann-Lévy (1988), ISBN 2702116612.
  • Wladimir Tchertkoff, Le Crime de Tchernobyl, le Goulag nucléaire, Actes Sud, 2006, ISBN 2742760423

[modifier] Articles

[modifier] Liens externes

Liens critiquant la thèse officielle

[modifier] Notes et références

  1. D'après ministère de l'industrie, « Le régime d'assurance et d'indemnisation en cas d'accident nucléaire, » DGEMP, avril 2004.
  2. abcde Nicolas Werth, L'Histoire n°308, op. cit.
  3. 21 février 1979, archives d'État de Russie en histoire contemporaine, fonds 5, inv. 76, dos352, f. 40-41.
  4. Les réacteurs nucléaires visant à la production d’électricité ont un rendement approximatif d’un tiers (entre la puissance thermique et la puissance électrique) ; la puissance d'une centrale est exprimée en mégawatt (1 MW = 1 million de watts).
  5. ab Lettre du Professeur Nesterenko à Wladimir Tchertkoff, Solange Fernex et Bella Belbéoch, janvier 2005
  6. La Supplication. Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse, Op. cit.
  7. Philippe Coumarinos, Tchernobyl après l'apocalypse, Hachette Littératures, 2000, p. 37.
  8. Valeri Legassov, « Mon devoir est d'en parler », La Pravda, 20 mai 1988.
  9. « Selon un rapport indépendant, les chiffres de l'ONU sur les victimes de Tchernobyl ont été sous-estimés » in Le Monde du 7 avril 2006
  10. Cette somme correspond à un an de salaire moyen
  11. Mikhaïl Gorbatchev, Mémoires, Le Rocher, 1997.
  12. Philippe Coumarianos, op. cit., p. 81-83.
  13. « Un deuxième sarcophage pour oublier Tchernobyl », dans Sciences et Avenir no 710 (avril 2006)