L'Idiot international

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L'Idiot international est un journal pamphlétaire français fondé en décembre 1969 et dirigé par Jean-Edern Hallier, et patronné à ses débuts par Simone de Beauvoir. Journal polémique avant tout, se déclarant indépendant de toute idéologie, il a disparu en février 1994, suite à de nombreuses condamnations judiciaires.

Sommaire

Évolution

De 1969 à 1972, le journal se situe dans la mouvance gauchiste. En mai 1971, son orientation est cependant critiquée par Simone de Beauvoir : ayant accepté jusqu'alors d'« assumer devant la justice de classe les responsabilité de directrice », elle écrit dans Le Monde : « L'Idiot ne représente rien d'autre que lui-même, c'est-à-dire une poignée de lecteurs [...] Je n'y vois que des critiques négatives et désordonnées du gauchisme actuel, accompagnées de vaticinations fort vagues touchant l'avenir. Votre attitude de juge planant dans on ne sait quelle olympe ne peut que créer de nouvelles dissensions, et non favoriser une unité d'action[1] », et se sépara dès lors du journal. Puis, après une tentative avortée de renaissance en 1984, il fut relancé en 1989.

En mai 1993, Jean-Paul Cruse — ancien membre de la Gauche prolétarienne, membre du « collectif communiste des travailleurs des médias » (cellule Rámon-Mercader) et délégué SNJ-CGT de Libération, dont il est l'un des fondateurs — signe l'appel « Vers un front national » publié en première page de L'Idiot international[2]. Cet appel, prenant acte de la « destruction précipitée de la vieille gauche », propose « une politique autoritaire de redressement du pays » rassemblant « les gens de l’esprit contre les gens des choses, la civilisation contre la marchandise — et la grandeur des nations contre la balkanisation du monde [...] sous les ordres de Wall Street, du sionisme international, de la bourse de Francfort et des nains de Tokyo » et appelle, pour « forger une nouvelle alliance », à la constitution d'un « front » regroupant « Pasqua, Chevènement, les communistes et les ultra-nationalistes », un nouveau front pour « un violent sursaut de nationalisme, industriel et culturel[3] ».

Une polémique naît alors sur l'existence de convergences « rouges-bruns ». Suite à l'enquête de la journaliste Mariette Besnard et du romancier Didier Daeninckx en juin dénonçant L'Idiot comme un « laboratoire national-communiste », Le Canard enchaîné révèle l'existence de liens unissant les communistes et l'extrême droite, notamment à travers la collaboration à certains journaux comme L'Idiot international et Le Choc du mois. François Bonnet, dans Libération, pointe alors du doigt les « compagnons de route de la galaxie nationale-bolchevik », considère que « le communisme est vraiment pourri puisqu’il n’hésite pas à s’allier au fascisme » et en vient à affirmer « qu’extrême gauche et extrême droite, c’est pareil[4] ». Ces accusations furent ensuite relayées par deux journalistes du Monde, Edwy Plenel et Olivier Biffaud : « À l'abri de la réputation d'écrivain maudit qu'il s'est plu à construire, Jean-Edern Hallier fut donc bien l'alibi principal et l'acteur premier de ce théâtre d'ombres où se croisent, depuis plusieurs années, apprentis sorciers communistes et théoriciens néo-fascistes d'une "troisième voie" entre communisme et capitalisme. Toute la collection de l'Idiot international en témoigne[5]. »

Les auteurs

Jean-Edern Hallier, Patrick Besson, Marc-Édouard Nabe, Christian Laborde, Gabriel Matzneff, Jean Dutourd, Michel Déon, Jacques Laurent, Jean Cau, Philippe Sollers, Olivier Bailly, Philippe Muray, Gilles Martin-Chauffier, Charles Dantzig, Benoît Duteurtre, Frédéric Berthet, Alain Paucard, Thierry Séchan, Michel Houellebecq, Dominique Noguez, Frédéric Beigbeder, Morgan Sportès, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, Laurent Hallier, Philippe de Saint-Robert, Edouard Limonov, Jacques Vergès, Alice Massat, Dominique Lacout, Renaud, Charles Ficat, Frédéric Taddéi, Philippe Lecardonnel, Jean-Paul Cruse, Alain de Benoist, Jacques Bacelon, Roch Saüquere, Antony Palou, Marc Cohen, Philippe Palat, Bruno Guigue, Yoann Lavabre.

L'équipe des dessinateurs était dirigée par Gébé (qui signa également quelques textes) et comprenait notamment Konk, Lefred-Thouron, Pascal, Vuillemin, Placid, Captain Cavern, Loup, Tignous.

L'ancien magistrat Jacques Bidalou, que Nabe appelait « le juge maudit » est le seul collaborateur présent à l'Idiot de la relance de 1989 au dernier numéro de mars 1994. Au fil des années, il apparaît dans l'ours comme membre du service enquête, puis comme responsable du service « justice », enfin comme « conseiller de la direction ». Il avait son équipe personnelle d'informateurs, dont certains ne furent jamais identifiés par les Renseignements généraux, malgré la surveillance serrée qu'ils exerçaient : Gisèle Néron, Guy Grall, Christian Lançon, Robert Walmsley, etc. Par ailleurs, Bidalou était le conseiller juridique de Jean-Edern Hallier. C'est lui qui, en 1993, récusa le tribunal lors de la mise en vente avortée, à l'initiative de Bernard Tapie, de l'appartement d'Hallier[6].

Condamnations judiciaires

De juillet à octobre 1989, L'Idiot international et son directeur sont condamnés à verser 250 000 F à Jack Lang et son épouse pour « diffamation et injures publiques », puis 100 000 F à Christian Bourgois, l'éditeur de Salman Rushdie, pour « propos injurieux et atteinte à la vie privée », 300 000 F à Georges Kiejman pour « injures, diffamation et atteinte à la vie privée », et enfin 400 000 F à Bernard Tapie pour des « atteintes d'une gravité exceptionnelle que ni l'humour ni les principes régissant la liberté de la presse ne sauraient justifier », selon les termes du tribunal correctionnel de Paris[7].

En juillet 1991, Jean-Edern Hallier est condamné à cinquante mille francs d'amende et 80 000 francs de dommages et intérêts à plusieurs associations antiracistes, pour « provocation à la haine raciale », par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, suite aux « qualificatifs outrageants ou abjects s'appliquant à désigner [les juifs] comme la lie de l'humanité » dans un éditorial de L'Idiot international publié pendant la guerre du Golfe[8]. En septembre de la même année, l'écrivain et son journal sont condamnés à payer 800 000 F de dommages et intérêts à Bernard Tapie pour avoir écrit, dans L'Idiot international, des propos « diffamatoires, injurieux, et attentatoires à sa vie privée[9] ».

Notes et références

  1. « J'accuse », dans Le Monde, 5 mai 1971.
  2. Alain Soral, alors dirigeant du collectif, et Marc Cohen, rédacteur en chef du journal et membre du collectif, participèrent à sa rédaction.
  3. « National-bolchevisme : de nouvelles convergences », REFLEXes, octobre 1993 ; mise à jour 4 janvier 2007.
  4. Id.
  5. « "La tentation national-communiste" — "L'Idiot", laboratoire rouge-brun », Le Monde, 1er juillet 1993.
  6. Jean-Edern Hallier, Les puissances du mal, Le Rocher / Les Belles lettres, 1997.
  7. « Poursuivi en diffamation par Bernard Tapie Jean-Edern Hallier et “l'Idiot international” condamnés à 400 000 F de dommages-intérêts », Le Monde, 7 juillet 1989 et « Jean-Edern Hallier condamné pour diffamation envers Me Georges Kiejman », Le Monde, 27 octobre 1989
  8. « Auteur d'un éditorial contre la guerre “américano-sioniste” — M. Jean-Edern Hallier est condamné pour provocation à la haine raciale », Le Monde, 3 juillet 1991
  9. « M. Jean-Edern Hallier condamné à verser 800 000 F à M. Bernard Tapie », Le Monde, 13 septembre 1989

Bibliographie

  • Frédéric Hallier, Denis Gombert et François Bousquet, "L'Idiot international". Une anthologie, Albin Michel, collection « Histoire – essais », mars 2005.