L'Europe et l'unification italienne

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Jusqu’au milieu du XIXème siècle, on pouvait considérer, à la suite de Metternich, que l’Italie n’était rien de plus qu’une « expression géographique ». L’unification italienne est donc un événement majeur de l’histoire de l’Europe dans la mesure où elle a transformé l’expression en réalité politique. Mais si tout le monde est d’accord pour dire que l’événement a constitué un tournant dans les relations internationales, les interprétations divergent en revanche quand il s’agit de le replacer dans son contexte. Certains historiens voient dans cette naissance de l’Italie un phénomène spécifiquement italien, sans lien réel avec les conjonctures de l’époque. D’autres au contraire, estiment que l’unification italienne s’inscrit dans un processus commun, non seulement à toutes les nations d’Europe, mais encore à celles du monde entier : une Révolution universelle venue bouleverser les structures sociales que le temps rend nécessairement obsolètes. Comme souvent dans ces cas là, on peut penser que la réponse réside dans une lecture équilibrée replaçant l’unification italienne dans l’évolution des circonstances et du jeu des puissances européennes, tout en tenant compte de ses spécificités.

Sommaire

[modifier] L’éclosion d’un mouvement national italien dans un contexte proprement italien

[modifier] Donnée historique : les conséquences de l’occupation française

La révolution française a trouvé un écho assez fort en Italie. Mais en 1792, les troupes françaises dirigée par Bonaparte envahissent l’Italie. À partir du moment où Napoléon est le maître, l’Italie intègre les plans de l’Empire et ce pendant 15ans. Cette occupation, outre ses aspects négatifs, a deux conséquences importantes : tout d’abord elle permet au peuple italien de prendre conscience de sa personnalité, et elle lui apprend à vivre selon les principes de 89 puisque ceux-ci sont appliqués de façon « encadrée » en Italie.

[modifier] Contexte idéologique : la doctrine républicaine et le libéralisme

Logiquement, et le même phénomène se produit dans le reste de l’Europe, ce contact français fait que les idées des Lumières se développent de plus en plus en Italie. Après la chute de Napoléon et la restauration des anciens souverains, les tentatives révolutionnaires vont se multiplier dans les différents états italiens. Par exemple en 1831, éclate une révolution bien entendu inspirée par celle qui vient de se dérouler en France et qui donne lieu à la proclamation des « provinces unies italiennes ». Certes, elle échoue par la suite, mais elle permet à deux courants idéologiques de s’affirmer : le Mazzinisme républicain et le modérantisme bourgeois aux accents libéraux.

[modifier] Phénomène culturel : le romantisme

Mais, au-delà de l’influence révolutionnaire, ce qui donne réellement naissance au mouvement national italien c’est l’impact du romantisme sur la société européenne du XIXème et son appropriation par le peuple italien. « Ce fut la culture qui créa l’unité de la Patrie » disait Francesco de Sanctis. De ce point de vue là, le Risorgimento consiste donc en un « resurgissement » des racines culturelles de l’Italie que ce soit à travers la Littérature, la Peinture ou la Musique : on met en avant le passé glorieux du pays pour mieux démontrer la nécessité d’une unification qui redonnerait son poids à l’Italie. Mazzini insiste sur ce point : après l’Italie des Romains et celle des catholiques, il faut fonder une « terza Italia » républicaine.

Ainsi on constate que le mouvement national italien, tout en gardant ses spécificités, est imprégné des idées politiques, sociales et culturelles qui circulent alors en Europe. L’unification proprement dite va se faire quant à elle à travers un jeu politique dominé par le comte Benso de Cavour et mettant en scène les puissances européennes que la question intéresse de près, à savoir l’Empire d’Autriche-Hongrie et la France.

[modifier] Le jeu des puissances européennes autour de l’unification italienne

[modifier] Le « facteur Autrichien »

Dès le départ, le mouvement national italien inquiète l’Autriche-Hongrie qui craint, à juste titre, de perdre son pouvoir en Italie. Jusqu’à présent en effet, l’Empire gouverne la majorité des états italiens, soit directement en Lombardie et en Vénétie, soit par l’intermédiaire des archiducs autrichiens de Parme, Modène et Toscane ou encore au royaume de Naples où l’Autriche est le soutien des Bourbons. La révolution de 1848 en Italie entraine une série de bouleversements politiques : adoption de constitutions dans la plupart des états italiens, proclamation de républiques, etc... Mais la réaction de l’Autriche fait échouer l’unité italienne en rétablissant militairement le statu quo qui lui est favorable. Pour Cavour, premier ministre du roi du Piémont Victor-Emmanuel à partir de 1852, il ressort de cet échec que l’Empire d’Autriche constitue le grand obstacle à l’unification et qu’il ne sera possible de l’abattre qu’avec une aide extérieure (l’Italie ne se fera donc pas d’elle-même comme on avait pu l’entendre en 48). D’autre part, le royaume de Piémont-Sardaigne étant le seul à n’être pas sous la coupe autrichienne (et le seul qui applique les principes libéraux), il est celui autour duquel doit se faire l’unité nationale.

[modifier] Le poids de la France

Icône de détail Article détaillé : Politique italienne de Napoléon III.

La France tient une place primordiale dans le processus d’unification de l’Italie où elle intervient plusieurs fois militairement. La question lui tient à cœur pour diverses raisons, parfois contradictoires: logiquement, la France veut favoriser les idées révolutionnaires et protéger le principe de souveraineté des peuples d’autant qu’elle y voit un moyen d’affaiblir l’Empire Autrichien ; d’autre part en aidant l’unification elle peut espérer récupérer la Savoie et Nice alors rattachés à l’Italie. Mais une autre motivation non négligeable est celle de la protection de la papauté : la France, pays à majorité catholique, ne peut ignorer le problème posé par les Etats pontificaux. C’est cette dernière raison qui explique l’envoi de troupes françaises en 1849 pour rétablir le pape que les insurrections de 48 avait chassé de Rome.

Ces interventions font comprendre à Cavour que l’appui de la France est nécessaire à la réalisation de l’unification. Le 21 juillet 1858 a donc lieu à Plombières une entrevue secrète entre Napoléon III et le ministre piémontais : l’empereur fait alors comprendre à Cavour que la France est prête à aider le Piémont contre l’Autriche à condition de pouvoir justifier aux yeux de l’Europe le Casus Belli. Le traité de Turin, signé peu après, officialise l’alliance défensive. Cavour pousse alors l’Autriche à déclarer la guerre au Piémont en massant des soldats sur la frontière Lombardo-piémontaise. La France remporte rapidement la guerre avec des batailles comme Magenta et la sanglante victoire de Solferino en juin 59. Mais Napoléon décide subitement de signer l’armistice de Villafranca ce qui entraine la démission par dépit de Cavour bien que le Piémont y gagne la Vénétie.

[modifier] L’épopée garibaldienne et la question romaine.

Cavour revient néanmoins au pouvoir en janvier 1860. Entre alors un nouveau pion dans l’échiquier : Garibaldi. Le ministre libéral craint le républicanisme extrémiste des chemises rouges, mais il est assez intelligent pour en faire sa pièce maîtresse dans la manipulation des puissances européennes. Parti de Gênes, les Mille débarquent en Sicile, la conquièrent, et avancent victorieusement jusqu’à Naples. Ils menacent les Etats pontificaux : Cavour pousse alors Victor Emmanuel à intervenir car il ne veut pas risquer de se faire déborder par le succès des républicains. Avec l’accord tacite de Napoléon, les troupes se rendent jusqu’à Castelfidardo (en annexant au passage les grands duchés) et forcent Garibaldi à se soumettre au roi du Piémont qui est alors proclamé roi d’Italie. L’unification est faite. Techniquement la Vénétie reste autrichienne jusqu’en 66 où la guerre de l’Autriche contre la Prusse permet à l’Italie de récupérer l’état vénitien. Les Etats Pontificaux sont annexés progressivement : Garibaldi retente de s’emparer de Rome en 1867 mais il est arrêté par les troupes françaises qui protègent le St Siège jusqu’en 1870 où la guerre franco-prussienne contraint Napoléon III à rappeler ses troupes laissant ainsi la voie libre aux troupes italiennes. Le 20 septembre 1870, Rome est prise et déclarée capitale du royaume tandis que le pape s’enferme au Vatican.

Ainsi, on constate que l’Europe en tant qu’entité géopolitique et culturelle a d’une certaine manière façonné l’Italie en donnant l’impulsion idéologique nécessaire au Risorgimento, tandis que les puissances européennes ont joué leur rôle dans le plan qu’un ambitieux ministre piémontais, qui ne parlait même pas correctement l’italien, a élaboré pour obtenir l’unification tant désirée. Mais comme déclara à l’époque Massimo d’Azeglio, en 1970 « l’Italie est faite ; maintenant il reste à faire les italiens… »

[modifier] Bibliographie

  • GUILLAUME A., LESCURE J-C., MICHONNEAU S., L’Europe des nationalismes aux nations, Sedes, 1996, France.
  • GIRAULT René, Peuples et nations d’Europe au XIXème siècle, Hachette Livre, 1996, Paris.
  • GUICHONNET Paul, L’unité italienne, Que sais-je ?, Presses universitaires de France, 1996, Paris