Autriche-Hongrie

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Kaiserreich und Königreich Österreich-Ungarn (de)
Osztrák–Magyar Monarchia (hu)

(Empire austro-hongrois)
1867 — 1918
Monarchie
Drapeau Armoiries
L'Autriche-Hongrie en 1913.
L'Autriche-Hongrie en 1913.

Compromis de 1867 29 mai 1867
Indep. Tchèques et Slovaques 28 octobre 1918
Indep. Slaves du Sud 29 octobre 1918
Dissolution 31 octobre 1918
Traité de Saint-Germain 10 septembre 1919
Traité de Trianon 4 juin 1920

Capitale Vienne
Langue(s) Allemand et langues minoritaires (Autriche)
Hongrois et latin (Hongrie)
Religion {{{religion}}}
Superficie 676 615 km² (1910)
Population 51 390 223 hab. (1910)

PIB {{{pib}}}
PIB/hab. {{{pib hab}}}
Monnaie Florin (1867-1892)
Couronne (1892-1918)
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Devise
Hymne {{{hymne}}}

Entité précédente
Empire d'Autriche
Entités suivantes
République d'Autriche allemande
République soviétique hongroise
Première République tchécoslovaque
État des Slovènes, Croates et Serbes
Deuxième République de Pologne
République Lemko-Ruthène (Russynie)
République nationale ukrainienne
Royaume de Serbie
République du Banat
Royaume d'Italie
Royaume de Roumanie


L'Autriche-Hongrie est le nom d'un état d'Europe centrale, formée par une double monarchie (Empire d'Autriche, et Royaume de Hongrie) de 1867 à 1918, unis par la famille des Habsbourg et créé par le « compromis austro-hongrois » (en allemand : Ausgleich, en hongrois: Kiegyezés) à la place de l'Empire d'Autriche, pour juguler les vélléités d'indépendance des peuples de cet empire. Le projet politique de cet ensemble consistait en la création d'une hégémonie des populations allemandes d'Autriche et magyares de Hongrie sur une majorité formée de peuples slaves ou latins. Simultanément, ce projet donnait satisfaction à la noblesse hongroise en pérennisant les liens féodaux qui se maintinrent dans ce pays jusqu'à ce que l'ensemble du projet s'écroule suite à la défaite de la première guerre mondiale.

En 1867, François-Joseph Ier, empereur d'Autriche, est couronné roi de Hongrie. Autocrate, il maintient la cohésion de l'État plurinational grâce à la noblesse, à l'église catholique, à l'armée et à la bureaucratie.

La « Double Monarchie » est une expression que l'Autriche-Hongrie possédait en propre. L'aigle à deux têtes est un symbole bien antérieur à la constitution de cette double monarchie mais qui lui convenait parfaitement. On emploie aussi l'expression « monarchie danubienne ».

La maison régnante des Habsbourg, dont les membres avaient le titre d'archiduc, était parfois qualifiée d'Archi-Maison (Erzhaus).

Les deux parties de l'Empire étaient séparées par un affluent du Danube, la Leitha, la partie autrichienne étant la Cisleithanie (« en-deçà de la Leitha »), et la partie hongroise la Transleithanie (« au-delà de la Leitha »).

L'Autriche-Hongrie ne survécut pas à sa défaite de la Première Guerre mondiale: les décisions majoritaires des assemblées représentatives des peuples, constituées lors de la défaite et suite à la proclamation en Europe du "Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", la remplacèrent par sept états-nations, les uns nouvellement indépendants (Pologne, Tchécoslovaquie et Hongrie), les autres simplement agrandis aux dépens de l'empire (Italie, Roumanie et Royaume des Serbes, Croates et Slovènes) tandis que l'Autriche elle-même devenait une république.

Sommaire

[modifier] Histoire

Après la défaite de Sadowa en 1866, les options fédérale à six (Autriche, Bohême, Galicie, Hongrie, Croatie et Transylvanie) ou à trois (Autriche, Hongrie, Croatie) sont abandonnées, et en 1867 l'empire d'Autriche devient une « double monarchie » (impériale et royale) rassemblant l'empire d'Autriche et le royaume de Hongrie. Ce compromis fait accepter François-Joseph par les Hongrois, et il est solennellement couronné roi de Hongrie à Budapest.

Histoire de l'Autriche
Antiquité
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Norique (Noricum)
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Ère Habsburg
Habsbourg
Saint Empire romain germanique
Archiduché d'Autriche
Guerre de Succession d'Autriche
Joséphisme
Empire d'Autriche
Congrès de Vienne
Confédération allemande
Autriche-Hongrie
Première Guerre mondiale
Attentat de Sarajevo
Première Guerre mondiale
Entre-deux-guerres
République d'Autriche allemande
Traité de Saint-Germain
Première République d'Autriche
Austrofascisme
Seconde Guerre mondiale
Anschluss
Seconde Guerre mondiale
Après-guerre
Occupation alliée
Staatsvertrag
Deuxième République d'Autriche
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En apparence, les Habsbourg ont donc resserré les rangs, mais en fait, si l'accord austro-hongrois, en donnant naissance à la double monarchie d’Autriche-Hongrie, rééquilibre le rôle de la Hongrie (Transleithanie) au sein de l’Empire d'Autriche (Cisleithanie), il marginalise et dresse contre les Habsbourg les autres peuples de l'Empire (notamment slaves et Roumains). La Croatie et la Transylvanie sont réunies à la Hongrie, qui fait l'erreur d'y pratiquer une politique centralisatrice et de réprimer les autonomistes. La Dalmatie, façade méditerranéenne de l'empire, la Bohême, la Galicie et la Bucovine demeurent autrichiennes, Vienne pratiquant là une faible politique de germanisation tout aussi étouffante pour quelques populations locales (les tchèques). L'Autriche-Hongrie devient alors pour ses sujets autres que les Autrichiens et les Hongrois (c'est à dire pour 55 % d'entre eux) une prison des peuples.

Ayant abandonné toute idée d'expansion au sud et à l'ouest, François-Joseph tentera de compenser les tensions internes créées par le compromis de 1867, en inaugurant le Drang nach Osten (expansion vers le sud-est, vers les Balkans). Suite à la guerre Russo-turque de 1877, le traité de Berlin en 1878 confie à l'Autriche-Hongrie l'administration de la Bosnie-Herzégovine ottomane, devenue autonome par le traité de San Stefano. L'Empire annexe ce territoire en 1908, dernière annexion des Habsbourg, malgré l'opposition de la Russie et de la France. La politique slave de François-Joseph s'oppose aux visées de l'Empire Russe dans les Balkans dans le démembrement envisagé de l'Empire ottoman. Leurs ambitions antagonistes sont l'une des causes de la Première Guerre mondiale.

[modifier] Organisation en 1910

Source : Grande Géographie Bong Illustrée, Tome II, Onésime Reclus, 1912.

L'Empire d'Autriche-Hongrie est le deuxième état d'Europe en superficie. Il est formé d'un Empire d'Autriche (réduit à la Cisleithanie), du Royaume de Hongrie et de la Bosnie-Herzégovine qui n'est rattachée ni à l'un, ni à l'autre (mais cependant placée sous administration commune).

[modifier] L'Empire d'Autriche (Cisleithanie)

L'Empire d'Autriche, "proprement dit", réduit a une superficie de 300 193 km² pour une population de 28 567 898 habitants (recensement de 1910), est constitué de 17 provinces :

Province Capitale Superficie Population
Basse-Autriche Vienne 19 854 km² 3 530 698 hab.
Haute-Autriche Linz 11 994 km² 852 667 hab.
Bohême Prague 51 967 km² 6 774 309 hab.
Bucovine Cernăuţi/Černivcy/Czernowitz 10 456 km² 891 364 hab.
Carinthie Klagenfurt 10 333 km² 394 737 hab.
Carniole Ljublijana/Laibach) 9 965 km² 525 083 hab.
Comté de Goritz et Gradiska Gorizia/Gorica/Goritz 2 927 km² 261 721 hab.
Dalmatie Zara/Zadar 12 863 km² 646 062 hab.
Galicie Lwow/Lviv/Lemberg 78 532 km² 8 022 126 hab.
Istrie Poreč/Parenzo 4 951 km² 403 261 hab.
Moravie Brno/Brünn 22 231 km² 2 610 914 hab.
Salzbourg Salzbourg 7 163 km² 214 997 hab.
Silésie Opava/Troppau 5 153 km² 756 590 hab.
Styrie Graz 22 449 km² 1 441 604 hab.
Territoire de Trieste Trieste/Trst/Triest 95 km² 229 475 hab.
Tirol Innsbruck 26 690 km² 946 498 hab.
Vorarlberg Bregenz 2 570 km² 145 794 hab.

[modifier] Le Royaume de Hongrie (Transleithanie)

Subdivisions de l'Autriche-Hongrie
Subdivisions de l'Autriche-Hongrie
Autriche-Hongrie 1914
Autriche-Hongrie 1914

Le Royaume de Hongrie a une superficie de 324 857 km² et une population de 20 840 678 habitants. Il est constitué :

  • de la Hongrie proprement dite (282 323 km²),
  • de la Croatie-Slavonie (encore appelée Croatie-Esclavonie), avec pour capitale Agram (ou Zagreb), 42 534 km².
  • et du territoire de Fiume (20 km²).

[modifier] La Bosnie-Herzégovine

La Bosnie-Herzégovine a une superficie de 51 199 km² et une population de 1 898 044 habitants. Elle est constituée de deux provinces :

On ne sait à quelle entité cette province appartenait. A l'Autriche? L'empereur d'Autriche avait certes procédé à l'annexion de cette province en 1908. Mais la Bosnie-Herzégovine n'avait aucune continuité géographique avec l'Autriche. A la partie hongroise, comme le laisserait supposer la proximité de ce pays avec le territoire annexé en 1908? Mais le problème était que la Hongrie s'est opposée à l'annexion de 1908. Bref, la Bosnie-Herzégovine se retrouvait ainsi orpheline dans l'Empire d'Autriche-Hongrie : annexée, elle ne dépendait pourtant d'aucune de ses deux composantes§


L'empire d'Autriche-Hongrie comprenait en 1914 les régions suivantes (présentées ici avec leur date de rattachement à l'empire et leurs situations actuelles approximatives) :

[modifier] Les différentes nationalités

Les nationalités (se définissant alors lors des recensements par la déclaration d’usage de la langue) sont, en 1910, réparties ainsi [1] :

Carte de la répartition des diverses nationalités en Autriche-Hongrie (Le Miroir, mai 1914)
Carte de la répartition des diverses nationalités en Autriche-Hongrie
(Le Miroir, mai 1914)
  • Les Allemands sont 12 006 591 (23.36 %) dont 10 millions en Autriche et 2 millions en Hongrie. Le groupe germanique forme une masse compacte dans la zone de l'actuelle Autriche, encercle la Bohême sur trois côtés (sud-ouest, nord-ouest et nord-est) dans les Sudètes. Un certain nombre sont éparpillés dans d'autres régions (villes de Moravie et de Slovaquie, Transylvanie, Bucovine en particulier).
  • Les Magyars sont (essentiellement en Pannonie et dans l'est de la Transylvanie), quelque 10 056 315, soit 19.57 % de la population de la Double-couronne.

Quoique sociologiquement disparate, l'élément slave comptant pour près de 45 % du total, vit mal sa subordination aux Austro-allemands (23.36 %) et Magyars (19.57 %). Important en Bohème-Moravie et chez les Serbes et Croates, le sentiment panslave souffre en Galicie de l'attitude de l'Empire tsariste face à ses Polonais et Ukrainiens.

Les Latins (Italiens au sud-Tyrol, en Istrie et en Dalmatie, Roumains en Hongrie orientale, en Transylvanie et en Bucovine) représentent quelque 7.77 %. Par ailleurs 2 313 569 sujets de l'Empire (4.57%) appartiennent à d'autres ethno-cultures ; il s'agit principalement des Juifs (majoritairement de langue yiddish, notamment en Galicie, leur principale zone d'implantation, mais également germanophones à Vienne ou Prague, et magyarophones dans les pays appartenant à la Hongrie) et des Roms.

Si l'Empire habsbourgeois connaît un essor économique lié à la révolution industrielle (Vienne est alors une capitale économique très prospère) et une vie intellectuelle animée, il ne peut cependant pas échapper au problème posé par l'hétérogénéité de ses populations, qui emporte l'Empire lors de la défaite de 1918 face aux Alliés.

[modifier] Langues

Il existe alors quatorze langues officielles dans l'Empire, ainsi que de nombreux sous-groupes linguistiques. Cependant, au sein de l'armée l'allemand reste la langue du commandement, mais les officiers doivent pouvoir être polyglottes afin d'être compris de leurs hommes.

Langues Diffusion Population Pourcentage
Allemand Autriche, Bohème urbaine (Austro-allemands et Juifs), Silésie, ilôts au Banat, en Galicie, Panonnie, Bucovine, Carniole et Transylvanie (Saxons) 12 006 591 23.36 %
Hongrois Pannonie, Slovaquie, Banat, Transylvanie (Magyars et Sicules) 10 056 315 19.57 %
Tchèques Bohème-Moravie, Silésie 6 442 133 12.54
Slovaque Slovaquie, Silésie 1 967 970 3.83 %
Polonais Galicie occidentale, villes de Galicie orientale, Silésie 4 976 804 9.68 %
Ruthène (continuum rusyno-ukrainien) Ruthénie Carpathique (Hongrie), Galicie orientale, Bucovine 3 997 831 7.78 %
Parlers serbes, croates et bosniaques Dalmatie, Croatie-Slavonie, Bosnie-Herzogovine, Banat 4 380 891 8.52 %
Slovène Carniole, Istrie, Trieste 1 350 000 2.44 %
Roumain Hongrie orientale, Banat, Transylvanie, Bucovine 3 200 000 6.27 %
Italien Istrie, Trentin, Trieste, Dalmatie 768 422 1.50 %
Yiddish Galicie, Slovaquie, Bucovine, Transylvanie 1 000 000 environ 2 % environ

[modifier] Effondrement de l'Empire

L'Autriche-Hongrie en 1918Légende : - en couleurs, l'Empire en 1914 ; - les traits rouges représentent les frontières de 1920.
L'Autriche-Hongrie en 1918
Légende :
- en couleurs, l'Empire en 1914 ;
- les traits rouges représentent les frontières de 1920.

Le dernier souverain d'Autriche-Hongrie fut Charles Ier d'Autriche. Monté sur le trône le 22 novembre 1916, à la mort de son grand-oncle François-Joseph, il tenta avec son épouse Zita de Bourbon-Parme les voies de la paix auprès de la France. La négociation entamée au printemps 1917 avec le gouvernement français, présidé alors par Aristide Briand par l'intermédiaire de Xavier et Sixte de Bourbon, frères de l'impératrice Zita, n'aboutit pas.

L'effondrement de l'empire austro-hongrois, après la fin de la guerre, en 1918-1919 aboutit à la création de nouveaux États au centre de l'Europe, et à un partage du territoire de l'ancien empire d'Autriche-Hongrie - divisé par huit - entre de nouveaux pays :

Ces nouveaux et anciens pays sont appelés les États successeurs de l'Autriche-Hongrie. On appelle révisionnisme l'attitude de la Hongrie indépendante qui réclamait le retour de ses anciennes frontières, ainsi que des Hongrois incorporés dans les nouveaux états successeurs. Le traité de Trianon est encore aujourd'hui mal vécu dans la société hongroise, mais sa révision supprimerait deux états européens (Slovaquie et Croatie) et en amputerait six autres Slovénie, Autriche, Pologne (dans les Tatras), Ukraine (en Ruthénie), Roumanie et Serbie.

Après 1867 les Habsbourg ont suscité un rejet, dans une partie de la classe politique et intellectuelle de bon nombre des pays sujets, qui préféraient l'idée de nation comme source de la souveraineté, issue de la Révolution française, à l'idée d'un empire supranational dont la souveraineté s'incarnait en une dynastie, les Habsbourg. Ce rejet n'a ni pris la forme d'une révolution sanglante comme en France ou en Russie, ni fait l'objet d'une consultation populaire comme lors du rattachement de Nice et de la Savoie à la France en 1860, ou lors de la proclamation de la République italienne en 1945. Le principe de la souveraineté nationale avait déjà été exprimé lors des révolutions de 1848, dite du Printemps des Peuples. C'est sur cette légitimité que les leaders des différentes composantes de l'Empire se sont appuyés en 1918 lorsque le président américain Woodrow Wilson proposa à l'Europe le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Le retour a l'ordre ancien a été revendiqué par la Hongrie sous le gouvernement de Horthy, mais n'a jamais été envisagé même lors des arbitrages de Hitler en 1939 et 1940 en faveur de son allié hongrois. La Hongrie ne put alors récupérer que la moitié des territoires perdus par le traité de Trianon, Hitler voulant également ménager ses alliés Croates, Slovaques et Roumains. En 1946 le traité de Paris rétablit les frontières de Trianon et depuis, la Hongrie ne conteste plus ces traités, mais seulement leur légitimité morale, considérant qu'ils ont force de loi internationale supérieure à sa loi nationale.

La nostalgie de l'époque habsbourgeoise est toutefois récurrente dans la littérature majeure du XXe siècle de Joseph Roth à Stefan Zweig, chantres de la période impériale et royale.

[modifier] Société

Les 49,425 millions d'Austro-Hongrois (1905) étaient sujets d'une monarchie pluri-ethnique.

Initialement la déclaration d'appartenance à une nationalité n'était pas l'expression d'une revendication politique, ni d'une quelconque souveraineté, mais simplement l'affirmation d'une langue et d'une culture. Jusqu'en 1917 seule une minorité contestait aux Habsbourg leur statut de souverains légitimes des États sur lesquels ils régnaient, dans le respect des langues, des cultures et des religions de chacun d'entre eux - et notamment des Juifs reconnus comme sujets à part entière, bénéficiant de la sympathie de l'Empereur François-Joseph. La majorité des sujets réclamait l'autonomie dans le cadre de l'Empire, et non la séccession.

Le dualisme austro-hongrois, issu du Compromis de 1867, a singulièrement tendu la situation en donnant aux Hongrois le pouvoir de bloquer toute modification constitutionnelle et toute évolution politique de l'Empire. Sollicité pour créer un trialisme en donnant aux Slaves une part égale, François-Joseph recula à plusieurs reprises, car il se sentait lié par son serment au sacre de Budapest, comme le fut ensuite son héritier Charles. Or ce serment impliquait l'unité de toutes les terres de la Couronne de Saint Étienne, c'est à dire la supression des Diètes de Croatie et de Transylvanie. De plus, le système électoral hongrois laissait des peuples aussi importants, au sein de la Monarchie, que les Slovaques ou les Croates, hors de la représentation parlementaire hongroise. François-Joseph reconnaissait qu'il eût fallu créer une troisième force slave, et rendre au grand-duché de Transylvanie sa Diète. Mais les aristocrates hongrois s'y refusèrent, car ils craignaient de voir voter des réformes (notamment foncières et linguistiques) qui auraient soustrait à leur pouvoir absolu des parties du territoire comme la Slovaquie, la Croatie, la Transylvanie ou la Ruthénie subcarpatique - toutes régions aujourd'hui perdues pour la Hongrie. Dans la partie autrichienne, la peur de voir les Slaves accroître leur influence dans la société au dépens de la culture allemande fut aussi un frein à l'acceptation de la transformation du dualisme en trialisme.

Les situations économiques et sociales étaient très différentes entre l'Autriche et la Hongrie. Dans les deux parties de la Monarchie, la noblesse conservait une influence réelle, en raison de l'immensité des terres possédées par elle et de sa présence dans la haute administration et au gouvernement. Mais l'Autriche, avec une bourgeoisie active et un taux de croissance de 1,45% avant 1914 - équivalent à celui de l'Allemagne- se rapprochait des états de l'Europe occidentale, la grande noblesse n'ayant pas hésité à investir dans les entreprises industrielles. Le suffrage y était universel depuis 1907 et toutes les nationalités étaient proportionnellement représentées au Parlement de Vienne. Un système d'assurances sociales avait été créé au profit des travailleurs. Et François-Joseph n'hésita pas à anoblir la grande bourgeoisie, y compris juive, en reconnaissance de ses mérites. D'ailleurs les Juifs austro-hongrois découvriront après 1918 que les "états successeurs" de l'Empire allaient se montrer (surtout à partir des années 1930) généralement moins tolérants à leur égard, que ne l'avaient été les Habsbourg. La Hongrie, par contre, restait très féodale dans sa structure (un héritage de l'écrasement de la révolution de 1848), et un tiers des terres appartenait à moins de 9000 familles.

La situation des minorités non plus, n'était pas la même en Autriche et en Hongrie. Les Slaves, notamment, participaient davantage à la vie politique de l'Empire en Autriche qu'en Hongrie. Le club polonais au Parlement de Vienne faisant souvent varier les majorités, au gré de ses intérêts. Edvard Beneš (et Hugh Seton-Watson, journaliste anglais ardent défenseur avec Lord Northcliffe de l'indépendance tchèque), ont reconnu que les Tchèques avaient une certaine liberté politique sous l'Empire, même si c'était dans le cadre autrichien. En Hongrie, en revanche, les Slaves et les Roumains n'avaient aucun droit politique réel, par défaut de représentation possible en application du système électoral. La vie politique était essentiellement réservée aux Magyars, qui avec 48% de la population de la "Grande-Hongrie" occupaient 407 des 413 sièges au Parlement de Budapest.

En terme de classes sociales la société austro-hongroise était parmi les plus inégalitaires d'Europe, avec une aristocratie toute-puissante et imbue de ses privilèges: la légitimité du régime reposait sur une assise sociale extrêmement étroite faisant la part trop belle à la haute noblesse, et au clergé qui en était issu. En 1914, par exemple, moins de 1% de la population possédait 40% du territoire. Une des revendications des nationalités était la réforme agraire, qui eut effectivement lieu après le partage de l'Empire. Pour toutes ces raisons, les peuples qui subissaient l'oppression austro-hongroise — parfois depuis des siècles — ont vu avec bonheur cet Empire s'effondrer. Aucun des États successeurs, même aux époques les plus troublées n'a souhaité que renaisse cette société privilégiant par trop les aristocrates. On peut citer à cet égard le mot du président tchécoslovaque Beneš qui, dans l'entre-deux-guerres disait : « Plutôt Hitler que les Habsbourg ».

[modifier] Alliances

L'Empire allemand et l'Autriche-Hongrie constituaient les « Empires centraux ». L'Allemagne et l'Autriche-Hongrie avaient constitué une alliance sous le nom de Duplice (Zweibund) qui devint la Triplice (Dreibund) ou Triple-Alliance quand l'Italie vint rejoindre l'alliance. Toutefois, l'Italie n'avait souscrit à cette alliance que dans l'optique d'une alliance défensive : elle ne devait fonctionner que dans la mesure où l'un des signataires aurait été agressé. Comme ce n'est pas ce qui s'est passé en 1914 — puisque c'est l'Autriche-Hongrie qui a déclaré la guerre à la Serbie — l'Italie choisit finalement d'entrer en guerre aux côté des Alliés occidentaux en 1915, en signant un traité aux clauses secrètes d'attribution du Tyrol du Sud, du Trentin, de Trieste et de la Dalmatie en cas de défaite de l'Autriche.

[modifier] Empereurs d’Autriche et rois de Hongrie

[modifier] Culture

Pour l'écrivain de langue allemande Robert Musil (dans son roman L'Homme sans qualités), qui a dû être officier dans l'armée « cacanienne », l'Autriche-Hongrie était la Cacanie, du préfixe apposé partout K. und K. : Kaiserlich und Königlich (« impérial et royal »).

La terminologie exacte semble avoir été la suivante :

  1. « impérial et royal » pour les services communs (armée, finances, diplomatie) : la KuK Marine était la marine de guerre
  2. « impérial-royal » pour les services propres à la Cisleithanie : le souverain y était empereur d'Autriche mais aussi roi de Bohême
  3. « royal » pour les services propres à la Transleithanie où le souverain régnait à titre de roi de Hongrie.

Le puissant rayonnement culturel de la monarchie habsbourgeoise à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, a été stimulé notamment par sa richesse multinationale et le dynamisme de sa minorité juive : Broch, Freud, Kraus, Mahler, Popper, Roth, Schnitzler, Schönberg, Weininger et Zweig en étaient issus. Vienne fut peut-être la capitale de la modernité. Son influence s'étendit tout au long du XXe siècle dans le domaine des arts, peinture, architecture, musique, littérature et le domaine médical, avec l'école psychanalytique, qui révolutionna la perception du monde.

Malgré un conservatisme certain, la Cour de Vienne et notamment l'empereur François-Joseph, ont toujours soutenu les artistes contemporains et le groupe Sécession, par la commande officielle. Ainsi, entre autres, Otto Wagner participa à la construction du métro de Vienne, en réalisant diverses de ses stations, réalisa l'immeuble de la Caisse d'Épargne et de la Poste et Gustav Klimt se vit confier la fresque du hall d'entrée du Kunsthistorisches Museum à Vienne, ainsi que celles de la Villa Hermès offerte par François-Joseph à son épouse Elisabeth, dite Sissi, comme résidence privée à Vienne.

Les idées révolutionnaires des artistes viennois au début du XXe siècle ne s'appliquaient en aucun cas à la contestation de l'ordre politique et social organisé par la dynastie des Habsbourg, dont la supranationalité convenait à leur contestation de l'historicisme issu des mouvements nationalistes de la révolution de 1848. Aucun d'entre eux ne se réclamait des nationalités dont ils étaient issus. La double monarchie, incarnée par la dynastie, par son absence de référant national, était leur lieu d'expression, assignant à l'art une autre mission que politique.

Il est convenu aujourd'hui de voir cette période comme la décadence d'une société. Ce n'est pas en terme de décadence que les artistes viennois parlaient d'eux-mêmes mais plutôt en terme de renouveau, en s'opposant aux goûts et aux diktats d'artistes quasi officiels comme le peintre Hans Makart, le « Rubens viennois » ou l'écrivain Grillparzer, chantre de l'époque Biedermeier. Si l'édification de l'Opéra de Vienne et du Ring avaient consacré le goût du pastiche dans les années 1870, l'édification et la décoration du Métro, de la Caisse d'Épargne et de la Poste et de bien d'autres édifices publics ou privés surent donner ses bases à l'architecture contemporaine voire futuriste.

En d'autres termes,cette querelle des anciens et des modernes, de l'art officiel contre l'art nouveau a été extrêmement perceptible dans la Vienne du début du siècle.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Bernard Michel, La chute de l'empire austro-hongrois : 1916-1918, R. Laffont, Paris, 1991, 322 p. (ISBN 2221069323)

[modifier] Lien externe