Jehan-Rictus

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Portrait de Jehan-Rictuspar Félix Vallotonparu dans Le Livre des masquesde Remy de Gourmont (vol. II, 1898).
Portrait de Jehan-Rictus
par Félix Valloton
paru dans Le Livre des masques
de Remy de Gourmont (vol. II, 1898).

Gabriel Randon, dit Jehan-Rictus, né à Boulogne-sur-Mer le 23 septembre 1867 et mort à Paris le 6 novembre 1933, est un poète français, célèbre pour ses œuvres composées en langue populaire.

Sommaire

[modifier] Biographie

Il naquit à Boulogne-sur-Mer, non reconnu, ni par son père ni par sa mère. Cependant ceux-ci se chargèrent par la suite de l'élever.

Sa mère était Adine-Gabrielle Randon (Domitille-Camille-Gabrielle-Adine Randon de Saint-Amand sur son état-civil de naissance, Gabrielle Randon de nom de plume). Elle avait 21 ans. Elle était la fille d'un militaire en retraite, Joseph-François-Théodore Randon de Saint-Amand (le « de Saint-Amand » étant peut-être une fantaisie) et de sa jeune femme britannique. Son père, selon certaines sources, aurait été professeur de gymnastique, travaillant entre le Nord de la France et Londres. L'enfant passa les premières années de son enfance entre Paris et la Grande-Bretagne.

Gabriel avait 9 ans quand ses parents se séparèrent. La mère et l'enfant vinrent habiter Paris. Celle-ci était une caractérielle et avait pris son fils en grippe. Elle lui fit quitter l'école vers l'âge de 13 ans pour gagner sa vie. À un âge non précisément connu (entre 16 et 19 ans), il se sépara définitivement de cette mère avec qui il était en conflit permanent. Livré à lui-même, il survécut en exerçant divers petits métiers (livreur, manœuvre, balayeur, garçon de course, employé de commerce...). La vie ne lui fut guère clémente, et il se retrouva souvent sans toit, conduit à cotoyer les clochards et vagabonds de Paris.

Cependant ce fut surtout le Montmartre des artistes et des anarchistes qu'il fréquenta, écrivant des poèmes (d'une facture encore classique) qui furent publiés dans des revues. À partir de 1889 il occupa divers postes d'employé de bureau, mais s'y montra particulièrement instable. C'est dans l'un de ces bureaux qu'il put se lier d'amitié avec Albert Samain. Les deux poètes s'aidèrent pour faire entendre leurs voix dans les milieux littéraires.

Portrait par Steinlen.
Portrait par Steinlen.

Vers 1892, il s'orienta vers le journalisme.

Puis lui vint l'idée de composer des poèmes où un clochard s'exprimerait dans le français populaire de l'époque. En 1895, il débuta au cabaret des Quat'z'Arts, sous le pseudonyme de Jehan Rictus, qu'il gardera. (Sur la fin de sa vie, l'auteur insistait pour qu'on mette un trait d'union à son pseudonyme, ce que de nombreux éditeurs, critiques, etc. ont omis, considérant « Jehan » comme un prénom et « Rictus » comme un faux patronyme.)

Il remporta un franc succès dans ce métier de chansonnier à partir de février 1895 grâce à son poème le plus connu, Le Revenant, où un sans-abri croit rencontrer le Christ. Il fut ainsi amené à réciter ses poèmes, non seulement dans les cabarets mais dans des fêtes syndicales et politiques, et dans des dîners mondains.

En 1897 parut en souscription son premier recueil, Les Soliloques du pauvre. Vite épuisé le livre fut réédité par le Mercure de France.

Un nouveau recueil Doléances en 1900, puis la plaquette les Cantilènes du malheur en 1902, contenant surtout La Jasante de la Vieille, où l'auteur fait parler la mère d'un guillotiné comme elle est venue se recueillir à la fosse commune où a été inhumé son fils.

Une édition refondu des Soliloques parut en 1903. Parée de nombreuses illustrations de Steinlen, c'est son livre le plus connu.

L'unique roman de l'auteur, Fil de fer, parut en 1906. Jehan-Rictus y évoque son enfance à la Poil de carotte.

Parurent ensuite une pièce de théâtre en un acte, jouée en 1905 : Dimanche et lundi férié ou le Numéro gagnant, un essai pamphlétaire Un bluff littéraire : le cas Edmond Rostand en 1903, une pantomime la Femme du monde en 1909, d'autres poèmes isolés (la Frousse en 1903, les Petites Baraques en 1907).

Il contribua également à de nombreuses revues (L'Assiette au Beurre, Comoedia), jusqu'à la parution en 1914 de son second recueil poétique majeur, ..le Cœur populaire. Rictus fréquente le Lapin Agile, où il rencontre Guillaume Apollinaire, Max Jacob. Après la guerre, il ne publia quasiment plus.

Il revint sur le devant de la scène dans les années 1930, quand son amie la romancière Jeanne Landre publia Les Soliloques du Pauvre de Jehan Rictus, le premier livre à être consacré au poète, mais un facheux ouvrage tendant à établir une « légende Jehan Rictus ». En réalité le poète vivait correctement, bourgeoisement, de diverses ressources : droits d'auteurs, subsides publics et privés. Autre invention du poète : il serait petit-fils d'un Jacques Randon de Saint-Amant, comte et maréchal de France.

Il mourut à Paris en 1934 à 66 ans. Il n'avait plus rien publié depuis 1914 mais son œuvre continuait à être connue ; ainsi la chanteuse Marie Dubas avait fait dans les années 1930 une interprétation de La Charlotte qui eut un grand succès (mais que l'auteur désapprouva).

Il laisse un immense journal intime inédit.

[modifier] Extraits

Extraits des Soliloques du pauvre

[modifier] L'Hiver

Merd' ! V'là l'Hiver et ses dur'tés,
V'là l'moment de n'pus s'mett' à poils :
V'là qu'ceuss' qui tienn't la queu' d'la poële
Dans l'Midi vont s'carapater !
Illustration du Printemps par Steinlen.
Illustration du Printemps par Steinlen.
V'là l'temps ousque jusqu'en Hanovre
Et d'Gibraltar au cap Gris-Nez,
Les Borgeois, l'soir, vont plaind' les Pauvres
Au coin du feu... après dîner !
...
Et qu'on m'tue ou qu'j'aille en prison,
J'm'en fous, je n'connais pus d'contraintes :
J'suis l'Homme Modern', qui pousse sa plainte
Et vous savez ben qu'j'ai raison !

[modifier] Printemps

La journée
Bon, v’là l’Printemps ! Ah ! salop’rie,
V’là l’monde enquier qu’est aux z’abois
Et v’là t’y pas c’te putain d’Vie
Qu’a se r’nouvelle encore eun’fois !
La Natur’ s’achète eun’ jeunesse,
A s’ déguise en vert et en bleu,
A fait sa poire et sa princesse,
A m’fait tarter, moi, qui m’fais vieux.
...

[modifier] Liens externes

Pages sur ce thème sur les projets Wikimedia :


Autres langues