Guillaume Tell

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Guillaume Tell et son fils
Guillaume Tell et son fils
Illustration de Gessler et Guillaume Tell (1880)
Illustration de Gessler et Guillaume Tell (1880)

Guillaume Tell (en allemand Wilhelm Tell) est un héros des mythes fondateurs de la Suisse. Il aurait vécu dans le canton d'Uri au début du XIVe siècle et se serait rebellé contre le bailli autrichien qui l'avait défié de tirer un carreau d'arbalète dans une pomme posée sur la tête de son fils.

Sommaire

[modifier] Récit

Selon la tradition, Guillaume Tell était un ancien mercenaire, retiré dans ses montagnes et connu pour être un expert dans le maniement de l'arbalète.

À l'époque, l'empereur d'Autriche (un Habsbourg) cherchait à dominer le canton d'Uri. Son gouverneur autrichien, Hermann Gessler, nouvellement nommé en tant que bailli, érigea un poteau sur la place centrale du village d'Altdorf et y accrocha son chapeau, dans le but d'obliger tous les habitants à se courber devant son couvre-chef, afin de mettre à l'épreuve la loyauté de la population.

Or, Guillaume Tell passa un jour avec son fils devant le poteau coiffé sans accomplir la procédure exigée ; arrêté, il continua à refuser d'accomplir ce geste obligatoire. Le bailli Gessler lui ordonna, sous peine de mise à mort, de percer d'un carreau une pomme posée sur la tête de son fils, à l'aide de son arbalète.

Guillaume Tell réussit son exploit et coupa le fruit dès son premier carreau sans toucher l'enfant. Mais il dit au bailli que s'il avait tué son fils dans cette tentative, il aurait immédiatement tiré une seconde flèche sur lui. Ce commentaire insolent enragea Gessler qui fit arrêter et jeter Guillaume Tell en prison sur le champ. Celui-ci jura de se venger. Le bailli partit ensuite en navire pour l'Autriche avec le prisonnier, qui s'évada et le tua.

Cet épisode héroïque aurait été à l'origine de la rébellion des Suisses contre les ducs d'Autriche, ce qui conduisit à l'unification des cantons historiques et à l'indépendance de la Suisse.

[modifier] Le mythe

[modifier] Sa naissance

La naissance littéraire du mythe est discrète et laborieuse.Tout semble donc situer le retour de Guillaume Tell d’abord dans son propre pays, où son souvenir avait été déformé, idéalisé, mais pas perdu. Mais ce retour aux sources n’est pas le fruit du hasard. Il vient rappeler à un monde alpin en plein déclin le temps des succès. Le mythe devient générateur de courage dans un moment de crise et de désillusion.

Ce mythe est bientôt annexé par les villes du bas-pays qui sont elles-mêmes partiellement responsables du déclin des régions alpines. Il est amené à assumer

[modifier] Au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle

Deux conceptions de Guillaume Tell dominent. Le peuple dans une vision mystique et aussi confuse de l’histoire voit en lui un homme du peuple qui a libéré jadis le pays de l'oppresseur. Les classes dirigeantes ont une vision plus politique et voient en lui un rassembleur qui met en évidence la légitimité politique de la Confédération.

Guillaume Tell a en outre gardé une neutralité religieuse totale durant cette longue période de querelles confessionnelles. Son image est omniprésente sur les peintures, les gravures et les autres supports. Au XVIIIe siècle le mythe évolue, Tell devient le rassembleur des esprits, le catalyseur de l’identité nationale et l’éducateur civique. Une mission qu’il exerce durant tout le XIXe siècle et le XXe siècle.

À la fin du XVIIIe siècle, Guillaume Tell devait prendre bien sûr la tête du mouvement révolutionnaire en Suisse. Il est en effet l’homme du peuple, le symbole de la liberté contre l’oppression aristocratique. Les révolutionnaires français confisquent le héros : les Jacobins par exemple glorifient à travers Tell le tyrannicide et justifient la Terreur. Il rentre donc en Suisse en 1798 dans les bagages des armées françaises. La carrière de Tell s’internationalise avec la publication notamment du drame de Friedrich Schiller qui enrichit l’intrigue par de nombreux ajouts et lui donne une valeur universelle.

Au début du XIXe siècle, Tell est également revendiqué par divers partis politiques et mouvements sociaux, sauf sans doute les conservateurs catholiques revenus au pouvoir lors de la Restauration. En 1835, Joseph Kopp, un savant lucernois, met son érudition au service de son gouvernement « restauré ». Il tente dans un ouvrage très détaillé de mettre en cause la véracité de toutes légendes. Guillaume Tell retrouve un rôle à sa mesure en 1848 avec l’avènement de la Constitution et de l’État fédéral où se fait sentir le besoin de raffermir l’identité nationale.

[modifier] Authenticité du héros mise en doute

Longue fut la dispute des historiens autour de Tell, de l’authenticité des gestes que la tradition lui attribue et des sources, mais ces polémiques n’ont cependant que peu touché la conscience populaire. Malgré leur érudition, les historiens n’ont pas non plus échappé aux préjugés idéologiques, politiques et culturels de leur époque.

Le doute était né au XVIIIe siècle, d’abord dans les cercles du rationalisme critique inspirés par Voltaire. Lui-même avait du reste jugé suspecte l’histoire de Guillaume Tell. En Suisse, le pasteur Freidenberg dénonce publiquement la « fable danoise » (1760), alors que le Lucernois Balthasar publie une Défense de Guillaume Tell qui assure le succès de sa carrière et les remerciements du gouvernement uranais.

La dispute renaît au XIXe siècle à partir des mêmes arguments. Ce sont les conservateurs catholiques qui attaquent le héros ; les historiens libéraux et radicaux prennent sa défense. Entre temps, la science historique a également beaucoup progressé. Influencée par le positivisme, elle rejette tout ce que les documents ne peuvent vérifier matériellement et appelle au verdict des archives. C’est avec une grande rigueur critique que Kopp par exemple tente de démontrer que rien ne permet de confirmer l’authenticité historique de Guillaume Tell. Pour nombre d’historiens de cette période, il ne s’agit que de fables et de légendes.

En tout cas, Guillaume Tell n’a cessé d’exciter les esprits aujourd’hui comme hier. Il constitue une sorte de référence implicite, toujours présente et à laquelle les Suisses peuvent ou veulent constamment se référer, encouragés en ceci par la popularité du personnage à l’étranger. Tant que l’authenticité du héros n’était pas mise en doute, le mythe gardait un caractère construit, entretenu et fonctionnel. Tell était le garant de l’indépendance, le défenseur des libertés, le rassembleur du peuple et le porte-parole de valeurs dont les Suisses étaient fiers.

[modifier] Personnage de légende

Au XIXe siècle, le mythe change. Le personnage historique se trouve réduit à un personnage de légende. Guillaume Tell est désacralisé, mais la ferveur populaire reste. En 1848, la nouvelle Confédération éprouve un besoin de légitimité et d’identité. Tell devient alors le symbole d’une identité nationale ancestrale. Le mythe reste encore aujourd’hui indéracinable et les Suisses continuent de démontrer une sensibilité attentive et passionnelle envers leur héros, malgré les hésitations des historiens et l’ironie de certains intellectuels. Cela semble confirmer les propos de l’historien suisse Louis Vuillemin : « Telle légende, accueillie par la nation et devenue partie de son existence, possède plus de valeur morale, et a acquis plus d’importance que bien des faits matériellement constatés. »

Il n’y a pas de société qui ne procède pas de temps à autre à une autocritique, même lorsqu’elle est désabusée et négative, pour proposer d’autres ambitions et un autre idéal. Comme les mythes sont l’expression privilégiée de l’ancien idéal, ils deviennent inévitablement des cibles. Guillaume Tell n’y échappe bien sûr pas et surtout depuis la fin des années 1960. Le mythe paraissant néanmoins indestructible, ce n’est pas par sa négation, mais par son inversion que l’autocritique s’est faite dans la conscience nationale. La version la plus achevée peut-être du mythe inversé et aussi la plus subversive est le Guillaume Tell pour les écoles de Max Frisch.

[modifier] Rossini et Guillaume Tell

Friedrich von Schiller inspira l'opéra Guillaume Tell de Gioacchino Rossini, composé sur un livret de Victor-Joseph-Étienne de Jouy.

Cet opéra, créé à l’Académie royale de musique de Paris, est le dernier opéra composé par Rossini. L’ouverture que le compositeur écrit pour l'œuvre dure environ 12 minutes, mais la mélodie des dernières minutes est mondialement connue et est utilisée dans les publicités, les épisodes des Looney Toones, dans les films de Disney ainsi que dans le film Orange mécanique de Stanley Kubrick. C'est entre autres l'indicatif de l'émission Carrefour de l'Odéon, sur France inter.

Guillaume Tell reste à ce jour le plus long opéra en une pièce jamais composé, puisqu'il dure près de sept heures lorsqu'il est joué intégralement (la Tétralogie de Wagner peut, elle, atteindre les dix-sept heures, mais elle est faite de plusieurs opéras). S'il constitue indiscutablement le chef-d'œuvre de Rossini, sa renommée mondiale est assurée principalement par son ouverture ainsi que son deuxième acte et ses ballets, notamment le célébrissime « pas de six ».

La seule ouverture du compositeur qui rivalise avec celle de Guillaume Tell est celle de son opéra le plus populaire, Le Barbier de Séville.

[modifier] Autres romans inspirés de Guillaume Tell

Le drame de Schiller a servi d'inspiration à de nombreux auteurs postérieurs à celui-ci.

En Espagne, il servit d'inspiration au drame historique de Antonio Gil y Zárate Guillermo Tell. Plus tard, Eugeni d'Ors publiera également en 1926 son œuvre Guillermo Tell.

[modifier] Guillaume Tell en bande dessinée

Les 9 tomes des Aventures de Guillaume Tell sont parues entre 1984 et 1994. Le scénariste est toujours le même, René Wuillemin, mais deux dessinateurs se succédent : Carlo Trinco, pour les deux premiers épisodes, puis Gilbert Macé. Les 9 épisodes sont : On a volé le pacte (1984), Le mercenaire conseil du Roy (1985), Polar au Gothard (1986), L'extraordinaire mystère "c" (1987), Rocvache (1988), Choc-Ness (1990), Fichus fichiers (1991), Euroka (1993) et Dans le mille (1994). Tout en reprenant des personnages légendaires de l'histoire suisse, les albums s'inspirent de faits politiques suisses ou internationaux contemporains.

[modifier] Guillaume Tell au théâtre

[modifier] Guillaume Tell au cinéma

[modifier] Numismatique

Guillaume Tell n'est pas représenté sur les pièces de 5 francs suisses ( franc suisse ) comme on le dit souvent. Cette pièce représente un berger.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Nom de rue

[modifier] Bibliographie

  • Jean-François Bergier, Guillaume Tell, Paris, 1988
  • Warja Lavater, Guillaume Tell, Éditions Heuwinkel, 1991

[modifier] Article connexe

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