Gourmandise

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La Gourmandise, gravure de Jacques Callot, datée de 1592.
La Gourmandise, gravure de Jacques Callot, datée de 1592.

La gourmandise est un désir immodéré d'aliments jugés particulièrement agréables, que certains moralistes et certaines doctrines religieuses peuvent considérer comme une faute. La gourmandise se distingue de la boulimie en ce qu'elle est associée au plaisir suscité par la consommation des aliments et n'est pas pathologique.

Dans les religions abrahamiques, la gourmandise est opposée aux enseignements de modération. Dans la religion chrétienne, la gourmandise est un des sept péchés capitaux et s'oppose à la tempérance.

Sommaire

[modifier] La gourmandise chez les Anciens

Aristote, dans analyse des vertus théologales héritée de Platon, associe la gourmandise à un vice opposé à la tempérance et qu'il reproche particulièrement aux enfants.

Selon l'épicurisme, la gourmandise, et en tant qu'elle habitue son sujet à un plaisir non nécessaire, s'oppose à la recherche du bonheur et à l'ataraxie. Varron défend la position d'Épicure en la matière : « Il ne ressemblait pas à nos débauchés, pour lesquels la cuisine est la mesure de la vie. »[1]

[modifier] Le péché

La gourmandise est le septième péché capital ou péché mortel de la religion catholique.

Dans la Divine Comédie de Dante Alighieri, dans le premier tome Inferno, les gloutons se trouvent au troisième niveau de l'enfer et sont condamnés à se vautrer dans de la boue alors qu'une pluie noire et glaciale leur tombe dessus.

Dans sa Somme Théologique, Saint Thomas d'Aquin traite longuement de la Gourmandise (IIa-IIae QUESTION 148 : La Gourmandise)

ARTICLE 1 : La gourmandise est-elle un péché ?
Objections : 1. Il ne semble pas.
Car le Seigneur dit en S. Matthieu (15,11) : Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l'homme impur. Or la gourmandise concerne les nourritures qui entrent dans l'homme. Puisque tout péché souille l'homme, il semble donc que la gourmandise ne soit pas un péché.
2. Personne ne pèche en ce qui est inévitable. Or la gourmandise est un manque de modération en matière de nourriture que l'homme ne peut éviter. S. Grégoire dit en effet : Dans l'action de manger, le plaisir se mêle tellement à la nécessité qu'on ne sait pas ce qui est demandé par l'une ou par l'autre. Et S. Augustin : Seigneur ! Qui donc n'a pas pris de nourriture en sortant un peu des bornes du nécessaire ?
3. En toute espèce de péché le premier mouvement est déjà un péché. Or le premier mouvement qui conduit à prendre de la nourriture n'est pas un péché, autrement la faim et la soif seraient des péchés.
En sens contraire, S. Grégoire recommande de ne pas nous lever pour livrer le combat spirituel sans avoir auparavant dompté l'ennemi qui se trouve en nous-même, c'est-à-dire l'appétit de gourmandise. Or l'ennemi intérieur de l'homme, c'est le péché.
La gourmandise est donc un péché.

(Suivent de nombreux articles prouvant, sur le même schéma, que la gourmandise est un péché...)

[modifier] La vertu

Étymologiquement, gourmandise vient de gourmand, et le gourmand est généralement défini comme

1- quelqu'un qui mange avec avidité; qui aime les bons morceaux
2- quelqu'un qui est avide de connaitre; qui aime.

On trouve ici toute l'ambivalence du terme !

Émile Littré annonce comme synonymes : GOURMAND, GOINFRE, GOULU, GLOUTON. Le défaut commun exprimé par ces termes est celui de manger sans modération. Le gourmand est celui qui aime à manger. Le goinfre est un gourmand dont la gourmandise a quelque chose d'ignoble et de repoussant. Le goulu est celui qui jette dans sa goule ou bouche ce qu'il mange ; il n'y a pas dans ce mot l'idée de plaisir et de discernement en mangeant. Le glouton est celui qui engloutit, et est par conséquent très voisin du goulu.


Péché depuis des siècles, la gourmandise devient vertu au XIXe siècle, grâce à la publication de La Physiologie du goût, Méditations de gastronomie transcendante de Brillat-Savarin. Dans le chapitre Méditation XI, il écrit :

J'ai parcouru les dictionnaires au mot Gourmandise, et je n'ai point été satisfait de ce que j'y ai trouvé. Ce n'est qu'une confusion perpétuelle de la gourmandise proprement dite avec la gloutonnerie et la voracité : d'où j'ai conclu que les lexicographes, quoique très estimables d'ailleurs, ne sont pas de ces savants aimables, qui embouchent avec grâce une aile de perdrix au suprême, pour l'arroser, le petit doigt en l'air, d'un verre de vin de Laffite ou du Clos-Vougeot.
Ils ont oublié, complètement oublié la gourmandise sociale, qui réunit l'élégance athénienne, le luxe romain et la délicatesse française, qui dispose avec sagacité, fait exécuter savamment, savoure avec énergie, et juge avec profondeur : qualité précieuse, qui pourrait bien être une vertu, et qui est du moins bien certainement la source de nos plus pures jouissances. Définissons donc et entendons-nous.
La gourmandise est une préférence passionnée, raisonnée et habituelle pour les objets qui flattent le goût.
La gourmandise est ennemie des excès ; tout homme qui s'indigère ou s'ennivre court risque d'être rayé des contrôles.
La gourmandise comprend aussi la friandise, qui n'est autre que la même préférence appliquée aux mets légers, délicats, de peu de volume, aux confitures, aux pâtisseries, etc. C'est une modification introduite en faveur des femmes et des hommes qui leur ressemblent.
Sous quelque rapport qu'on envisage la gourmandise, elle ne mérite qu'éloge et encouragement.

(Suit l'étude de la gourmandise sur le plan physique, au moral, en rapport avec l'économie politique, la fiscalité et le pouvoir...)


Alexandre Dumas père indique aussi dans son Grand dictionnaire de cuisine :

A côté de cette gourmandise, qui est celle des estomacs robustes[2], il y a celle que nous pourrions nommer la gourmandise des esprits délicats : c'est celle que chante Horace et que pratique Lucullus ; c'est le besoin qu'éprouvent certains amphitryons de réunir chez eux quelques amis, jamais moins nombreux que les Grâces, jamais plus nombreux que les Muses, amis dont ils s'efforcent de satisfaire les goûts et de distraire les préoccupations. C'est, parmi les modernes, celle des Grimod de la Reynière et des Brillat Savarin.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Études

  • Gisèle Harrus-Révidi, Psychanalyse de la gourmandise. Payot, collection « Petite bibliothèque Payot », 288 p., 1987 (ISBN 978-2228897839).

[modifier] Anthologies

  • Sébastien Lapaque, Gourmandise. J'ai lu, collection « Librio », 92 p., 2007 (ISBN 978-2290307571).

[modifier] Notes et références

  1. cité par Charles Labitte, Études sur l’antiquité - I, Revue des Deux Mondes, tome 11, 1845
  2. Le défaut dont la superlatif est la gloutonnerie.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes