Georges Menahem

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Georges Menahem
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Nationalité France France
Profession Directeur de recherche au CNRS
Formation Physique, mathématique économie, sociologie

Georges Menahem est un sociologue et économiste français, par ailleurs militant altermondialiste.

Sommaire

[modifier] Parcours

Georges Menahem a d'abord suivi une formation en mathématiques et en physique. Ses premières expériences de recherche ont porté sur la radio-astronomie à la Station de radioastronomie de Nançay et à l'Observatoire de Jodrell Bank, puis sur la physique du solide dans un laboratoire de l'Université de Grenoble. Mais un grave accident l'a obligé à abandonner les sciences exactes. Après 1975, ses premiers travaux en sciences sociales ont concerné la sociologie des sciences puis la sociologie du travail. A partir de 1978, il s'est tourné vers la sociologie de la famille, puis celle des trajectoires biographiques. Une fois intégré au CNRS, il a pu mettre à l'épreuve ses hypothèses sur les données de l'INSEE, d'où d'autres résultats qui l'ont conduit, après 1990, vers la sociologie de la santé. Il a alors développé dans le cadre de l’IRDES des recherches dans ces deux derniers domaines à propos des déterminants de la santé[1] et des logiques de recours aux soins des personnes en situation de précarité[2].

Militant ouvrier dans les années 1970-1972, à la Compagnie des compteurs de Montrouge, Georges Menahem a participé en 1998 aux démarrages de l’association ATTAC et est membre de son Conseil scientifique depuis 1999.

[modifier] Activités scientifiques

Georges Menahem est Directeur de recherche au CNRS dans un laboratoire d’économie contribuant aux travaux de l’école de la régulation, le Centre économique Paris Nord (CEPN). Il y anime plusieurs recherches portant sur les indicateurs économiques, aussi bien au niveau des régions de la France qu'à celui des comparaisons internationales. Il enseigne à l'Université Paris XIII dans le Master "Économie internationale et régulation". Il effectue en parallèle des travaux sociologiques sur les déterminants de la santé dans le cadre de l'IRDES (ou Institut de recherche et de documentation en économie de la santé). Ses recherches portent plus particulièrement sur la genèse et le rôle des relations au risque en matière de rapports à la santé et de comportements de soins.

[modifier] De l'étude des déterminants du développement scientifique à l'analyse des savoirs ouvriers

Les premiers travaux sociologiques de Georges Menahem ont porté sur les déterminants de deux types très différents de connaissance. D'abord, il a mis en lumière l'importance des conditions externes du développement des sciences, avec en particulier la main-mise au cours du vingtième siècle des militaires sur la direction du développement scientifique[3]. Il est ensuite revenu sur son expérience du travail en usine en menant avec deux sociologues, Yves Lescot et Patrick Pharo, une analyse approfondie des savoirs ouvriers [4]. Ils y montraient notamment en quoi les connaissances ouvrières sont développées et organisées comme de véritables savoirs sociaux utilisés en premier lieu en tant qu'instruments de lutte contre les formes particulières de leur exploitation.

[modifier] De la sociologie de la famille à la sociologie de la santé

Dans son premier article paru en 1979 sur les « mutations de la famille »[5], Georges Menahem a analysé les rapports socioéconomiques entre l’organisation familiale et la société. Pour en rendre compte, il a formulé l’hypothèse de l’existence de trois types d’organisation des familles :

  • la famille patrimoniale structurée hiérarchiquement d’abord en fonction des impératifs de la reproduction d’un patrimoine économique (petite exploitation agricole, artisanale, ou profession libérale, etc.) [6] ;
  • la famille conjugale organisée pour assurer la reproduction de la force de travail de l’homme salarié, ce qui est associé également avec une position d’autorité du chef de famille ;
  • la famille associative[7] dont les rapports plus égalitaires entre la femme et l’homme soutiennent le double projet professionnel des conjoints, ces activités légitimant un plus grand partage des tâches.

Cherchant à confronter sa typologie théorique avec les données d’enquêtes statistiques[8], il a été amené à complexifier son modèle. Dans son article de 1988, il a montré ainsi que deux univers de référence distincts, traditionnel ou moderniste, peuvent se traduire dans des modalités différentes d’organisation des types associatif, conjugal ou patrimonial de famille[9].
Il s’est en même temps interrogé sur la filiation de ces différents modèles d’organisation et a notamment remarqué que les conjointes des familles associatives sont plus fréquemment originaires de familles où leurs mères étaient actives lors de leur jeunesse ; de plus, dans les cas où leurs mères étaient au foyer, leurs parents étaient plus fréquemment en conflit, situation qui n’incite guère à reproduire le modèle familial de subordination de la femme à l’homme[10].

Suivant la trace du rôle des conflits familiaux, Georges Menahem a mené des investigations approfondies dans les enquêtes de l’INSEE, ce qui l’a conduit à d’autres découvertes concernant les rapports au risque et le champ de la santé. En analysant systématiquement les caractères des individus qui avaient déclaré avoir connu dans leur enfance de graves problèmes de mésentente entre leurs parents, il a constaté non seulement qu’ils connaissaient de plus fréquents problèmes de santé à l’âge adulte[11] mais aussi qu’ils prenaient plus souvent des risques, buvant et fumant davantage et connaissant des accidents de la route et des incidents de paiement eux aussi plus fréquents[12].

[modifier] La construction d'indicateurs de sécurité économique

Georges Menahem a mis au point en 2005 un indicateur baptisé "taux de sécurité économique" (TSE) et l'a estimé dans 20 pays européens. Cet indicateur mesure le degré de couverture des résidents d'un pays contre le risque de pauvreté monétaire. Il est relatif : il est égal, pour un pays, au rapport entre la moyenne des revenus que touchent les habitants tout au long de leur vie adulte, qu'ils soient actifs ou inactifs, et un dénominateur représentant le niveau de vie moyen des actifs ayant un emploi. Cet indicateur est aussi synthétique dans la mesure où il prend en compte de manière négative l'insécurité des personnes vivant sous le seuil de pauvreté[13]. Les comparaisons internationales de ce TSE montrent que, en 2002, les quatre pays les mieux classés parmi vingt pays européens sont la Norvège, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède. Les moins bien classés sont la Grèce, l’Espagne et l’Italie. La France et l’Allemagne sont en milieu de tableau, avant le Royaume-Uni. Le même indicateur appliqué aux Etats-Unis montre une forte chute depuis 1999 de la sécurité économique, laquelle se prolonge depuis la fin des années Clinton et s'amplifie sous l’administration Bush.

Selon les derniers travaux publiés de Menahem[14], la sécurité économique peut être décomposée entre une partie "marchandisée" dépendante des relations salariales et de la vente des produits, et une partie "démarchandisée" relative aux prestations et aides auxquelles les individus ont droit indépendamment de leurs relations actuelles avec le marché (comme la retraite, les allocations familiales, de logement, de chômage ou le RMI). Ses estimations sur une trentaine de pays montrent que le taux de sécurité démarchandisée (TSD) est un bon indicateur de l'efficacité du système de protection sociale : il est maximum en Suède et dans les pays Nordiques, il est encore important dans les pays continentaux tels l'Autriche, l'Allemagne ou la France, mais il est faible au Royaume-Uni et dans les pays Européens du Sud comme l'Italie, la Grèce ou l'Espagne et très limité dans les pays d'Europe Centrale et Orientale tels la Lettonie ou la Lithuanie. Quant aux États-Unis, leur taux de sécurité démarchandisée est négatif, ce qui témoigne du mauvais état des protections sociales dans ce qui est présenté comme un modèle de l'économie de marché. Ce TSD n'est que faiblement positif dans deux autres exemples du modèle "libéral" selon le sociologue suédois Gosta Esping-Andersen : en Australie et au Canada, à un niveau à peine plus élevé pour ce dernier car les programmes sociaux y sont plus étendus.

[modifier] Activités militantes

Dans le cadre de l'organisation altermondialiste Attac, Georges Menahem a contribué à de nombreuses activités de son conseil scientifique. Il a coordonné dans les années 2000-2001 un groupe de travail sur les entreprises multinationales et a rédigé l'essentiel du livre Enquête au cœur des multinationales. Il a animé un groupe de travail du conseil scientifique sur les liens entre « Guerre et mondialisation » ; une bonne part de ses travaux se sont traduits dans plusieurs chapitres du livre Attac L’empire de la guerre permanente.

Georges Menahem est également membre du Comité d’orientation de la Fondation Copernic. Dans ce cadre, il a démarré un groupe de travail sur les stratégies européennes de défense. Les premiers éléments d'analyse ainsi réunies se sont traduits dans une contribution sur ce thème à la campagne contre le Traité constitutionnel européen[15]. Plus récemment, il a contribué dans le cadre d'un groupe de travail européen à l'analyse des formes européennes de militarisation et de leurs rapports avec la politique extérieure de l'Europe[16].

[modifier] Bibliographie

[modifier] Lien interne

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Voir notamment l'article « Maladies, recours aux soins et attitudes à l’égard du risque »
  2. Voir notamment l'article « Précarité, risque et santé »
  3. Voir en particulier son livre La science et le militaire publié au Seuil en 1976 et, en particulier, son analyse des conditions de la naissance de la recherche opérationnelle, du laser et de l'océanographie.
  4. Cf. Yves Lescot, Georges Menahem et Patrick Pharo, Les savoirs ouvriers, Éditions ACT, Paris, 1980, 164 p.
  5. « Mutations de la famille et reproduction de la force de travail », dans la revue L’homme et la société, 1979/51.
  6. Voir notamment Catherine Bonvallet, «  La famille-entourage locale », Population, 2003/58, page 19.
  7. Cette dernière dénomination a été reprise quatre ans plus tard par Louis Roussel dans une typologie des mariages fondée, elle, sur des bases psychosociales. Le « mariage associatif » de Roussel présente des caractéristiques ressemblant fortement à celle du type associatif de famille selon Menahem, comme l’ont remarqué Kellerhas, Troutot et Lazega, dans leur ouvrage de référence Microsociologie de la famille, Que Sais-Je ?, PUF, Paris, 1994
  8. Successivement les données de l’enquête « Aspirations » du CREDOC puis celles de la grande enquête «Besoins et aspirations des familles » menée par la CNAF.
  9. Menahem G., 1988, « Trois modes d’organisation domestique selon deux normes familiales font six types de famille », Population, 43(6), Paris, p. 1005-1034
  10. Cf. Menahem G., « Les rapports domestiques entre femmes et hommes s'enracinent dans le passé familial des conjoints » , Population, n°3, Paris, 1989
  11. Voir par exemple « Troubles de santé à l'âge adulte et difficultés familiales durant l'enfance », ‘’Population’’, 1992/4
  12. Voir par exemple « Trois types d'influence des représentations de l'enfance sur l'état de santé des adultes », INSEE-Document de travail, n°F.9010
  13. Voir son article en collaboration avec Cherilova V. Inégalités de sécurité économique et aide à la famille dans l’Union européenne - La construction d’un indicateur de sécurité » dans Recherches et Prévisions, n° 79 pp. 83-95, Paris, 2005/03
  14. Voir ses derniers articles publiés en 2007, dans la Revue internationale de sécurité sociale, « The decommodified security ratio: A tool for assessing European social protection systems », in International Social Security Review, Volume 60, Issue 4, Genève, Page 69-103, et dans la Revue de l'OFCE, « Prestations sociales, sécurité économique et croissance », n°103, Paris
  15. Sous la forme d'une analyse critique de la stratégie de défense européenne, cf. l'article « Quelle défense pour l'Europe ? »
  16. Cf. sa contribution, “A militarized European Union” dans le document Europe in the world réalisé sous la direction de Trevor Evans.
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