Geoffrey de Mandeville (1er comte d'Essex)

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Geoffrey II de Mandeville († 16 septembre 1144), 1er comte d'Essex, shérif de Londres et gardien de la Tour de Londres, puis shérif du Middlesex, d'Essex et du Hertfordshire, fut un important baron normand, l'un des acteurs principaux de la guerre civile connue sous le nom d'Anarchie anglaise qui opposa le roi Étienne d'Angleterre à Mathilde l'Emperesse, pour la couronne d'Angleterre.

Il était le fils de William de Mandeville († entre 1116 ou 1130) auquel il succéda. Sa mère fut peut-être[1] Margaret de Rye, fille et héritière d'Eudes de Rye[2], sénéchal d'Henri Ier.

Sommaire

[modifier] Portrait traditionnel

Il a été considéré comme l'archétype du baron violent, factieux, intéressé et vénal, le sujet surpuissant qui prit avantage d'une monarchie faible pour laisser libre cours à ses ambitions, et vendre sa loyauté au plus offrant et ainsi provoquer l'anarchie féodale.

Il représenta pour des générations d'historiens ancrés dans l'idée que seul le pouvoir central était valable, tout ce qu'il y avait de réactionnaire et néfaste dans l'Angleterre médiévale.

L'étude menée par J. H. Round en 1892 fut revisitée par R. H. C. Davis à partir de 1964. Elle permit de donner de lui une vision plus nuancée et réaliste, celle d'un baron dont les traditions familiales de fidélité et de loyauté à son souverain furent compromises par les contraintes et les pressions contradictoires de la guerre civile. Ces difficultés particulières furent moins le résultat de tendances anarchiques naturelles, que de la position stratégique unique offerte par ses terres et ses châteaux.

[modifier] Biographie

[modifier] Au cœur de la guerre civile

Avant qu'Étienne ne le crée comte d'Essex en 1140, Geoffrey, comme son père avant lui, était déjà shérif d'Essex, et gardien de la Tour de Londres. Il possède aussi les châteaux de Saffron Walden et Pleshey (tous deux dans l'Essex), ainsi que d'immenses terres d'un seul tenant dans les Home Counties du nord de Londres. Inévitablement, après la capture du roi à la bataille de Lincoln en février 1141, et la lutte pour Londres, Geoffrey est un personnage clef du fait de ses possessions.

Loin du personnage avide, impitoyable et renégat décrit par la tradition, Geoffrey, bien qu'exploitant la situation à son avantage, pencha par loyauté pour Étienne. Il ne fit allégeance que brièvement et à contrecœur à Mathilde l'Emperesse, après la capture du roi à Lincoln. Mathilde le confirma dans ses possessions, et en dépit de son support, elle ne fut pas capable de s'assurer le contrôle de Londres.

En septembre 1141, avant que la déroute de Winchester n'entraîne la libération d'Étienne et la renaissance de sa cause, Geoffrey était de retour du côté du roi. Pendant l'emprisonnement d'Étienne, il avait été prudent et inévitable de s'entendre avec Mathilde. Mais Geoffrey, ainsi que d'autres barons qui avaient rallié la cause de l'Emperesse, la trouva très peu sympathique, et il revint à son allégeance initiale. On ne peut voir là le comportement d'un mercenaire sanguinaire ne cherchant que son propre intérêt, comme la tradition le voudrait.

Geoffrey fut capable de tirer de sa loyauté un fort prix. Étienne le confirma comme gardien de la Tour de Londres, justicier et shérif de Londres, du Middlesex, d'Essex et du Hertfordshire par droits héréditaires. Étienne donnait ainsi, apparemment de façon permanente, le château le plus important du royaume, et l'autorité sur les quatre comtés les plus proches du siège du gouvernement. Une donation héréditaire de cette nature permet de se rendre compte de la situation précaire ou de la naïveté du gouvernement d'Étienne, car cela impliquait que la monarchie anglaise aurait cessé d'exister en tant que gouvernement effectif. Peut-être qu'Étienne, et c'est compréhensible, n'avait pas grande foi en la pérennité des alliances politiques, ou dans les accords conclus pour se les assurer.

[modifier] Rébellion et fin

En octobre 1143, Geoffrey fut soudainement arrêté à St Albans par le roi, et forcé à rendre ses châteaux de Saffron Walden, Pleshey ainsi que la Tour et tous ses biens[3]. La chronique pro-Étienne Gesta Stephani insinue qu'il était sur le point de rejoindre la cause de l'Emperesse, mais c'est improbable. Une explication plus plausible serait le malaise ressenti par Étienne face au pouvoir de son vassal.

Geoffrey fut libéré après avoir fait un nouveau serment d'allégeance au roi, et la promesse de ne pas s'opposer à lui à l'avenir[4]. Aussitôt libre, il lança une campagne de destruction et de pillage dans les Fens[5] et l'Est-Anglie, en partie afin de récupérer ses pertes, le roi lui ayant tout pris.

Il s'attira l'excommunication pour la capture de l'abbaye de Ramsey, qu'il avait fortifiée et transformée en forteresse[6], l'utilisait comme base militaire. Il se battit pour lui-même, avec la férocité née de la trahison et de l'isolement. Au final, il fut autant une victime de l'effondrement de l'ordre politique que son instigateur.

Il fut mortellement blessé durant le siège de Burwell (Cambridgeshire), le 16 septembre 1144. Il avait retiré son heaume et reçut une flèche en pleine tête. Sa dernière erreur fut d'être perçu comme un persécuteur de l'Église, et sa réputation fut réduite à néant après l'attaque sur Ramsey. Plus globalement, la dernière phase de sa vie aida à bâtir la vision conventionnelle de misère et de chaos du règne d'Étienne.

C'est à l'abbaye de Peterborough, près de Ramsey et de la scène des dernières actions de Geoffrey, que fut écrit le plus fameux et sinistre récit sur le règne d'Étienne. Des mots qui condamnaient un règne entier en le qualifiant de temps où « les hommes disaient ouvertement que le Christ et ses saints dormaient ».

[modifier] Famille et descendance

Il épousa Rohaise de Vere († peu après 1166), fille d'Aubrey de Vere, chambellan d'Angleterre et d'Adelisa de Clare.

  • Arnulf († 1178), fut capturé et exilé pour avoir soutenu son père, après la mort de celui-ci en 1144. Il tenait les manoirs d'Highworth (Wiltshire) et Kingham (Oxfordshire). Il est possible qu'il soit un enfant illégitime ;
  • Geoffrey († 1166), reçut les terres de son père, de Mathilde l'Emperesse à Devizes, avant 1147. Il fut créé comte d'Essex en 1156 ;
  • William († 1189), il succéda à son frère comme comte d'Essex en 1166. Il devint comte d'Aumale (ou comte d'Albemarle) de jure uxoris. Il épousa Hawise d'Aumale, fille de Guillaume le Gros ;
  • Robert († 1189).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes

  1. Cette assertion repose sur une généalogie basée sur la charte de fondation de l'abbaye de Tintern, dont The Complete Peerage dit qu'elle est probablement erronée.
  2. Ou Eudes de Ria, dit surtout Eudes dapifer, c'est à dire « Eudes le sénéchal »
  3. Raphael Holinshed, Chronicles of England, Scotland and Ireland, Londres, XVIe siècle. En ligne sur le projet Gutenberg.
  4. Holinshed, id.
  5. dit aussi Fenland. Ce sont des anciens marécages très étendus de l'est de l'Angleterre.
  6. Holinshed, id.

[modifier] Sources

Source principale :

  • Christopher Teyerman, « Geoffrey de Mandeville », dans Who's Who in Early Medieval England, 1066-1272, Éd. Shepheard-Walwyn, 1996, p. 149-151, (ISBN 0856831328).
    • Teyerman utilise : R. H. C. Davis, "What happeneed in Stephen's reign", English Historical Review, vol. 79, 1964.

Partie généalogique :

[modifier] Bibliographie

  • C. Warren Hollister, "The Misfortunes of the Mandevilles", History, vol. 58, p. 18-28, 1973.
  • J. H. Round, Geoffrey de Mandeville, a Study of the Anarchy, Londres, 1892.
  • R. H. C. Davis, J. O. Prestwich, "The Treason of Geoffrey de Mandeville", English Historical Review, vol. 103, n° 407, p. 283-317, 1988.
  • Prestwich, "Geoffrey de Mandeville : a Further Comment", EHR, vol. 103, n° 409, p. 960-966.
  • Prestwich, R. H. C. Davis, "Last Words on Geoffrey de Mandeville", EHR, vol. 105, n° 416, p. 670-672, 1990.