Expatriation fiscale

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

L'expatriation fiscale est la démarche qui consiste pour une personne ou une entreprise à changer légalement de résidence fiscale afin de se mettre dans une situation fiscale plus favorable. Cette expatriation suppose donc que le concept de résidence fiscale existe dans le régime fiscal considéré et implique généralement le transfert de celle-ci dans un pays ou une zone économique spéciale offrant une fiscalité relativement plus favorable (certains de ces pays ou zones sont qualifiés, souvent péjorativement, de paradis fiscaux).

Le terme d'« exil fiscal » est également souvent utilisé de façon interchangeable. Yann Kergall lui préfère le terme « expatriation », jugeant le sens du mot exil trop fort[1].

L'expatriation fiscale ne doit pas être confondue avec l'évasion fiscale, qui elle est illégale dans la plupart des pays.

Sommaire

[modifier] Histoire

L'exode rural dans l'Égypte antique (ou anachorèse) était causé par la pression fiscale: les paysans s’enfuiaient de leur terres pour échaper à un système oppressif et des baux iniques.

[modifier] Utilisation

L'expatriation fiscale suppose que la personne concernée trouve un avantage suffisant dans le fait de s'expatrier, et intéresse donc de prime abord les personnes ayant des ressources importantes et susceptibles d'être taxées lourdement du fait d'un régime fiscal qui est défavorable par rapport au pays d'émigration choisi. On rencontre donc la pratique dans le patronat et l'actionnariat, chez les sportifs de haut niveau (joueur de tennis, champions de Formule 1, footballeurs...) mais également chez les artistes (chanteurs, acteurs). Elle peut également exister pour les travailleurs (indépendants ou salariés), les créateurs d'entreprise et parfois même les retraités aisés qui décident de faire jouer la concurrence fiscale.

[modifier] Conséquences

Ces migrations de personnes physiques ont pour conséquence :

  • pour l'État de départ, de diminuer ses ressources. S'il veut maintenir une charge fiscale égale, il est contraint d'augmenter le prélèvement des contribuables restants. Il peut aussi subir la disparition des activités économiques qu'exerçait ou finançait la personne sur son sol.
  • pour l'État d'arrivée, d'apporter une ressource budgétaire supplémentaire (inférieure à ce qu'aurait touché l'État de départ, mais toujours appréciée venant de quelqu'un qui aurait pu aussi bien s'installer ailleurs) et éventuellement de nouvelles activités économiques, particulièrement quand l'expatrié est un entrepreneur : Ainsi Denis Payre qui a créé une nouvelle entreprise en Belgique.

Au sein de l'Union européenne, une partie de ces migrations économiques pourrait cesser s'il y avait une plus grande coopération fiscale entre les États.

L'expatriation fiscale a pour effet positif de forcer les Etats dépensiers et ceux qui sont moins bien gérés à se réformer. Elle permet aux individus de se défendre face à des Etats de plus en plus puissants et intrusifs.

[modifier] Expatriés français

La France subit une importante concurrence fiscale, voulue ou non, en raison de sa charge fiscale : impôt de solidarité sur la fortune, impôt sur le revenu au taux de 40% sur la tranche marginale des revenus plus 11% de charges et dettes sociales (dites CSG CRDS), , impôt sur les plus-values, droits de succession ainsi que des prélèvements sociaux assez importants (sécurité sociale, cotisations retraites...).

Parallèlement, plusieurs phénomènes récents facilitent l'expatriation fiscale des Français :

  • la création de l'espace Schengen, qui permet aux citoyens français de s'installer librement dans un autre État
  • l'amélioration des transports, ainsi par exemple Londres et Bruxelles ne sont plus qu'à 2h35 et 1h25 respectivement du centre de Paris par le train
  • l'intégration des systèmes bancaires et informatiques, qui facilite le suivi des investissements et les échanges de capitaux

[modifier] Conditions et règles applicables

Les règles applicables pour déterminer le lieu de résidence fiscale varient d'un pays à l'autre et sont généralement précisées par des conventions fiscales signées entre la France et chaque état. Celles-ci sont construites sur un modèle similaire, avec différents critères qui doivent être interprétés par ordre successif, jusqu'à ce que l'un d'eux offre une réponse claire. On retrouve ainsi le plus souvent :

  • Le lieu habituel d'habitation
  • A défaut, le centre des intérêts vitaux (pays où se trouve l'essentiel des activités économiques et revenus)
  • A défaut, la nationalité

C'est sur le premier point que les litiges sont les plus nombreux, car il s'agit pour l'expatrié qui aurait gardé un compte ou des biens en France de prouver sa résidence réelle et habituelle dans un autre pays : peuvent être utilisés des extraits bancaires, le lieu de scolarité des enfants, les notes de déplacements, les billets d'avions, les factures de téléphones, etc. C'est la Direction nationale des vérifications de situation fiscale (DNVSF) qui se charge de suivre les dossiers des personnes soupçonnées d'expatriation fiscale simulée.

[modifier] Destinations

Pour s'expatrier, les Français choisissent habituellement des destinations francophones et/ou géographiquement proches, le choix s'effectuant en fonction de l'objectif fiscal et des conditions d'accueils :

  • La Suisse (grâce à son forfait fiscal) attire les très grandes fortunes et les professionnels ayant leur revenus hors du pays (sportifs, acteurs, chanteurs)[2]
  • La Belgique a les faveurs des patrons et retraités, qui bénéficient d'une fiscalité sur les revenus financiers réduite, de l'absence d'impôt sur les plus-values, de l'absence d'ISF, d'une grande proximité avec Paris et de la qualité de vie d'une ville internationale et ouverte.
  • L'Italie est choisie par les retraités qui souhaitent échapper aux droits de succession.
  • Le Royaume-Uni et le Canada francophone (qui offre des facilités d'émigration pour les Français) sont souvent choisis par ceux qui désirent fonder une entreprise

Contrairement à une croyance populaire, Monaco n'est pas une destination privilégiée pour les citoyens français, car ceux qui s'y installent sont soumis aux impositions directes exactement comme s'ils étaient en France (à la suite d'accords fiscaux signés avec la France en 1963).

[modifier] Chiffres

Le rapport Marini[3] évalue à 83,3 millions d'euros sur six ans la perte directe pour l'État à cause de cette expatriation fiscale. Chiffre minimum auquel il faut ajouter les impôts fonciers et les droits de succession partis en fumée, ainsi que la TVA non perçue sur les biens consommés par ces expatriés et les impôts non perçus sur les emplois créés à l'étranger par les entrepreneurs exilés[4].

Selon l'économiste Christian Saint-Etienne, l'exil fiscal « équivaut à une perte colossale pour l'Etat »: Selon ses calculs, si les capitaux qui ont fui à cause de l'ISF avaient été investis en France, ils auraient rapporté entre 6 et 8 milliards € par an en TVA ou en impôts sur les sociétés. Il déplore qu'« en voulant essayer de gagner 3 milliards € par an le fisc [perde] deux à trois foix plus »[5].

Selon le cabinet d'avocats CMS-Bureau Francis Lefèbvre, en 5 ans le seuil de richesse à partir duquel les patrons français envisagent de partir a été divisé par 5 entre 2002 et 2007[6].

Selon le cabinet d'avocats bruxellois DEKEYSER & Associés spécialisé dans les questions d'expatriation, la Belgique compte environ 400.000 immigrés français dont environ 60.000 pour des raisons fiscales. Le flux vers la Belgique, apaisé après les élections françaises de mai 2007, a repris[7].

Le nombre d'expatriés fiscaux français est difficile à établir :

  • Pour l'ISF, l'administration fiscale le situe autour de 843 redevables par an partant avec 2,8 Mds de patrimoine[8], un chiffre à rapporter aux 517.000 redevables de cet impôt (en 2007). Ce chiffre est toutefois incomplet car il ne prend en compte que les contribuables payant déjà l'ISF[9], ce qui exclut par exemple le cas classique du chef d'entreprise bénéficiant de l'exonération au titre de bien professionnel et qui quitte le pays en vendant sa société. Dans un reportage sur l'ISF, l'émission télévisée Capital estime elle qu'un tiers des multimillionaires français s'expatrient[10].
  • En ce qui concerne l'impôt sur le revenu ou les droits de succession, il n'existe pas de chiffres précis. De même pour les particuliers qui quittent la France pour créér une entreprise dans des conditions fiscales plus avantageuses.

Dans le classement 2005 des 300 plus grosses fortunes de Suisse établi par le magazine Bilan, on retrouve une trentaine de Français[11].

Pour Christian Chavagneux, rédacteur en chef d'Alternatives Economiques, ce sont 10% des recettes fiscales chaque année qui ne sont pas recouvrées, ceux devant les acquitter s'étant exilés[12].

[modifier] Célébrités

[modifier] Sportifs français

[modifier] Chanteurs

[modifier] Acteurs et artistes

[modifier] Auteurs

[modifier] Patronat & actionnariat

[modifier] Expatriés d'autres nationalités

[modifier] Références

  1. L'exil fiscal par Yann Kergall
  2. Ils ont posé leur sac en Suisse, Le Matin, 20 décembre 2006
  3. Rapport de l'assemblée nationale n°3246
  4. Le journal Capital de février 2007 (p. 15) donne l'exemple de Lotfi Belhassine, ancien patron d'Air Liberté et qui a créé une chaine de télévision en Belgique ou Pierre-François Grimaldi, fondateur d'ibazar qui a lancé une nouvelle entreprise à Bruxelles
  5. Capital, février 2007, page 14
  6. "Le phénomène s'est démocratisé. Aujourd'hui, certains patrons s'en vont avec un patrimoine de 5 millions €. Il y a cinq ans, le seuil était 5 fois plus élevé"
  7. (France-Inter 12 novembre 2007)
  8. ISF : 2,8 milliards d'euros délocalisés en 2006
  9. Rapport du Sénat sur l'ISF, 2004
  10. Capital du 7 janvier 2006
  11. 30 Français parmi les plus grandes fortunes de Suisse
  12. Dans l'émission de M6, Tu empêches tout le monde de dormir, débat entre Gérard Filoche et Jean-Michel Fourgous
  13. Le Refuge Suisse, L'Express
  14. Johnny Hallyday confirme son départ pour la Suisse
  15. Ces riches qui quittent la France
  16. Capital, février 2007
  17. Le canton de Vaud, paradis des milliardaires, Le Matin, 27 novembre 2002
  18. Le palmarès des exilés fiscaux en Suisse

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

Autres langues