Dies Irae (poème)

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Dies Irae est un célèbre poème apocalyptique écrit en langue latine. Il constitue la Séquence (Sequentia) rattachée au texte liturgique de la messe de Requiem. Certains attribuent ce poème au frère franciscain Thomas de Celano (1200-1260), mais la présence de cette séquence dans un manuscrit de la fin du XIIe siècle semble démentir cette origine[réf. nécessaire]. Il est souvent décrit comme étant le meilleur poème en latin médiéval, qui diffère du latin classique par son accent d'intensité et ses rimes. Son mètre est trochaïque. Le poème raconte le jour du jugement dernier, la dernière trompette invoquant les âmes, pour que les bons soient délivrés, et les mauvais brûlés dans les flammes de l'enfer.

Depuis 1969, cette séquence n'est plus chantée lors des messes des défunts.

[modifier] Le poème

Texte original en latin
Dies iræ, dies illa,
Solvet sæclum in favilla,
Teste David cum Sibylla !
Quantus tremor est futurus,
quando judex est venturus,
cuncta stricte discussurus !
Tuba mirum spargens sonum
per sepulcra regionum,
coget omnes ante thronum.
Mors stupebit et Natura,
cum resurget creatura,
judicanti responsura.
Liber scriptus proferetur,
in quo totum continetur,
unde Mundus judicetur.
Judex ergo cum sedebit,
quidquid latet apparebit,
nil inultum remanebit.
Quid sum miser tunc dicturus ?
Quem patronum rogaturus,
cum vix justus sit securus ?
Rex tremendæ majestatis,
qui salvandos salvas gratis,
salva me, fons pietatis.
Recordare, Jesu pie,
quod sum causa tuæ viæ ;
ne me perdas illa die.
Quærens me, sedisti lassus,
redemisti crucem passus,
tantus labor non sit cassus.
Juste Judex ultionis,
donum fac remissionis
ante diem rationis.
Ingemisco, tamquam reus,
culpa rubet vultus meus,
supplicanti parce Deus.
Qui Mariam absolvisti,
et latronem exaudisti,
mihi quoque spem dedisti.
Preces meæ non sunt dignæ,
sed tu bonus fac benigne,
ne perenni cremer igne.
Inter oves locum præsta,
et ab hædis me sequestra,
statuens in parte dextra.
Confutatis maledictis,
flammis acribus addictis,
voca me cum benedictis.
Oro supplex et acclinis,
cor contritum quasi cinis,
gere curam mei finis.
Lacrimosa dies illa,
qua resurget ex favilla
judicandus homo reus.
Huic ergo parce, Deus.
Pie Jesu Domine,
dona eis requiem. Amen.
Traduction
Jour de colère, ce jour là
réduira le monde en poussière,
David l'atteste, et la Sibylle.
Quelle terreur nous saisira,
lorsque le juge apparaîtra
pour tout scruter avec rigueur !
L'étrange son de la trompette,
se répandant sur les tombeaux,
nous jettera au pied du trône.
La Mort, surprise, et la nature,
verront se lever tous les hommes,
pour comparaître face au Juge.
Le livre alors sera produit,
où tous nos actes seront inscrits;
tout d'après lui sera jugé.
Lorsque le Juge siégera,
tout les secrets apparaîtront,
rien ne restera impuni.
Dans ma misère, alors, que dire ?
Quel protecteur vais-je implorer,
quand le juste est à peine sûr ?
Roi de majesté redoutable,
qui sauves les élus par grâce,
sauvez-moi donc, source d'amour.
Rappelle-toi, Jésus très bon,
c'est pour moi que tu es venu,
ne me perds pas en ce jour-là.
A me chercher tu as peiné,
Par ta Passion tu m'as sauvé,
qu'un tel labeur ne soit pas vain!
Tu serais juste en condamnant,
mais accorde-moi ton pardon
avant que j'aie à rendre compte.
Vois, je gémis comme un coupable
et le péché rougit mon front;
mon Dieu, pardonne à qui t'implore.
Tu as absout Marie-Madeleine
et exaucé le larron;
tu m'as aussi donné espoir.
Mes prières ne sont pas dignes,
mais toi, si bon, fais par pitié,
que j'évite le feu sans fin.
Parmi tes brebis place-moi,
à l'écart des boucs garde-moi,
en me mettant à ta main droite.
Quand les maudits, couverts de honte,
seront voués au feu rongeur,
prends-moi donc avec les bénis.
En m'inclinant je te supplie,
le cœur broyé comme la cendre:
prends soin de mes derniers moments.
Jour de larmes que ce jour là,
où surgira de la poussière
le pécheur, pour être jugé!.
Daigne, mon Dieu, lui pardonner.
Bon Jésus, notre Seigneur,
accorde-leur le repos. Amen.
Traduction plus littérale
Jour de colère, ce jour là
réduira le monde en cendre,
comme l'attestent David et la Sibylle.
Quelle terreur sera bientôt,
quand le juge viendra
tout strictement examiner !
La trompette répandant un son étrange,
parmi les sépulcres de tous pays,
rassemblera tous les hommes devant le trône.
La Mort sera stupéfaite, comme la Nature,
quand ressuscitera la créature,
pour être jugée d'après ses réponses.
Un livre écrit sera fourni
dans lequel tout sera contenu
par quoi le Monde sera jugé.
Quand le Juge donc tiendra séance,
tout ce qui est caché apparaîtra,
et rien d'impuni ne restera.
Que, pauvre de moi, alors dirai-je ?
Quel protecteur demanderai-je,
quand à peine le juste sera secouru ?
Roi de terrible majesté,
qui sauvez, ceux à sauver, par votre grâce,
sauvez-moi, source de piété.
Souvenez-vous, Jésus si doux,
que je suis la cause de votre route ;
ne me perdez pas en ce jour.
En me cherchant vous vous êtes assis fatigué,
me rachetant par la Croix, la Passion,
que tant de travaux ne soient pas vains.
Juste Juge de votre vengeance,
faites-moi don de la rémission
avant le jour du jugement.
Je gémis comme un coupable,
la faute rougit mon visage,
au suppliant, pardonnez Seigneur.
Vous qui avez absous Marie(-Madeleine),
et, au bon larron, exaucé les vœux,
à moi aussi vous rendez l'espoir.
Mes prières ne sont pas dignes (d'être exaucées,)
mais vous, si bon, faites par votre bonté
que jamais je ne brûle dans le feu.
Entre les brebis placez-moi,
que des boucs je sois séparé,
en me plaçant à votre droite.
Confondus, les maudits,
aux flammes âcres assignés,
appellez-moi avec les bénis.
Je prie suppliant et incliné,
le cœur contrit comme de la cendre,
prenez soin de ma fin.
Jour de larmes que ce jour là,
où ressuscitera, de la poussière,
pour le jugement, l'homme coupable.
À celui-là donc, pardonnez, ô Dieu.
Doux Jésus Seigneur,
donnez-leur le repos. Amen.
Le poème devrait être complet à l'issue de l'avant dernier paragraphe. Certains érudits se demandent si la suite est un ajout pour convenir à des fins liturgiques car la dernière strophe casse l'arrangement de trois rimes plates en faveur de deux rimes, tandis que les deux derniers vers abandonnent la rime pour l'assonance et sont en outre catalectiques.


Voici une paraphrase en vers du poème tirée des œuvres posthumes de Jean de la Fontaine:

Dieu détruira le siècle au jour de sa fureur.
Un vaste embrasement sera l’avant-coureur
Des suites du péché long & juste salaire.
Le feu ravagera l’Univers à son tour.
Terre & Cieux passeront, & ce temps de colère
Pour la dernière fois fera naître le jour.
Cette dernière Aurore éveillera les Morts
L’Ange rassemblera les débris de nos corps,
Il les ira citer au fond de leur asile.
Au bruit de la trompette en tous lieux dispersé
Toute gent accourra. David & la Sibille
Ont prévu ce grand jour, & nous l’ont annoncé.
De quel frémissement nous nous verrons saisis
Qui se croira pour lors du nombre des choisis ?
Le registre des cœurs, une• exacte balance
Paraîtront aux côté d’un Juge rigoureux.
Les tombeaux s’ouvriront, & leur triste silence
Aura bientôt fait place aux cris des malheureux.
La nature & la mort pleines d’étonnement
Verront avec effroi sortir du monument
Ceux que dés fon berceau le monde aura vu vivre.
Les Morts de tous les tems demeureront surpris
En lisant leurs secrets aux Annales d’un Livre,
Où même les pensers se trouveront écrits.
Tour sera révélé par ce Livre fatal
Rien d'impuni. Le Juge assis au Tribunal
Marquera sur son front sa volonté suprême..
Qui prierai-je en ce jour d’être mon défenseur ?
Sera-ce quelque juste? Il craindra pour lui-même,
Et cherchera l’appui de quelque intercesseur.
Roi qui fais tout trembler devant ta Majesté,
Qui sauves les Elus par ta seule bonté ,
Source d’actes bénins & remplis de clémence,’
Souviens-toi que pour moi tu descendis des Cieux
Pour moi te dépouillant de ton ‘pouvoir immense,
Comme un simple mortel tu parus à nos yeux.
J’eus part ton passage, en perdras-tu le fruit?
Veux-tu me condamner d l’éternelle nuit,
Moi tour qui ta bonté fit cet effort insigne ?
Tu ne t’es reposé que las de me chercher:
Tu n’as souffert la Croix que pour me rendre digne
D’un bonheur qui me puisse à toi même attacher.
Tu pourrais aisément me perdre & te venger.
Ne le fais point, Seigneur, viens plutôt soulager
Le faix sous qui je sens que mon âme succombe.
Assure mon salut dés ce monde incertain.
Empêche malgré moi que mon cœur ne retombe,
Et ne te force enfin de retirer ta main.
Avant le jour du compte efface entier le mien.
L’illustre Pécheresse en présentant le sien,
Se fit remettre tout par son amour extrême.
Le Larron te priant fut écouté de toi:
La prière & l’amour ont un charme suprême.
Tu m’as fait espérer même grâce pour moi.
Je rougis, il est vrai, de cet espoir flatteur:
La honte de me voir infidèle & menteur,
Ainsi que mon péché Ce lit sur mon visage.
J’insiste toutefois, & n’aurai point cessé,
Que ta bonté mettant toute chose en usage,
N’éclate en ma faveur, & ne m’ait exaucé.
Fais qu’on me place à droite, au nombre des brebis.
Sépare-moi des boucs reprouvés & maudits.
Tu vois mon cœur contrit, & mon humble prière.
Fais mois persévérer dans ce juste remords:
Je te laisse le soin de mon heure dernière;
Ne m’abandonne pas quand j'irai chez les Morts.

(source : La Fontaine, Jean de (1621-1695). Les œuvres posthumes de Monsieur de La Fontaine)

[modifier] Utilisation du thème

Le thème du Dies Iræ

Le thème musical du Dies Iræ a été utilisé dans différentes œuvres, notamment :

par Jean Baptiste Lully,compositeur baroque de Louis XIV dans son Grand Motet "Dies irae"-1683-,
par Camille Saint-Saëns dans sa Danse macabre,
par Liszt dans sa "Danse macabre",
par Hector Berlioz dans sa symphonie fantastique,
par Jacques Brel dans sa chanson "La mort",
par Ildebrando Pizzetti dans Assassinio nella cattedrale, opera lirica. Prima: Milano, Teatro alla Scala, 1º marzo 1958
par Michel Sardou dans sa chanson "l'An mil",
par Hubert-Félix Thiéfaine dans sa chanson "22 mai".
par Shanandoa dans sa Dies Irae .
par Les Frères Jacques dans "Jour de colère" poème de Francis Blanche sur une musique de Lecca.
par Libera choeur de garçons dans "Dies Irae".
par Mozart dans son Requiem
par Dvorak dans son Requiem
par Canta u Populu Corsu dans " I Ghjuvanali ".

Le premier vers du Dies Iræ est cité dans les paroles d'une autre chanson de Michel Sardou : Musica ("Au son de la marche nuptiale - j'ai fait une sortie triomphale - Dies Iræ Dies Illa - Quel mauvais jour que ce jour-là")

Les premiers paragraphes apparaissent dans certaines chansons du Bossu de Notre-Dame de Walt Disney Pictures ainsi que dans l'adaptation animée du manga Death Note (texte de Death Note Theme).

[modifier] Voir aussi