Rime

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Pour la notion de rime en phonologie, voir syllabe.

La rime est en poésie un jeu d'homophonie entre des phonèmes de fin de mot répétés en fin de vers (c'est une forme d'homéotéleute). En phonologie, le mot prend un sens plus large : c'est le noyau et l'éventuelle coda d'une syllabe. Ainsi, chaque syllabe de chaque mot possède une rime phonologique, tandis qu'en poésie, on ne parlera que de la rime d'un vers, qui contient en général plusieurs syllabes. La rime d'un vers est donc la rime de la dernière syllabe de ce vers.

Note : les transcriptions phonétiques données entre crochets droits suivent les usages de l'alphabet phonétique international. Les transcriptions phonologiques, entre barres obliques, ne s'intéressant qu'aux oppositions fondamentales de la langue, les suivent aussi, mais de manière plus lâche.

Sommaire

[modifier] Rime en poésie francophone

La rime poétique constituée par la répétition d'un ou plusieurs phonèmes identiques (parmi lesquels il faut nécessairement au moins une voyelle tonique) à la fin de deux ou plusieurs vers proches. Les phonèmes ne riment que s'ils sont dans le même ordre. Par exemple, les deux vers suivants riment :

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur [...]
Charles Baudelaire, les Fleurs du Mal, sonnet XLIX« l’Invitation au voyage »

En effet, la fin de chacun d'entre eux reprend en écho les phonèmes communs /sœr/ (« douceur » et « sœur »). On dit que ces deux vers « riment en /œr/ » ou qu'on a « une rime /œr/ » : il n'y a donc qu'une seule rime (on ne nomme pas rime chaque fin de vers mais seulement les phonèmes répétés).

Stylistiquement, il est important de repérer que la rime introduit des liens supplémentaires (ou des oppositions) entre les mots d'un texte poétique rimant ensemble, ce qui renforce le caractère condensé de l'écriture poétique (dans laquelle, de manière générale, on tend à utiliser le moins de mots possibles pour susciter le plus de sens, par le jeu des images, des connotations, des procédés sonores, etc.). Ainsi, les mots à la rime sont rapprochés par leur signifiant et, par extension, leur signifié doit être confronté : ils deviennent des mots-clefs du poème.

Rappelons que si la rime est très fréquente en poésie, elle ne se limite pas à elle (bien que la langue courante l'évite pour son caractère artificiel) et, surtout, n'est pas obligatoire dans ce genre littéraire. La poésie non rimée, à partir du XXe siècle, est devenue très courante.

[modifier] Rimes féminines et masculines

Une rime est dite :

  • féminine lorsque le dernier phonème est un e caduc (nommé autrefois « e féminin ») ; ainsi, les deux fin de vers suivants ont des rimes féminines :
[...] abolie :
[...] Mélancolie,
→ Rime féminine /oliə/.
On note que le e caduc forme une rime féminine même après voyelle. C'est aussi le cas devant -s et -nt désinentiels (mais pas dans les subjonctifs soient, aient non plus que dans les imparfaits et conditionnels en -aient-oient dans l'orthographe classique).
  • masculine dans les autres cas :
[...] inconsolé,
[...] constellé
→ Rime masculine /le/.

Les deux extraits sont tirés du « Desdichado » (in Les Chimères) de Gérard de Nerval.

Ces noms proviennent d'une conception ancienne de la langue, dans laquelle le e caduc (que l'on a prononcé en fin de vers jusqu'au XIXe siècle, et même dans certains théâtres au XXe ; c'est encore souvent le cas dans la chanson) était réputé faible et mou, donc associé, selon les idées de l'époque, à la féminité, ce que renforce le fait qu'un e caduc de fin de vers n'est pas compté dans le nombre de syllabes du mètre.

Rimes masculines et féminines ne peuvent rimer ensemble, du moins jusqu'au XIXe siècle. Ainsi, on a longtemps considéré, soit pour des raisons sonores (tant que le e caduc a été prononcé en fin de vers), soit pour des raisons graphiques, que mer et amère ne pouvaient pas rimer plus que aimé et désirée. Actuellement, cette séparation entre rimes masculines et féminines est rarement respectée.

[modifier] Alternance des rimes

Dans la poésie classique (XVIIe), on faisait alterner rimes masculines et féminines : une rime féminine ne pouvait pas être suivie d'une nouvelle rime féminine et inversement. La coutume a commencé à se répandre à partir du XVIe siècle, sous l'influence des poètes de la Pléiade. En effet, le e caduc étant alors prononcé en fin de vers (jusqu'au XIXe siècle, surtout dans la chanson), l'alternance était audible. Dans cet exemple, le e caduc des rimes féminines est souligné :

Je le vis, je rougis, je palis à sa vue ;
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Jean Racine, Phèdre, acte I, scène 3, vers 273-276

À partir du moment où il a cessé de l'être en cette position, l'alternance, devenue artificielle, a cessé d'être prescriptive à partir du XIXe siècle. De là, on lui a préféré, mais de manière plus souple, une alternance entre rimes vocaliques (dont le dernier phonème est une voyelle prononcée) et consonantiques (consonne finale prononcée). Ainsi (dans cet exemple, la voyelle des rimes vocaliques est soulignée) :

Et dont la gauche balle un peu,
Tout petit peu plus que l'autre
D'un air roublard et bon apôtre,
À quelles donc fins, nom de Dieu ?
Paul Verlaine, Hombres, poème XI « Même quand tu ne bandes pas »

L'alternance se fait entre la rime vocalique en /ø/ (peu, Dieu) et consonantique en /otr/ (autre, apôtre, qu'on ne considère pas comme devant se lire /otrə/).

[modifier] Qualité des rimes

La qualité des rimes est déterminée par le nombre de phonèmes répétés dans le même ordre en partant de la fin du vers (e caduc final exclu car seule la dernière voyelle tonique compte).

Une rime est dite :

  • riche lorsque la répétition porte sur trois phonèmes ou plus :
D'aller là-bas vivre ensemble !
[...]
Au pays qui te ressemble !
Baudelaire, op. cit.
→ Rime riche /sɑ̃bl/ (quatre phonèmes) ;
  • suffisante lorsque deux phonèmes seulement sont répétés :
Si mystérieux (avec diérèse : /misterijø/ et non /misterjø/)
De tes traîtres yeux
Baudelaire, op. cit.
→ Rime suffisante /jø/ (deux phonèmes) ;
  • pauvre lorsque le seul phonème rimant est la voyelle tonique finale :
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Baudelaire, op. cit.
→ Rime pauvre /o/ (un phonème).

Des consonnes finales seules ne permettent pas la rime :

Mon enfant, ma sœur
[...]
Aimer à loisir,
Baudelaire, op. cit.
→ Le dernier phonème est /r/ mais les vers ne riment pas : la dernière voyelle tonique n'est pas homophonique (/œ/ dans le premier vers, /i/ dans le second).

Si seule la dernière voyelle tonique du vers est répétée indépendamment des consonnes qui suivent (le cas échéant), on a là une assonance (très fréquente en poésie médiévale) :

Tenez les clefs de ceste citet large,
Le grant aveir en presentez al rei Carles,
Pois me jugez Rollant a rereguarde.
Sel pois trover a port ne a passage,
Liverrai lui une mortel bataille.
Chanson de Roland, laisse LII (vers 654-558)
→ Assonance en /a/.

Des vers rimant intégralement sont holorimes.

[modifier] Disposition des rimes

Puisque le procédé d'homophonie que constitue la rime n'existe que par la répétition, cela implique qu'il faut au moins deux constituants (phonème ou groupe de phonèmes) homophones minimums. L'endroit où sont disposés ces constituant dans le poème et dans le vers peut être décrit avec précision.

Note : par convention, on peut représenter une même rime par une même lettre dans un poème. Ainsi, les fins de vers [...] porte et [...] forte, constituent la rime A, [...] douce et [...] pouce B, etc.

[modifier] Rimes de fin de vers

Au sens propre, la rime est d'abord un écho sonore en fin de vers. Leur enchaînement dans ce cadre porte un nom particulier ; ainsi, par leur disposition les unes par rapport aux autres, les rimes de fin de vers sont dites :

[modifier] Rimes plates

Les rimes sont plates (ou suivies ou jumelles) quand elles s'enchaînent directement → AA(A...)BB(B...), etc.

Au tems qu'Amour, d'hommes et Dieux vainqueur, (A)
Faisoit bruler de sa flamme mon cœur, (A)
En embrasant de sa cruelle rage (B)
Mon sang, mes os, mon esprit et courage : (B)
Encore lors je n'avais la puissance (C)
De lamenter ma peine et ma souffrance. (C)
[A = /kœr/, B = /raʒ/, C = /ɑ̃s/]
Louise Labé, Élégie I

[modifier] Rimes croisées

Les rimes sont croisées (ou alternées) en cas d'alternance deux par deux → ABAB :

Maître Corbeau, sur un arbre perché, (A)
Tenait en son bec un fromage. (B)
Maître Renard, par l'odeur alléché, (A)
Lui tint à peu près ce langage : (B)
Jean de La Fontaine, Fables, I
La confiture ça dégouline, (A)
Ça coule coule sur les mains, (B)
Ça passe par les trous de la tartine, (A)
Pourquoi il y a-t-il des trous dans le pain ? (B)
Les Frères Jacques, La confiture

[modifier] Rimes redoublées

La rime est redoublée lorsque plusieurs rimes se répètent → AAA

En passant par un certain pré,(A)
Rencontra Bergère à son gré,(A)
Le père aurait fort souhaité(A)
Jean de La Fontaine

[modifier] Rimes embrassées

Elle est embrassée quand elle est encadrée par une autre → ABBA :

Tu n'en reviendras pas toi qui courais les filles (A)
Jeune homme dont j'ai vu battre le coeur à nu (B)
Quand j'ai déchiré ta chemise et toi non plus (B)
Tu n'en reviendras pas vieux joueur de manille (A)
[A = /ɛl/, B = /ɑ̃/]
Louis Aragon, Extrait du poème La guerre et ce qui s'en suivit

[modifier] Échos sonores

Si la rime ne se manifeste qu'en fin de vers, de nombreux jeux de reprises homophoniques existent qui répètent la rime finale ailleurs au sein du vers ou bien même se servent d'une autre position fixe du vers (comme l'hémistiche) pour placer une rime supplémentaire.

Parmi les nombreux procédés que nous lègue la littérature française, on peut retenir les rimes complexes suivantes :

[modifier] rime annexée

Reprise au commencement du vers suivant.

Fort ſuy dolent, & regret me remort, (A)
Mort m’a oſté Madame de valeur (B)
L’heur que l’auoy(e)¹, eſt tourné en malheur, (B')
Maleureus eſt qui n’ha aucun confort. (C)
Chanson de Clément Marot 1 : j'avois)


"Il faut que vous me donniez la force
La force de revenir vous voir
Vous voir en chair et en os,
En os c'est le cri du désespoir...
Désespoir..."
Pierre BRANDAO

[modifier] rime batelée

La rime finale se retrouve à l'hémistiche. Attention : cette rime n'est pas tolérée pour l'alexandrin, elle casse l'harmonie du poème.

Et sans cesse du doux fuseau crédule
La chevelure ondule au gré de la caresse
Paul Valéry
......................XX
.........XX//.........XX
.........XX//.........YY

[modifier] rime brisée

Ou vers brisés ou vers rapportés : le vers est divisé en deux, les deux hémistiches ne riment pas forcément entre eux mais avec les hémistiches des vers suivants ; les différentes parties pouvant présenter un sens différent de celui de l'ensemble :

" Que je sois roi, Que tu sois reine,
Que je sois proie, Proie de ta haine,
Tout cela n'amène qu'en moi
Un désir extrême
Celui qui cause un désarroi
De dire je t'aime ! "
(Pierre BRANDAO)
De cœur parfait chassez toute douleur;
Soyez soigneux, n'usez de nulle feinte;
Sans vilain fait entretenez douceur;
Vaillant et preux, abandonnez la feinte.
Octavien de Saint-Gelais
..........YY//..........XX
..........YY//..........XX

[modifier] rime emperière

Ou impératrice : elle reprend l'idée de la rime couronnée, mais la syllabe servant de rimes apparaît trois fois au lieu de deux.

Qu’es-tu immonde, Monde, onde ?

Cet exemple est emprunté à Sébillet (voir bibliographie). L'orthographe est respectée. Noter l'utilisation du s long), ainsi que l'absence de j et v, remplacés par i et u. Pour des raisons didactiques, Sébillet barre les e caducs élidés. On a ici représenté ce procédé par une mise entre parenthèses, pour des raisons techniques.

[modifier] Autres jeux rimiques

[En préparation]

[modifier] Rimes orphelines

Il existe au moins trois mots qui ne riment avec aucun autre mot de la langue française : "belge", "pauvre" et "quatorze".

[modifier] Rime dans d'autres poésies

                               LA RIME EN POESIE ARABE
 
                                   1. DEFINITION

Les Arabes ont donné de nombreuses définitions de la rime. Certains la définissent comme le dernier mot du vers, d’autres vont jusqu’à affirmer que c’est tout le vers qui est rime. On dit aussi qu’elle est la séquence de consonnes et de voyelles qui se répètent. Mais la définition la plus utilisée est celle d’Al Khalil.

Définition : La rime est la séquence de consonnes et de voyelles terminales comptées à partir de la voyelle de l’avant- dernière syllabe longue.

Ainsi dans QALBUN la rime est : ALBUN et dans QAALAT est AALAT.

       REMARQUE: Nous utilisons une notation simplifiée où les voyelles longues sont transcrites par simple redoublement d'une brève        

      La séquence ainsi définie, est souvent répétitive, mais il arrive que seule une partie de celle-ci soit reproduite dans tout le poème.
 
                           2. LA CONSONNE DE BASE 

La rime est bâtie autour d’une consonne de base appelée RAWY ; c’est elle qui contribue souvent à donner un nom au poème ; lamyat al ‹arab, dalyat Nabighat, mimyat Zouheir… sont des poèmes dont le rawy est la consonne lam (l), dal (d) ou mym (m). Le raw¢ est généralement une consonne, mais il peut être une voyelle longue ; .

La consonne de base peut occuper trois positions dans le vers : (a) Elle peut être en positon finale comme b dans : katab, Yantasib

       le rawy est la consonne, b et la rime est dans ce cas dite fermée.

(b) La consonne de base peut être suivie d’une voyelle longue finale comme dans :

       Al hamduu, Amjaduu

La consonne /d/ est ici la rawy et la voyelle u est appelée prolongation. La rime est dite ouverte dans ce cas.

                             3. LES PHONEMES DE LA RIME 

Les consonnes et voyelles de la rime ont été cataloguées en fonction de la nature de celle-ci. Nous avons vu le rawY et sa prolongation ; nous allons en étudier d’autres. (a) Le RIDF ou voyelle longue précédant la consonne de base : NASIIM MURJAANUU Dans NASIIM, la consonne de base /M / est précédée d’une voyelle longue /II/ appelée ridf. . (b) le TAESYS est une voyelle longue /AA/, séparée de la consonne de base par une syllabe brève de type : consonne + i comme dans BAASIM (souriant) où M est le RAWY, AA le TAESYS, quant à la consonne s, qui est variable on la nomme l’intruse. (c) Le WASL ou prolongation est la voyelle suivant la consonne de base dans les rimes ouvertes comme nous venons de le voir.

                             4.LES CLASSES DE RIMES

Nous avons vu que les rimes peuvent être ouvertes ou fermées ; elles peuvent être munies de RIDF, de TAESYS ou en être dénuées. Ces caractéristiques se combinent deux à deux, de sorte qu’on a les classes suivantes : (a) Rimes s’achevant par une même consonne, seul élément obligatoire. Exemple :

                yantasib, Katab, Qalab

On peut qualifier ces rimes de: simples fermées. (b) Rimes simples ouvertes où l’élément obligatoire est une syllabe de type : consonne+voyelle longue.

                KATABAA   CHARIBAA

(c) Rimes fermées où la consonne de base est précédée d’une voyelle longue obligatoire. (d) Rimes ouvertes où la consonne de base est précédée d’une voyelle longue obligatoire. (e) Rimes fermées où la consonne de base est précédée de la séquence :aa + c + i. Exemple : KAATIB CHAARIB (f) Rimes ouvertes où la consonne de base est précédée de la séquence : ƒ + c + i. Exemple :


                              5; LEXIQUE ET RIME

La rime constitue un choix dans le lexique ; sans ce choix elle n’existe pas. Deux exemples illustrent ceci :

(a) Pour certaines syllabes finales telle ka, les poètes préfèrent prendre comme rime les segments la précédant ; la raison en est que ka en arabe est un pronom personnel post-posé. On dit : kitabu (livre) et kitabuka (ton livre). Choisir comme rime ka uniquement, revient à la possibilité de faire rimer deux noms masculins quelconques en leur adjoignant le pronom possessif : ce qui ne nécessite aucun choix lexical.

(b) Lorsque le phonème de base est AA et que la rime se restreint à cette voyelle, les poètes s’obligent à prendre celle-ci dans l’origine lexicale du mot ; ils s’interdisent en particulier le fait que /AA/ soit réduit à un signe de déclinaison, ou une marque de duel ou un allongement simple d’une voyelle brève. De la sorte, ils s’assurent du fait qu’il y a un véritable choix lexical.

On voit donc que la rime est loin d’être la simple conjonction de phonèmes identiques ou semblables.

Références:1.L'ouvrage de Mostefa Harkat, WAZN, Editions Afaq, 10 rue Mustapha Khalef,El Biar, Alger

          2. Le Récit khalilen, Mostefa Harkat, in Cahiers du Centre de Poétique Comparée, INALCO, 2 rue de Lille, Paris

[modifier] Liens externes

wikt:

Voir « Rime » sur le Wiktionnaire.

Consulter aussi sur le Wiktionnaire le tableau synthétique des rimes en français.

Dictionnaire des rimes