Collectif Gardons les yeux ouverts

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Collectif baptisé « Gardons les yeux ouverts »

  • Il est constitué d'une centaine d'éditeurs, d'écrivains, de chercheurs et de poètes de Bretagne, ainsi que d'autres poètes comme André du Bouchet, Kenneth White ou Michel Deguy et affirme en 2000 : « Que la langue et la culture bretonne doivent être légitimement reconnues, c'est une évidence !, écrivent-ils, mais que, pour en défendre les intérêts, tout soit bon, même le recours à la rhétorique nationaliste la plus sinistre (…), même la mise en avant des militants bretons les plus douteux comme exemples pour aujourd'hui, c'est ce que tous nous n'acceptons pas ! Il reste encore un travail de mémoire à faire ! Faisons-le enfin ! »
  • Des écrivains dénoncent le silence sur les pages noires du nationalisme breton dans un article du journal Le Monde le 22 mars 2000. Ils appellent à un « travail de mémoire » sur les accointances de grandes figures du mouvement breton avec le régime de Vichy et les nazis.
  • Les pétitionnaires stigmatisent ainsi le mensuel Armor-Magazine, diffusé à plusieurs milliers d'exemplaires, qui consacre des articles à l'ancien secrétaire général de la Ligue celtique, Alan Heusaff, sans mentionner que celui-ci fut également membre actif d'une milice auxiliaire au service des Allemands, la Bezen Perrot (« la première formation bretonne armée depuis la dispersion de l'armée chouann' », disait son chef, Célestin Lainé). Ils s'indignent que, quand il est question du sculpteur Yann Goulet - lequel se présentait comme porte-parole du Front de libération de la Bretagne (FLB) dans les années 70 - le groupe paramilitaire du Parti national breton, les Bagadou Stourm, dirigés par Goulet pendant la Seconde Guerre mondiale, ne soit pas même évoqué. D'autres personnalités régionales comme le linguiste Roparz Hemon, dont le nom a été donné à son collège, en 1988, par l'association Diwan - ce qui n'est pas sans provoquer un débat interne -, ont été l'objet d'hommages officiels organisés en 1998 par l'Institut culturel de Bretagne, organisme dont le financement dépend du conseil régional et du Centre national du Livre. Roparz Hemon avait été pourtant l'un des animateurs des émissions en breton de la radio contrôlée par les Allemands. De même, la ville de Pont-l'Abbé (Finistère) a-t-elle célébré le centenaire d'un autre écrivain bretonnant illustre, Youenn Drezen, fin 1999, omettant de souligner qu'il avait, avec le peintre Xavier de Langlais, livré de nombreuses chroniques antisémites au quotidien pétainiste La Bretagne, tenu par un ancien sous-préfet de Morlaix, Yann Fouéré, lui aussi condamné à la Libération et exilé en Irlande. « L'importance de l'engagement des nationalistes bretons au côté des nazis n'a pas été assumé après mai 1968, c'est pourquoi la culture est aujourd'hui récupérée par ses tenants les plus extrémistes », déplore Françoise Morvan, par ailleurs auteur d'une thèse sur François-Marie Luzel, important folkloriste breton (1821-1895).
  • Cette pétition a suscité des réactions virulentes, dont s'étonnent les membres du collectif. L'hebdomadaire proche des autonomistes, Breiz-Info, y voit une offensive émanant des « partisans fanatiques du statu-quo jacobin » qui viserait à discréditer l'actuel regain culturel en Bretagne. Yann Poilvet, directeur-fondateur d'Armor-Magazine, qui a un passé de résistant et de gaulliste de gauche, proche de René Capitant, parle de la pétition comme d'« une opération de vieux staliniens, inquiétés par les milliers de signatures recueillies par d'autres appels » - une allusion au récent Appel de Carhaix, dont l'une des revendications porte sur la ratification de la Charte des langues régionales. Bernard Le Nail, directeur de l'Institut culturel de Bretagne, dont les ouvrages sur la littérature en Bretagne sont controversés parce qu'ils réduisent la part du poète surréaliste né en Bretagne et mort au camp de Drancy en 1944, Max Jacob, à la portion congrue, se déclare « indigné » et conteste la représentativité des signataires : « Il est indigne de prétendre que, sous le masque de la culture bretonne, se dissimulerait une réhabilitation rampante de Vichy !, dit-il. Quant à Roparz Hemon, je nie qu'il ait été un antisémite et un nazi, même s'il a pu être contaminé par les discours d'époque. » Considérant que la période 1940-1944 n'est en aucun cas pour lui une « période fondatrice » du nationalisme breton, il préfère se référer à la tradition à la fois « républicaine et autonomiste » de gauche. Pour le sociologue Ronan Le Coadic, « depuis le XIXe siècle, une image dévalorisante des Bretons a été construite par la littérature française ». « Casser cette image, continue-t-il, c'est briser un tabou. Rien d'étonnant à ce que cela suscite des entreprises de disqualification. » De son côté, rappelant qu'en Bretagne, les scores électoraux de l'extrême droite ont toujours été très en deçà de la moyenne nationale, Christian Guyonvarc'h, porte-parole de l'Union démocratique bretonne (UDB), juge quant à lui que la fondation de son parti, en 1964, par des étudiants de gauche rebutés par la tradition réactionnaire et l'engagement collaborationniste des aînés, prouve qu'un travail de mémoire a été, au moins, entamé. « La question “de la collaboration” ne me heurte pas, dit-il, pour autant qu'on la pose à la société française dans son ensemble, et non à la Bretagne seule. »

[modifier] Document

Le texte « Gardons les yeux ouverts » avait suscité la réaction du syndicat DISTOK-CGT de Coop Breizh, sous la forme d'un texte intitulé :

« Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage ! »

« Depuis quelque temps, les défenseurs de l’identité bretonne (toutes tendances confondues) se trouvent attaquées par un groupe de pression qui se sert des médias pour lancer ses attaques venimeuses : citons entre autres différents articles parus récemment dans Charlie Hebdo, Télérama, Libération, Le Monde, Le Canard enchaîné. Même L’Humanité a cru bon de participer à cette cabale.

Ces attaques, il faut le savoir, sont l’œuvre d’un Réseau Voltaire, épidermiquement hostile à tout changement au statut quo actuel. Qui se cache derrière cette organisation qui compte de solides relais en Bretagne, sinon le lobby national-républicain bénéficiant, comme on le sait, d’appuis bien placés. Ce réseau entend faire barrage à toute idée d’émancipation régionale, qu’il considère comme un “repli identitaire”, leur grande crainte, étant que la forte poussée identitaire actuelle se traduise tôt ou tard par des progrès bretons sur le plan électoral.

Cette religion national-républicaine a sa déesse, Marianne, et son prophète, Robespierre, assortie d’une phraséologie : “valeurs républicaines”, “esprit citoyen”, “exception française”. Autant anti-européen qu’anti-fédéraliste, cette religion s’attaque aux fondements même de la démocratie, “cette idée bavarde et sans légende, sans emblème ni géographie, sans rituel ni drapeaux, qui suscite des paroles sans musique, qui ne font pas (…) assez rêver pour faire histoire” (Régis Debray).

Il est temps de rappeler quelques principes essentiels de la démocratie qui sont actuellement remis en cause par les nationaux-républicains français et leurs relais bretons :

1) La liberté d’opinion et de pensée (articles 18 et 19 de la Déclaration universelle des Droits de l’homme du 10 décembre 1948). 2) La liberté de la presse (cf. les attaques et pressions que subit Ouest-France pour faire cesser la publication quotidienne de la bande dessinée Histoire de la Bretagne sous forme de feuilleton). 3) L’égalité de droits des peuples (garantis par la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, Helsinki, 1er août 1975). Les Français ne constituent pas un peuple supérieur auto-proclamé, sous prétexte qu’ils ont inventé (mais jamais respecté) « les droits de l’homme et du citoyen ». Ne parlons pas de cette fameuse exception française qui n’a jamais existé que dans l’imagination des nationaux-républicains. 4) Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, conformément aux dispositions de la Charte des Nations unies. Rappelons aux nationaux-républicains leur propre constitution : “fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge, à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires” ! 5) Le respect des minorités “sans distinction aucune de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion” (Déclaration des Nations unies du 1à décembre 1948). 6) Le droit d’employer sa propre langue (article 30 de la Convention des droits de l’enfant du 26 janvier 1990).

Quand au fédéralisme, rappelons aux jacobins que leur république n’est pas la seule de la terre et que de nombreuses démocraties allient avec succès république et fédéralisme. Les systèmes fédéraux ont toujours été un puissant garde-fou contre les dérives totalitaires.

Ces principes fondamentaux sont en danger, menacés par une pensée unique, visant à construire une république monoethnique basée sur une “obsession du même, de l’identité, d’un corps social parfaitement uniforme” (Hugues Jallon et Pierre Mounier), avec les mêmes ancêtres Gaulois, la même culture parisienne et une seule langue : le français. Les “nationaux-républicains développent clairement un nationalisme qui se réclame de la république, mais n’en est pas moins régressif, crispé sur son identité et pour tout dire xénophobe” (idem).

Si ces nationaux-républicains (Chevènementistes, Séguinistes, Pasquaïens et autres Villièristes) venaient à prendre les rênes totales du pouvoir dans l’État français, le pire serait à craindre : le délit d’opinion instauré et la voie ouverte à toute dérive. Les livres décrétés subversifs seraient-ils brûlés en autodafés sur la place publique ? Les méthodes fascistes qu’ils emploient déjà pour imposer leurs idées font douter de l’humanisme de leurs valeurs.

Cette pétition est un appel à la vigilance bretonne face au repli obscurantiste, à une époque où il faut s’ouvrir aux autres. Ceux qui mènent ces attaques en Bretagne sont connus. Pour salir la revendication bretonne, tous les moyens sont bons : lynchage médiatique, terrorisme intellectuel, harcèlement…

Pour illustrer cet acharnement, citons l’exemple de Reynald Secher, auteur de Juifs et vendéens, d’un génocide à l’autre et de Histoires de Résistance en Bretagne. Il aborde clairement dans le premier tome de cet ouvrage la question juive, la Shoah et le “devoir de mémoire contre le mémoricide”. Pourtant, il a été récemment accusé de révisionnisme pour ne pas avoir parlé de la Shoah dans son Histoire de la Bretagne en bande dessinée. De Gaulle et Churchill n’en parlent pas non plus dans leurs œuvres respectives…

Attaquer quelqu’un sur ce qu’il a dit ou écrit, soit. Le débat d’idées, à condition qu’il soit loyal et correct, fait partie de la démocratie, mais attaquer quelqu’un sur ce qu’il n’a pas dit est la porte ouverte à toutes les interprétations et calomnies.

Tous les prétextes sont bons pour empêcher les Bretons d’avoir accès à leur propre Histoire. Les nationaux-républicains détournent les valeurs universelles de l’antifascisme pour susciter une chasse aux sorcières dans le plus pur style de la Sainte Inquisition et du Mac-Carthisme. Jusqu’où iront-ils ?

Les signataires de cette contre-pétition considèrent comme insultant qu’on puisse les accuser d’idées fascistes car c’est précisément par anti-fascisme qu’ils s’opposent au National-Républicanisme. Ils demandent pour le peuple breton, comme pour tous les autres peuples du monde, la démocratie, une société égalitaire, la fin de l’exploitation économique, l’intégrité de leur territoire (annulation du décret Pétain-Darlan du 30 juin 1941 séparant la Loire-Atlantique du reste de la Bretagne) et le droit de vivre leur culture et leur langue.

Nous préférons Gandhi à Jules Ferry. Peut-être serait-il temps, au nom de la décolonisation et du devoir de mémoire, de débaptiser les rues ou établissements scolaires qui portent le nom de ce national-républicain aux idées racistes...

Cet appel du syndicat DISTOK-CGT de Coop Breizh s’adresse aux artistes, écrivains, poètes, éditeurs bretons. Il tend ainsi à démontrer aux auteurs et signataires de la pétition “Du pays des aveugles…” qu’on peut être intellectuel et défendre la Bretagne. Il s’adresse aussi à ceux dont on aurait profité de bonne foi. »