Bwiti

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Le Bwiti (ou Bwete) est un rite initiatique originaire des populations Mitsogo et Gapinzi du Gabon central. Sa date d'origine est indéterminée, mais remonte au-delà du XIXe siècle, puisque Paul Belloni Du Chaillu, premier explorateurs européen de l'intérieur du Gabon, a déjà pu observer sa présence dans le centre du pays.

Le Bwiti est aujourd'hui largement répandu au Gabon, aussi bien parmi les populations du sud du pays que chez les fang du Nord (diffusion autour de 1910 chez les fang), aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain. A travers les Fang, le Bwiti s'est également diffusé en Guinée équatoriale et au sud Cameroun.

Le rite de passage du Bwiti est centré sur la manducation par le néophyte d' écorces de racines de l'arbuste appelé iboga ou eboga (Tabernanthe iboga). Divers alcaloïdes présents dans cette plante (notamment l'ibogaïne) possèdent des propriétés psychodysleptiques de type hallucinogène. Pendant le rite de passage, l'absorption d'une dose massive d'iboga permet ainsi au néophyte d'obtenir des visions spectaculaires dont le récit aux initiateurs serviront à valider son initiation.

La branche originelle du rite initiatique parmi les Mitsogo est appelée Bwiti Dissumba. Il s'agit d'un rite de passage pubertaire, strictement masculin. Le Bwiti Dissumba s'appuie sur le culte des ancêtres, notamment à travers des reliquaires contenant les ossements des ascendants défunts.

Le Bwiti Misoko constitue une branche initiatique dérivée et postérieure au Dissumba. Le Bwiti Misoko possède une fonction avant tout thérapeutique (rite d'affliction): le néophyte choisit de se faire initier en cas d'infortune inexpliquée, dont on suspecte la plupart du temps qu'elle a été causée par un sorcier malveillant. Les initiés du Bwiti Misoko sont appelés les nganga-a-Misoko, ou plus simplement nganga. Ils ont une fonction de devins-guérisseurs. Contrairement au Bwiti Dissumba des Mitsogo et des Gapinzi, le Bwiti Misoko accepte souvent (et de plus en plus) les femmes en son sein.

Pendant l'initiation, les doses peuvent atteindre plusieurs corbeilles et entraîner des états comateux dont les initiés reviennent avec le sentiment d'être « passés de l'autre côté », d'avoir fait une approche de la mort, ce qui est généralement douloureux et éloigné de toute impression de plaisir. Ce « passage de l'autre côté », censé permettre une révision de la vie, mais aussi donner des clefs pour le futur est le but recherché de l'initiation, qui n'a généralement lieu qu'une fois dans la vie. Les effets bouleversants de cette étape sur le plan existentiel expliquent pourquoi le culte a essaimé dans toutes les ethnies gabonaises.

La racine étymologique du mot Bwiti, selon M. Okaba, linguiste originaire des Monts du Chaillu, serait une déformation du mot tsogho bo-hete : « émancipation », « libération d’un fluide ». Le Bwiti serait donc littéralement ce qui permet à l'homme de gagner sa liberté.

« Le Bwiti est une philosophie de la libération ; il permet à l'homme d'échapper à la matière, de devenir un banzi, littéralement celui qui a éclos, qui est sorti de sa coque en langue tsogho. Et cette philosophie est fondée sur eboghe, ce qui soigne (l'iboga), maganga ce qui permet à l’être de se renouveler, et kangara, réchauffer, régénérer (la connaissance des plantes). » M. Hamidou Okaba.

Sommaire

[modifier] Petit glossaire de la cérémonie du Bwiti

  • Banzi : initié, littéralement en tsogho « celui qui a éclos, qui est sorti de sa coque, le libéré ». Vient de banzara « décortiquer l’amande ». Plus récemment, en pounou, c'est celui qui « a trouvé la vérité ». Le banzi devient mvon en Fang, mais plus généralement on l'appelle « enfant » du Bwiti.
  • Consulter : terme à prendre dans son acception africaine : « diagnostiquer après divination », ou « voir dans le Bois ».
  • Corps de garde, temple : lieu de culte du Bwiti, disposant au minimum de quatre murs figurés par des branchages et d'un poteau central, il peut aller jusqu'à la construction en dur, avec autels et antichambres. Ce terme a l'avantage d'être compris de toutes les ethnies. On retrouve sinon ebanza en mitsogho, mulébi en yipounou, nganza ou abègne en fang, etc. Ce mbanja est utilisé aussi bien pour les cérémonies du Bwiti que comme salle communautaire en dehors des des séances rituelles.
  • Dikombo bokayé : Dikumbo est le nom initiatique, bokayé, le premier et le dernier soupir, le lien à Dieu dans la mort. On crie Bokayé ! pour imposer le silence, le respect de l'esprit appelé. On peut traduire Dikombo bokayé par « au nom du souffle ».
  • Dissumba : désigne la femme ancêtre dans le Bwiti des Mitsogho. Le Dissumba est par extension la forme de Bwiti la plus mystique, souvent qualifié de culte des ancêtres ou « voie de la mère ». C'est le culte qu'a choisi l'ethnie fang pour concevoir un Bwiti syncrétique axé sur la notion de révélation. L'iboga y est consommé en très grande quantité.
  • Edika : protection ou sortie d'initiation. C'est la seconde partie de l'initiation au cours de laquelle le banzi est présenté et intégré au groupe ; l'edika désigne aussi le mélange de plantes ingéré après l'initiation.
  • Iboga : (maboga au pluriel) Tabernanthe iboga, ou eboghe, plante sacrée et révélatrice dans le Bwiti, dont on consomme la racine râpée ou en lamelles lors des rituels.
  • Kombo : nom d'initié, nom de l'esprit qui dirige le banzi, de l'entité qui accompagne, du « saint patron » ; chacun a son kombo qui se manifeste pendant l'initiation et devient son nom d'initié. Au départ, le terme vient de kombara, « quitter », et désigne le nom par lequel on veut être salué quand on prend congé.
  • Mabundi : initiation féminine dans le Misókó. Ce terme désigne aussi les initiées et, par extension, la danse des femmes dans le Misókó. Dans le Dissumba, on parle des 'mabanjie'.
  • Maganga : ou maghanga (pluriel de eghanga), du verbe tsogho kangara, qui veut dire chauffer, réchauffer. Maganga est tout ce qui permet à l'individu de se renouveler, de se régénérer, au contact de Muanga, « celui qui réchauffe », le Créateur. Par extension, c'est devenu dans le contexte forestier la connaissance des plantes, puis « le sacré » et « l'occulte ».
  • Misókó : les yeux en Mitsogho, de sokara, « voir », Bwiti de l'auscultation (divinatoire). Le Bwiti Misókó est considéré comme le culte de la guérison, la « voie du père ». L'iboga y est consommé en moindre quantité.
  • Motimbo : langue rituelle du Bwiti, produite d'une fusion linguistique des langues du centre du pays (pinji, tsogho, simba, etc.), qui a permis la diffusion interethnique du Bwiti. Le motimbo est la langue qui chante l'accompagnement du mongongo (arc-en-bouche). Pour le Bwiti des Fang, la langue du Bwiti est le Pope.
  • Nganga : devin-guérisseur. Maganga, qui vient du verbe tsogho kangara, « réchauffer », a donné nganga, « celui qui soigne ». Au départ, c'est celui qui a un don, il peut devenir aussi bien maître de cérémonie que consultant et thérapeute ; il existe plus d'une quinzaine de définition des rôles possibles d'un nganga, selon sa nature.
  • Ngozé : veillée rituelle du Bwiti.
  • Ombwiri : société d'initiation thérapeutique appartenant au Bwiti Dissumba Fang ('Ombudi' dans le Dissumba traditionnel), particulièrement fréquentée par les femmes.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • RAVALEC, Vincent 2004 Bois sacré, initiation à l'iboga Au diable vauvert
  • Bonhomme, Julien. 2006. Le Miroir et le Crâne. Parcours initiatique du Bwete Misoko (Gabon). Paris : Editions du CNRS.
  • Bureau, René. 1996. Bokayé! Essai sur le Bwiti fang du Gabon. Paris : L'Harmattan.
  • Fernandez, James W. 1982. Bwiti. An ethnography of religious imagination in Africa. Princeton : Princeton University Press.
  • Gollnhofer, Otto & Roger Sillans. 1997. La mémoire d'un peuple. Ethno-histoire des Mitsogho, ethnie du Gabon central. Paris : Présence Africaine.
  • Laval-Jeantet, Marion. 2005. Paroles d'un enfant du Bwiti. Les enseignements d'Iboga. Paris : Editions L'Originel.
  • Laval-Jeantet, Marion. 2006. "Iboga : invisible et guérison, une approche ethnopsychiatrique". Paris : Editions CQFD.
  • Mary, André. 1983. La naissance à l'envers. Essai sur le rituel du Bwiti fang au Gabon. Paris, L'Harmattan.
  • Mary, André. 1999. Le défi du syncrétisme. Le travail symbolique de la religion d'eboga (Gabon). Paris : Editions de l'EHESS.
  • Raponda-Walker André & Roger Sillans. 1962. Rites et croyances des peuples du Gabon. Paris : Présence Africaine.
  • Prince BIRINDA DE BOUDIEGUY. 1952. La Bible secrète des noirs selon le bouity. Paris : Les éditions des Champs-élysées.
  • MVONE NDONG, Simon-Pierre. 2007. Bwiti et Christianisme. Paris : L'Harmattan.

[modifier] Liens externes

  • Anthropologie du Bwiti: [1]
  • Association Ebando: [2]
  • Association Meyaya: [3]
  • Association CRUTI: [4]