Assassinat du roi Alexandre Ier et de Louis Barthou

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Le 9 octobre 1934, le roi de Yougoslavie Alexandre 1er et le ministre français des Affaires Etrangères, Louis Barthou, sont victimes à Marseille d'un attentat commis par un nationaliste macédonien, Vlado Chernozemski (alias Velichko Dimitrov Kerin). Les deux hommes succombent le même jours. Quatre autres personnes sont mortellement atteintes.

Sommaire

[modifier] Les raisons de la visite du roi

Répondant à une invitation officielle de la France, le roi de Yougoslavie, Alexandre 1er est arrivé à Marsille, le mardi 9 octobre 1934 vers seize heures, à bord du croiseur yougoslave Dubrovnik. Le roi doit se rendre à Paris pour y rencontrer le Président du Conseil, Gaston Doumergue, ainsi que le Président de la République, Albert Lebrun.

Cette visite a pour but de renforcer l'amitié entre la France et le Royaume de Yougoslavie face à la montée en puissance de l'Allemagne hitlérienne et de l'Italie mussolinienne qui créent un état permanent de tension, source de nouveaux conflits potentiels.

La Yougoslavie a déjà dû faire face aux visées expansionnistes de l'Italie sur la zone nord de ses frontières. De son côté, Louis Barthou, le ministre des Affaires Etrangères français, espère, par une chaîne d'accords entourant les deux États totalitaires, empêcher le rapprochement de l'Italie et de l'Allemagne.

[modifier] L’organisation du voyage

Le gouvernement français a dépêché deux de ses ministres les plus importants à Marseille pour accueillir le roi Alexandre 1er : le ministre des Affaires Etrangères, Louis Barthou, et le ministre de la Marine, François Piétri. La réception est organisée depuis Paris par le contrôleur général Sisteron, qui a les pleins pouvoirs, épaulé par le directeur de la Sûreté nationale, Jean Berthoin.

Pour assurer la protection du souverain, 1500 gardiens de la paix, plusieurs compagnies de gendarmes à pieds et 200 inspecteurs en civil sont envoyés à Marseille. La police a aussi placé sous contrôle deux cents ressortissants d’Europe centrale et en a arrêté une vingtaine d’autres, ceux jugés les plus dangereux. Le roi avait échappé à un attentat meurtrier en Yougoslavie quelques mois auparavant et les organisations révolutionnaires se montraient de plus en plus menaçantes à l'égard du souverain. Quelques jours auparavant, le bruit avait même couru dans le port phocéen qu'un attentat se préparait. Le général Bethouard, conseiller militaire en Yougoslavie, persuadé qu’un attentat se préparait dans l’hexagone contre Alexandre 1er, avait d'ailleurs alerté les autorités à ce sujet.

Pour se rendre à la préfecture où le roi doit participer à un goûter organisé par la femme du préfet, Mme Jouhannaud, les organisateurs avaient prévu un large périple à travers la ville : Canebière, rue Saint-Ferréol, rue Armény, cours Pierre Puget, Corderie, dépôt de gerbe aux monuments consacrés aux morts d'Orient, corniche et enfin retour vers la préfecture par les deux branches du Prado et la rue de Rome. Le roi devait se rendre le soir même à la gare Saint-Charles où l'attendait le train spécial qui devait l'amener dans la nuit à Paris.

En attendant, une foule impressionnante se pressait pour voir le souverain. Fenêtres, balcons, trottoirs étaient combles. La Canebière et la rue Saint Ferréol, trajet que devait emprunter le cortège officiel, étaient noires de monde.

[modifier] Le départ de Yougoslavie

Le roi Alexandre 1er s'embarque à Zenika, un petit port Yougoslavie, le 6 octobre 1934, à bord du croiseur Dubrovnik. La reine Marie de Roumanie, souffrant d'une lithiase biliaire, craint que le mal de mer déclenche une nouvelle crise. Au dernier moment, elle décide de gagner la France par le train. Au moment de l'appareillage, le chargé d'affaire français en Yougoslavie, Mr Knobel monte à bord pour souhaiter une bonne mer au roi et lui déclare :

- Vous allez trouver en France quarante millions d'amis !

- Et peut-être aussi quelques uns de mes ennemis les plus acharnés !, réplique le roi.

Lorsque le Dubrovnik franchit les Bouches de Bonifacio, l'escadre française l'escorte jusqu'à Marseille.

[modifier] L’arrivée à Marseille

A seize heures, les navires d'escorte du Dubrovnik, en l'occurrence le Colbert et le Duquesne, entrent dans le port en tirant plusieurs salves d'honneur tandis que les cloches de la ville, dominées par le bourdon de Notre-Dame de la Garde, se mirent à sonner.

Une vedette blanche, avec à son bord le ministre de la marine, François Piétri, accompagné du consul général de Yougoslavie, gagna le croiseur yougoslave. Le consul, inquiet pour la sécurité du roi et trouvant le programme marseillais trop chargé, tenta de décourager le roi de descendre à terre. Mais le roi resta intraitable, déclarant : « La population m'attend. Barthou m'attend. Un Karageorgévitch ne doit pas reculer. »

La délégation, menée par le roi Alexandre 1er et le ministre des Affaires Etrangères yougoslave, Mr Jevtitch, embarqua à bord de la vedette royale, qui accosta au Quai des Belges, au fond du Vieux-Port de Marseille.

Le roi portait l'uniforme d'amiral de la marine yougoslave, barré du ruban rouge de la Légion d'honneur, une épée à garde d'or et un bicorne à aigrettes blanches. Il avait refusé de porter son gilet pare-balle en acier sous son uniforme, arguant que celui-ci gênait ses mouvements. Agé de quarante-six ans, grand, mince, les yeux vifs derrière des lunettes de type binocle, il gardait une silhouette de jeune homme.

Sur le quai, Louis Barthou les attendait en compagnie de la délégation française composée de l'amiral Berthelot et du général George, chargé d'accompagner le souverain durant son séjour sur le territoire français. Un peu à l'écart se tient une délégation des anciens combattants. Après avoir débarquée, la délégation écouta la musique militaire qui joua tout d'abord l'hymne yougoslave puis enchaîna par La Marseillaise. D'après certains témoins proches, le roi glissa quelques mots à l'oreille de Mr Jevtitch, comme s'il s'inquiétait lui aussi de l'insuffisance apparente du service d'ordre qu'il découvrait.

[modifier] Les derniers instants du roi

Puis, ce fut le départ vers la Préfecture. Mais les autorités organisatrices avaient pourtant décidé de placer le roi dans une voiture Delage noire, immatriculée 6068 CA 6, véritable antiquité, découverte et sans protection, le toit abaissé au dessus des siéges arrières, au mépris de toute prudence en ces temps menaçants. Comble d'imprudence, la voiture resta immobilisée de longue minutes, probablement pour permettre aux photographes et aux cameramen de prendre quelques plans supplémentaires. Sur les images tournées à ce moment là pour les Actualités, on découvre l'expression préoccupée du roi.

Le roi Alexandre 1er s'assit à droite, Louis Barthou à gauche, et le Général Georges s'installa dos à la marche, sur le strapontin. La voiture, quant à elle, était conduite par le chauffeur Froissac.

La route était ouverte par une voiture de police dans laquelle avaient pris place le Directeur de la Sûreté Nationale, Jean Berthoin et le Contrôleur Général Sisteron. Les deux hommes, contrôlaient ainsi au plus près la sécurité du Roi. Du moins le pensaient-ils !. Elle était suivie d'un peloton de dix huit gardes mobiles à cheval, en grande tenue. Venait ensuite la voiture royale, escortée seulement par un rempart symbolique de deux officiers à cheval, le Lieutenant-Colonel Piollet, du 14e R.I. à droite, et le Commandant Vigouroux de la Garde Mobile à gauche. Le convoi officiel était fermé par un peloton d'agents cyclistes. Cette étrange disposition avait été décidée par les autorités pour permettre aux curieux de voir le roi. La préoccupation essentielle de la France était de faire de ce voyage un succès. Par conséquent, seuls ces deux cavaliers protégeront les flancs de la voiture !

A la vitesse faramineuse de huit kilomètres heure, le convoi s'engagea sur la Canebière où la foule débordait des trottoirs, mal contenue par un service d'ordre soudain défaillant. En effet, les autorités avaient certes prévu de placer un agent tous les deux mètres mais, par un curieux hasard, c'est seulement tous les cinq mètres qu'ils furent disposés. Et comme quasiment tous se retournèrent pour voir passer le cortège …

[modifier] Seize heure quinze

A seize heure quinze précise, le cortège passa devant la Chambre de Commerce, le fameux Palais de la Bourse. Le petit kiosque des services de police qui s'élevait face au palais, dans un coin du Square Puget (maintenant Place du Général De Gaulle), servait de piédestal aux curieux juchés sur son toit. Appuyé nonchalamment au mur de ce poste, un homme attendait. Il s'élança quand la voiture royale passa à sa hauteur. De forte corpulence, tête nue, il courut sur la chaussée vers la voiture royale tout en criant : "Vive le roi !"

Le lieutenant-colonel Piollet, surpris, ne put rien faire pour chasser l'importun, qu'il prend de surcroît pour un photographe. Malheureusement, cet homme n'en était pas un. C'était un des implacables ennemis d'Alexandre 1er. Contrairement à ce qui est souvent écrit, il n' était pas membre de l'association terroriste des Oustachis (Les insurgés) et il n'avait aucun lien de parenté avec la Croatie, c'était un nationaliste macédonien, Velicko Kerin, membre de l'Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne.

Au moment même où le militaire faisait virevolter son cheval pour chasser l'importun, le général Georges, tête baissé, notait la direction que prenait le convoi. Il ne vit donc pas l'homme bondir sur le marchepied de la Delage. De la main gauche, il s'agrippa au montant de la portière tandis que de la droite, il tira de sa ceinture un automatique de fort calibre, un parabellum Mauser de calibre 7.65 avec un chargeur de dix cartouches engagé. Caché sur lui, il portait une deuxième arme, un Walter de calibre 7.65 aussi, dont il n'eut pas le loisir de se servir. Il ouvrit calmement le feu, tirant par deux fois sur le Roi qui n'esquissa aucun geste de défense. Le roi s'affaissa sur la droite du coupé, grièvement blessé à la poitrine.

Mais l'assassin continua son œuvre de mort. Le général Georges fut à son tour atteint par deux balles alors qu'il tentait de s'interposer. Louis Barthou n'eut pas plus de chance et fut touché à son tour. Le lieutenant-Colonel Piollet avait enfin réussi à faire tourner sa monture. Il sabra l'agresseur, toujours cramponné à la voiture et qui continuait à vider son chargeur dans l'habitacle. Froissac, de son côté, après avoir arrêté la voiture, saisit l'homme par son veston, tentant, tant bien que mal, de le maintenir.

Mais rien ne semblait pouvoir arrêter l'assassin qui abattit un agent qui accourait.

De partout, la police, la troupe, les membres du cortège se précipitèrent dans un désordre indescriptible. On aperçut, courant dans la mêlée, son chapeau haut de forme vissé sur la tête, le ministre Jevtitch.

Paniqué, le service d'ordre ouvrit le feu, dans tous les sens, de manière la plus désordonnée qui soit, transformant le désordre en panique. La foule reflua pour se mettre à l’abri de la fusillade. Des corps tombèrent. Une femme fut mortellement blessée. D'autres personnes furent moins gravement atteintes. Le Colonel Piollet tenta de faire revenir l'ordre en des termes peu protocolaires :

"Nom de Dieu, cessez le feu ! Ligotez-le et emportez-le ! "

Enfin, assommé, criblé de balles, plusieurs fois sabré, piétiné, l'homme s'écroula sans connaissance. Il fut immédiatement traîné, agonisant, dans le petit poste de police du Square de la Bourse avant d'être transféré dans les locaux de la Sûreté où il mourut vers dix neuf heures.

Le ministre Jevitch a sauté dans la Delage. Il dégrafa l'uniforme du roi pour tenter d’évaluer la gravité des blessures, découvrant sa poitrine ensanglantée. Il dira, plus tard, avoir entendu de la bouche d'Alexandre :

" Gardez-moi la Yougoslavie ! "

[modifier] La mort de Louis Barthou

Autour de la voiture, on s'agitait pour essayer de porter secours aux blessés. Le Général George fut transporté à l'hôpital militaire. Un gendarme souleva Louis Barthou, le hissant dans une des voitures maintenant vide du cortège, ordonnant à son chauffeur de l'amener d'urgence à l'Hôtel-Dieu, l'hôpital le plus proche des lieux du crime. Le Ministre gardait encore un peu de lucidité, s'inquiétant du sort de son illustre passager : "Pour moi, ce n'est rien, mais le Roi ! Comment est le Roi ?" avant de soudain se rappeler l'existence … de son portefeuille et de ses lorgnons : "Et mon portefeuille et mon lorgnon ? Ah sapristi, où est mon lorgnon ?"

Puis il perdit connaissance, inondé de son sang. Lorsqu'il arriva à l'Hôtel-Dieu, il était à l'agonie. Une des balles avait sectionné son artère humérale et il s'était vidé de son sang. Les médecins décidèrent d'intervenir chirurgicalement en liant l'artère sectionnée puis en lui faisant une transfusion. Peine perdue. Louis Barthou s'éteignit quelques secondes plus tard, avant même que les médecins aient pu tenter le moindre geste pour le sauver.

Il est fort probable que la mise en place d'un simple garrot avant son transfert à l'Hôtel-Dieu eut sauvé le ministre des Affaires Etrangères … Triste destinée … d'autant plus triste que le rapport balistique fait sur la balle trouvée dans le dossier de la voiture, à l'emplacement où se trouvait Louis Barthou, rédigé en 1935 mais qui ne fut accessible au public qu'en 1974 révéla que le ministre avait bien été touché par cette balle, une balle blindée en cuivre, de calibre 8 mm, modèle 1892, calibre et modèle utilisé par la police française, et de calibre différent des deux armes du nationaliste macédonien.

[modifier] La mort du roi

Quant au Roi, la Delage l'amena à vive allure non à l'hôpital, mais à la Préfecture, passant par la Rue Saint Ferréol, ignorant la foule qui ne soupçonnait pas le drame qui se jouait, évitant sans le savoir le second terroriste qui attend, une bombe cachée sur lui, au cas où … Un officier serbe en tenue, debout sur le marchepied de la Delage, soutient la tête du roi.

La voiture s'engouffra dans la préfecture dont on ferma la porte à double battant Dans les salons de la Préfecture, entre les gerbes de fleurs et le buffet dressé, où le champagne refroidit dans les bacs à glace, un petit canapé accueillit le Roi agonisant. Mais un problème se posait. On manquait de médecin. C'est dans la foule qui se presse Place Saint Ferréol que se trouve le médecin commandant Herivaux qui tentera, avec deux autres confères, de sauver le roi.

Sans succès cependant.

C'est dans ces salons, dans ce canapé que, moins d'une heure après son arrivée triomphale sur le Quai des Belges, Alexandre 1er expira, ce 9 octobre 1934

Lorsque la nuit tomba sur la ville, la stupeur, l'anxiété, l'horreur et la crainte étaient présentes partout dans une ville où chacun cherchait sa part de responsabilité. Cette mort allait traumatiser pour longtemps Marseille qui se sentait , malgré tout, responsable pleinement de ce qui était arrivé.

Masse sombre dans le port, ses pavillons en bernes, ses feux en veilleuses, le "Dubrovnik" dressait sa coque menaçante, comme dans un reproche muet.

[modifier] L’arrivée de la reine Marie

Lorsque l'aube du 10 octobre 1934 point à l'horizon, le train spécial de la reine Marie de Yougoslavie entre en Gare Saint Charles. Comme on l’a vu, elle devait rejoindre son mari directement à Paris. Il avait été détourné la veille au soir, lors de son passage de la frontière française, dans la région de Besançon.

Le préfet de police du Doubs, M. Peretti de la Rocca s'était présenté devant la reine, porteur du message funeste. En proie à une vive agitation (qui nécessita l'intervention d'un médecin à Lons-le-Saunier), elle eut cette phrase lourde de sens.

"Ma seule consolation est de penser que mon mari est mort sur cette terre de France, le pays qu'il aimait le plus après le sien !"

Un nouveau cortège officiel transféra la reine de la gare à la Préfecture. Le grand salon avait été transformé en chapelle ardente, le roi et Louis Barthou reposant côte à côte. Peu après l'arrivée de la reine, ce fut le tour du Président de la République Française, Albert Lebrun accompagné de plusieurs membres du gouvernement dont Edouard Herriot et André Tardieu. Ils étaient partis la veille au soir de la capitale par train spécial.

[modifier] Les premières sanctions

Alors que le Petit Marseillais paraît, prenant lui aussi le deuil, un large filet noir entourant sa "une", et avant même l'arrivée à Marseille des représentant de l'État, des sanctions avaient été prises dont la démission d'Albert Sarraut, l'un des plus impopulaires Ministre de l'Intérieur de la IIIe République, et celle de Mr Berthoin, directeur de la Sécurité Nationale, la mise à la retraite de plusieurs dirigeants et la suspension du Préfet. Ces mesures, certes nécessaires, ne soulignent que mieux les impardonnables erreurs.

Elles auront aussi une conséquence inattendue puisque le Gouvernement Doumergue, privé de ses deux fortes personnalités (Barthou assassiné et Sarraut démissionnaire) dérivera vers la droite tandis que dans les rues les ligues factieuses s'agitent. Gaston Doumergue fera appel à Pierre Laval comme Ministre des Affaires Etrangères et à Paul Marchandeau pour remplacer Sarraut à l'Intérieur, deux personnalités qui renforceront la dérive gouvernementale. Cette dérive entraînera la démission de Gaston Doumergue, le 8 novembre 1934, un mois à un jour près après l'assassinat.

Le président Albert Lebrun fera alors appel à Pierre Flandin, chef de l'Alliance Démocratique, un parti de droite, pour former le nouveau gouvernement composé de radicaux et de modérés.

[modifier] Le départ des dépouilles

Lorsqu'en début d'après-midi, un fourgon funèbre amenait au "Dubrovnik" la dépouille royale et qu'un nouveau cortège parcourut en sens inverse le trajet de la veille, nombreux furent ceux qui raillèrent le déploiement exagéré des forces de police, ô combien absente, du moins en apparence, la veille. Parvenu au ponton, le cercueil fut solennellement remis par les officiers français aux officiers yougoslaves, puis hissé à bord du croiseur. Après avoir pris congé du Président Lebrun, la reine, voilée de crêpe, image vivante de la douleur, regagna avec sa suite le "Dubrovnik" qui reprit bientôt la mer, encadré par les croiseurs "Colbert" et "Duquesne". Par les lois de la mer, le souverain défunt se retrouvait enfin sur le sol de sa patrie. Il est intéressant de noter que, lorsque le croiseur se présenta dans les eaux italiennes pour franchir le détroit de Messine, il fut escorté cérémonieusement par la flotte italienne. Mais, à ce moment là, l'implication italienne n'était pas encore soupçonnée. Ce geste fut toutefois fort apprécié par … les britanniques qui virent là le désir du Duce d'éviter une rupture des relations entre la Yougoslavie et l'Italie.

Au même moment, à la Gare Saint Charles, le cercueil drapé de tricolore où reposait Louis Barthou fut déposé dans un wagon à destination de la capitale tandis que dans les locaux de la police, le corps disloqué et criblé de balles de l'assassin gisait. Il s'agissait de Vlada Georguiev dit Suck dit Tchernozemsky dit Petrus Kalemen.

Le 17 octobre 1934 furent célébrées à Belgrade les obsèques solennelles de Alexandre 1er de Yougoslavie. Sur le parcours du cortège funèbre se pressait une foule immense.

On s'attendait à une insurrection en Croatie …

La Croatie ne bougea point!

[modifier] Les oubliés de l’Histoire

Après la fusillade, on dénombra dix victimes dans le cortège royal. Dans la foule qui se pressait sur les trottoirs, neufs autres personnes furent atteintes par des balles perdues. Quatre d’entre elles succombèrent de leurs blessures dans les jours suivant l’attentat, victimes oubliées de l’histoire, petite ou grande.

Parmi les victimes se trouvait par exemple Yolande Ferris, une jeune fille d’à peine vingt ans, serveuse dans une grande brasserie de la place Castellane, qui était venue devant le Palais de la Bourse pour participer à cette fête qui honorait Marseille. Elle fut atteinte par une balle perdue et décéda à l’Hôtel-Dieu le 11 octobre 1934.

On doit aussi se souvenir de mesdames Dumazet et Durbec, qui elles aussi étaient venues sur cette Canebière pour voir un Souverain et qui trouvèrent la mort alors qu’elles n’avaient rien demandé.

Le plus tragique dans ces disparitions est ce qui fut révélé des décennies plus tard, lorsque les rapports balistiques furent enfin révélés au public : les balles qui frappèrent la foule étaient des balles de plomb émanant d'un revolver inconnu, probablement de la police, mais certainement pas de celui du terroriste.