Armée zapatiste de libération nationale

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Le drapeau de l'armée zapatiste de libération nationale
Le drapeau de l'armée zapatiste de libération nationale

L'armée zapatiste de libération nationale (en espagnol : Ejército Zapatista de Liberación Nacional, EZLN) est un groupe révolutionnaire basé au Chiapas, l'un des États dont les habitants sont parmi les plus pauvres du Mexique. L'EZLN affirme représenter les droits des populations indigènes dont les diverses ethnies représentent 40 % de la population du Chiapas, et est aussi un symbole de la lutte antimondialiste. Le nom du groupe vient du révolutionnaire mexicain Emiliano Zapata. Ils se considèrent comme ses héritiers et les héritiers de cinq cent ans de résistance indigène à l'impérialisme.

Sommaire

[modifier] Caractéristiques

L'EZLN diffère des groupes révolutionnaires classiques. À l'exception du soulèvement qui eut lieu durant les deux premières semaines de 1994, il n'y a pas de situation connue où ils aient fait l'usage d'armes ou commis des attentats et ils sont principalement restés au Chiapas Ils refusent d'utiliser les canaux classiques de communications préconisés par le gouvernement pour exposer leurs griefs (prendre la forme d'un parti politique par exemple). Selon eux, ce type de canal a montré son inefficacité pour les indigènes depuis longtemps (500 ans selon eux). C'est de ce constat que provient leur slogan : ¡Ya Basta! (« C'en est assez ! », « Ça suffit ! »). En certaines occasions, quelques zapatistes se sont publiquement rendus à Mexico, manifestant dans les rues, organisant des conférences de presse et rencontrant des groupes politiques. L'attitude pacifiste du mouvement est une des raisons de la longévité de l'EZLN et aussi de la relative popularité qu'elle rencontre au sein de la population [1]

[modifier] Histoire

Le groupe se forme le 17 novembre 1983 par d'anciens membres de différents groupes, certains favorables à la lutte armée, d'autres pacifistes. Puis, le 1er janvier 1994, a lieu une insurrection indigène. Ce soulèvement a lieu au lendemain de l'entrée en vigueur de l'ALENA entre les États-Unis et le Canada. Les zapatistes déclareront plus tard que c'était leur façon de dire, au milieu de cette mondialisation, que « nous sommes toujours là ».

Des combattants masqués prennent momentanément le contrôle de cinq municipalités du Chiapas et déclarent leur volonté de combattre le gouvernement mexicain (le PRI membre de l'internationale socialiste était alors au pouvoir). Ils annoncent par ailleurs leur volonté de marcher sur Mexico, ce qui est militairement impossible.

[modifier] Les accords de San Andrés

Les négociations avec le gouvernement durent deux ans et se concluent par la signature des accords de San Andrés (16 février 1996) sur les droits et culture des populations autochtones qui spécifient des modifications à apporter à la Constitution de 1917.

Avant le vote de ces nouvelles lois, le président Zedillo se retire car n'ayant aucun pouvoir légal d'agir, car c'est au Congrès que revenait la décision de modifier la Constitution. L'EZLN annonce alors que les promesses à la table des négociations n'ont pas été respectées et se retire dans les jungles du Chiapas. Le président Zedillo augmente alors la présence militaire dans cette région.

Les zapatistes font, à partir de janvier 1996, un appel à l'organisation d'une rencontre internationale : elle se concrétise en juillet par une première rencontre intercontinentale pour l'humanité et contre le néolibéralisme (elle est aussi connue sous le nom de rencontre intergalactique pour l'humanité et contre le néolibéralisme).

Dans la guerre de "basse intensité", les groupes paramilitaires liés au parti au pouvoir, le PRI, agissent impunément. Le 22 décembre 1997 a lieu le massacre d'Acteal [2] où 45 hommes, femmes et enfants de l'association chrétienne tzotzil Las Abejas (les Abeilles, alliées aux zapatistes) en prière furent sauvagement assassinés par des paramilitaires dans les hautes terres du Chiapas.

En 2001, le président Vicente Fox Quesada soumet le projet de "loi COCOPA" au Congrès — il s'agit en fait de modification à la Constitution — le premier jour de son mandat (le 2 janvier) comme il l'a promis pendant sa campagne électorale. Le sous-commandant Marcos et d'autres sympathisants de l'EZLN décident de se rendre à Mexico pour parler devant le Congrès et plaider pour les amendements à la Constitution. Après avoir réalisé une marche dans douze États mexicains où ils reçoivent un accueil enthousiaste et une importante couverture médiatique, les représentants de l'EZLN prennent la parole au Congrès.

Peu après que l'EZLN soit retournée au Chiapas, le Congrès vote une version différente de la loi qui n'inclut pas les clauses concernant l'autonomie. Le gouvernement explique alors cette suppression par la contradiction entre l'autonomie et la Constitution. Ces changements révoltent alors l'EZLN, mais ni le PRI, ni le PRD (membres de l'Internationale socialiste), ni le PAN ne bougèrent.

Après cela, un recours constitutionnel est traité par la Cour suprême fin 2002. L'arrêt établit que les changements constitutionnels ayant été menés par le Congrès et non par une loi, il n'était pas du ressort de la Cour suprême d'annuler ces changements, car ce serait une atteinte à la souveraineté du Congrès. Après cet événement, ainsi que la victoire électorale de Vicente Fox du PAN membre de l' IDC internationale démocrate-chrétienne en 2000 (la première victoire d'un membre de l'opposition depuis soixante-dix ans).

Les zapatistes critiquent Vicente Fox pour avoir cherché à les récupérer sans jamais avoir donné accès à leurs revendications.

En 2003, le porte-parole du mouvement, le sous-commandant Marcos, présenta dans Le Calendrier de la résistance plusieurs éléments détaillant la situation des autochtones et le travail effectué par des groupes d'activistes dans douze régions du pays.

[modifier] Faits récents

(à compléter)

  • 2005 : 6e Déclaration depuis la jungle Lacandone[3]
  • 2006 : La Otra Campaña (tour dans 31 États du Mexique) destiné à réveiller les consciences à travers le pays
  • En juillet 2007 a lieu la deuxième rencontre entre les peuples zapatistes et les peuples du monde ( el secundo encuentro de los pueblos zapatistas con los pueblos del mundo). Durant une semaine, plus de 2 000 sympathisants de tous les continents viennent assister à des conférences et tables rondes et rencontrer les zapatistes dans les communes autogérées.

[modifier] Organisation

La pancarte indique en espagnol : « Vous vous trouvez en territoire rebelle zapatiste. Ici la population donne les ordres et le gouvernement lui obéit.  Zone nord. Assemblée de Bon Gouvernement. Le trafic d'armes, la production et la consommation de drogues, de boissons alcoolisées et les ventes illégales d'essences d'arbres sont strictement interdites. NON à la destruction de la Nature. » Photo prise en 2005 sur l'autoroute 307, au Chiapas ; (ce panneau n'existe plus en octobre 2007 il a été détruit par les intempéries)
La pancarte indique en espagnol : « Vous vous trouvez en territoire rebelle zapatiste. Ici la population donne les ordres et le gouvernement lui obéit.
Zone nord. Assemblée de Bon Gouvernement. Le trafic d'armes, la production et la consommation de drogues, de boissons alcoolisées et les ventes illégales d'essences d'arbres sont strictement interdites. NON à la destruction de la Nature. »
Photo prise en 2005 sur l'autoroute 307, au Chiapas ; (ce panneau n'existe plus en octobre 2007 il a été détruit par les intempéries)

À partir de décembre 1994, les zapatistes constituent peu à peu des communes autonomes, indépendantes de celles gérées par le gouvernement officiel. Marcos décrit comment ces communes mettent en œuvre des pratiques concrètes d'auto-gestion pour rendre sa fierté au peuples indigènes, pauvres et qu'ils jugent trop meprisés du pouvoir de Mexico. Ainsi, l'EZLN dans ces communes met en œuvre des services de santé gratuits, des écoles là ou il n'en existait pas, tout cela avec un support de certaines associations sympathisantes et partenaires. Plusieurs comités sont créés pour veiller à la bonne marche du système. Ces comités, gérés par l'EZLN, s'assurent de l'absence de corruption, d'abus de pouvoir, ainsi que de la bonne application des règles zapatistes : mandar obedeciendo (« commander en obéissant »).

[modifier] Communications

L'EZLN accorde une priorité très importante à la communication, avec le reste du Mexique mais aussi le reste du monde. Dès leurs premières actions publiques, ses membres réalisèrent des déclarations et des analyses qu'ils firent parvenir aux médias locaux, nationaux et internationaux. Ils ont aussi fait une utilisation importante de la technologie, les téléphones satellites et Internet leur ont servi à communiquer avec des sympathisants d'autres pays, les aidant ainsi à gagner la solidarité internationale et le soutien d'autres organisations.

Tout autant que le fond du discours, car a toutes époques révolutionaires les événements ont été produits non pas par des mots écrits mais par des mots parlés, ce qui a frappé dans le mouvement zapatiste, et ce dès le 1er janvier 1994, c'est son mode de communication. En diffusant communiqués, contes, déclarations, lettres aux uns et aux autres, le mouvement zapatiste, mais surtout sa figure "visible", le sous-commandant Marcos, a suscité l'attention, la surprise, parfois les railleries. Dans cette nouvelles manière de communiquer, plusieurs points sont à mettre en exergue:

la forme et le fond d'une part, l'utilisation du silence d'autre part.

La communication zapatiste adopte deux formes, l'une découlant de l'autre: les communiqués et les contacts avec la société civile mexicaine et internationale.

Les communiqués poétiques de Marcos, publiés de manière ciblée dans la presse mexicaine ou envoyés au monde entier via l'Internet montrent la capacité des zapatistes à utiliser les techniques modernes. L'utilisation de l'humour et de la poésie dans des communiqués qui sont finalement ceux d'un groupe armé ont déstabilisé les observateurs de tous bords. Cette utilisation des moyens de communication modernes, alors même qu'ils sont retranchés au fin fond de la jungle Lacandone, en fait des précurseurs. L'utilisation d'Internet à grande échelle a permis aux zapatistes de se faire connaître du monde entier quasi immédiatement. La solidarité avec le Chiapas s'est d'ailleurs largement organisée via la Toile mondiale. Le discours des zapatiste a attiré de nombreuses sympathies et sa volonté de tisser des ponts avec la société civile, a renforcé ces sympathies. Lorsque les zapatistes invitent la population à des rencontres, que ce soient les rencontres indigènes, nationales ou intercontinentales, ou encore qu'ils proposent l'organisation d'une consultation nationale sur la question indigène ou entament une marche au travers du pays pour "l'Autre Campagne" (en prélude à l'élection présidentielle de 2006), c'est autant la forme que le fond qui est important. La circulation de la parole qui a lieu lors de ces rencontres, ainsi que la forme qu'elle adopte reflète tant la conception du pouvoir qui est mise en avant par les zapatistes que leur mode de fonctionnement non hiérarchisé. Les zapatistes, en débordant, sous-tendent un concept progressif, sans cesse en mouvement, processus dans lequel la vérité de leur parole cherche la vérité de la parole des autres, tissant des liens qui sont des ponts. Cette façon de voir implique une théorie du pouvoir qui n’est pas compatible avec un système partisan, ou du moins qui n’en est pas le but.

Cette utilisation de la parole est couplée à l'utilisation du silence. En effet, les périodes de parole intense alternent avec les périodes de silences. Ce silence est à mettre en lien avec le rapport au temps et est aussi important que les mots qui peuvent être diffusés. Toutefois, l'interprétation de ce silence n'est pas facile car sa signification est multiple. Il peut être un silence d'attente, d'observation, comme lors des premiers mois ayant suivi l'élection de Fox à la présidence mexicaine en 2000, mais aussi de désapprobation, comme le silence qui a persisté longtemps après la marche zapatiste de 2001.

[modifier] Idéologie

L'EZLN clame que la plupart des indigènes veulent laisser derrière eux les siècles de pauvreté, d'abus et de manque d'éducation. Mais qu'ils souhaitent en même temps conserver ce qu'ils jugent positif dans leur mode de vie, ce qui inclut la propriété communale ainsi que les élections publiques des autorités.

Les indigènes étaient protégés depuis le XVIIIe siècle par des lois efficaces et respectées. Celle du 23 février 1781 promulguée par le Vice-roi don Martín de Mayorga interdit la vente, l'aliénation, le fermage sauf autorisation spéciale des terres des communautés indigènes. Les indigènes étaient exemptés d'une foule d'impôts tel que l'alcabala (capitation) des diezmos (dîmes) des obvenciones (impôts ecclésiastiques). L'indépendance priva de toute protection les indigènes qui en fit au yeux de la loi des citoyens ordinaires. Les lois de Réforme promulguées par Benito Juárez pourtant un indigène, ne reconnaissant pas les propriétés collectives des villageois, leurs terre furent livrées aux spéculateurs. Au cours des siècles la couronne avait pris toute une série de mesures destinées a adoucir le sort des indigènes : abolition des mites (travail gratuit d'utilité publique) et protection par l'octroi de cédules royale pour l'accréditation des propriétés des indigènes (cédules que Zapata exhiba en vain devant les tribunaux républicains pour réclamer la restitution des terres des villageois spoliés) et diverses mesures tendant à faire respecter les propriétés collectives.

Le zapatisme "original" se fonde sur le plan de Ayala, publié en 1911 et cosigné par Emiliano Zapata. En 1955 déjà une rébellion indigène avec des buts semblables à ceux des zapatistes eut lieu dans la région de las Margaritas, à Tojolabal et à Trinidad dont certains des meneurs furent décapités (officiers de l'armée et des indigènes), qui fut immensément ressenti au Chiapas, mais totalement passé sous silence au niveau national. Les mouvements libertaires et altermondialistes applaudissent à la création de ces communes qui permettent de lutter contre l'inefficacité du pouvoir central et de répondre aux besoins élémentaires des habitants. Une des grandes forces du mouvement zapatiste est le fait que ce mouvement révolutionnaire ne cherche pas à prendre le pouvoir au Mexique, plutôt à ce que leur voix soient entendues, à ce qu'on respecte plus leurs choix. L'EZLN se bat pour l'autonomie des populations indigènes. Ses membres souhaitent la création d'une société où les communautés puissent s'autogouverner, tout en recevant une aide extérieure dans les domaines où cela est nécessaire.

Cette situation est très complexe. Le Chiapas est un État très riche en termes de ressources naturelles, principalement au niveau du pétrole, de la biodiversité particulèrement au sein de la selva Lacandona. Une très grande partie de l'électricité nationale y est produite fruit d'un système hydrographique le plus important du Mexique. Cependant, la population de cette région est l'une des plus pauvres du Mexique. L'autonomie voulue par l'EZLN inclut le contrôle de ces ressources par les populations locales.

Contrairement à beaucoup de mouvement révolutionnaire, l'EZLN possède très peu de détracteurs. On pourrait comparer le mouvement zapatiste avec les méthodes de Gandhi ou Martin Luther King. Les méthodes des zapatistes expliquent probablement cette si faible opposition internationale. Le gouvernement mexicain et les médias mexicains (très proches du pouvoir fédéral du PRI puis du PAN) tentèrent en vain de criminaliser le mouvement zapatiste.


[modifier] Notes et références

  1. (en) Marcos leads his guerrilla fighters into Mexico City: article tiré du quotidien britannique The Guardian. Cet article traite, entre autre, de la popularité de l'EZLN au sein de la population civile.
  2. (en) voiren:Acteal massacre
  3. (en) en:Sixth Declaration of the Lacandonian Jungle

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • L'Autonomie, axe de la résistance zapatiste, Raúl Ornelas Bernal, Rue des Cascades, Paris, 2007 ISBN 978-2-917051-01-6
  • Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain - Textes relatifs à la guerre indienne au Chiapas, L'Insomniaque (1996); ISBN 2908744171
  • Our Word is Our Weapon, sélection d'écrits du sous-commandant Marcos; ISBN 1-85242-814-7
  • Profit Over People, Noam Chomsky; ISBN 1-888363-82-7
  • Change the World Without Taking Power, John Holloway
  • Zapatismo y contrazapatismo, cronología de un enfrentamiento, Mariola López Albertos et David Pavón Cuéllar, Buenos Aires, Turalia, 1998
  • L'Etincelle zapatiste, Jérôme Baschet, Denoel, 2002
  • La rebellion zapatiste, Jérôme Baschet, réedition du précédent, Champs, Flammarion 2005 (nouvelle postface)
  • 20 et 10, le feu et la parole, Gloria Muñoz Ramírez, Nautilus, Paris, 2004
  • Le Rêve zapatiste, Yvon Le Bot, entretiens avec le sous-commandant Marcos, Le Seuil, Paris, 1997
  • Marcos ou la géniale imposture - Bertrand de la Grange et Maité Rico Plon / Ifrane , Paris, 1997
  • Marcos, la dignité rebelle - Entretien avec le sous-commandant Marcos, Ignacio Ramonet, Galilée, Paris, 2001
  • Ces hommes sont avant tout nos frères, Danielle Mitterrand

[modifier] Liens externes