Archives publiques en France

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Les archives publiques sont l'ensemble des archives produites, reçues ou traitées par toute personne, physique ou morale, exerçant une mission de service public ou tout service ou organisme public. Elles sont conservées par leurs administrations d'origine pour leur usage propre ou pour celui des citoyens (par exemple, pour justifier de leurs droits), puis ultérieurement par les services d'archives publiques qui les mettent à disposition des historiens et des chercheurs.

La loi du 1er janvier 1979 donne dans son article premier (Code du patrimoine, art. L. 211-1) une définition précise des « archives » et dans son article 3 (code du Patrimoine, art. L. 211-4) des « archives publiques ». Généralement fixé à 30 ans, le délai de communication des archives publiques peut être porté à des délais plus longs pour certains types de documents précisés dans le code du patrimoine.

En France, les archives publiques sont conservées selon leur origine par les Archives nationales ou par les services dépendant des collectivités locales (archives régionales, archives départementales et les archives communales). Les ministères de la Défense, des Affaires étrangères et de l'Économie, ainsi que certains établissements publics, assurent eux-même la conservation et la communication de leur fonds d'archives.

Par leur origine administrative, les archives publiques proviennent surtout d'institutions administratives (stricto sensu), financières, judiciaires, religieuses. Aussi, « aucune recherche dans les archives anciennes ou récentes n'est possible en l'absence de données sur l'organisation et les procédures usitées à l'époque entre les partenaires de l'échange d'informations dont est résultée la constitution de ces archives[réf. nécessaire] » avertit Gérard Naud, directeur de services d'archives.

Sommaire

[modifier] Constitution et statut des archives publiques

Les archives publiques ont plusieurs origines possibles :

  • les archives rassemblées à l'époque révolutionnaire (archives confisquées et archives d'institutions dissoutes) ;
  • les versements depuis 1790 des services administratifs départementaux ; services déconcentrés de l'état et établissements publics ;
  • les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels ;
  • « les documents confiés en dépôt révocable par les communes, les hôpitaux, les familles, les entreprises, les associations » (Guide des Archives départementales de la Haute-Marne) ;
  • les documents légués, donnés ou achetés.

Les usages des archives publiques sont variés et ont évolué à travers le temps, pour s'ouvrir à tous : d'abord conservées pour des raisons de preuve et de bonne administration, voire de panoplie d'arguments juridiques lors de négociations diplomatiques, les archives publiques ont acquis et conforté un rôle en terme de recherche historique (source écrite, puis iconographique, sonore et audiovisuelle de la recherche) et enfin un usage culturel et social de plus en plus affirmé et diversifié. Divers archivistes ont ainsi pu écrire sans antinomie :

  • « La fonction première des Archives est de documenter l'Administration. » selon Jean-Yves Mariotte, (Guide des archives de la Haute-Savoie, Annecy, 1976) ;
  • « Les archives départementales sont un service public à la disposition de tous. » selon la toute première phrase du Guide des archives de la Haute-Marne (Chaumont, 1980).

Reconnaissant ces diverses fonctions, la France s'est dotée d'un solide réseau de services d'archives ouverts au public, bénéficiant de bâtiments modernes et adaptés à la conservation d'un patrimoine multiple, dont la collecte obéit à des règles précises.

On est donc fort loin de l'image désuète ou simplement fausse des archives que présente volontiers la littérature et les médias et telle que pouvait encore la rappeler Jean Garcin, président du conseil général du Vaucluse, évoquant lors de la première édition du guide des archives de ce département puisque l'idée selon laquelle « ce mot [archives] évoque pour le profane des piles de documents poussiéreux, entassés dans des pièces confinées... »

Les « connaisseurs » savent bien - eux - tout ce que leur apporte la fréquentation des archives : « Ne sont donc pas seulement concernés les étudiants, les chercheurs ou les amateurs de chroniques des temps anciens ; tous ceux qui assument des responsabilités, quels qu'en soient les domaines, peuvent trouver dans ces collections le reflet de leurs préoccupations, les origines et les raisons de certains comportements et peut-être même les éléments de solution à quelques unes de leurs difficultés. Ils y découvriront surtout la permanence de ce qui fait la personnalité, l'âme d'un terroir. » affirme Jean Rochet, préfet du Loiret quand il rédigeait sa préface au Guide des archives du Loiret (Orléans, 1982).

[modifier] Évolution de la législation des archives publiques françaises

  • lettres patentes du 27 novembre 1789 : le roi prescrit à tous les monastères et chapitres de dresser inventaire de leur bibliothèque et de leurs archives et de les déposer aux greffes des tribunaux ou municipalités...
  • proclamation du roi du 20 avril 1790 : les administrations supprimées doivent remettre leurs comptes et leurs archives à leurs remplaçantes...
  • loi du 12 septembre 1790 : création des Archives nationales (papiers de l'Assemblée nationale)
  • loi du 5 novembre 1790 : réunion des archives des établissements religieux aux chefs-lieux des districts
  • texte du 24 juin 1792 : destruction des titres généalogiques
  • loi du 17 juillet 1793 : brûlement des titres féodaux
  • loi du 7 messidor an II : rattachement des dépôts des chefs-lieux de district au Archives de la nation, tris..., « dégâts irréparables » selon Victor Carrière (abrogée par la loi du 3 janvier 1979)
  • loi du 5 brumaire an V : réunion des archives au chef-lieu du département, loi de création des Archives départementales, (abrogée par la loi du 3 janvier 1979)
  • loi du 28 pluviôse an VIII donnant au préfet la "garde des papiers"...
  • "40 ans d'oubli" selon Victor Carrière.
  • la loi du 10 mai 1838 et le règlement général du 6 mars 1843 sont les fondements jusqu'au 1er juillet 1921 - les frais de conservation des archives sont mis à la charge des départements
  • instructions ministérielles du 10 avril 1841. Instructions pour la mise en ordre et le classement des archives. Ministère de l'intérieur. Archives gérées par un bureau rattaché au ministère de l'intérieur puis à l'Instruction publique, regroupées avec les archives nationales qu'en 1897. Cadre de classement des archives départementales ; idem par les instructions du 16 juin 1842 et du 20 novembre 1879 pour les archives communales
  • circulaire du 24 avril 1841 : classement unique ; principe du respect des fonds
  • instructions ministérielles du 10 juin 1854 : cadre de classement des archives hospitalières ; elles sont placées sous le contrôle des directeurs des Archives départementales
  • instruction du 25 août 1857 : classement des archives communales antérieures à 1790
  • 1897, Direction des Archives de France chargée des Archives nationales, départementales, communales et hospitalières. Services particuliers : - Inspection générale des Archives de France - Commission supérieure des Archives (depuis 1884) - Comité technique paritaire - Commissions administratives paritaires
  • circulaire du 15 mars 1905 : déplacement de pièce exceptionnel
  • circulaire du 25 mars 1909 concernant le répertoire numérique, analyse article par article ; elle proscrit la formule de l'inventaire sommaire par échantillonnage institué en 1854
  • arrêté ministériel du 1er juillet 1921 portant Règlement général des Archives départementales
  • règlement général du 1er juillet 1921 (remplaçant celui de 1843), assimilable à une Charte des Archives départementales
  • loi du 29 avril 1924 autorisant les communes à déposer leurs archives de plus de cent ans
  • 1926 : versement obligatoire des documents centenaires des justices de paix, tribunaux de première instance et d'appel
  • arrêté ministériel portant règlement du 31 décembre 1926 : règlement des archives communales
  • loi du 14 mars 1928 : avec accord des conseils généraux, possibilité de versements des archives notariales de plus de cent vingt-cinq ans, (abrogée par la loi du 3 janvier 1979)
  • décret interministériel du 21 juillet 1936. Tous les services des administrations de l'État ayant leur siège dans le département doivent verser leurs archives aux Archives départementales. Certains ministères et administrations publiques, ne sont pas tenus de verser leurs archives aux Archives nationales : - Administration des Monnaies et Médailles - Armée de l'Air - Armée de Terre - Caisse des dépôts et consignations - Conseil d'État - Marine militaire - Ministère des Affaires étrangères.
  • 1938 : État des inventaires des Archives départementales au 1er janvier 1937. Paris, Didier, 1938.
  • circulaire du 15 avril 1944 créant la série J destinée aux documents entrés par voies extraordinaires, (auparavant série F...)
  • arrêté du 20 novembre 1944 et du 11 mars 1968 (archives hospitalières)
  • 1945 : la Direction des archives de France a autorité sur l'ensemble des archives publiques
  • arrêté du 28 janvier 1954 : fonctionnaire (avant bibliothécaire ou conservateur du musée)
  • circulaire du 16 décembre 1965 fixant la clôture des séries modernes des Archives départementales au 10 juillet 1940 (fin de la Troisième République)
  • décret du 19 novembre 1970
  • loi du 21 décembre 1970 : dépôt obligatoire pour les communes de moins de 2000 habitants
  • loi du 3 janvier 1979 (décrets du 3 décembre 1979) : loi fondamentale jusqu'à ce jour, elle a été abrogée et codifiée au Code du patrimoine
  • circulaire du 31 décembre 1979 confirmant la clôture du 16 décembre 1965 sauf pour les séries E, J et Fi (et la série K du Journal officiel) : la cote est formée du numéro d'ordre du versement suivi de la lettre W et du numéro d'ordre de l'article dans le versement. La notion de base n'est plus la série, mais le versement : un fonds virtuel est représenté par la réunion des bordereaux de versement provenant de la même origine (service producteur ou détenteur). Il est procédé à des éliminations et des échantillonnages sur une base chronologique (une année sur dix par exemple).
  • instruction du ministre de la Culture du 8 mars 1983 : pour les communes, clôture des séries A à S à la date du 31 décembre 1982 et série continue pour les versements ultérieurs
  • loi du 22 juillet 1983 art. 66, la gestion des archives départementales est confiée au département, tout en continuant à relever techniquement et scientifiquement de la Direction générale des Archives de France.
  • ordonnance 2004-178 du 20 février 2004 relative à la partie législative du code du patrimoine : codification à droit constant de divers textes législatifs, dont la loi de 1979. Les archives font désormais l'objet du livre II du code du patrimoine.

[modifier] Archives privées

Pour diversifier les sources proposées et enrichir le patrimoine, les services d'archives publiques accueillent également des archives d'origine privées : - personnelles et familiales - associatives et syndicales - économiques - religieuses, etc, pour autant que les détenteurs leur en confient le soin.

Les archives privées sont l'objet des 16 articles du titre III de la loi du 3 janvier 1979 (devenu la section 2 du chapitre 2 du titre premier du livre II du Code du patrimoine). Elles peuvent faire l'objet d'une mesure de classement comme archives historiques, par arrêté du ministre de la Culture.

« La protection et le répertoriage de fonds d'archives conservés par des familles, des paroisses, des entreprises et maisons de commerce, des cabinets d'architectes, des associations de toute nature, etc., est l'une des préoccupations majeures des Services d'Archives. Même si ces documents peuvent sembler peu nombreux ou très récents, leur dépôt est vivement recommandé. Cette formalité s'opère sans aucun frais pour les déposants, ni droits de garde et n'entraîne pas de transfert de propriété. Un contrat sous seing privé est passé avec le préfet du département, un exemplaire du répertoire rédigé est adressé au dépositaire. Microfilms ou photocopies peuvent être également effectués. » (Guide des archives de l'Eure, par Claude Lannette, Évreux, 1982, p. 19)

« Il s'y ajoute des cadres de classement non réglementaires mais conseillés pour les archives privées : familles, seigneuries, entreprises, diocèses et paroisses. » (Guide des A.D. de la Haute-Saône)

[modifier] Le travail des archivistes

Au-delà des définitions théoriques, « l'archiviste sauvegarde les documents dont se servira l'historien et, ainsi, c'est la conscience collective de tout un peuple qui s'éveille. » selon Jean Garcin, déjà cité. Les archivistes paléographes actuels (École nationale des Chartes) ont succédé aux « préposés au triage », « gardiens des archives », eux-mêmes successeurs des feudistes, et autres clavaires (clefs, Savoie).

Tout d'abord, les archivistes distinguent pour les archives publiques les trois âges reconnus aux archives en général :

  • archives courantes : documents d'utilisation habituelle ; contrôle par les Archives de France
  • archives intermédiaires : plus courante mais intérêt administratif empêchant un traitement (dépôt de pré-archivage)
  • archives définitives ou « historiques » : documents qui ont subi les tris et éliminations appropriés, destinés aux dépôts d'archives.

« Les documents versés aux Archives par les services administratifs demeurent sous leur contrôle tant qu'ils n'ont pas atteint le délai de libre communicabilité au public. » (Guide des archives de la Haute-Savoie. Jean-Yves Mariotte, Annecy, 1976).

« Une des fonctions principales de l'archiviste est de faciliter les recherches dans son dépôt par la rédaction de répertoires numériques et d'inventaires sommaires » (Cf. art. 61, arrêté ministériel du 1er juillet 1921 portant Règlement général des Archives départementales).

On distingue parmi les instruments de recherche : les inventaires (sommaires, analytiques et semi-analytiques), les répertoires numériques et méthodiques (simples, détaillés et très détaillés, les catalogues (pour les documents rassemblés en collection dans unité archivistique particulière).

Les cadres de classement définissent à l'échelon national les classifications à utiliser pour le classement et la cotation des documents. Secondairement, dans les instruments de recherche, des classements complémentaires sont utilisés : l'ordre suivi peut-être méthodique, fonctionnel, alphabétique, chronologique, numérique, géographique selon la nature des dossiers à traiter.

Trois types d'unité différents et complémentaires sont à prendre en compte pour traiter des archives :

  • l'unité intellectuelle de classement étant le dossier ou la pièce ;
  • l'unité matérielle de classement ou article ;
  • l'unité matérielle de manutention qui est la liasse ou carton (schéma emprunté au Guide des A.D. du Loiret).

Ils s'appuient pour cela sur les définitions fondamentales suivantes :

  • l'article est un document ou un ensemble de documents représentant une unité matérielle de classement et recevant une cote individuelle : liasse, registre, plan isolé, etc.
  • le fonds : « ensemble des documents réunis, pendant toute la période de son existence ou de son activité, par une même personne physique ou morale. Le classement des archives veille autant que possible à respecter l'intégrité des fonds. Il arrive qu'une série comprenne plusieurs fonds ou qu'un fonds soit divisé en plusieurs séries ». (Guide des A.D. de la Sarthe)
  • la série : ensemble d'articles résultant de l'exercice d'une même fonction administrative pendant une période donnée, ou provenant d'un même type d'institutions, ou entrés dans les mêmes conditions. Une série est la subdivision d'un cadre de classement.

Ainsi armé face aux divers ensembles qui intègrent chaque jour « son » dépôt, l'archiviste assisté de ses collaborateurs peut s'attaquer aux trois temps de son métier entre la collecte et la consultation par le public :

  • le classement : constitution des articles, mise en ordre du fonds, cotation...
  • l'inventaire : définition et dénomination des grandes divisions du fonds, description matérielle de chaque article et l'analyse par article, dossier ou pièce...
  • l'analyse : énoncé de la nature des actes, l'auteur, l'objet, le lieu, la date... constituant le texte des instruments de recherche (cf. supra), qui comportent également introductions historiques, index, tables de concordances et divers types d'annexes destinées à l'aide à la recherche pour le public, selon des grilles de travail extrêmement structurées (ISAD(G), DTD-EAD).

Reste alors le dernier effort à la charge du curieux ou chercheur professionnel, celui de l'adaptation de son objectif ou motivation aux modes de production et de conservation des documents originaux, sachant que « les archives ne sont pas et ne peuvent pas être classées par sujets. [...] Toute recherche d'archives doit donc commencer par une transposition du « sujet » en termes d'organisation des institutions passées ou présentes... ». (Guide de la Sarthe...). Rappelons que c'est d'ailleurs cette dégradation des fonds en fonction de sujets ou thèmes de recherche arbitraires qui a causé un considérable et durable préjudice à certains fonds, notamment des Archives nationales et plus récemment fonds des préfectures et imposé le respect aussi systématique que possible des cadres de classement réglementaires.

[modifier] Abréviations usuelles

  • A.C. : Archives communales
  • A.C. dép. : archives communales déposées
  • A.D. : Archives départementales
  • A.N. : Archives nationales
  • Arch. : archives
  • art. : article
  • B.M.S. : baptêmes, mariages, sépultures
  • circ. : circulaire
  • coll. : collection
  • D. : décès
  • dact. : dactylographié
  • impr. : imprimé
  • Inv. somm. : inventaire sommaire
  • m.l. : mètre linéaire
  • ms. : manuscrit
  • n. st. : nouveau style (changement de calendrier)
  • N. : naissance
  • Reg. : registre
  • Rép. num. : répertoire numérique
  • s.l. n.d. : sans lieu ni date
  • suppl. : supplément
  • vol. : volume

[modifier] Bibliographie

  • Les Guides des Archives départementales, existant pour les deux tiers des départements.
  • Association des archivistes français, Abrégé d'archivistique, 2004 (nouvelle édition 2007).
  • Direction des Archives de France, Pratique archivistique française, Paris, Imprimerie Nationale, 1993.
  • Direction des Archives de France, Manuel d'archivistique, Paris, Imprimerie nationale, 1970.
  • Code des Archives de France. 4 tomes.

[modifier] Liens externes