Alcoolisme

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A la Mie, tableau de Henri de Toulouse-Lautrec
A la Mie, tableau de Henri de Toulouse-Lautrec
Alcoolisme
CIM-10 : F10, Z13.3

L'alcoolisme est la dépendance à l'alcool (éthanol) contenu dans les boissons alcoolisées. L'OMS définit l'alcoolisme comme des troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation d'alcool[1].

Cette pathologie chronique est caractérisée par la perte de contrôle de la consommation d'alcool, la présence d'une dépendance physique (pharmacodépendance, syndrome de sevrage) et d'une tolérance (nécessité d'augmenter les doses car le corps s'habitue). L'alcoolisme, considéré comme une dépendance, est à l'origine de dommages physiques, psychiques et sociaux. La progression dans le temps est l'une des caractéristiques majeures de cette addiction. L'usage sans dommage précède le mésusage (avec usage nocif et usage à risque) sans dépendance puis enfin la dépendance. L'alcool est une substance psychoactive à l'origine d'une dépendance mais est également une substance toxique induisant des effets néfastes sur la santé. L'addiction à l'alcool est une dépendance qui peut être physique et/ou psychique. Les deux sont souvent liés.

L'abstinence est souvent prônée afin de stopper l'évolution de la dépendance et de revenir à une vie normale.

On distingue deux grandes formes d'alcoolisme parmi différents types :

  • une consommation continue de boissons peu alcoolisées ; cette forme ne s'accompagne en général pas d'un sentiment de culpabilité, la personne considère qu'elle a une consommation « normale » ;
  • une consommation fréquente de boissons très alcoolisées ; cette forme s'accompagne d'un fort sentiment de culpabilité, la personne nie avoir un problème.

La seule façon d'enrayer sa progression serait une abstinence totale. Le sevrage peut être effectué lors d'une cure en hôpital (il existe des services spécialisés en alcoologie).

Si le sevrage est trop brutal, il peut survenir un delirium tremens, avec hallucinations et tremblements, pouvant conduire au décès.

De nombreuses associations peuvent aider le malade alcoolique, abstinent ou non. Ces associations sont souvent des MAB (mouvements d'anciens buveurs).

Sommaire

[modifier] Terminologie

En langage médical, l'alcoolisme possède plusieurs synonymes moins connus, qui n'ont pas le même caractère péjoratif. On emploie ainsi les expressions oenolisme, éthylisme, exogénose ou intoxication OH.

L'alcoologie est la science qui traite des effets de l'alcool sur la santé et des moyens d'y remédier.

L'alcoolisme est classé selon l'OMS en deux types : la forme aigue ( le « binge drinking » des anglo-saxons ) ne comporte pas en rêgle de phénomène de dépendance, contrairement à l'alcoolisme chronique.


[modifier] Physiologie

[modifier] Problèmes de santé induits par l'alcool

[modifier] A court terme

  • ivresse aiguë : état d'ébriété, ralentissement des réflexes, état d'euphorie ou, au contraire, de tristesse, mauvaise appréciation des situations, troubles de l'équilibre, vasodilatation, jusqu'au coma éthylique ; cette situation peut amener au décès
  • gastrite
  • reflux gastro-œsophagien
  • hépatite aiguë alcoolique
  • nausées, vomissements
  • l'alcool a un effet anxiolytique a court terme. A long terme, il engendre souvent angoisses et dépression

[modifier] A moyen et long terme

  • système nerveux : neuropathie alcoolique, névrite optique rétro bulbaire, encéphalopathie hépatique, démences alcooliques (Korsakoff, marchiava bignami, Wernicke)
  • foie : cirrhose avec insuffisance hépatocellulaire, cancer
  • pancréas : pancréatite aiguë ou chronique, insuffisance pancréatique exocrine (mal digestion) et endocrine (diabète)
  • système cardiovasculaire : hypertension artérielle, cardiopathie, hypertension portale avec varices gastriques et œsophagiennes, insuffisance veineuse
  • cancers des voies aérodigestives supérieures : langue, cavum, lèvres, œsophage, estomac
  • Conclusions de Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) : Une femme consommant 50g alcool par jour (5 pintes de bière, 5 verres de vin) augmente son risque de développer un cancer du sein de 50%. Pour 18g/jour (2 verres) son risque se voit augmenté de 7%
  • génère de la dépression

[modifier] Modifications biologiques liées à l'alcoolisme chronique

  • Atteinte hépatique : cytolyse hépatique, macrocytose, augmentation des γ-GT, insuffisance hépatocellulaire : hypoalbuminémie, baisse des facteurs de la coagulation, thrombopénie.
  • atteinte pancréatique : augmentation des enzymes amylase et lipase, insuffisance pancréatique exocrine et endocrine
  • hypertriglycéridémie
  • carences vitaminiques (groupe B)

[modifier] Alcool et grossesse

Le principal risque lié à l'alcool est celui des "effets foetaux de l'alcoolisation" (EFA), qui désignent les troubles des apprentissages et/ou du comportement au cours de la petite enfance, et dont la survenue est reliée à une ou des prises d'alcool occasionnelles par la mère (quelle qu'elle soit) durant sa grossesse. Plus rare est le syndrome d'alcoolisation fœtal (SAF), observé parfois et dès la naissance chez l'enfant né d'une mère souffrant d'un problème chronique d'alcoolisation, et qui se traduit par un ensemble de signes cliniques morphologiques et neurologiques, susceptibles d'handicaper l'avenir de l'enfant.

[modifier] Le sevrage en alcool

En raison de la dépendance induite, le sevrage est souvent délicat, exposant à un risque important de rechute. Il est facilité si l'alcoolique est accompagné médicalement et socialement.

L'utilisation de groupes de paroles (le plus connu étant les alcooliques anonymes) est d'une certaine efficacité dans le maintien d'une abstinence à long terme[2].

[modifier] Pharmacologie de prévention de la rechute

Le Disulfirame facilite l'abstinence par effet « antabuse » : l'absorbtion d'alcool provoque alors des effets secondaires désagréables mais parfois dangereux chez certaines personnes.

L'acamprosate et le naltrexone permettent de diminuer l'appétence pour l'alcool.

D'autres molécules sont à l'essai. Parmi ces dernières, le baclofène semble être prometteur[3].

[modifier] Le syndrome de sevrage alcoolique

Il survient 6 à 12 heures après la dernière prise d'alcool chez une personne dépendante et évolue spontanément vers la disparition de la dépendance physique en une semaine. Il peut néanmoins rester une dépendance psychologique. Cette dernière peut être forte et conduire à une réalcoolisation ou rechute.

Dans les formes mineures, on note, de façon plus ou moins associée, des nausées, des céphalées, une agitation, des trémulations, une tachycardie, une hypertension artérielle, des sueurs, une fièvre, des symptômes anxieux et dépressifs, des troubles de la concentration.

Dans les formes sévères, il y a des crises convulsives avec ou sans hallucinations. La forme la plus sévère des complications est le delirium tremens qui peut être mortelle en l'absence de traitement. Ces formes sévères peuvent être inaugurées par des troubles visuels, auditifs et sensitifs, favorisés par des stimuli sensoriels (gène de la lumière, du bruit, démangeaisons), des idées délirantes et hallucinatoires.

Les éléments qui permettent de détecter les formes sévères, permettant ainsi un repérage dans le but d'une meilleure prise en charge, sont: la consommation prolongée de quantités importantes en alcool, des antécédents de crises convulsives et de délirium trémens, la nécessité de boire rapidement de l'alcool après le réveil afin de soulager les formes débutantes de sevrage.

L'administration de benzodiazépine reste le traitement de choix pour prévenir le delirium tremens.


[modifier] Sociologie et économie

[modifier] Prévalence de l'alcoolisme

En France, vers 2006, L'alcoolisme touche 5 millions de personnes[4] (soit plus de 7 800 personnes pour 100 000 habitants), dont 600 000 femmes ; d'après une étude récente[5], chaque Français a consommé en moyenne 13,4 litres d'alcool en 2003. En France, on estime que 20% des accidents du travail sont imputables à l'alcool[6] et 10% des salariés ont une consommation problématique d'alcool[7]. Ces statistiques sont particulièrement sujettes à caution : l'évaluation rigoureuse est très difficile en raison d'une dénégation quasi-constante des faits.

[modifier] Alcoolisme et mortalité

L'alcoolisme cause environ 1 800 000 morts par an dans le monde vers 2004 (soit autour de 3 % des décès[8]), dont 45 000 en France[9] (73 pour 100 000 habitants) :

  • 23 000 décès directs
  • 22 000 morts indirectes (troubles mentaux, maladies cardiovasculaires, accidents...).

Tous les ans, 5 000 à 7 000 bébés naissent en France avec des malformations graves en raison de l'alcoolisation de la mère; dans le Pas-de-Calais, cela représente 1 naissance sur 3 000.

En France, on peut considérer que l'alcoolisme est la troisième cause de mortalité après l'obésité et le tabac, et devant les maladies infectieuses et les accidents de la route.

Les risques de cirrhose du foie et d'accident sont bien connus de la majorité des Français, mais il n'en est pas de même des risques de cancers et de maladies cardio-vasculaires.

Pour les maladies cardio-vasculaires, les études scientifiques montrent qu'une consommation modérée (un verre par jour) diminue le risque cardio-vasculaire, mais qu'une consommation de plus de trois verres l'augmente rapidement.

L'excès d'alcool crée également des carences en vitamines, ce qui diminue la résistance aux maladies.

L'association alcool – tabac est un facteur d'aggravation du risque, qui devient alors supérieur à la somme des risques de l'alcool et du tabac pris séparément.

[modifier] Le coût social de l'alcoolisme

Le coût de l'alcoolisme est très important, tant par ses conséquences médicales, que par l'absentéisme qui en découle ou par la criminalité en rapport. Il a été estimé à près de 39 milliards de dollars par an en Grande-Bretagne[2].

[modifier] Aspects juridiques

[modifier] Conseil de l'Europe

[modifier] Textes

L' article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme (dite « convention européenne des droits de l'homme ») dispose : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
[...]
s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond;
[...]
Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.
[...]
Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »

Ce texte n'impose pas que la détention d'un alcoolique soit décidé par une autorité judiciaire: en effet, la disposition de cet article selon laquelle « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure » s'applique uniquement aux personnes « arrêté[es] et détenu[es] en vue d'être conduit[es] devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'[elles ont] commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l[es] empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci  ».

[modifier] Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme

  • Arrêt Witold Litwa c. Pologne, 4 avril 2000 : « les personnes dont la conduite et le comportement sous l'influence de l'alcool constituent une menace pour l'ordre public ou pour elles-mêmes, même si aucun diagnostic d'« alcoolisme » n'a été posé les concernant, peuvent être détenues à des fins de protection du public ou dans leur propre intérêt, par exemple leur santé ou leur sécurité personnelle.
    62. Il ne faut pas en déduire que l'article 5 § 1 e) de la Convention peut être interprété comme autorisant la détention d'un individu simplement parce qu'il consomme de l'alcool. Toutefois, pour la Cour, dans le texte de l'article 5, rien n'indique que cette disposition interdit à un État de prendre cette mesure à l'égard d'un individu qui abuse d'alcool afin de restreindre les effets néfastes de sa consommation pour lui-même et pour la société, ou pour empêcher un comportement dangereux après l'ingestion d'alcool.
     »

[modifier] L'alcoolisme dans les arts

Affiche du peintre Frédéric Christol (1850-1933), intitulée L'Alcool ! Voilà l'ennemi
Affiche du peintre Frédéric Christol (1850-1933), intitulée L'Alcool ! Voilà l'ennemi

L'alcoolisme est très présent dans les lettres et les arts. Il constitue un ressort dramatique pemettant la modification, soit progressive et de fond, soit au contraire temporaire mais brutale, du caractère d'un personnage. Permettant notamment de donner lieu à des évènements extraordinaires (un crime sous l'emprise de l'alcool) ou de montrer une lente dégradation (Comme dans L'assommoir de Zola).

[modifier] En littérature

[modifier] Au cinéma

[modifier] Notes et références

  1. Classification internationale des maladies de l'OMS, Liste de codes CIM-10 (F10)
  2. ab Parker AJ, Marshall EJ, Ball DM, Diagnosis and management of alcohol use disorders, BMJ, 2008;336:496-501
  3. Addolorato G, Leggio L, Ferrulli A et Als. Effectiveness and safety of baclofen for maintenance of alcohol abstinence in alcohol-dependent patients with liver cirrhosis: randomised, double-blind controlled study, Lancet, 2007; 370:1915-1922
  4. Julie Lasterade, « L'alcoolisme sur la table », dans Libération, 07/10/2006, [lire en ligne]
  5. Tableaux de l'Économie Française : Consommation d'alcool - Édition juillet 2007 publié par l'Insee
  6. Cécile Prieur, « Combattre l'alcool au travail », dans Le Monde web, 23/05/2006
  7. Synthèse d'études menées auprès de PME-PMI de Bretagne et Midi-Pyrénées par l'Anpaa, publié dans L'Express du 9 mars 2006, article Alcool : 1 salarié sur 10.
  8. WHO, Global status report on alcohol, 2004.
  9. Julie Lasterade, « L'alcoolisme sur la table », dans Libération, 07/10/2006, [lire en ligne]

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Organismes officiels et associations


[modifier] Documents de référence

[modifier] Bibliographie

  • Alain de Mijolla avec Salem Shentoub : "Pour une psychanalyse de l'alcoolisme", Ed.: Payot-poche, 2004, ISBN 2228899119 (réédition d'un ouvrage de référence)
  • Paul Kiritzé-Topor : "Aider les alcooliques et ceux qui les entourent", Ed.: Abrégés-Masson; 2005, ISBN 2294017803
  • Jean-Paul Descombey: "L'économie addictive - L'alcollisme et autres dépendances", Ed.: Dunod, 2005