École française d'orgue

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Sommaire

[modifier] Une des plus prestigieuses traditions européennes

L’école française d’orgue a connu son apogée aux XVIIe et XVIIIe siècles. C'est aussi (et ce n'est pas un hasard) le moment où la « facture classique française » atteint sa perfection avec des facteurs de génie : Dom Bedos de Celles, les Clicquot, les Lefebvre, etc.

Les compositeurs pour cet instrument sont très nombreux. Si aucun n'a laissé une œuvre écrite comparable à celles de Buxtehude ou de Bach en Allemagne à la même époque — et même en tenant compte des œuvres perdues, leur production collective forme un corpus considérable et de qualité.

En fait, la plupart des compositeurs ont passé plus de temps à improviser qu'à écrire pour la postérité, l'orgue étant à l'origine plus considéré comme instrument utilitaire destiné à accompagner la liturgie que comme instrument d'agrément propre à séduire l'auditoire et à mettre en valeur la virtuosité de l'interprète. Même les plus doués des compositeurs, titulaires de charges ou d'instruments prestigieux comme François Couperin et Louis Marchand, ont laissé peu d'œuvres pour l'orgue. Quant à Rameau, qui fut organiste pendant des dizaines d'années, il n'a rien écrit pour cet instrument.

La plupart de ces artistes sont établis à Paris ou dans de grandes villes de province assez proches : Rouen, Reims, Chartres, Laon, Beauvais... dont les cathédrales possèdent des instruments prestigieux.

Le début de leur carrière est souvent marqué par la publication d'un « premier livre » destiné à attester leur science, et qu'ils pensent de façon certainement sincère faire suivre d'autres ouvrages dans les 8 tons ecclésiastiques. Mais beaucoup d'entre eux s'arrêtent avant d'avoir réalisé ce programme. Il est vrai qu'ils ont, pour la plupart, beaucoup d'autres charges prenantes et peut-être plus gratifiantes auprès du roi et des grands de la Cour. Ainsi, malgré quelques réussites incontestables, peu d'œuvres atteignent les proportions de celles écrites au même moment par les contemporains du nord de l'Allemagne. Font exception, par exemple : le Grand Dialogue du 5e ton de Louis Marchand et les Offertoires sur les Grands Jeux de Nicolas de Grigny et de François Couperin (Messe à l'usage des paroisses).

Pendant cette période, le style évolue d'une polyphonie austère vers un style de plus en plus concertant. Lorsque cette dernière tendance l'emportera, ce sera le signe d'une décadence accélérée qui se prolongera jusqu'à la seconde moitié du XIXe siècle.

Une caractéristique de l’école française est l'attention particulière portée à la registration : les compositeurs l'indiquent souvent de manière extrêmement précise (Couperin : Dialogue sur les trompettes, clairon et tierces du grand clavier et le bourdon avec le larigot du positif).

Ce trait distinctif doit être signalé à une époque où l'on se soucie assez peu du timbre des instruments, et où beaucoup de musiciens écrivent des pièces dont ils précisent qu'elles peuvent se jouer indifféremment « sur le violon, la flûte, le hautbois, la viole, etc. ». Le célèbre gambiste Marin Marais allait même jusqu'à indiquer que ses œuvres pouvaient être jouées à l'orgue, au clavecin, au violon, au dessus de viole, au théorbe, à la guitare, à la flûte traversière, à la flûte à bec et au hautbois ! Il ne faut pourtant pas croire que ces musiciens n'avaient pas d'oreille : il s'agissait d'un argument commercial pour essayer de mieux vendre leurs compositions, à une époque ou l'impression et, surtout, la gravure des pièces partitions était fort coûteuse ; raison pour laquelle beaucoup n'étaient pas éditées et restaient en manuscrits que l'on empruntait et recopiait.

Les compositions (jusque vers 1750) s'organisent en quatre groupes :

Sur la fin de la période, les organistes se permettront beaucoup plus de fantaisie (sonates, concertos, etc.), souvent au détriment du caractère de l'instrument.

Le roi nomme pour son service à la Chapelle Royale les interprètes les plus doués, se répartissant la charge par « quartier » c'est-à-dire par trimestre.

[modifier] Des œuvres disparues ou oubliées

Au XVIIe, peu d'organistes se souciaient de faire éditer leurs œuvres, entreprise coûteuse et probablement difficile à rentabiliser. D'ailleurs, ils composaient généralement pour leurs propres besoins, conservant leurs manuscrits qui circulaient aussi en copies. De nombreuses compositions ont ainsi dû disparaître, quand le seul exemplaire existant se perdait. De nombreux artistes, et des plus prestigieux, n'ont laissé que quelques rares pièces, ou même rien du tout : Étienne Richard, Joseph Chabanceau de la Barre, Jacques Thomelin, Jean-Baptiste Buterne, Guillaume-Antoine Calvière etc.

L'un des principaux compositeurs de musique religieuse de la période baroque, Marc-Antoine Charpentier mentionne régulièrement l'intervention d'un orgue dans ses œuvres, sans que nous puissions en conclure que le compositeur ait écrit pour cet instrument. Selon la tradition l'école française d'orgue, il s'agit certainement ici d'improvisations, dont il ne reste aucune trace. Voir à ce sujet, la Messe à quatre choeurs [H.4], par exemple.

La Messe pour plusieurs instruments au lieu des orgues [H.513] témoigne cependant d'une parfaite connaissance du traitement du plain-chant par les organistes l'école française d'orgue.

La redécouverte de son œuvre a commencé en 1953, avec le choix du Te Deum pour l'eurovision. Toute l'œuvre de Marc-Antoine Charpentier a été conservée sous forme de 28 volumes manuscrits, à la Bibliothèque royale, devenue Bibliothèque nationale de France. Cette œuvre comprend en particulier de la musique religieuse écrite à partir de 1680, lorsque Marc-Antoine Charpentier était au service des Jésuites. Seulement la moitié de l'œuvre de Marc-Antoine Charpentier a été enregistrée à l'heure actuelle.

[modifier] Les compositeurs et leurs œuvres

(liste non exhaustive).

[modifier] Première période : compositeurs nés avant 1640

L’orgue, instrument de la polyphonie.

  • Jehan Titelouze (v. 1563-1633), chanoine titulaire de l'orgue de la cathédrale de Rouen, est souvent considéré comme le fondateur de l'école française d'orgue
    • 1624 : 12 hymnes avec les fugues et recherches
    • 1626 : 8 Magnificat dans tous les tons ecclésiastiques
  • Charles Racquet (1598-1664) organiste de Notre-Dame de Paris
  • Louis Couperin (v. 1626-1661) organiste de l'église parisienne de Saint-Gervais
    • de 1650 à 1659 : 70 pièces restées en manuscrit, dont 45 redécouvertes en 1957



[modifier] Deuxième période, compositeurs nés de 1640 à 1670

Nouvelles formes et nouveau style.

  • Jacques Boyvin (v. 1650-1706), parisien établi à Rouen ou il est titulaire à la cathédrale
    • 1689-1690 - 1er livre : suites de pièces dans tous les tons
    • 1700 - 2e livre : suites de pièces dans tous les tons
  • François Couperin (1668-1733) organiste de l'église Saint-Gervais à Paris
    • 1690 - 1er livre : Messe à l'usage des paroisses et Messe à l'usage des couvents


[modifier] Troisième période : le XVIIIe siècle

L'orgue, instrument de concert.

[modifier] L'orgue au temps de la Révolution

  • Guillaume Lasceux (1740-1831)
    • 1772 - Journal de pièces d'orgue contenant messes, Magnificat et noëls
    • 1782 - Nouveau Journal
    • 1809 - Essai (manuscrit) théorique et pratique, comportant 133 pages d'exemples musicaux
    • 1819 - Annuaire de l'organiste
    • 1820 - 12 fugues

Les derniers organistes du XVIIIe siècle s'amusent à imiter la tempête, le tonnerre et se forcent à entonner les air militaires ou révolutionnaires à la mode (Ah, ça ira !', la Marseillaise, le Chant du départ, etc.), pour prouver leur très opportun ralliement au nouveau pouvoir - ce qui ne les empêche d'ailleurs pas de perdre leurs subsides.

Pendant toute cette période, les métiers d'organiste et de claveciniste étaient alors les mêmes et exercés par les mêmes artistes. Un grand nombre d'entre eux ont donc aussi participé au rayonnement de l'École française de clavecin. Les deux instruments suivent donc une évolution assez comparable pendant toute la période « baroque ». La période révolutionnaire est le signal de la disparition du clavecin et d'un cantonnement prolongé de l'orgue dans le domaine de l'accompagnement liturgique, peu adapté qu'il est à l'esthétique romantique.

[modifier] Renaissance à la fin du XIXe siècle

[[Media:|Guilmant et Widor : Sonate V, de Guilmant; Symphonie VII, de Widor, venant de Brooklyn USA]]

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Tous les musicologues le reconnaissent sans peine : le début du XIXe constitue pour l'orgue, en France, une véritable traversée du désert (il y a néanmoins d'heureuses exceptions, comme celle d'Alexandre Boëly).

C'est le renouveau de sa facture, avec Aristide Cavaillé-Coll, et de sa littérature, avec César Franck ainsi que la nouvelle génération d'organistes qui lui succède, qui lui redonneront un nouveau prestige. À ne pas oublier non plus ce célèbre étranger, Franz Liszt qui a inventé à la fois la pièce théatrale par excellence Ad nos ad salutarem undam et aussi des pièces consacrées à l'harmonisation du grégorien, comme son Salve Regina. Une figure aussi importante que César Franck pour le renouvellement de l'école française d'orgue, c'est Alexandre Guilmant, tant pour son oeuvre de musicologue dans la période classique française ( les Archives des Maître de l'orgue ), que pour son travail de compositeur. On peut à juste titre l'appeler le plus grand compositeur de fugues après Jean-Sébastien Bach !

Guilmant était un travailleur infatigable de la musique comme Balzac l'était pour la littérature. Il a écrit énormément de musique, tant pour la liturgie que pour les concerts. Il a arrangé des chants grégoriens et des noëls. Guilmant et Widor étaient de grands amis, et il est intéressant de les comparer comme compositeurs pour l'orgue. Guilmant appelait ses grandes pièces pour orgue Sonates, et elles sont issues non tant de la tradition française que de la tradition allemande, de Bach et Beethoven. Widor bien sûr connaissait la musique allemande, mais son goût est bien plus dans une tradition française de la suite, et pour l'art qui ne s'annonce pas. Il appelait ses grandes œuvres Symphonies, mot qui les lie à la tradition symphonique allemande, mais les symphonies de Widor sont bien autres que symphonies classiques en quatre mouvements. Les huit premières symphonies pour orgue de Widor ressemblent plus aux suites françaises qu'aux symphonies de Beethoven. Elles sont composées de 5 ou 6 mouvements caractéristiques comme Prélude, Marche, Menuet, Pastorale, Toccata, etc. Les deux dernières symphonies, Gothique (pour Noël) et Romane (pour Pâques) sont remarquables pour leur usage du grégorien dans un contexte qui résume tout l'art de leur compositeur.

L'influence de Guilmant s'exerce encore aujourd'hui chez ses étudiants, non seulement en France mais surtout en Angleterre et en Amérique, car il avait beaucoup d'étudiants anglophones. Il est en partie responsable du fait que J. S. Bach est considéré le compositeur fondamental pour la formation organistique.

Compositeurs d'orgue de l'ère romantique, actifs à Paris

  • Franz Liszt [1811-1886]
  • Louis James Alfred Lefébure-Wély [1817-1869]
  • César Franck [1822-1890]
  • Alexandre Guilmant [1837-1911]
  • Charles-Marie Widor [1844-1937]
  • Eugène Gigout [1844-1925]
  • Léon Boëllmann [1862-1897]


On peut dire que la renaissance de l'orgue en France vient partiellement de la place importante consacrée à l'orgue dans les opéras romantiques. L'opéra à Paris était le centre de la vie artistique, et de plus en plus, une «scène d'orgue » était obligatoire dans les opéras, à partir de Robert le Diable de Meyerbeer. La renaissance du gothique, un nouvel intérêt dans le grégorien, tout se liait à un goût nouveau pour les choses médiévales. De plus, il est bien évident que le monde de la plupart des compositeurs d'orgue français romantiques était un monde plus théâtral que religieux. D'ailleurs, ce n'est pas tout à fait différent de l'époque classique : Lebègue n'était-il pas plein de souvenirs de Lully?

[modifier] Renouveau du XXe siècle

Ce sont précisément les héritiers de ce mouvement symphoniste qui vont consolider la réputation de l'école d'orgue française et l'enrichir en y imprimant la marque à la fois du néo-classicisme et du néo-symphonisme et en y dressant d'incontournables monuments dans l'histoire de l'orgue, non seulement française mais aussi internationale.

Les pionniers de ce renouveau ont pour nom Louis Vierne, Marcel Dupré, Charles Tournemire, rapidement suivis par Jehan Alain, Olivier Messiaen, Jean Langlais, Maurice Duruflé et bien d'autres. Leurs styles seront qualifiés tour à tour de post-romantique, néo-classique, impressionniste, c'est dire que l'école française d'orgue a fortement influencé les musiciens d'aujourd'hui et ouvert un grand nombre de voies dont les nouveaux compositeurs ont à peine commencé l'exploration.

[modifier] Voir aussi

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