Religion harappienne

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La religion harappienne est la plus ancienne religion connue de la civilisation de l'Indus (3300-1900 av. J.-C. environ), redécouverte en 1922, la première manifestation de la culture indienne. Cette culture urbaine hautement développée, qui nous est connue grâce aux fouilles archéologiques des villes de Mohenjo-Daro, en Hindoustan, et de Harappa dans le Panjâb, remonte au moins au IIIe millénaire av. J.-C., elle précède donc les migrations des peuples indo-Européens.

Sommaire

[modifier] Caractéristiques principales

La religion harappienne, d'après sir John Marshall [1], est si spécifiquement indienne qu'elle se distingue à peine de l'hindouisme. Nous y retrouvons le culte de la Grande Déesse ainsi que celui d'un dieu qui pourrait être considéré comme un prototype de Shiva, à côté de la zoolâtrie, du phallisme, du culte des arbres et des eaux, c'est-à-dire tous les éléments qui entreront plus tard dans la grande synthèse hindouiste. On a dégagé dans une habitation une statuette représentant une figure féminine à demi-nue qui est l'effigie de la Grande-Mère commune, dispensatrice de vie[2].

Cette divinité maternelle (représentée enceinte et dotée d'une ample poitrine) symbolise l'origine du maintien de la vie. Le culte de la Déesse-Mère y était ainsi particulièrement répandu ; on y a donc retrouvé d'innombrables figurines, certaines représentant des déesses presque nues (un des noms de la Grande Déesse de l'hindouisme est Aparnâ, « celle qui est sans vêtement de feuilles », c'est-à-dire « qui est nue »). Les derniers types ressemblent à Kâlî-Durgâ, dont ils furent probablement le modèle. Aucun peuple âryen n'a élévé une divinité féminine au rang suprême qu'elle avait dans la civilisation de Mohenjo-Daro et que détiennent aujourd'hui Kâlî et Durgâ dans l'hindouisme[3].

Mais le fait le plus important pour notre étude est la découverte, à Mohenjo-Daro, d'un type iconographique qui peut être considéré comme la première représentation plastique d'un yogin. Le Grand Dieu lui-même, celui en qui ont a identifié le prototype de Shiva, y est figuré dans la posture spécifiquement yogique[4].

Sir John Marshall [5] le décrit en ces termes : « le Dieu qui a trois visages, est assis sur un trône bas indien dans une attitude caractéristique du yoga, avec les jambes sous lui, talons contre talons et orteils tournés vers le bas […]. Sur sa poitrine un pectoral triangulaire ou peut-être une série de colliers […]. Le phallus est à découvert (ûrdhvamedhra), mais ce qui paraît le phallus pourrait n'être, en réalité, que le bout de la ceinture. Une paire de cornes couronnent sa tête. De part et d'autre du dieu se trouvent quatre animaux, un éléphant et un tigre à sa droite, un rhinocéros et un buffle à sa gauche. Derrière le trône sont deux cerfs… »

Un des derniers auteurs à s'être prononcé sur la question, Suart Piggot [6], écrit de son côté : « Il n'y a pas de doute que nous avons ici le prototype du grand dieu Shiva en tant que Seigneur des bêtes fauves et Prince des yogins. Peut-être a-t-il été conçu avec quatre visages et regarde-t-il avec ses quatre animaux dans les quatre directions de la terre. Ceci rappellerait même l'éléphant symbolique, le lion, le cheval et le taureau des colonnes maurya du IIIe siècle av. J.-C., à Sarnath. Les cerfs du trône du dieu marquent un autre trait d'union significatif avec la religion ultérieure et avec Sarnath; car, placés d'une manière similaire, ils sont les compagnons inévitables du Bouddha dans les représentations du Sermon du Parc des Cerfs » [7].

De plus, selon l'ouvrage du même auteur et d'archéologues éminents, le plan de la cité de Mohenjo-Daro montre l'importance d'une Grande Piscine (Great Bath), ce qui nous rappelle étrangement les « piscines » des temples hindous de nos jours. L'écriture pictographique, attestée sur un grand nombre de sceaux n'a pas été déchiffrée : jusqu'à présent elle a donné lieu à certaines hypothèses fantaisistes; l'art, comme toute la culture harappienne, est conservateur et déjà « indien » : on pressent le style artistique plus récent[8].

Sur les sceaux on a retrouvé également d'autres divinités représentées dans le style âsana. Ces faits peuvent être difficilement minimisés et leur portée est énorme. Entre la civilisation protohistorique de l'Indus et l'hindouisme moderne il n'y a pas de solution de continuité : la Grande Déesse et le Dieu génésique (« Shiva »), le culte de la végétation (l'arbre pipal), si typique de l'hindouisme) et le phallisme, sans oublier l'homme-saint dans la positions âsana pratiquant peut-être l'ekâgratâ on les rencontre, dans l'une comme dans l'autre, au premier plan[9].

« Les liens entre la religion harappienne et l'hindouisme contemporain sont évidemment d'un immense intérêt, du fait qu'ils apportent certaines explications à ces multiples traits qui ne peuvent pas être dérivés des traditions âryennes apportées dans l'Inde avec la chute de la civilisation d'Harappâ ou après elle. Les vieilles croyances meurent difficilement : il est possible que l'ancienne société historique indienne doive davantage à Harappâ qu'aux envahisseurs qui parlaient le sanscrit » [10].

[modifier] Apparition du Védisme

Au Xe siècle av. J.-C., le védisme, religion d'origine indo-européenne (XVIe siècle av. J.-C.) apportée par des populations immigrées de langue aryenne s'impose sur le territoire. Vers 2000, la civilisation de l'Indus était en état défensif ; peu de temps après, une partie de Harappâ fut incendiée par des envahisseurs descendus du Nord-Ouest. Ces barbares n'étaient pas encore des Indo-Européens, mais leur invasion fut sans doute en relation avec le mouvement général de l'Ouest où étaient impliqués les Indo-Européens. Quelques siècles plus tard, ces derniers mettaient brutalement fin à tout ce qui subsistait encore de la civilisation de l'Indus. Il y a peu de temps encore, on croyait que les Indo-Aryens n'avaient rencontré, dans leur invasion de l'Inde, que des tribus aborigènes culturellement à l'état ethnographique: c'était les dasyus, dont les « forts » que l'Indra du Rig-Veda attaquait et détruisait passaient pour n'être que des modestes tranchées de terre[11].

Mais Wheeler [12] a montré que l'hymne célèbre du Rig-Veda(I, 53), exaltant Indra en train de conquérir les « forts » des dasyus, s'applique aux défenses solides de la citadelle de Harappâ ou Mohenjo-Daro. D'où l'on peut conclure que les Indo-Aryens ont rencontré, au cours de leur descente vers l'Inde centrale, non seulement des tribus aborigènes, mais aussi les derniers survivants de la civilisation de l'Indus, auxquels ils ont porté le coup de grâce. Sur le plan culturel, les harappiens étaient nettement supérieurs aux Indo-Européens : leur civilisation urbaine et industrielle ne souffrait pas de comparaison avec la « barbarie » des Indo-Européens. Mais les Harrapiens n'avaient pas la vocation guerrière (on peut même leur supposer une sorte de théocratie industrielle et mercantile); mal préparés pour cette attaque d'un peuple jeune et agressif, ils furent vaincus sans problème[13].

[modifier] Renouveau de la religion harapéenne dans l’hindouisme

Cependant, la destruction de la culture de l'Indus n'a pu être définitive. L'effondrement d'une civilisation urbaine n'équivaut pas à la pure et simple extinction de la culture et de la religion d'origine, mais simplement à sa régression vers des formes rurales, larvaires, « populaires » (C'est là un phénomène amplement vérifié en Europe pendant et après les grandes invasions barbares.)[14].

Mais, assez tôt, l'« aryanisation » du Panjâb amorça le mouvement de la grande synthèse qui devait devenir un jour l'hindouisme. Le nombre considérable d'élèments « harappiens » attestés dans l'hindouisme ne peut s'expliquer que par un contact, commencé très tôt, entre les conquérants Indo-Européens et les représentants de la culture de l'Indus[15].

Ces représentants n'étaient pas nécessairement les auteurs de la culture de l'Indus ou leurs descendants directs : ils pouvaient être les tributaires, par rayonnement, de certaines formes culturelles harappiennes, qu'ils avaient conservées dans des régions excentriques, épargnées par les premières vagues de l'âryanisation. Cela expliquerait le fait suivant, en apparence étrange: le culte de la Grande Déesse et du Shiva, le phallisme (culte de l'organe génital masculin - le lingam) et la dendrolâtrie (culte voué aux arbres), l'ascétisme et le yoga, etc. , apparaissent pour la première fois dans l'Inde comme l'expression d'une haute civilisation urbaine, celle de l'Indus - alors que, pourtant, la plupart de ces éléments religieux sont, dans l'Inde médiévale et moderne, caractéristiques des cultures « populaires »[16].

Certes il a existé, dès l'époque harappienne, une synthèse entre la spiritualité des dravidiens, des aborigènes australoïdes et celles des « maîtres » (apport relatif surtout à leurs conceptions théocratiques) : on ne pourrait pas expliquer l'importance considérable que prennent les brahmanes après l'époque védique. Très probablement, toutes ces conceptions religieuses harappiennes - qui contrastent fortement avec celles des Indo-Européens - ont été conservées, avec les inévitables régressions, dans les couches « populaires », en marge de la société védique des nouveaux maîtres âryoglottes; c'est de là qu'elles ont surgi, par vagues successives, durant les synthèses ultérieures qui ont abouti à la formation de l'hindouisme: les Indo-Européens apportaient une société de structure patriarcale, une économie pastorale et le culte des dieux du Ciel et de l'atmosphère, en un mot la « religion du Père »[17].

Les aborigènes préâryens connaissaient déjà l'agriculture et l'urbanisme (civilisation de l'Indus) et, en général, participaient à la « religion de la Mère ». L'hindouisme, tel qu'il se présente depuis la fin du moyen-âge, représente la synthèse de ces deux traditions, mais avec une prédominance marquée des facteurs aborigènes : l'apport des Indo-Européens a fini par être radicalement asiatisé[18].

L'hindouisme signifie la victoire religieuse du terroir[19].

[modifier] Notes/Références

  1. dans le Yoga immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  2. dans le Yoga immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  3. dans le yoga immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  4. dans le Yoga, immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  5. dans le Yoga, immortalité et liberté de Mircea Eliade
  6. dans le Yoga immortalité et liberté de Mircea Eliade
  7. dans Prehistoric India de Stuart Piggot
  8. dans le Yoga, immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  9. dans le Yoga, immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  10. dans Prehistoric India de Stuart Piggot
  11. dans le Yoga, immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  12. dans le Yoga immortalité et liberté de Mircea Elade
  13. dans le Yoga, immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  14. dans Le Yoga immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  15. dans le Yoga immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  16. dans le Yoga, immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  17. dans le Yoga, immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  18. dans le Yoga, immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506
  19. dans le Yoga, immortalité et liberté de Mircea Eliade ISBN 2228883506