Judith Butler

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Judith Butler

Lecture à l'université d'Hambourg
Naissance 24 février 1956
Cleveland, Ohio (États-Unis États-Unis)
Fonction(s) philosophe, féministe et écrivaine

Judith Butler (1956- ) est professeure, titulaire de la chaire Maxine Elliot dans les départements de Rhétorique et de Littérature comparée à l'université de Californie à Berkeley. Butler a reçu son Ph.D. en philosophie à l'université de Yale en 1984, et sa thèse a été plus tard éditée sous le titre Sujets du désir : Réflexions hégéliennes au Vingtième siècle en France. À la fin des années 1980, elle entretenait différents efforts poststructuralistes dans la théorie féministe occidentale, ayant pour but l'interrogation des " termes présuppositionnels" du féminisme. Pour Butler, remettre en cause les présuppositions fondamentales du féminisme occidental a signifié l'ouverture du féminisme vers la théorie Queer et les Gender Studies, dont elle est devenue une figure importante.

Sommaire

[modifier] L'effet de son travail

En 1990, la parution de Gender Trouble a marqué un tournant important, se vendant à plus de 100,000 exemplaires et plusieurs langues à travers le monde. Publié en français en 2005 (sous le titre Trouble dans le genre), cet ouvrage critique les travaux de Simone de Beauvoir, Julia Kristeva, Sigmund Freud, Jacques Lacan, Luce Irigaray, Jacques Derrida, et, surtout, de Michel Foucault. Cela dit, il n'empêche que son écriture, considérée par beaucoup de lecteurs comme inutilement complexe et dense, est très influencée par la psychanalyse française. Sa popularité a même inspiré un fanzine intellectuel, Judy !, contribuant ainsi à en faire une célébrité dans le monde universitaire.

L'aspect le plus commenté de son travail théorique est sa lecture de Derrida et du (1) rapport performatif de la théorie de John Langshaw Austin et (2) de l'histoire de Franz Kafka, Le Procès ; tous les deux en convergence avec les lectures de Butler sur "Surveiller et punir" de Michel Foucault et "Histoire de Sexualité, volume 1". Cette convergence est le creuset de la théorie de Butler sur la performance de genre sexuel, où le "genre" est une performance sociale apprise, répétée, et exécutée (d'où paraît sa lecture de Foucault). L'établissement d'une exécution de performance "obligatoire" de la féminité et la masculinité produisent la fiction imaginaire d'un "genre naturel" aussi bien que la distinction entre le sexe extérieur et biologique et "le genre intérieur." Paradoxalement, cela est à l'origine de la fiction qu'un individu a un genre stable. Et cette fiction imaginaire produit crucialement une distinction également fictive entre un "intérieur du corps" et un "extérieur du corps." Pour mieux bousculer le genre comme "un choix volontaire et quotidien," Butler renforce sa théorie de la performativité de genre dans ses ouvrages suivants avec des lectures plus précises.

[modifier] Travaux principaux

[modifier] En langue anglaise

  • Giving an Account of Oneself. A Critique of Ethical Violence, Fordham University Press, 2005.
  • Undoing Gender, Routledge, 2004.
  • Precarious Life: The Powers of Mourning and Violence, Verso, 2004.
  • The Judith Butler Reader, Sara Salih et Judith Butler (ed.), Blackwell Publishing, 2004.
  • Contingency, Hegemony, Universality: Contemporary Dialogues on the Left (with Ernesto Laclau and Slavoj Žižek), Verso, 2000.
  • Antigone's Claim: Kinship Between Life and Death, 2000.
  • The Psychic Life of Power, Routledge, 1997.
  • Excitable Speech: A Politics of the Performative, Routledge, 1997.
  • Bodies That Matter: On the Discursive Limits of 'Sex', Routledge, 1993.
  • Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity, 1990, Routledge.
  • Subjects of Desire: Hegelian Reflections in Twentieth-Century France, 1987.

[modifier] Traductions françaises

Outre les articles publiés dans des revues (Le Passant ordinaire, Rue Descartes, L'Homme et la Société, Comprendre, Vacarme, etc.), souvent extraits de livres, on trouvera :

  • La Vie psychique du pouvoir. L'Assujettissement en théories, préface de Catherine Malabou, traduction de Brice Matthieussent, Leo Scheer, Paris, 2002.

Analyses sur les processus de subjectivation ancrées dans des lectures de Hegel, Nietzsche, Freud, Althusser...

  • Marché au sexe, EPEL, Paris, 2002 (avec Gayle S. Rubin)
  • Antigone. La Parenté entre vie et mort, traduction de Guy Le Gaufey, EPEL, Paris, 2003.

Très belle analyse de la pièce de Sophocle, qui est l'occasion d'un dialogue critique avec Hegel, Lacan et Lévi-Strauss. Mise en question des thèses de Lévi-Strauss sur la parenté. Comment Antigone reprend les mots du pouvoir pour les retourner contre lui.

  • Le Pouvoir des mots. Politique du performatif, préface de Charlotte Nordmann et de Jérôme Vidal, traduction de Charlotte Nordmann avec la collaboration de Jérôme Vidal, Editions Amsterdam, Paris, 2004.

Sur les discours de haine (hate speech) homophobes, racistes ou sexistes, la pornographie et la censure. Propose les grandes lignes d'une théorie de la puissance d'agir linguistique (linguistic agency) et d'une politique de la resignification, et critique les tentatives de police des discours. Ce livre rend manifeste la centralité dans l'œuvre de Judith Butler de la réflexion sur l'agency ("l'agence" individuelle ou collective, autrement dit la "capacité d'agir" (traduction de Cynthia Kraus) ou encore la "puissance d'agir" (traduction de Charlotte Nordmann et Jérôme Vidal, inspirée de la potentia agendi spinoziste) ou même "l'agentivité" (traduction du terme agency que l'on peut trouver dans des textes de linguistique, psychologie cognitive et théorie de l'action, et reprise par Maxime Cervulle dans sa traduction de Undoing Gender).

  • Vie précaire. Les Pouvoirs du deuil et de la violence après le 11 septembre 2001, traduction de Jérôme Rosavallon et Jérôme Vidal, Editions Amsterdam, Paris, 2005.

Réflexions sur les transformations de la souveraineté et les conditions du maintien d'une sphère publique critique après le 11 septembre 2001. Développement du travail de Judith Butler qui déroutera certainEs, mais qui s'inscrit assurément, au dire même de l'auteure, dans le droit fil des préoccupations qui animent son œuvre depuis Trouble dans le genre : la question de la vulnérabilité et de la vivabilité de la vie, la définition normative de l'humain, le deuil et la mélancolie comme constitutifs des sujets.

  • Humain, Inhumain. Le Travail critique des normes. Entretiens, traduction de Jérôme Vidal et Christine Vivier, Editions Amsterdam, Paris, 2005.

Judith Butler par Judith Butler. Ce recueil inédit d'entretiens est une excellente synthèse qui couvre l'ensemble du travail de Judith Butler jusqu'à nos jours. Une bonne façon d'entrer dans cette œuvre exigeante, de saisir ses intuitions centrales, de suivre ses développements et de s'initier aux débats qu'elle suscite. Permet aussi d'éviter les interprétations outrancières et les mésinterprétations grossières qui circulent encore trop souvent à propos de Judith Butler (Judith Butler ignorerait la matérialité du corps; tout ne serait pour elle que langage; elle nierait la violence et même la réalité de la domination masculine; le genre ne serait qu'un jeu, un rôle ou une performance théâtrale dont on pourrait changer comme on change de chemise...).

LE livre qui a fait connaître Judith Butler et dans lequel elle a proposé pour la première fois ses célèbres (mais souvent mal comprises) analyses du caractère performatif du genre. Comme tous les grands livres, il fait l'objet d'interprétations et de réappropriations diverses, voire contradictoires. Judith Butler elle-même a repris ses analyses dans Bodies that Matter, notamment pour lever certaines ambiguïtés (interprétation volontariste de sa théorie de la performativité du genre) et répondre aux critiques adressées à Trouble dans le genre.

Le dernier opus de Judith Butler: aussi exigeant que ses précédents livres, mais plus immédiatement ancré dans l'actualité (notamment française : débats sur le PACS et ledit mariage gay) des politiques du genre et de la sexualité que Trouble dans le genre ou Bodies that Matter. Double perspective, théorique et pratique: déconstruire le genre (faire la genèse de sa production) et défaire l’emprise des formes de normalisation violentes dont il est le vecteur. Manifeste un vif souci de la façon dont les luttes pour accéder à la reconnaissance et obtenir un statut légitime sont susceptibles de contribuer à l’invisibilisation et à l’exclusion de certainEs.

  • A paraître: Bodies that Matter. On the Discursive Limits of 'Sex' (titre français non encore communiqué), Editions Amsterdam, Paris, début 2008.

L'autre chef d'œuvre de Judith Butler. Reprise critique des thèses de Trouble dans le genre. Analyses vigoureuses et originales sur la matérialité du corps dans une perspective constructiviste. Ebauche des réflexions qui aboutiront à Le Pouvoir des mots. CertainEs activistes queer considèrent que ce livre est en retrait par rapport à Trouble dans le genre.

  • Le récit de soi, traduit de l'anglais par Bruno Ambroise et Valérie Aucouturier, Paris, Puf, 2007. ISBN 2130555519. C'est la version française du livre Giving an account of oneself.

Sommaire I -- Rendre compte de soi : Scènes d'interpellation (scenes of address) -- Sujets foucaldiens -- Enquêtes post-hégéliennes -- "Qui es-tu ?" II -- Contre la violence éthique : Les limites du jugement -- Psychanalyse -- Le "je" et le "tu" III -- Responsabilité : Laplanche et Levinas, le primat de l'autre -- Devenir humain selon Adorno -- Rendre compte de soi, Foucault critique de lui-même

Mot de l’éditeur: « Cet ouvrage renouvelle de manière fondamentale la pratique éthique, en affirmant que la réflexion morale ne saurait être considérée en dehors du contexte social et politique dans lequel elle est formulée. Si la philosophie morale a par nature tendance à idéaliser le sujet moral en lui conférant une autonomie trop vite considérée comme allant de soi, il importe de contrer cette tendance en prenant comme point de départ l'expérience indépassable du caractère relationnel de chaque vie. Aucune vie ne saurait se dire à soi, parvenant à construire le récit adéquat de son déroulement, ni revenir sur son émergence dans le monde. Ce qui se soustrait à elle, ce sont non seulement les conditions de sa naissance et de son développement, mais aussi les formes sociales qui la rendent lisible. La reconnaissance de soi par soi est incomplète, lacunaire. Située dans le récit des autres, elle est hantée par les formes de justification qui en découlent et achèvent de rendre toute procédure de reconnaissance impossible. Le rapport à l'autre devient constitutif de l'impossible rapport à soi. C'est dans ce contexte de dépossession qu'il devient urgent, selon Judith Butler, de procéder à une enquête sur les conditions de possibilité d'une relation morale à soi et aux autres qui ne fasse pas violence à un tel contexte mais le prenne au contraire en considération. Car l'éthique est violente dès lors qu'elle s'arroge le droit de dépasser les contextes singuliers dans lesquels se trouvent placées les vies pour formuler des prescriptions universelles. »

  • L'Etat global, avec Gayatri Chakravorty Spivak, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Françoise Bouillot, Paris, Payot et Rivages, 2007. ISBN 978-2-228-90221-2. Titre original Who sings the Nation-State? Language, politics, belonging, (Seagull Books, 2007).

Ce livre est issu du dialogue entre les deux féministes qui s’interrogent sur ce que les philosophes contemporains peuvent dire quant au phénomène des migrations (permanentes dues à une pluralité de raisons comme les pressions économiques, culturelles, militaires ou climatiques)qui concerne aussi bien les Palestiniens que le membres de l’Union européenne? Comment peut-on encore avoir le sentiment d’appartenir à une nation précise ? Qui exerce vraiment le pouvoir aujourd’hui? Avons-nous toujours le droit d’avoir des droits? Ou encore, que signifie, par exemple, le fait de chanter l’hymne américain en espagnol? Leur questionnement se penche sur le rôle de l’État qui se transforme de plus en plus en lieu transitoire, temporaire, et qui se compose des habitants qui sont de plus en plus des apatrides.

[modifier] Études

  • Stéphane Haber, Critique de l'antinaturalisme: études sur Foucault, Butler, Habermas, Paris, PUF, coll. Pratiques théoriques, 2006
  • Sara Saiah , Judith Butler, Londres et New York, Routledge, coll. Critical Thinkers, 2002
  • Jérôme Vidal, "Judith Butler en France: Trouble dans la réception" in Mouvements, Paris, La Découverte, n°47-48, septembre 2006.

[modifier] Voir aussi

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