Franc-maçonnerie en Grande-Bretagne

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Freemasons’ Hall in Great Queen Street, Londres, Angleterre.
Freemasons’ Hall in Great Queen Street, Londres, Angleterre.

La Franc-maçonnerie moderne, dite parfois « spéculative » par opposition à la Maçonnerie de métier, dite « corporative » ou « opérative », est née en Grande-Bretagne, plus précisément en Écosse et en Angleterre, avant de s'étendre très rapidement, au début du XVIIIe siècle, à toute l'Europe puis, principalement par l'intermédiaire des colonies européennes, à l'ensemble du Monde.

Sommaire

[modifier] Histoire

[modifier] Les origines

Les confréries sont nombreuses, à la fin du Moyen Âge, à travers l'Europe. Elles veillent au respect des Devoirs des différents métiers. Le célèbre manuscrit Régius, qui date de la fin du XIVe siècle donne une bonne idée de ce que pouvait être la Maçonnerie « opérative » de l'époque. Ces confréries sont cependant souvent mal vues par l'Église catholique romaine et surveillées de près par les pouvoirs royaux.

Progressivement, les loges opératives admettront parmi leurs membres quelques hommes importants, nobles ou membres du clergé, n'appartenant pas directement au métier. C'est ainsi que les loges écossaises, depuis 1439, avaient comme protecteurs héréditaires les seigneurs Saint-Clair de Rosslyn[1].

Au XVIe siècle, ceux-ci feront venir d'Italie, source de la Renaissance qui enthousiasme l'Europe, des maçons qu'ils réuniront aux maçons écossais, régénérant ainsi les vieilles confréries sous une forme proche de celle des académies italiennes, ce qui eut, dit-on, beaucoup de succès. Toutefois, les statuts de la Loge "Mary's Chapel" d'Édimbourg, promulgués en 1599 par William Schaw, Maître des travaux du roi et surveillant général des maçons, montrent bien qu'on se situe toujours à cette époque dans le cadre de corporations de métiers.

En Angleterre, les Loges évoluèrent de la même manière à partir de 1607, sous la protection de l'Écossais Jacques Stuart, devenu roi d'Écosse et d'Angleterre sous le nom de Jacques Ier en 1603, mais cette fois-ci le mouvement de modernisation alla beaucoup plus loin. En effet, la Renaissance avait alors porté ses fruits. Partout en Europe, la philosophie était enfin sortie du carcan scolastique. À Londres, en particulier, on se passionnait pour les sciences et les arts, pour l'alchimie (la chimie n'existait pas encore) comme pour la mécanique céleste, pour l'hermétisme comme pour la philosophie classique. À l'issue de terribles guerres de religions et de successions, à la fin du XVIIe siècle, avec entre autres la "Déclaration des droits" de 1689, l'esprit de réforme souffle sur les institutions britanniques, la Grande-Bretagne devient le phare de l'Europe.

[modifier] Le XVIIIe siècle

En ce qui concerne la Franc-maçonnerie, il semble que le tournant décisif se situe justement à la fin du XVIIe siècle. C'est ainsi par exemple qu'en 1703, lorsque la Loge Saint-Paul de Londres décide de s'ouvrir aux « personnes de tous états qui voudront y prendre part », elle ne fait vraisemblablement qu'officialiser une situation qui datait probablement déjà de plusieurs années. Ceci est confirmé par le fait que les loges établies en France à la fin du XVIIe siècle par des exilés stuartistes (Jacques II s'enfuit en France en 1688) ne sont déjà plus des loges opératives. De même, on trouve déjà une Loge non-opérative en Irlande, à Dublin, vers 1690.

La Franc-maçonnerie cesse donc à cette époque d'être une institution de métier, ouverte par exception à quelques hommes venant d'autres horizons, pour devenir l'institution essentiellement intellectuelle, symbolique et humaniste que nous connaissons aujourd'hui. C'est très probablement aussi à cette époque que naît le grade de "Maître Maçon", que la Franc-maçonnerie opérative ne connaissait pas, se limitant à ceux d'Apprenti (Entered Apprentice) et de Compagnon (Fellow Craft).

Peu de temps après, le 24 juin 1717, à l'occasion de la Saint-Jean d'été, quatre loges de Londres constituent la première obédience maçonnique de l'histoire, la "Grande Loge de Londres", dont le pasteur écossais James Anderson rédigera avec l'aide du pasteur d'origine française Jean-Théophile Désaguliers les Constitutions en 1723.

Ces Constitutions, dans le contexte de l'époque, sont d'une remarquable ouverture, puisqu'elles permettent à des hommes de religions différentes (catholiques, anglicans et protestants) de travailler ensemble dans un véritable esprit de fraternité, à une époque où, à l'extérieur, l'intolérance religieuse est encore très loin d'être partout éteinte.

L'introduction de cet esprit de tolérance ne fut d'ailleurs pas du goût de toutes les Loges puisque, parallèlement aux Constitutions d'Anderson, des "Anciennes Constitutions" furent publiées, elles-aussi à Londres, en commençant par ces mots:
"I am to admonish you to honor God in his holy Church, that you use no Heresy, Schism and Error in your Understandings, or discredit Men's teachings"
(Je dois vous exhorter à honorer Dieu dans sa sainte Église, à ne pas succomber à l'hérésie, au schisme ou à l'erreur dans vos pensées, ni à l'enseignement d'hommes discrédités)

En Écosse, la première réunion de Loges au sein d'une obédience centralisée, à la manière de la Grande Loge de Londres, date de 1736. Mais l'innovation de tolérance y fut moins bien accueillie, en autres pour des raisons dynastiques : beaucoup de Maçons restaient attachés à la cause des Stuart et au seul catholicisme. Beaucoup de Loges gardèrent par ailleurs leur indépendance ou la reprirent rapidement, comme la célèbre "Mother Lodge of Kilwinning".

En 1751, les Loges anglaises réfractaires aux innovations décident à leur tour de se constituer en obédience et forment la "Grand Lodge of Antients Masons", qualifiant les Frères de la Grande Loge de Londres de moderns et publiant, en 1756 leurs propres constitutions, connues sous le nom de "Ahiman Rezon". Cette Grande Loge recevra l'appui de la Grande Loge d'Irlande.

Contrairement à ce qui se passe à l'époque sur le continent, il ne semble pas que les systèmes de "hauts-grades" aient connu un grand succès en Grande-Bretagne, à l'exception notable toutefois du degré de l’"Arche Royale", qui sera repris sur le continent, et d'un degré complémentaire dit de "Mark Master Mason" qui restera principalement anglo-saxon.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les querelles entre les Ancients et les Moderns s'affaiblirent progressivement. Dans le même temps, l'Empire britannique obtient la maîtrise du Canada et des Indes (1763), mais perd les États-Unis (1775-1783) dans une guerre d'indépendance soutenue par la France. Il commence à coloniser l'Australie au moment où débute la Révolution française dont les conséquences embraseront tout le continent européen.

[modifier] Le XIXe siècle

Au tout début du XIXe siècle, l'Angleterre fait face à l'Empire napoléonien et à la révolte irlandaise en partie influencée par les révolutions françaises et américaines.

En 1800, le gouvernement britannique proclame l'Union de l'Irlande et de l'Angleterre. En 1813, l'Empire continental de Napoléon Ier est vaincu. Le Royaume-Uni devient, pour plus d'un siècle, la première puissance mondiale.

C'est dans ce contexte que la Franc-maçonnerie anglaise s'unifie elle aussi en 1813 au sein de l'"United Grand Lodge of England" au terme d'un traité d'Union qui, par une sorte de compromis, remplaça le déisme naturel d'Anderson et l'exigence de christianisme des Ancients par une référence à l'obligation de la croyance en un théisme personnel. En ce qui concerne les rituels pratiqués, ils furent rapidement harmonisés autour de ce qui devint le "Rite Emulation" qui est probablement aujourd'hui le Rite le plus pratiqué au Royaume-Uni, avec le "Rite d'York".

Devenue une institution unifiée dans un Empire britannique remarquablement puissant et stable, naturellement indifférente aux condamnations antimaçonniques de l'Église catholique qui se multiplient sur le continent, soutenue et protégée par la famille royale, la Franc-maçonnerie anglaise connaîtra au cours du XIXe siècle et du XXe siècle une croissance inégalée dans le reste de l'Europe et deviendra une institution quasi-officielle et assez conservatrice au Royaume-Uni et dans les pays issus de l'Empire britannique.

D'une manière assez proche, la Maçonnerie écossaise s'était unifiée en 1807 au sein de la Grande Loge d'Écosse. Les catholiques y étaient par ailleurs devenus peu nombreux du fait des interdictions papales. Il convient de remarquer, au sujet de l'Écosse, qu'elle ne fut pas à l'origine des "Rites Ecossais" ("Rectifié" ou "Ancien et Accepté"), qui sont nés de synthèses de grades d'origines essentiellement françaises et allemandes.

L'influence de la Franc-maçonnerie anglaise fut telle que la Grande Loge Unie d'Angleterre est, aujourd'hui encore, considérée comme la Grande Loge Mère de toute la Franc-maçonnerie par la plupart des obédiences du Monde.

[modifier] Le XXe siècle

Objet quotidien au décor maçonnique, Angleterre, début XXème siècle.
Objet quotidien au décor maçonnique, Angleterre, début XXème siècle.

Dans le contexte de la décolonisation qui aboutira à la constitution du Commonwealth, en 1931, autour de la Couronne britannique, la Grande Loge Unie d'Angleterre promulgue en 1929 des "Principes de base (Basic Principles) pour la reconnaissance par elle des différentes Grandes Loges de la Planète" et constitue ainsi autour d'elle un grand ensemble de Grandes Loges qui s'appuient sur son autorité morale.

La fondation de la première Loge spéculative mixte en Angleterre fut une Loge de l' Ordre maçonnique mixte international « le Droit humain » , établie à Londres en 1902.

C'est de cette filiation que furent issues successivement deux autres obédiences: - "The Honorable Fraternity of Antient Masonry" (mixte), - puis " The Order of Women Freemasons" (féminine).

[modifier] Situation actuelle

[modifier] Franc-maçonnerie masculine

Dans le dernier tiers du XXe siècle, la Grande Loge Unie d'Angleterre a vu l'effectif de ses membres diminuer d'environ 3/4. Après avoir pendant un demi-siècle refusé toute communication avec les médias et subit plusieurs campagnes de dénigrement, elle a décidé de modifier sa politique de communication et ouvert un site web.

Confrontée à un vieillissement de ses effectifs, et à la volonté de nombreux maçons non initiés en Grande Bretagne de pratiquer d'autres rites que le Rite Emulation, la GLUA doit également faire face depuis quelques années à la dissidence de deux nouvelles Obédiences.

Ainsi la Regular Grand Lodge of England, fondée par des maçons américains et d'Afrique anglophone, et la Grand Lodge of All England[2], créée par un groupe de maçons anglais dissidents, se développent à Londres et dans le reste de l'Angleterre depuis 2005.

En 2006, La GLUA revendique 300 000 membres, regroupés dans 7 700 loges.

La Grande Loge d’Écosse quant à elle revendique plus de 1000 loges installées non seulement en Écosse, mais également dans 44 autres pays, dont de nombreuses anciennes colonies britanniques.

[modifier] Franc-maçonnerie mixte

En 2001, comme dans d'autres pays anglo-saxons, la franc-maçonnerie mixte essentiellement représentée par le Human Rights (Doit Humain)-Uk, a connue un schisme suite à la création de la Grand Lodge of Freemasonry for Men and Women (GLF4M&W).

[modifier] Franc-maçonnerie féminine

Considérée par la GLUA depuis 1999 comme ayant des réunions respectant la "régularité"[3], la franc-maçonnerie féminine prend son envol, sans pour autant entretenir des liens formels avec les obédiences féminines à l'international.

[modifier] Loges étrangères en Grande-Bretagne

De nombreuses obédiences non anglaises sont présentes en Grande-Bretagne pour différentes raisons (langue, absence d'accords avec la GLUA, rites différents...)

A ce titre la loge Marco Polo de la Grande Loge d'Italie [4] est présente depuis plusieurs décennies. Mixte, ses travaux sont en anglais.

Deux des principales obédiences françaises, le Grand Orient de France et la Grande Loge de France, également présentes, travaillent en français, et réunissent des Frères de la nombreuse communauté francophone de Londres (belges, canadiens, français, suisses, Afrique francophone)

  • La Loge "Hiram" du GOdF pratique le Rite français dit « Groussier », et se concentre sur des sujets sociétaux.
  • La Loge "The White Swan" [5] de la GLdF pratique le Rite écossais ancien et accepté en français et se concentre sur des sujets spirituels et philosophiques.

Ces deux loges sont notamment fondatrices de la « journée des francs-maçons francophones à l'Orient de Londres » [6] qui est organisée chaque année au mois de janvier.

[modifier] Notes et références

  1. NAUDON Paul, Histoire générale de la franc-maçonnerie, PUF, Paris, 1981, p.28
  2. Grand Lodge of All England
  3. http://www.hfaf.org/ugle.htm Statement issued by UGLE - 10th March 1999
  4. Loge Marco Polo
  5. Loge "The White Swan"
  6. la « journée des francs-maçons francophones à l'Orient de Londres »

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • NAUDON Paul, Histoire générale de la franc-maçonnerie, PUF, Paris, 1981, ISBN 2-130372-81-3
  • STEVENSON David, Les Premiers francs-maçons (trad. franc.), Ivoire Clair, Paris, 2000, ISBN 2-913882-02-1
  • PRESCOTT Andrew, A History of British Freemasonry, Université de Sheffield, 2007, site du Centre for Research into Freemasonry (accédé le 11 octobre 2007)

[modifier] Liens externes