Union pour la Méditerranée

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L’Union pour la Méditerranée, ou bien Union méditerranéenne, est un projet sui generis qui a pour vocation d'être le cœur et le moteur de la coopération en Méditerranée et pour la Méditerranée. Il est issu du Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée ; le concept d’Union méditerranéenne a été proposé par le président français Nicolas Sarkozy en 2007 avant d'être présenté à l'ensemble des pays riverains de la Méditerranée.

L’« appel de Rome » du 20 décembre 2007, lancé par les chefs d'État et de gouvernement italien, espagnol et français, formalise cette initiative en invitant l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement des pays riverains de la Méditerranée et des pays de l'Union européenne, à se réunir lors d’un sommet les 13 et 14 juillet 2008 à Paris. Ce Sommet permettra de définir leur vision commune et les contours des projets qui seront mis en œuvre dans l'espace méditerranéen.

Le bassin méditerranéen : vue satellite
Le bassin méditerranéen : vue satellite

Sommaire

[modifier] Le projet français initial : l'Union méditerranéenne

A l'issue du second tour de l'élection présidentielle française, Nicolas Sarkozy lance le 6 mai 2007 un appel pour « bâtir une Union méditerranéenne ».
A l'issue du second tour de l'élection présidentielle française, Nicolas Sarkozy lance le 6 mai 2007 un appel pour « bâtir une Union méditerranéenne ».

Le 22 octobre 2005, prenant acte de l'enlisement du processus de Barcelone (censé aider au développement des pays du pourtour méditerranéen) à quelques semaines du sommet marquant ses dix ans d'existence, Panagiotis Roumenotis, ancien ministre des Finances de la Grèce, président de l’association CALAME (Centre d’analyse et de liaison des acteurs de la Méditerranée) et Jean-Louis Guigou, ancien directeur de la DATAR et Président de l’Institut de Prospective du CALAME, lancent un appel pour une Communauté du monde méditerranéen.[1]

Pendant le conflit Israël-Liban de l'été 2006, cette idée refait surface chez des universitaires et des intellectuels français pour amener Israël et pays arabes à coopérer dans un cadre international sur des sujets consensuels.

Nicolas Sarkozy, alors candidat, lance pendant la campagne présidentielle française de 2007 l'idée d'une Union méditerranéenne (UM). Henri Guaino, conseiller souverainiste influent et porte-plume de Sarkozy, est à l'origine de la reprise de cette idée par le candidat de la droite française : ce projet permet à la fois d'établir une dynamique politique hors de l'Union européenne (UE), que Guaino n'estime guère, et d'offrir une alternative sérieuse à l'adhésion de la Turquie dans l'UE, dont Sarkozy ne veut pas entendre parler. Ce projet français d'Union souligne l'échec du processus de Barcelone.

Dans son discours de Tanger[2], le 23 octobre 2007, il invite tous les dirigeants des pays riverains de la Méditerranée à participer « sur un pied d'égalité » à une conférence au sommet à Paris en juin 2008, (c'est-à-dire à l'aube de la présidence française de l'Union européenne) qui doit marquer la naissance politique de cette union. Le projet français préconise la coopération entre les pays des deux rives sur des domaines consensuels comme l'eau, l'environnement, l'énergie, les transports. Israël est fermement invité à y prendre part aux côtés des pays arabes.

[modifier] Les réactions des pays riverains (2007-2008)

Le président égyptien Mohammed Hosni Moubarak, doyen des chefs d'états arabes, est pressenti pour être l'un des premiers présidents de l'Union pour la Méditerranée
Le président égyptien Mohammed Hosni Moubarak, doyen des chefs d'états arabes, est pressenti pour être l'un des premiers présidents de l'Union pour la Méditerranée

[modifier] Le Maroc

Les autorités marocaines accueillent favorablement la proposition française. Lors de la visite d'État au Maroc du président français en octobre 2007, le roi du Maroc Mohammed VI déclare dans son discours de Marrakech : « Nous sommes déterminés à explorer avec vous toutes les opportunités visant à promouvoir une approche inédite et progressive du partenariat ainsi envisagé et une prise en charge novatrice et solidaire des multiples défis de notre espace méditerranéen». L’ambassadeur marocain à Paris, Fathallah Sijilmassi est actif dans la promotion du projet.

[modifier] La Tunisie

La Tunisie accepte le projet dès l'été 2007 et le président Zine el-Abidine Ben Ali soutient les démarches de Nicolas Sarkozy tout en rappelant, lors de la visite d'état de ce dernier en Tunisie en avril 2008, sa volonté d'«une participation plus large des pays de la rive sud à l'élaboration des plans et à la prise des décisions»[3]. Les chefs d'entreprise tunisiens voient cette Union comme un "accélérateur de projets".

[modifier] L’Égypte

Le président égyptien محمد حسني مبارك (=Mohammed Hosni Moubarak) est aussi favorable au projet. Les milieux intellectuels et universitaires égyptiens se montrent intéressés, tel le professeur de sciences politiques Mona Makram-Ebeid qui dans Al-Ahram Hebdo soutient fermement la coopération méditerranéenne et considère que l’Égypte pourrait « jouer un énorme rôle pour être la force motrice de cette Union. » aux côtés de la France.[4] Cependant, comme le note Antoine Basbous, de l'Observatoire des pays arabes, dans Le Figaro[5] "la principale préoccupation de ces dirigeants n'est pas d'intégrer un club de démocraties méditerranéennes, mais de sanctuariser leurs régimes et de maintenir leurs clans au pouvoir(...) Donner la liberté à leur peuple, instaurer un État de droit ou offrir à leur jeunesse une véritable perspective, cela n'est pas à l'ordre du jour."

[modifier] La Lybie

Le Général Kadhafi a de son côté montré son hostilité au projet français, parlant d'une tentative de diviser les pays arabes. Il ne souhaite pas ainsi qu'une Union pour la Méditerranée soit engagée sans l'appui de toutes les nations arabes.

[modifier] La Grèce

En octobre 2007 le président grec Κάρολος Παπούλιας (=Károlos Papoúlias), qui effectue une visite d'État en France, affirme son approbation et son soutien au projet d'Union méditerranéenne. « La Grèce se montre particulièrement intéressée », selon le service de presse de l'Élysée.

[modifier] L’Espagne et l'Italie

Les deux pays soutiennent le projet mais restent prudents face à l'enthousiasme français. À Rome lors d'un sommet entre M. Zapatero, M. Romano Prodi et M. Sarkozy le 20 décembre 2007, est lancé un appel en faveur de la coopération méditerranéenne en continuité avec les dispositifs existants[6]. Selon l'appel de Rome, le projet intéresserait en premier lieu 25 pays, les 22 ayant un littoral méditerranéen ainsi que le Portugal, la Jordanie et la Mauritanie, tous trois déjà très impliqués dans divers processus euro-méditerranéens.

[modifier] Les États-Unis

Le journal Le Monde parle d'une « bienveillance américaine à l'égard du projet d'Union méditerranéenne»[7]. Cette « bienveillance » ne suffit néanmoins pas à faire taire les critiques européennes : aucune concertation n'a eu lieu avec les partenaires européens non-méditerranéens de la France.

[modifier] Les tensions franco-allemandes et les dissensions françaises

Pour Le Taurillon, la diplomatie française rejoindrait progressivement les thèses de Jean-Pierre Jouyet.
Pour Le Taurillon, la diplomatie française rejoindrait progressivement les thèses de Jean-Pierre Jouyet.

Le quotidien français Le Monde rapporte au lendemain du discours de Tanger le scepticisme ambiant des capitales européennes face à un projet français jugé « peu clair »[8]. La Commission européenne et le Parlement européen sont très irrités par ce projet français qui consacre l'échec du processus de Barcelone et qui marginalise les institutions européennes.

Très rapidement, face à la personnalité chargée de superviser le projet, le souverainiste Henri Guaino [9], et face aux multiples voyages du président Sarkozy dans les pays riverains qui éclaircissent peu à peu le projet, excluant les membres de l'UE non-riverains de la Méditerranée (à l'exception du Portugal, de la Jordanie et de la Mauritanie), l'Allemagne fait savoir ses fortes réticences. De plus ce projet, mené sans aucune concertation avec les pays de l'UE, brouille la politique européenne de Nicolas Sarkozy. Certains États européens « bénéficiaires nets », recevant plus de fonds européens qu'ils ne cotisent au budget de l'UE, craignent une baisse des subventions au bénéfice du Sud. Certains haut fonctionnaires de la Commission européenne déclarent que les Français veulent « siphonner » les fonds européens au bénéfice de leur zone d’influence au Sud. L'Allemagne est très sensible à sa zone d'influence économique à l'est.

La tension franco-allemande est alors très vive, et lors d'une visite de Henri Guaino à Berlin en janvier 2007 pour éclaircir le projet français, un incident diplomatique avec Reinhard Silberberg, le secrétaire d’État allemand aux affaires européennes, est évité de justesse comme le rapporte Les Coulisses de Bruxelles[10].

Les dissensions françaises mettent également en cause la clarté du projet. M Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État à l'UE, qui prépare activement la présidence française de l'UE du deuxième semestre 2008, exprime de forte réserves sur le projet original qui brouille la politique européenne de la France.[11] Ces réserves se font dans le cadre d'une lutte d'influence auprès du Président entre les pro-européens et le conseiller eurosceptique Henri Guaino.

[modifier] La révision du projet français a minima sous la pression allemande (mars 2008)

Angela Merkel, chancelière fédérale d'Allemagne, devant le Parlement européen. Elle voit dans la première version de l'UM une dynamique politique méridionale concurrente de l'UE(voir ci-contre).
Angela Merkel, chancelière fédérale d'Allemagne, devant le Parlement européen. Elle voit dans la première version de l'UM une dynamique politique méridionale concurrente de l'UE(voir ci-contre).

Les 13 et 14 mars 2008 Nicolas Sarkozy défend son projet au Conseil des chefs d'État et de gouvernement de l'UE. Il tente tout d'abord de faire accepter son projet en le présentant à ses partenaires européens comme le double méridional du Conseil des États de la mer Baltique, dont seuls les pays riverains peuvent être membres à part entière, les autres États européens ayant le statut d'observateur. Angela Merkel la chancelière allemande refuse toujours, exige que l'ensemble des États membres de l'UE soient membres à part entière de l'UM et que la Commission européenne soit au cœur du dispositif. « C’est du Barcelone + », résume Jean-Claude Juncker, le Premier ministre luxembourgeois après le Conseil[12].

L'Union méditerranéenne devient officiellement "Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée"

Les médias français décrivent cette révision du projet comme l'échec de la diplomatie sarkozyste vis-à-vis de l'Allemagne : l'UM est une « affaire mal ficelée, mal préparée, mal vendue » pour Jean Quatremer sur son blog les Coulisses de Bruxelles. Le Monde parle de la « fermeté inédite de Mme Merkel » à l'égard d'un projet lancé selon le journaliste Henri de Bresson « de façon calamiteuse »[13].

De plus, affaibli sur le plan intérieur (baisse spectaculaire dans les sondages, élections municipales et cantonales désastreuses) le président français était clairement sur la défensive face à ses partenaires courroucés. Le site internet pro-UM et eurosceptique VoxLatina parle quant à lui d'une « Allemagne en relève de l'Empire austro-hongrois ». Alfred Mignot, éditeur-fondateur de Vox Latina critique ce nouveau projet a minima, paneuropéen mettant en avant le potentiel élevé d'inertie résultant du nombre élevé d'États désormais concernés (39) et par le rôle important accordé à la Commission européenne comme pour le processus de Barcelone[14].

Un appel de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est lancé, après la révision du projet original, le 28 mars 2008 par le Président de l'Eurorégion Alpes-Méditerranée et Président de la Région Provence Alpes-Côtes d'Azur Michel Vauzelle: cet appel demande un véritable «Plan Marshall» pour la Méditerranée, afin « d’assurer la paix et la sécurité dans l’espace euro-méditerranéen dont les peuples sont liés par leur communauté de destin»[15].

[modifier] Les incertitudes et l'activisme français avant la conférence de Paris (avril-mai 2008)

La perspective de la présence d'Israël à la Conférence de Paris le 13 juillet 2008 agace fortement certains pays arabes : la Libye menace de ne pas y participer au plus haut niveau de l'État[16]. Les partenaires européens de la France s'inquiètent aussi de savoir quelle place l'Union méditerranéenne prendra dans les travaux de la présidence française de l'Union européenne.

Le 30 avril 2008 à Tunis Nicolas Sarkozy, lors de sa visite d'État en Tunisie, lance de nouveau un plaidoyer en faveur de l'Union pour la Méditerranée[17]. Nicolas Sarkozy souhaite que l'Union soit dirigée par deux « coprésidents », l'un du nord et l'autre du sud de la Méditerranée. Il envisage d'être le premier président du nord, et que le premier président du sud soit Mohammed Hosni Moubarak. Il souhaite également que le futur « secrétariat général » permanent soit localisé en Tunisie. Une fois de plus ces initiatives jettent un froid dans les capitales européennes et à Bruxelles  : « Bon, il n’y a pas beaucoup de démocratie, en dehors d’Israël, au sud de la Méditerranée », déclare un fonctionnaire européen aux Coulisses de Bruxelles[18]. « Mais pour le secrétariat, on pourrait au moins choisir le Maroc qui est quand même un peu plus présentable ».

La Commission européenne fait savoir qu'elle refuse que Nicolas Sarkozy assure la présidence de l'UPM[19].

[modifier] Prospective politique sur ce projet : buts et institutions

Membres probables de l'Union pour la Méditerranée : en bleu les pays riverains, en gris les pays non-riverains membres de l'UE
Membres probables de l'Union pour la Méditerranée : en bleu les pays riverains, en gris les pays non-riverains membres de l'UE

La valeur ajoutée de l’Union pour la Méditerranée devrait résider d’abord dans l’élan politique qu’elle devrait donner à la coopération autour de la Méditerranée et à la mobilisation des sociétés civiles, des entreprises, des collectivités locales, des associations et des ONG.

Il s'agit d'un projet fondé sur une logique de coopération et non sur une logique d’intégration.

Le projet d’Union pour la Méditerranée n’a pas vocation à se substituer aux procédures de coopération et de dialogue qui réunissent déjà les pays riverains de la Méditerranée, mais à les compléter, à renforcer leur visibilité en leur donnant une impulsion supplémentaire, une impulsion politique. L'Union pour la Méditerranée propose une nouvelle méthode. Elle part de « projets concrets » qui créeront une dynamique complémentaire à celles des processus existants. Les projets doivent répondre à deux principes : celui du partenariat égalitaire d'abord, exigeant que les projets soient définis et proposés conjointement par les pays de la rive sud et de la rive nord ; celui de la géométrie variable ensuite, permettant de ne réunir sur un projet concret que les pays volontaires.

Des secteurs prioritaires de travail sont d'ores et déjà évoqués. Ils pourraient recouvrir l’environnement, l’énergie renouvelable, la protection civile, l’enseignement, la formation, la culture. Les questions liées au financement de ces projets, mais aussi favorisant le développement économique dans la rive sud, seront largement abordées.

L'Union pour la Méditerranée devrait être codirigée par un pays de l'Union européenne riverain de la Méditerranée et par un pays hors Union Européenne.

Un secrétariat permanent, léger, devrait être mis en place à l'issue du sommet des 13 et 14 juillet, afin de suivre la mise en route des projets décidés par les chefs d'État et de gouvernement et pour préparer le prochain sommet, qui devrait se tenir tous les deux ans, dans un pays différent.

[modifier] Notes et références

  1. Un appel pour une communauté du monde méditerranéenVoxlatina, Paris, 22 octobre 2005
  2. Discours de TangerPalais de l'Élysée
  3. Nicolas Sarkozy vante à Tunis l'Union pour la Méditerranée Le Figaro, Paris, 29 avril 2008
  4. La création de la zone de libre-échange devrait être une prioritéAl Ahram Hebdo, Le Caire, 20 octobre 2007
  5. L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopieLe Figaro, Paris, 17 avril 2008
  6. Le Monde, Paris, 22 décembre 2007
  7. La fin du gaullisme ?Le Monde, Paris, 5 mai 2008
  8. Le Monde, Paris, 25 octobre 2007
  9. Henri Guaino le conseiller de l'ombre qui exaspère l'EuropeLe Taurillon, magazine eurocitoyen, Bruxelles le 2 mars 2008
  10. Les Coulisses de Bruxelles, Bruxelles, 15 mars 2008
  11. Vues d'EuropeBlog du secrétaire d'État aux Affaire européennes
  12. Union méditerranéenne : Merkel recadre SarkozyLes Coulisses de Bruxelles, Bruxelles, 15 mars 2008
  13. Le Monde, Paris, 5 mai 2008
  14. L'UPM "au rabais", marqueur de la puissance craintive de l'AllemagneVox Latina, Paris, 21 mars 2008
  15. Appel de la région Provence-Alpes-Côtes d'Azur à monsieur le président de la RépubliqueVox Latina, Paris, 28 mars 2008
  16. Le Monde, Paris, 3 mai 2008
  17. Le Monde, Paris, 2 mai 2008
  18. L’Union pour la Méditerranée, un rêve démocratique de Nicolas Sarkozy Les Coulisses de Bruxelle, 29 avril 2008
  19. Bruxelles récuse une coprésidence française de l'Union pour la Méditerranée Le Monde, Paris, 19 mai 2008

[modifier] Voir aussi

  • Beur FM, l'entretien politique sur l'Union Pour la Méditerranée [1]

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • 'L'ouvrage de référence : *Méditerranée,adresse au président Nicolas Sarkozy béatrice Patrie et Emmanuel Espanol, Sindbad/actes-sud

http://www.actes-sud.fr/ficheisbn.php?isbn=9782742773664

[modifier] Lien interne

[modifier] Liens externes