Théorie de Cohen

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Dans son livre Delinquent boys, paru en 1955, Albert K. Cohen fonde une théorie générale de la sous-culture à partir de la délinquance juvénile. Ainsi selon lui la délinquance juvénile est non utilitaire, malintentionnée et négative.

Sommaire

[modifier] La théorie de Cohen : la délinquance comme produit d'une sous-culture

Cohen remarque alors que cette sous-culture délinquante touche plus les garçons que les filles, plus le milieu prolétaire et que cela se perpétue.

Il remarque alors que les individus rencontrent tous les mêmes problèmes d’adaptation à la vie sociale. Chacun des individus va donc adopter toute solution efficace, qui s’écarte parfois du droit chemin. C’est ce qu’il appelle les nouveaux standards ou encore innovations. Cette innovation doit répondre à deux critères : elle doit être pertinente et validée par le groupe.

Cohen met en valeur le phénomène d’interactions entre les individus. Les nouveaux standards du groupe deviennent des éléments de la sous-culture de la délinquance juvénile. La perpétuation de cette sous-culture se fait par un système de valeurs au terme duquel chaque individu qui compose une collectivité se voit assigner une place, une position dans la hiérarchie sociale. C’est ce qui permet de faire respecter à chacun sa position par rapport aux autres. Une sous-culture se constitue notamment par le fait que dans certaines situations des groupes n’arrivent plus à faire apprécier leurs performances, leurs actions, par rapport aux valeurs instituées.

Plus tard, Cohen expliquera la délinquance par un phénomène d’interaction entre un auteur et une situation. L’acte criminel n’est donc pas quelque chose de figé, mais le point d’aboutissement d’un processus qui se déroule dans le temps et par une série au cours de laquelle auteur et situation sont en interaction constante. L’acte criminel n’est jamais entièrement déterminé par le passé et le processus de passage à l’acte peut voir son cours se modifier quand il y a changement : soit de la personnalité de l’auteur de l’acte, soit de la situation, soit des deux.

Cohen insiste bien sur la notion de situation qui, selon lui, est un élément essentiel au passage à l’acte de l’auteur. Il écarte donc toute typologie ou classification des personnalités des individus pour expliquer un comportement. Le processus d’interaction permet donc que l’acte délinquant se développe dans le temps, par une série d’étapes successives. Ce processus d’interaction possède cinq grandes caractéristiques :

  • L’acte ne survient pas brusquement : il se développe et possède une histoire. Bien qu’une étape de son développement puisse être un antécédent nécessaire à une autre étape, le mouvement d’une étape à l’autre n’est pas entièrement déterminé par les antécédents.
  • Les circonstances qui déterminent le choix de telle ou telle solution comprennent à la fois les propriétés de la personne et celles de la situation.
  • Certaines circonstances qui participent au développement de l’acte sont tout à fait indépendantes des événements survenus au cours des étapes antérieures.
  • Le feedback constitue un développement de l’acte délinquant selon la vision de la victime, des témoins, des individus touchés par l’acte. Ainsi pour être délinquant il faut être défini comme tel par la société. On parle alors de notion d’étiquetage qui, au cours du temps, confirme le délinquant dans son propre rôle au regard des autres. Il en va donc que le délinquant finira par accepter son rôle de délinquant et prendra alors tous les avantages liés à son statut de délinquant.
  • La réponse des autres individus face à la délinquance: les individus peuvent donc se montrer compréhensifs ou répressifs. C’est le fruit d’une propre socialisation des individus. La réponse des individus peut être aussi le fait de vouloir montrer quel genre de personne l’individu est.

[modifier] Applications pratiques

Divers éléments de la théorie de Cohen peuvent être analysés au sein même du phénomène des violences urbaines qui ont eu lieu en France à la fin de l’année 2005.

Ainsi Cohen avait insisté, dans un premier temps, que le comportement délinquant pouvait être le fruit d’un conflit entre ce qu’on lui apprend dans sa famille (la plupart des délinquants étaient issus du milieu prolétaria) et de ce qu’on lui apprend à l’école (modèle de culture de la classe moyenne). Certes cette distinction entre milieu prolétaire et clase moyenne n’est plus vraiment d’actualité. Pour autant on pourrait la transmettre à la distinction entre milieu d’origine du délinquant et le milieu que transmet son pays hôte. Il en va donc que certains jeunes délinquants rejettent certaines notions de la République française émises par les institutions. Ces mêmes notions sont souvent en contradiction avec les valeurs familiales. L’expression même des violences urbaines pourrait alors trouver son explication au sein de ce phénomène.

Cohen avait tout aussi insisté sur le phénomène d’interaction entre l’auteur et la situation. Il est en outre utile de remarquer que cela se vérifie dans la fin des violences urbaines. C'est-à-dire que l’on peut mettre en avant que l’application de l’état d’urgence décidé par le Premier ministre. En effet cet état d’urgence autorise des interdictions de séjour, des assignations à résidence, la fermeture des lieux de réunion et l’interdiction des « réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre » ; mais aussi le contrôle de la presse et des publications « de toute nature » et de donner compétence aux juridictions militaires en concurrence avec les juges ordinaires. En l’espèce, la présence de patrouilles de police a certainement joué un rôle dans l’évolution des violences urbaines qui se sont peu à peu calmées par la mesure de l’état d’urgence.

Cohen insiste dans la notion du feedback selon lequel un individu est confirmé dans son rôle de délinquant à cause regard des autres. Les violences urbaines ont surtout eu lieu dans un milieu urbain défavorisé et non dans un milieu rural, il est donc plus facile de montrer que un jeune délinquant aura une tendance à la récidive, si à sa sortie de prison ou a la fin d’une mesure prise a son égard, aucune personne ne lui donne a nouveau confiance. Le phénomène des violences urbaines pourrait donc être une conséquence de cette notion de rejet vécus par de nombreux jeunes. Ce rejet qui est dû au passé délinquant du jeune, mais aussi dû à son origine, son lieu d’habitation ou de scolarisation.

Enfin, dans la dernière caractéristique du processus d’interaction, on a vu que la notion de réponse de la société était un facteur important pour le déclenchement d’un acte délinquant. En outre, dans le cadre des violences urbaines, il est plus facile pour un jeune délinquant de se fondre dans la masse des autres jeunes, et donc le risque de répression de la part de la société est beaucoup moins accru que ce que l’on pourrait penser. Ainsi, un effet boule de neige s’est déclenché au sein même des violences urbaines : le jeune délinquant ayant moins de craintes de se faire sanctionner au vu de la situation, se permet donc de plus oser des choses qu’il n’aurait pas tentées en temps normal.

[modifier] Voir également

[modifier] Articles connexes