Tarafa

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Tarafa Ibn al-'Abd, écrit aussi T'arafa Ibn al-'Abd, et dont le nom complet est Tarafa Ibn el'abd ben Soufyan ben Malik el Backri (arabe : طرفة بن العبد بن سفيان بن سعد أبو عمرو البكري الوائلي) est un poète né au Bahreïn qui a vécu entre 543-569 environ.

Sommaire

[modifier] Biographie

Tarafa est né vers 543 environ, dans la tribu des Bark ben Wa'il ; sa famille est composée de nombreux poètes. Son père meurt alors qu'il est jeune ; il est alors élevé par ses oncles paternels, qui le négligent et le lèsent de ses droits. Il aime les plaisirs de la vie, et les scandales en résultant le forcent à quitter sa tribu. Il parcourt alors la péninsule et serait allé jusqu'en Abyssinie.

Il parvient à revenir chez les siens, provoque d'autres incidents, repart ; il rejoint alors son oncle maternel, El Moutalammis, poète lui aussi, à la cour de Hira ; le roi lakhmide 'Amr ibn Hind (554-568) l'accueille avec les égards dus à sa réputation de poète. Mais Tarafa écrit une satire qui courrouce le monarque ; celui-ci envoie Tarafa et son oncle avec deux lettres cachetées à remettre au Bahreïn ; celles-ci contiennent leur ordre de mise à mort. Son oncle refuse d'aller à destination, mais Tarafa poursuit son chemin. Un homme du clan des Beni Taglib (ennemi des Bakr) l'exécute après avoir exaucé son dernier souhait : « Je veux qu'on me remplisse de vin jusqu'à la gorge et que l'on me saigne ensuite ».

Sa mu'allaqât a été la première édité et traduite en latin, à Leyde, en 1742.

[modifier] Extraits

Les différents extraits ci-dessous sont repris de l'ode incluse dans la Mu'allaqât, traduite par Jacques Berque.

La fin du poème est tragique, certains la trouvant prémonitoire par rapport à la fin du jeune homme :


Les jours te découvriront ce que tu ignores
ils t'apporteront des nouvelles dont tu n'étais pas pourvu
et te les apportera plus sûrement encore
celui auquel tu n'as
ni fourni manteau de voyage
ni fixé rendez-vous.


D'autres passages du poème montrent le même aspect personnel, et émouvant ; ici, par exemple, peu avant la fin de l'ode :


Non par ta vie, nul dessein qui
me reste clair-obscur
C'est le grand jour, non la nuit
qui pour moi perdure.


Et là, c'est une réflexion sur la vie et la mort que nous propose le poète :


Mais le généreux s'abreuve de lui-même en sa vie
que nous mourions demain, sais-tu qui de nous deux
sera mort sur sa soif ?
Ne vois-je pas que la tombe du cupide
avare de son argent ne diffère
en rien de celle du fol, prodigue de son oisiveté:
rien que deux tas de terre surmontés de sourdes
dalles taillées dans la roche ?
Ne vois-je pas que la mort prélève le généreux
aussi bien qu'elle s'arroge le plus précieux
des biens du scélérat qui se cramponne ?
Ne vois-je pas dans la vie un trésor que diminue chaque nuit?


Ici, une partie décrit sa vie de plaisir, l'opprobre familiale, et peut-être, montre comment il prévoit de finir :


Ah toujours boire des vins
servir ma volupté, vendre, dissiper et l'acquêt
et l'héritage,
jusqu'au jour ou ma famille unanime me frappera d'interdit
m'isolera comme on isole un chameau goudronné
pourvu que m'en aient doléance
ni les fils de la poussière ni les hôtes
de ce vaste pavillon de cuir
et si jamais, toi qui me censures, je me décrobais
au cris de la guerre
ne goûtais plus aux voluptés
pourras-tu m'en assurer l'éternité
Or donc, si tu ne peux ajourner ma destruction
laisse que je la provoque moi-même de ma légitime


Enfin, pour montrer la variété des thèmes abordés, voici un extrait décrivant une belle nuit avec une danseuse :


Mes commensaux brillent comme des étoiles
une chanteuse nous donne sa nuit
sa robe rayée colle à sa chair
généreuse d'elle-même au bas des échancrures
indulgente à laisser entrevoir sa tendre nudité
si nous lui disons « - Fais-nous entendre... »
elle nous offre
sa coulante et douce fêlure
un va-et-vient de la voix
une plainte alternée de gazelles mères
sur un petit mort.

[modifier] Bibliographie

  • Les dix grandes odes arabes de l'Anté-Islam, Les Mu'allaquât traduites et présentées par Jacques Berque, La bibliothèque arabe, Éditions Sindbad (1979)
  • Les Mu'allaqât, Les Sept poèmes préislamiques, préfacés par André Miquel, traduits et commentés par Pierre Larcher, Éditions Les immémoriaux / Fata Morgana (2000).
  • Les Mou'allaqât, Poésie arabe pré-islamique, présentation et traduction Jean-Jacques Schmidt, Éditions Seghers.

[modifier] voir aussi