Sheraya Szapszal

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Sheraya Szapszal, ou Seraya Shapshal, ou Haji Seraya Han Shapshal (en langue karaïm : Хаджи Серая Хан Шапшал ; Russe : Серая (Сергей) Маркович Шапшал ; Polonais : Seraj Szapszal ; Turc : Seraya Sapsaloglu) (1873-1961) fut un hakham et un leader des karaïtes de Crimée (Karaïmes) puis de Pologne et de Lituanie.

Shapshal est né à Çufut Qale, un vieux centre Karaïme de Crimée et à étudié à l'université de Saint Petersburg, ou il reçut un doctorat de en philologie et en langues orientales.

Il fut invité à servir de précepteur personnel au prince héritier de la couronne iranien, Mohammad Ali Shah, et est devenu un ministre dans le gouvernement persan en 1907 (la rumeur prétendant qu'il était un espion russe).

En 1911, il revint en Crimée et malgré son absence de formation religieuse spécifique, devint le Hakham en chef des communautés Karaites criméennes. On note ici la laïcisation progressive des karaïtes de l'empire russe, population en voie de modernisation et de laïcisation rapide, ou les études séculières étaient devenues plus prestigieuses que les études religieuses.

On note aussi qu'à cette date, Szapszal se fait le propagateur d'une vision particulièrement radicale des idées du « Mouvement National Karaïte ».

Ce mouvement, qui apparaît dans le deuxième quart du XIXe siècle, visait à à redéfinir l'identité des karaïtes de l'empire russe, non plus comme une communauté juive hétérodoxe, mais comme une communauté de turque non-juifs, pratiquant une religion mosaïque. L'historien de ce mouvement, Avraham Firkovich, avait défendu dans les années 1830-1840 la thèse selon laquelle les Karaïtes de l'empire russe descendaient de turcs convertis à une version ancienne du judaïsme, et dont les membres s'étaient détachés des autres courants au VIIe siècle avant notre ère.
Ce courant ancien était par la même plus authentique que le judaïsme rabbinique et surtout innocent de la mort de Jésus, une accusation très grave dans la Russie anti-juive du XIXe siècle.
Ces idées, après acceptations par les autorités tsaristes, valurent aux Karaïtes russes d'obtenir progressivement un statut nettement plus avantageux que celui des Juifs, et finalement l'égalité avec les citoyens russes en 1863.

Szapszal repris ces idées, mais en les poussant encore plus loin. Il défendait en particulier l'idée que Jésus-Christ et Mahomet devaient être reconnus par les Karaïmes comme de grands prophètes (mais dans le cas de Jésus, pas comme le messie). Outre les éventuelles convictions religieuses de Szapszal, cette double acceptation semble avoir eu trois avantages :

  • accentuer la divergence avec le Juifs, dans une Russie tsariste ou les pogroms devenaient très nombreux.
  • Rendre la religion karaïme plus acceptable aux yeux des chrétiens orthodoxes en acceptant partiellement Jésus.
  • Rendre la religion Karaïmes plus acceptables aux yeux des Turcs, très majoritairement musulmans, en acceptant partiellement Mahomet. Sheraya Szapszal était en effet un sympathisant des mouvements nationalistes turcs à l'époque en pleine ébullition (mouvement des Jeunes Turcs).

Après la révolution bolchevique, de 1919 à 1927, Szapszal vécu d'ailleurs à Istanbul, ou il fut actif dans le mouvement nationaliste pan-turque.

En 1927, Sheraya Szapszalen s'installa à Vilnius, et y devint le chef des Karaïmes en Pologne et en Lituanie.

Pendant la seconde guerre mondiale, les Karaïmes furent également reconnus comme une population d'origine turque, non juive, et par là même échappant à la Shoa. Les rabbins interrogés par les Nazis confirmèrent tous l'origine turc des Karaïmes, ce qui semble avoir été fait pour les aider à se protéger.

En 1941, pendant l'occupation Nazi, Sheraya Szapszal accepta d'établir une liste des Karaïmes de Pologne et de Lituanie. Cette liste fut très fortement contestée après la guerre. En effet, pour échapper aux nazis, un certain nombre de Juifs rabbanites se faisaient passer pour Karaïmes avec l'aide de membres de cette communauté, stratégie devenue caduc du fait de la liste de Szapszal. Celui-ci fut donc accusé d'avoir rédigé une « liste de la mort ». Lui et ses défenseurs se défendirent en indiquant qu'il n'avait fait que répondre à un ordre de l'occupant nazi, auquel il ne pouvait se soustraire sans mettre en danger sa communauté.

Après la guerre, Szapszal vécu à Troki (Lituanie soviétique). Les activités religieuses devenant impossibles du fait de l'athéisme officiel soviétique, il repris ses activités de linguiste (cf. ses études), et enseigna à l'Académie lituanienne des sciences. Il est le co-auteur d'un dictionnaire Karaïme (un dialecte judéo-tartar) - Russe - Polonais, publié en 1974, et écrivit un certain nombre d'articles sur les Karaïtes de Crimée. Son « histoire du karaïsme » demeure non publiée. Une partie de ses collections et de ses livres sont conservés dans un petit musée de la vieille kenessa (synagogue) de Troki, où il est mort en 1961.

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