Salman ben Yerouḥam

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Salman (Salomon) ben Yerouḥam (ou Yerouḥim) était un hakham karaïte, exégète, poète et polémiste qui florit à Jérusalem entre 940 et 960. Il était considéré comme l'une des plus grandes autorités parmi les Karaïtes, qui l'appellent "le Sage" (« haHakham »), et le mentionnent après Benjamin Nahawendi dans leur prières pour leurs grands maîtres décédés[1]. Salman fut le principal antagoniste de Saadia Gaon au cours de sa vie, et redoubla d'activité contre lui après son décès survenu en 942.

Sommaire

[modifier] Éléments biographiques

Salman ben Yerouḥam naît à Bagdad vers 900 ou 910, et se rend encore jeune en Égypte, alors centre mondial du karaïsme. Il y étudie auprès de Moshe ben Abraham Alfassi le Grammairien. L'introduction à la parashat Yitro qu'il lit à l'occasion de son hatan Torah devant l'assemblée des fidèles démontre une excellente maîtrise de l'hébreu et de sa grammaire, ainsi qu'une certaine compétence dans les domaines de l'exégèse biblique, de la Mishna et du Talmud. Selon une tradition karaïte, Salman, reconnu comme maître, aurait eu de nombreux disciples, parmi lesquels un certains Saïd al-Pithomi, futur Saadia Gaon. Toutefois, selon une autre tradition, vraisemblablement rabbanite, Salman aurait été l'un des leurs, passé au karaïsme par suite de ses relations orageuses avec Saadia; ces deux versions sont probablement légendaires, indiquant tout au plus l'antagonisme puissant entre ces deux champions de leur doctrine[2].

Vivant à Jérusalem, Salman ben Yerouḥam se rend expressément à Babylone à la mort de son rival, accompagné de Sahl ben Matzliah, afin de se livrer à une puissante campagne missionaire[3].

Comme tous les dirigeants karaïtes, Salman propagea sa doctrine avec zèle, mais contrairement à ses prédécesseurs, il fit montre dans ses polémiques contre les Rabbanites d'un esprit de partialité et d'intolérance, qui devinrent caractéristiques de la littérature karaïte ultérieure.

[modifier] Réponse à Saadia

Dans un livre intitulé Milḥamot Adonaï, (à ne pas confondre avec les livres portant le même titre, de Gersonide et Avraham ben haRambam) dont plusieurs manuscrits existent dans diverses bibliothèques européennes, et dont il produisit également une traduction en arabe aujourd'hui disparue, Salman attaque violemment les Rabbanites en général, et Saadia en particulier, avec force épithètes dépréciatifs. Le livre est écrit en vers et divisé en 19 chapitres, chacun contenant 22 strophes de quatre lignes.
Après avoir voulu démontrer l'inanité de la tradition orale, il réfute les sept arguments avancés en la faveur de celle-ci par Saadia dans son introduction à son commentaire du Pentateuque. Il critique ensuite les opinions de Saadia sur le calendrier hébraïque, les lois concernant l'inceste, la célébration du second jour de fête, etc., et l'accuse dans les termes les plus rudes d'avoir, dans sa polémique contre les Karaïtes, usé d'arguments en contradiction directe avec les enseignements de la Mishna et du Talmud, et dont il devait en conséquence savoir qu'ils étaient faux.

Le Milḥamot Adonai a été partiellement publié par Pinsker, Geiger, et Kirchheim.

[modifier] Ouvrages polémiques

Cet esprit d'intolérance se retrouve dans la plupart des oeuvres de Salman, jusqu'à ses commentaires de la Bible. Il ne manque jamais une occasion d'attaquer les Rabbanites et leur champion, Saadia.
Par ailleurs, et en parfaite opposition avec son rival, on retrouve dans son commentaire des Psaumes outre une aversion profonde pour les nations étrangères, une dénonciation de l'étude des sujets profanes, mettant en garde les Karaïtes contre l'étude même des langues étrangères, et plus encore des travaux philosophiques. Les théories d'Euclide et de Ptolémée étaient, à ses yeux, contraires aux leçons de la Loi.

De ses commentaires bibliques, qui étaient écrits en arabe, seul celui des Lamentations, achevé en 955 ou 956, a été publié[4]; la plupart des autres demeurent à l'état de manuscrit:

  • commentaire du Cantique des cantiques (Brit. Mus. Hebr. MS. No. 308)
  • commentaire du livre de Ruth (St. Pétersbourg, collection Firkovich, No. 583)
  • commentaire du livre d'Esther (ib. Nos. 583, 584)
  • commentaire de l'Ecclésiaste (ib. No. 359; Brit. Mus. Or. No. 2517; le début ainsi que les ch. ii., vii., et ix. ont été édités par Hirschfeld dans sa Arabic Chrestomathy, pp. 103-108)
  • commentaire du Livre des Psaumes (St. Pétersbourg, collection Firkovich, Nos. 555, 556, et 557).

Salman cite aussi ses commentaires sur le Livre de Daniel, le livre de Job, et les Proverbes qui n'existent plus.
Il cite aussi:

  • son Katab al-Rudd 'ala al-Fayyumi, probablement la version arabe de son Milḥamot Adonai,
  • le Ḥuruf al-Abdal, sur les lettres de permutation,
  • un livre sur les avantages des prêtres;

Il promet par ailleurs d'écrire un commentaire sur le Pentateuque, ainsi qu'un essai sur la résurrection.

Salman avait aussi traduit en arabe et commenté les prières karaïtes (St. Pétersbourg, collection Firkovich, No. 638), et fut l'auteur du Ḥibbour, un ouvrage à caractère probablement liturgique.

[modifier] Références

  1. Siddour karaïte, i. 137b
  2. Review: The Milḥamōth ha-Shēm of Salmon ben Jeroham by Leon Nemoy, The Jewish Quarterly Review, New Series, Vol. 28, No. 1 (Jul., 1937), pp. 91-94; consultable uniquement après payement.
  3. Heinrich Graetz, Histoire des Juifs, troisième période, deuxième époque, chapitre premier
  4. Solomon Feinstein, Cracovie, 1898

La JE cite comme bibliographie:

  • Pinsker, Liḳḳuṭe Ḳadmoniyyot, p. 130, and index;
  • Fürst, Gesch. des Karäerthums, ii. 75 et seq.;
  • Gottlober, Biḳḳoret le-Toledot ha-Ḳara'im, p. 196;
  • A. Neubauer, Aus der Petersburger Bibliothek, p. 10;
  • P. Frankl, in Steinschneider, Hebr. Bibl. xix. 93;
  • idem, in Ha-Shaḥar, viii.;
  • Kirchheim, in Orient, Lit. vii. 17 et seq.;
  • Salfeld, Hohelied, p. 127;
  • Steinschneider, Polemische Literatur der Juden, p. 378;
  • idem, Hebr. Bibl. vii. 14, xiii. 103;
  • idem, Hebr. Uebers. p. 946;
  • idem, Die Arabische Literatur der Juden, § 40;
  • Samuel Poznanski, in R. E. J. xli. 310;
  • idem, in J. Q. R. xiii. 336;
  • idem, in Monatsschrift, xliv. 105 et seq.
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