Printemps berbère

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Le Printemps berbère désigne l'ensemble des manifestations réclamant l'officialisation de la langue tamazight et la reconnaissance de l'identité et de la langue berbère en Algérie à partir de mars 1980 en Kabylie et à Alger. Il s'agit du premier mouvement populaire d'opposition aux autorités depuis l'indépendance du pays en 1962.

Sommaire

[modifier] Les causes

Les berbérophones représentent de un quart à un tiers de la population algérienne. Depuis l'indépendance de ce pays, l'arabe succède au français comme langue officielle. La politique linguistique algérienne se traduit par une arabisation massive de l'administration et de l'enseignement.

La réflexion sur la situation linguistique est d'abord le fait d'intellectuels expatriés (Taos Amrouche, Mouloud Mammeri et des membres de l'Académie berbère).

À l'intérieur du pays, c'est en Kabylie que se trouve la plus importante concentration de berbérophones. L'université de Tizi-Ouzou, créée dans cette région en 1977, est un lieu d'échange, y compris sur le plan culturel. Comme ailleurs, l'organisation de débats et de concerts, ainsi que la représentation de pièces en langue berbère y sont soumises à autorisation — par ailleurs souvent refusées.

[modifier] Les événements

  • 10 mars 1980 : les responsables de la Wilaya de Tizi Ouzou annulent une conférence de l'écrivain Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle ancienne. Les personnes à l'origine de cette décision refusent de s'expliquer — il s'agirait d'un ordre émanant de l'État.
  • 7 avril : imposante manifestation à Alger. La répression est féroce et la journée se solde par une centaine d'arrestations, de nombreux blessés et peut-être un mort. D'autres rassemblements ont lieu dans plusieurs villes en Kabylie.
  • 7 avril : début de la grève à l'université de Tizi Ouzou.
  • 8 avril : une autre manifestation converge vers Alger, mais sans réactions violentes des forces de police.
  • 10 avril : grève générale en Kabylie. Le syndicat étudiant (UNJA) proche du gouvernement, dénonce des manifestants « téléguidés de l'extérieur ».
  • 17 avril : dans un discours, le président algérien Chadli Bendjedid déclare que l'Algérie est un pays « arabe, musulman, algérien », et que « la démocratie ne signifie pas l'anarchie ». Le même jour, les grévistes sont expulsés de l'hôpital de Tizi Ouzou et des locaux de la SONELEC.
  • 23 avril : l'université de Tizi Ouzou est prise d'assaut par les forces de l'ordre au cours de l'opération Mizrana.

Le mouvement se poursuit en faveur des 24 détenus (dont Saïd Saadi, Mouloud Lounaouci, Mustapha Bacha, Saïd Khelil, Djamel Zenati, Ali Brahimi, Salah Boukrif...) et parvient à les faire libérer au mois de juin.
Dès lors, le mouvement berbère tiens des assises au mois d'août lors du Séminaire de Yakouren. Il décide de capitaliser l'avancée de ses idées dans le corps social en multipliant les activités de terrain par la voie pacifique.

C'est ainsi que, dès la rentrée universitaire d'octobre 1980, chaque campus universitaire du centre du pays se dote d'un collectif culturel en charge de la promotion des activités culturelles berbères en milieu universitaire. Dès janvier 1981, de nombreux lycées suivent.
Théâtre, chansons engagées foisonnent et expriment un bouillonnement inattendu chez les descendants de l'« Eternel Jughurta ». Mais c'est le succès considérable des "cours sauvages de berbère" animés par Salem Chaker à la Faculté Centrale d'Alger et par Mustapha Benkhemou à l'Université de Bab Ezzouar et dans les Instituts de Boumerdès qui pousse les autorités algériennes à mettre le holà.
Une grossière provocation policière est le prétexte à l'arrestation de 22 étudiants dont 3 récidivistes (Arezki Aït Larbi, Mustapha Bacha et Salah Boukrif), ainsi que Mustapha Benkhemou et Abderrezzak Hamouda (le fils du glorieux Colonel AMIROUCHE) de M'chounech dans les Aurès. A Béjaia un grand soulèvement commencera à partir du 19 mai 1981 autour de la revendication Amazigh à laquelle s'est ajouté la dénonciation du détournement du projet d'université vers une autre wilaya. La répression a été féroce et des dizaines de jeunes essentiellement des lycéens ont été arrêtés. Figurernt parmi les personnes arrêtées trois étudiants de Tizi-Ouzou et ancien détenus de Berrouaghia (parmi les 24) il s'agit de Tari Aziz, Idriss Lamari et Djamel Zenati.

[modifier] Les conséquences

Politiquement, le Printemps berbère est le premier mouvement populaire spontané. Il ouvre la voie à une remise en cause du régime algérien. Ces émeutes préfigurent celles de Constantine en 1986 et d'Alger en 1988.

Sur le plan social, le mouvement traduit l'émergence d'une génération d'intellectuels engagés dans le combat démocratique (Tahar Djaout, Ferhat...).

Sur le plan culturel, le Printemps berbère brise le tabou linguistique et culturel : il est la traduction d'une remise en cause de l'arabisation intensive de l'administration au détriment du berbère. Cette prise de conscience identitaire a également touché le Maroc voisin, où ces événements sont commémorés chaque année par les étudiants berbérophones.

[modifier] La reconnaissance de la langue Tamazight

Grâce à un combat intellectuel qui a duré plus de 20 ans, la langue berbère est reconnue comme langue nationale de l'Algérie, et le premier ministre algérien d'origine kabyle, Ahmed Ouyahia, et quelques députés ont même prononcé une partie de leurs discours en Amazight. Cette reconnaissance tardive et politique ne cache pas la tension et l'espace culturel trop longtemps laissé vide dans les manuels scolaires. Et depuis ces deux dernières années, la langue Amazigh est étudiée dans les établissements scolaires primaires et secondaires ,et sera même en examen de BAC et celà dans la kabylie.