Plan autoroutier pour Paris

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Le plan autoroutier pour Paris était un plan ambitieux conçu au milieu des années 1960, et qui avait pour objectif de doter la capitale d'un maillage fin d'autoroutes et d'axes "fluidifiés". La plupart des schémas prévus furent abandonnés avant la crise de 1974, et l'arrivée de Valéry Giscard d'Estaing à l'Elysée mit un terme à tous les projets. Il reste cependant encore quelques traces de ce plan, les plus visibles étant les voies sur berges.

Sommaire

[modifier] Intérêt de ce plan

On attribue généralement ce plan à Georges Pompidou, alors premier ministre. S'il est vrai que celui qui fut ensuite président avait un goût particulier pour les autoroutes et avait une hantise pour les embouteillages, on ne peut cependant lui en attribuer la paternité, même si l'on peut supposer qu'il suivit le dossier. Ce plan a davantage été conçu par les services techniques de la ville de Paris, aidés par une cohorte d'architectes et d'urbanistes.

L'intérêt premier était de pouvoir relier l'hyper-centre de Paris aux villes nouvelles par des liaisons intégralement autoroutières, en évitant ainsi les bouchons, à l'époque plus importants qu'aujourd'hui, qui régnaient alors sur les différentes radiales menant aux portes de la capitale. Les autoroutes menant au boulevard Périphérique devaient donc être prolongées intra-muros, et pour assurer le lien entre elles une sorte de rocade (correspondant davantage aux ring belges) devait être construite. Cette même rocade devait s'articuler autour d'un grand axe nord-sud à 2*4 ou 2*5 voies, qui devait permettre d'éviter le périphérique.

[modifier] Carte générale

Image:Parisautoroutes.jpg

  • En rouge, les autoroutes et voie express actuelles
  • En violet, les autoroutes prévues à l'époque
  • En bleu foncé, les différentes autoroutes prévues par le plan
  • En bleu clair, les sections enterrées
  • Les traits fins correspondent aux sections unidirectionnelles.

[modifier] Caractéristiques générales

Le projet comprenait en tout huit autoroutes à 2*2, 2*3 ou 2*4 voies dont voici la liste ci dessous :

A ces huit autoroutes s'ajoutaient les deux autoroutes rive droite et rive gauche (actuelles voies sur berges), dont certaines sections étaient unidirectionnelles.

A cela s'accompagnait un très vaste projet "d'artères à circulation rapide", qui devaient apparemment être sans croisements, et reliées à la voirie locale par des échangeurs. De nombreux axes devaient ainsi être transformés. Enfin, un nombre important de voies secondaires devaient être dotés aux principaux carrefours de tunnels permettant à nouveau d'éviter les croisements.

Ci dessous, une analyse rapide de chacun des projets autoroutiers prévus.

[modifier] Radiale Nord-Ouest

Cette autoroute devait se situer dans le prolongement direct de l'autoroute A20, très vieux projet mort-né qui devait certainement relier la ville nouvelle de Cergy-Pontoise à la capitale. Elle était située presque exclusivement dans le 17e arrondissement. Après avoir passé le Periphérique, l'autoroute A20 devait s'engouffrer dans la capitale et devenir la radiale Nord-Ouest. Elle devait longer (en viaduc certainement) les voies de la Gare Saint-Lazare pendant près de deux kilomètres, jusqu'au niveau de la place de l'Europe, où elle s'échangeait avec les rocades Gare Saint-Lazare - Gare de l'Est et Gare Saint-Lazare - Montparnasse.Un échangeur était prévu au croisement du boulevard des Batignolles. L'abandon avant 1970 du projet d'autoroute A20 entraîna l'effondrement de ce projet, qui par effet de château de cartes entraîna ensuite celui des deux rocades citées plus haut. La réalisation de cet axe était prévue en 1967 aux alentours de 1980-1985.

[modifier] Rocade Saint-Lazare - Gare de l'Est

Cette autoroute, presque entièrement souterraine, devait être le maillon nord de la rocade autoroutière parisienne. Elle démarrait au nord de la Gare Saint-Lazare, dans le 8e, pour ressortir dans le 10e, au Square Villemin, qui doit son existence uniquement à l'abandon de ce projet. L'autoroute s'échangeait alors avec l'Axe Nord-Sud. Le but de ce projet était donc uniquement d'assurer le lien entre les deux autoroutes. Le coût de ce projet était très élevé (un profond tunnel foré étant nécessaire), et sa réalisation n'était à l'époque pas envisagée avant 1990. L'abandon de l'A20 et donc de la Radiale NO en eurent donc rapidement raison, l'intérêt du projet devenant bien moindre. Aucun échangeur souterrain n'était prévu.

[modifier] Rocade Saint-Lazare - Montparnasse

Ce projet est peut-être le plus délirant. Dans le prolongement direct de la rocade NO, elle devait s'enfoncer profondément dans la capitale, longeant la rue d'Anjou à l'est pendant près de 1km et à ciel ouvert. L'entaille crée était énorme. Pêle-mêle, elle devait ainsi passer à 100m de la Madeleine, de la rue Royale et du Crillon, et à 300m de l'Elysée. Elle s'échangeait avec l'avenue Gabriel, puis rentrait en tunnel au niveau des Champs-Elysées. Elle passait ensuite sous la Seine et le Quai d'Orsay, avant de s'échanger avec la surface au niveau de l'Esplanade des Invalides. Trois autres échangeurs, également souterrains, étaient prévus Avenue de Tourville, rue de Sèvres et rue de Vaugirard. Elle rejoignait la rocade 16e-RG et la radiale Vercingétorix à Montparnasse. A nouveau, l'abandon de la rocade NO entraîna celui de ce projet, qui était également extrêmement impopulaire.

[modifier] Rocade 16e - Rive gauche

Element majeur de ce plan, ce maillon débutait à Auteuil, dans le prolongement de l'autoroute A13. Elle rentrait immédiatement en souterrain, suivant les emprises de l'ancienne Ligne de Petite Ceinture, jusqu'au niveau du jardin du Ranelagh. Là, elle réobliquait vers le sud, pour ressortir à Passy, à côté de la maison de Radio-France. Là, elle s'échangeait avec la voie sur berge rive droite, traversait la Seine par un nouveau pont (l'actuel pont du RER C devant être détruit), et s'échangeait avec la voie sur berge rive gauche. Il est à noter que le quartier Front de Seine, construit à la même époque, avait prévu cette autoroute : la place de Brazzaville est évasée sur les quais, là où elle devait accueillir l'échangeur. L'autoroute traversait donc cette place et rejoignait le boulevard de Grenelle, qui était transformé en autoroute, la circulation locale étant rejetée sur des voies latérales. Un échangeur était prévu au niveau de la station Dupleix. L'autoroute suivait ensuite les boulevards jusqu'à Montparnasse, après un échangeur à Cambronne. A Montparnasse, un nœud routier devait être construit entre la voirie locale, la pénétrante Vercingétorix et la rocade Saint-Lazare-Montparnasse. Elle rejoignait ensuite la place Denfert-Rocherau et la radiale Denfert par la rue Froidevaux, après s'être échangée avec l'Avenue du Maine. Après Denfert, elle reprenait les boulevards jusqu'à l'Axe Nord-Sud place d'Italie, sans échangeurs entre les deux. Ce fut certainement le gigantisme de ce projet qui causa sa perte, les travaux étant bien trop lourds, l'essence trop chère, l'opposition trop oppressante.

[modifier] Radiale Vercingétorix

La radiale Vercingétorix est particulière à plus d'un titre, car elle connut un début de réalisation, mais ce fut aussi sa chute qui entraîna celle de l'autoroute qui l'amenait aux portes de la capitale, mais non l'inverse. Son tracé n'avait rien de bien compliqué : il devait démarrer de l'autoroute A10 (voir Autoroute A10 de Palaiseau à Paris) à la porte de Vanves, longer les voies SNCF jusqu'à l'actuelle place de Catalogne, où elle rencontrait l'axe 16e-RG et la rocade. Deux échangeurs étaient prévus : boulevard Brune et rue d'Alésia. Vers 1970, l'A10 paraissant bien lancée, les premières destructions se firent dans Paris le long de la rue Vercingétorix. Plus loin, à Malakoff, l'École supérieure d'électricité était transférée à Gif-sur-Yvette. Vers 1972, juste avant le début des travaux, le projet se bloqua, en grande partie à cause des riverains. Ce coup d'arrêt se répercuta ensuite sur l'autoroute A10, qui dut faire un angle droit à Palaiseau, faute de prolongement, emprunter l'A87 (abandonnée), et se raccorder à l'A6, qui fut elle même doublée. L'échangeur en croix à quatre niveaux prévu dans la vallée de Palaiseau a été en partie réalisé. Cela explique l'aménagement bizarre de ce grand échangeur mort-né et ses «sorties» qui vont tout droit en voie de gauche.

La situation resta incertaine jusqu'en 1977-78, où l'idée de la pénétrante fut définitivement abandonnée, emportant ainsi le reste de l'A10 dans son sillage. Les emprises résultant des destructions ont été remplacées rue Vercingétorix par une multitude de squares.

En banlieue, l'emprise libérée fut utilisée pour le TGV Atlantique.

[modifier] Radiale Denfert

La radiale Denfert n'était pas un élément majeur de ce plan, mais elle avait été prévu dès la fin des années 50. En étudiant la géométrie de l'échangeur BP/A6a, on remarquera en effet des voies non affectées et depuis condamnées. Après le BP, l'autoroute devait s'engouffrer dans le parc de la cité universitaire pour se coller côté ouest au viaduc du RER B. Elle longeait ensuite l'hôpital Sainte Anne pour enfin parvenir place Denfert-Rocherau, où elle retrouvait l'Axe 16e-RG. Aucun échangeur n'était prévu. Ce maillon d'importance moindre a dû être une des premières victimes de l'abandon du plan, son objectif n'étant en effet que d'amener l'automobile plus loin dans Paris.

[modifier] Radiale de Bagnolet

Cette radiale devait tracer sa voie dans les 11emes et 20emes arrondissements. Elle démarrait de l'échangeur A3-BP, s'échangeait porte de Bagnolet, passait sur les hauts de Charonne pour longer sur tout son côté sud le cimetière du Père-Lachaise. Un échangeur était prévu boulevard de Charonne. Elle zig-zagait ensuite en plein 11e jusqu'à l'Axe Nord-Sud qu'elle rejoignait au niveau de la rue du Chemin Vert. Cet axe était l'un des plus destructeurs : il ne reprenait en effet aucune voirie pré-existante et ne passait que par peu d'espaces libre. Le projet s'effaça donc rapidement, la marque la plus visible étant le centre commercial Bel-Est, qui du fait de sa position entre les tentacules de l'échangeur de l'A3 rend impossible tout prolongement.

[modifier] Axe Nord-Sud

La clef de voûte de tout ce plan, c'était le projet le plus demandé à l'époque, mais aussi le plus controversé. Il prévoyait en effet la destruction d'entre 3000 et 10000 logements. L'autoroute devait démarrer porte d'Aubervilliers de l'autoroute A16, qui devait alors arriver jusqu'au Périphérique. Elle s'échangeait presque immédiatement avec le boulevard MacDonald, franchissait par un long viaduc les voies SNCF, passait sous la rue Riquet (échangeur) pour aboutir place de la bataille de Stalingrad, où dans un joyeux désordre (métro, boulevards, autoroutes) elle devait s'échanger avec la voirie. Elle s'engageait ensuite dans la tranchée du Canal Saint-Martin qu'elle ne quitterait plus jusqu'à la Seine. Au niveau de la gare de l'Est, elle croisait la rocade nord. Rue du Chemin-Vert, la radiale de Bagnolet. Entre les deux, deux échangeurs en un kilomètres (rue du Faubourg du Temple et Boulevard Voltaire). C'est dire la densité de cet axe. Dernier échangeur place de la Bastille, et l'on atteignait la Seine. Là, l'autoroute se départageait en deux branches tout en s'échangeant avec les voies sur berges : la première traversait Pont d'Austerlitz, la seconde Pont Charles de Gaulle. Cette dernière branche traversait ensuite la Gare d'Austerlitz, pour retrouver l'autre au droit du Boulevard Saint Marcel (échangeur). Croisement 700m plus loin, place d'Italie, avec la voirie locale et la rocade 16e-RG. Enfin, l'Axe Nord-Sud empruntait sur toute sa longueur l'Avenue d'Italie, passage prévu dans les années 70 dans le cadre du projet Italie 13. Un dernier échangeur porte d'Italie, et l'Axe formait un maelström tentaculaire avec à la fois le boulevard périphérique, l'A6b et l'autoroute A5 qui n'arriva jamais aux portes de la capitale. Un échangeur à 5 branches aux portes de Paris. Il était prévu à l'époque d'ouvrir les premiers tronçons vers 1978, pour que l'autoroute soit complétée au début des années 80. Le projet rencontra une très forte opposition (légitime) de la part des riverains. L'énoncé assez surréaliste du tracé permet d'en comprendre les motivations. VGE l'enterra donc, ainsi que la majorité des projets d'urbanisme de Paris dès son arrivée à l'Elysée en 1974.

[modifier] Et aujourd'hui ?

La réalisation de ce type d'infrastructures lourdes et à ciel ouvert est bien entendu totalement à exclure dans Paris intra-muros (où règne depuis l'achèvement du Periphérique en 1973 une sorte de règle : aucune autoroute ne doit dépasser le Périphérique). Cependant, un nouveau courant est apparu à la fin des années 80 : celui des infrastructures enterrées et concédées. En clair, un réseau désaxé de tunnels accessibles aux seules voitures et reliant les différents points névralgiques de la capitale, permettant ainsi de désengorger la surface. Le coût et la réorientation vers les transports en communs ont stoppé ces projets, restés au stade d'études. Toutefois la création d'un réseau souterrain dans le futur n'est pas à exclure, bien qu'il se ferait davantage à l'échelle régionale.

Les débats actuels portant sur les infrastructures routières et autoroutières de la capitale portent sur une suppression des actuelles voies sur berges.

[modifier] Sources

Paris Match, 1er juillet 1967