Origine du virus de l'immunodéficience humaine

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L'origine du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) serait simienne selon la théorie la plus communément admise par la communauté scientifique. Cette théorie se base sur l'analyse phylogénétique des lentivirus (famille à laquelle appartient le VIH) qui lie les deux types de VIH avec le virus d'immunodéficience simien (VIS), qui est également la cause chez les singes d'un syndrome d'immunodéficience comme le sida chez l'Homme.

Selon plusieurs études, le passage du singe à l'Homme aurait eu lieu durant le XXe siècle.

Sommaire

[modifier] Histoire

Les chimpanzés sont le réservoir du VIS, qui serait à l'origine de la pandémie de sida
Les chimpanzés sont le réservoir du VIS, qui serait à l'origine de la pandémie de sida

[modifier] Passage du singe à l'Homme

La théorie la plus communément admise est celle du passage du VIS à l'Homme des suites de l'exposition à du sang infecté. Bien que généralement léthal pour les virus, le franchissement de la barrière des espèces, s'il réussit, peut permettre au virus de muter et ainsi s'adapter à son nouvel hôte [1],[2].

L'analyse phylogénétique des lentivirus confirme le lien entre le VIS et le VIH. Les deux types de VIH (VIH-1 et VIH-2) sont assez éloignés l'un de l'autre. Alors que le VIH-1 est proche du VIScpz (infectant une sous-espèce de chimpanzés dit Pan troglodyte troglodyte), le VIH-2 est plus proche des VISsmm (infectant les mangabeys enfumés) et VISmac (infectant les macaques). Ainsi, le VIH serait issu de deux introductions séparées, une pour le VIH-1 et un autre pour le VIH-2 [3].

La datation du franchissement de la barrière des espèces n'est pas clairement définie. Mais plusieurs études font remonter l'apparition du VIH au début du XXe siècle [4],[5].

L'Homme ayant vécu avec le singe à ses côtés depuis toujours et ce dernier étant porteur du SIV depuis au moins plusieurs milliers d'années, la question se pose des raisons qui ont fait que la large diffusion du VIH n'a eu lieu qu'au XXe siècle (que cela soit pour le VIH-1 ou le VIH-2). Les hypothèses avancées sont que l'établissement durable du VIH chez l'Homme a été favorisé par l'application de diverses procédures médicales où les patients étaient en contacts avec le sang d'autres personnes (injections et transfusion sanguine) [6]. Les changements de comportement humain seraient par contre la cause de la transformation en épidémie, puis pandémie, de l'infection par le VIH. Ainsi, des introductions du VIS auraient eu lieu plusieurs fois, bien avant le début du XXe siècle, mais en raison de l'isolement par le manque de moyen de transport moderne (voiture, bus ou encore avion) et le non développement de ville assez importante, le VIH était condamné à rester isolé. Les changements de comportement sexuel, l'apparition des drogues injectables seraient aussi des facteurs supplémentaires dans la diffusion du VIH dans la population humaine [1],[2].

[modifier] Vaccin anti-polio

En 1992, une poignée de scientifiques, à travers un article de Tom Curtis, proposent une théorie selon laquelle le passage du VIS à l'Homme aurait pour origine une campagne de vaccination anti-polio pratiquée en République démocratique du Congo, ancienne colonie belge appelée Congo belge à l'époque.

Edward Hooper reprend cette thèse et l'étaye en recueillant documents et témoignages sur le terrain. Son travail est soutenu par Bill Hamilton qui l'accompagne au Congo pour recueillir des données. À l'issue de ces recherches, le livre The River, A Journey to the Source of HIV and AIDS est publié, auquel fera suite le documentaire Les origines du sida[7].

La thèse d'Edward Hooper s'appuie sur la proximité des premiers cas de sida avec les zones de vaccination intensive, ainsi que l'utilisation de reins de singes pour la production de vaccins[8],[9]. Le passage du VIS à l'Homme, par mutation pour donner le VIH, serait selon l'enquête d'Hooper venu de l'utilisation de chimpanzés[10], notamment dans le laboratoire de Stanleyville, où une ménagerie a accueilli près de 600 chimpanzés entre 1957 et 1960.

L'hypothèse d'une contamination dans ce laboratoire est essentielle selon Hooper, car le vaccin d'origine a été testé négativement et d'autres régions du monde ont bénéficié de ce vaccin sans connaître l'épidémie naissant dans l'ex-Congo belge au début des années 1980. La spécificité de la campagne de vaccination menée par Hilary Koprowski au Congo belge sur un million d'Africains se trouve dans son utilisation du chimpanzé au mépris de toute considération sanitaire selon l'enquête d'Edward Hooper[7].

Selon les tenants de cette hypothèse, la théorie d'une transmission accidentelle du singe à l'Homme au cours d'une chasse n'explique ni pourquoi cette maladie est apparue soudainement alors que le singe est chassé en Afrique depuis des milliers d'années sans apparition de virus, ni la simultanéité de l'apparition des cas contaminés.

Cette explication est réfutée par la communauté scientifique [2], notamment par le biais d'une étude parue dans la revue Nature en 2004 réfutant catégoriquement cette hypothèse [11]. Étude à laquelle Hooper a répondu par plusieurs articles dénonçant les conflits d'intérêts des intéressés dans ce domaine[12],[13].

Réalisé dans le cadre de la controverse, l'étude de Bette Korber remet en cause la date de l'apparition mais son équipe a reconnu que leurs travaux ne permettaient pas de remettre définitivement en cause le scénario décrit par Hooper. Pour que ce scénario soit valable selon eux, le vaccin anti-polio aurait dû produire neuf versions génétiquement distinctes du VIH, ce qui a été estimé impossible[14]. Pour sa part, Hooper reste certain que son hypothèse est correcte[15] et que la campagne de vaccination à grande échelle a pu produire de multiples versions du VIH. Gerry Myers, travaillant tout comme Bette Korber à Los Alamos juge que les données produites ne permettent en rien de trancher et que la conclusion de Korber « n'est qu'un pur jugement »[16].

[modifier] Premiers cas documentés

Le premier signe documenté d'infection par le VIH chez l'Homme remonte à 1959, année où une prise de sang a été effectuée sur un homme à Kinshasa, dans l'actuelle République démocratique du Congo. Suivent alors plusieurs patients atteints de maladies rares (notamment la maladie de Kaposi), aujourd'hui considérées comme opportunistes dans les cas d'infections par le VIH. Des tests VIH ont par la suite confirmé la présence du virus.

En 1969, un adolescent afro-américain de quinze ans meurt à l'hôpital de Saint-Louis d'une forme particulièrement violente de maladie de Kaposi (une maladie opportuniste chez les victimes du sida). Un test VIH est effectué en 1987 par des chercheurs de l'université Tulane qui détectent la présence du VIH-1 dans le sang de l'adolescent, confirmant ainsi les soupçons apparus dès 1984. Lors de son entretien avec les médecins, le garçon avait déclaré être né à Saint-Louis et n'avoir jamais voyagé ou reçu de transfusion sanguine. Les médecins soupçonnaient le garçon d'être un prostitué, ce qui soutiendrait la thèse d'une contamination sexuelle et impliquerait l'existence d'un cas préalable aux États-Unis.

En 1976, un matelot norvégien, sa femme et leur fille de neuf ans meurent des suites du sida. Le matelot avait présenté les premiers signes d'infections dès 1966, soit quatre ans après avoir séjourné dans des ports le long des côtes de l'Afrique de l'Ouest.

En 1977, un chirurgien danois, le docteur Grethe Rask, décède des suites du sida, après avoir séjourné au Congo dans les années 1970.

C'est en 1981 que le sida a été reconnu pour la première fois aux Etats-Unis, par le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies.

[modifier] Hypothèses diverses

A côté de la théorie communément admise par la communauté scientifique qui lie le VIH comme une mutation du VIS, plusieurs théories ont vu le jour, parmi lesquelles, on peut citer :

[modifier] Facteurs environnementaux

En 1990 dans son livre Le Temps du sida, l'homéopathe Michel Bounan émet une hypothèse controversée qui lie le sida avec les conditions d'existence dégradées produites par les sociétés modernes industrielles (pollutions, médicaments, alimentation). Sa thèse ne porte pas sur l'origine du sida, mais sur ses conditions d'apparition.

[modifier] Théories du complot

Des théories du complot fortement controversées concernant l'origine du sida considèrent qu'il a été créé par l'Homme, en général à des fins de génocide [17]. Les origines possibles seraient entre autres : le gouvernement des États-Unis, la CIA, l'Union soviétique, l'Afrique du Sud au temps de l'Apartheid, la secte illuminati

[modifier] Campagnes de vaccination de l'OMS

Le 11 mai 1987, le London Times publie un article intitulé Le vaccin antivariolique à l'origine du sida [18] présentant l'hypothèse du docteur William Campbell Douglass qu'il a rendue publique en septembre 1987 lors d'une conférence organisée par la Fédération nationale de la Santé (National Health Federation) à Monrovia en Californie [19]. Selon l'article du London Times un conseiller du l'OMS a déclaré : « Maintenant je crois que cette campagne de vaccination est à l'origine de l'explosion du sida ». Pour sa part, Robert Gallo aurait également déclaré que le vaccin « peut effectivement activer une infection dormant comme celle du VIH », mais il n'a plus jamais parlé de cela [18].

L'accusation de l'OMS par Douglass vient d'un passage d'un Bulletin de l'OMS de 1972 [20] où il est proposé d'étudier si les virus sont capables d'avoir des effets sélectifs sur le système immunitaire. Pour Douglass la chose est claire : « C'est ce que fait le sida. Ce que l'OMS dit mot pour mot c'est cuisinons un virus qui détruira de façon sélective les cellules T d'un individu, une immunodéficience acquise ».

[modifier] Origine non rétrovirale

Cette hypothèse conclut à une erreur de jugement de la part de la communauté scientifique en ce qui concerne l'épidémiologie de la maladie et plus particulièrement le lien de cause à effet entre le VIH et le sida. Cette hypothèse est rejetée par la quasi-totalité de la communauté scientifique [21].

[modifier] Références

  1. ab John B. Carter et Venetia A. Saunders, Virology Principles and Applications, John Wiley & Sons, 2007 (ISBN 978-0-470-02387-7), « Origins and evolution of viruses - Evolution of new viruses », p. 267 à 269
  2. abc Sarah Barbara Watstein et Stephen E. Stratton, The Encyclopedia Of HIV And AIDS, Facts On File, 2003 (ISBN 0-8160-4808-8), « Origin of HIV », p. 227 et 228
  3. James H. Strauss et Ellen G. Strauss, Viruses and Human Disease, Academic Press, San Diego, 2002 (ISBN 0-12-673050-4), « Viruses That Use Reverse Transcriptase - The Origins of HIV », p. 204 et 205
  4. (en) Korber B, Muldoon M, Theiler J, Gao F, Gupta R, Lapedes A, Hahn BH, Wolinsky S, Bhattacharya T, « Timing the ancestor of the HIV-1 pandemic strains », 9 juin 2000, Science. Consulté le 27 janvier 2008
  5. (fr) Philippe Lemey, Oliver G. Pybus, Andrew Rambaut, Alexei J. Drummond, David L. Robertson, Pierre Roques, Michael Worobey et Anne-Mieke Vandamme, « et al (2004) Genetics.pdf The Molecular Population Genetics of HIV-1 Group O », 5 avril 2004, Genetics Society of America. Consulté le 27 janvier 2008
  6. (fr) François Simon, « Le point sur l'origine du VIH et sa diffusion dans l'espèce humaine », mai 2001. Consulté le 28 janvier 2008
  7. ab (fr) Les origines du sida, documentaire
  8. (fr) Composition des vaccins
  9. (fr) Sauvés par les singes!
  10. qui est connu comme le réservoir naturel d'origine du VIS
  11. Worobey M, Santiago ML, Keele BF, Ndjango JB, Joy JB, Labama BL, Dhed'A BD, Rambaut A, Sharp PM, Shaw GM, Hahn BH., Origin of AIDS: contaminated polio vaccine theory refuted. Nature, 22 avril 2004 ;428(6985):820
  12. (en) Untruths, misrepresentations and spin: the dubious methods and tactics used by Stanley Plotkin's group in the "Origins of AIDS" debate
  13. (en) The new round of legal threats by doctors Koprowski and Plotkin
  14. (en) Edgar Hooper responds : Aids ’began with virus from a chimp’, 9 juin 2000
  15. (en) Origin of AIDS - An Alternative Scenario, 6 février 2000
  16. (en) New research on AIDS origin discounted, 16 juin 2000
  17. (fr) Nouvelle polémique en Afrique du sud au sujet du sida
  18. ab (en) The London Times - "Smallpox Vaccine Triggered AIDS Virus"
  19. (en) W. H .O. Murdered Africa, septembre 1987
  20. Bulletin of the World Health Organization, Volume 47, p.259, 1972
  21. (fr) Jon Cohen, « The Duesberg Phenomenom », 9 décembre 1994, Science. Consulté le 20 avril 2008

[modifier] Bibliographie

[modifier] Documentaires

  • Magazine Arrêt sur image, Sidaction : le documentaire contesté
  • Magazine Contre courant, L'origine du sida
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