Théorie du complot

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L'Œil-qui-voit-tout surmontant la Pyramide tronquée sur le billet de un dollar américain, symbole que certains considèrent comme preuve du complot mondialiste “Illuminati”.
L'Œil-qui-voit-tout surmontant la Pyramide tronquée sur le billet de un dollar américain, symbole que certains considèrent comme preuve du complot mondialisteIlluminati”.

L'expression théorie du complot désigne selon Pierre-André Taguieff « diverses attitudes (sentiments ou perceptions), croyances (ou convictions), perspectives ou systèmes de pensée à prétention explicative », faisant intervenir un complot[1]. Selon Taguieff, toute théorie du complot est nécessairement liée à une « explication totale des évènements du monde », c'est à dire qu'une théorie conspirationniste impliquerait nécessairement une échelle mondiale[2].

Selon l'historien et philosophe Marcel Gauchet, l'expression « théorie du complot » est apparue en France en réaction à la parution de l'œuvre de l'historien Augustin Cochin qui prétendait que la Révolution française était un coup d'État organisé à partir de sociétés de pensée qui avaient prévu et organisé leur prise de pouvoir et non un mouvement populaire spontané[3].

Au départ d'une théorie du complot, il y a une volonté d'explication, comme le souligne l'historien Raoul Girardet[4]. Cette utilité sociale en fait une variété du mythe : elle propose un cadre d'interprétation simple, non scientifique, fondé à la fois sur des préjugés et le bon sens, selon lequel « il n'y a pas de fumée sans feu ». Comme pour un mythe, les origines d'une telle théorie sont diffuses ; celle-ci est en revanche clairement formulée, que ce soit sur le mode de l'information, ou de la fiction.

Le terme de théorie du complot possède une forte connotation péjorative (une théorie du complot est, a priori, un fantasme).

Sommaire

[modifier] Histoire de la théorie du complot

La notion de théorie du complot s'est développée pour la première fois dans l'opposition parlementaire à la Couronne britannique au XVIIe siècle. [réf. nécessaire]

Il s'agissait en l'occurrence de la corruption des parlementaires par la Couronne afin d'obtenir une majorité de soutien (apparition des partis politiques) au niveau du parlement (corruption rendue nécessaire par la systématisation de l'impeachment à l'encontre des ministres du roi appliquant sa politique). L'opposition parlementaire, menée par Bolingbroke, développera l'idée que ces parlementaires, au lieu de préserver les intérêts des sujets en préservant le principe de représentation, augmenteraient les impôts, car ils seraient payés par la Couronne qui pourrait ainsi mieux les payer.

Cette culture de l'opposition et de la théorie du complot s'est transmise aux États-Unis où les colons américains étaient convaincus que la Couronne britannique, mais également tous les Britanniques souhaitaient renverser leur pouvoir.

Dans L'obsession du complot, le journaliste Frédéric Charpier estime que « la première théorie du complot » apparaît à Londres en 1798 sous la plume de l'abbé Barruel qui décrit la Révolution française comme une conspiration antichrétienne. Selon Charpier, cette thèse contient l'essentiel des ingrédients des futurs récits conspirationnistes : une « idéologie réactionnaire », une « subjectivité camouflée dans une fausse objectivité », un « langage haineux », etc...[5].

Les théories du complot du XIXe siècle prennent comme responsables récurrents la franc-maçonnerie, les juifs, les Illuminati ou les Jésuites.

Au XXe siècle les juifs les remplacent, avec l'exemple célèbre du protocole des Sages de Sion auquel se réfère explicitement Adolf Hitler dans Mein Kampf. Le « grand capital » et les 200 familles sont également au coeur de nombreuses théories du complot. Plus récemment, l'assassinat de John F. Kennedy en 1963, reconnu comme le fruit d'une conspiration par le Comité HSCA en 1979, a suscité un grand nombre d'élucubrations. Les attentats du 11 septembre 2001, fruit d'un complot d'islamistes armés de cutters, ont de même généré un flot de contestation conspirationniste contre le gouvernement américain et sa politique étrangère au Moyen-Orient.

Les théories du complot font partie de la culture politique anglo-saxonne, et se retrouvent dans de grands succès populaires comme les X-files, le Da Vinci Code.

[modifier] Concept

Les chercheurs en sciences sociales (voir Analyse du conspirationnisme) qualifient couramment de théories du complot les diverses expressions de la « manipulation des masses » par un groupe de pouvoir secret. Ce groupe secret serait typiquement minoritaire, élitiste et/ou sectaire et utiliserait des moyens politiques, financiers, militaires, psychologiques et/ou scientifiques. Cela implique que cette élite possède des grilles d'analyse pertinentes et fiables, mais cachées. À partir de cette analyse, l'élite pourrait développer une action occulte, mais surtout efficace permettant de parvenir à ses objectifs lentement mais sûrement. Ce sont ces hommes « qui savent l'histoire qu'ils font »[3]. De fait, les personnes qui susciteraient les théories du complot sont souvent minoritaires et mal connues du grand public, que ce soit à cause de leur goût du secret, de l'entre-soi, ou du risque d'être attaqué en société pour avoir avancé une idée non politiquement correcte, car officiellement inavouable si la théorie était avérée.

Une théorie du complot peut être totale, c’est-à-dire qu'une seule entité exercerait ce complot universel, agissant comme un gouvernement mondial hiérarchisé en pyramide, ou plurielle, expliquant la présence de groupes divers aux connexions complexes se répartissant la gestion du monde et des marchés monétaire, scientifique, militaire.

Selon Raoul Girardet[4], l'explication par le complot est d'autant plus convaincante qu'elle se veut totale et d'une exemplaire clarté : tous les faits, quel que soit l'ordre dont ils relèvent, se trouvent ramenés, par une logique apparemment inflexible, à une même et unique causalité, à la fois élémentaire et toute puissante. La théorie du complot établit une grille interprétative dans laquelle s'insére l'ensemble des événements du temps présent, y compris bien entendu les plus déroutants et les plus angoissants. Par là même l'inconnu, les questions sans réponse cèdent devant un système organisé d'évidences nouvelles. Le destin redevient intelligible ; une certaine forme de cohérence, tend à se rétablir dans le cours déconcertant des choses.

Ainsi, la théorie du complot se nourrit d'événements réels qu'elle insére dans une trame cohérente et auxquels elle donne sens, répondant par là aux besoins de compréhension des sociétés en crise en identifiant une causalité simple et unique à tous les maux et changements que l'individu ou les masses peuvent subir. La théorie du complot relève en cela du mythe explicatif capable de s'adapter aux groupes les plus divers (le juif devenant ainsi tour à tour le capitaliste ou le communiste). Aucune place n'est plus désormais laissée au hasard ou à l'accident : les masses ou l'individu sont placés au centre d'un immense réseau de malveillance organisée, la victime voit chacun de ses actes épié et une même main invisible prend en charge le destin et l'histoire. En cela, la théorie du complot dans sa cohérence et sa logique paranoïaque rejoint ici la cohérence et la logique du discours mythologique.

Pour les historiens, le mode « informatif » repose typiquement sur des « documents secrets » issus de sources a priori crédibles quoique non vérifiables (ce sont soit des faux, soit des documents authentiques interprétés de manière fantaisiste). Le mode fictionnel, quoique moins argumenté, n'en est pas moins convaincant. Que les théories du complot soient bien argumentées importe peu puisqu'elles sont essentiellement fondées sur des préjugés tenaces qui suscitent aisément l'adhésion d'un public qui a l'impression que le pouvoir lui ment. Au contraire, elles sont d'autant plus effrayantes et utilisables par ceux qui la créent que le complot est « caché » et qu'aucun élément de preuve ne vienne les corroborer.

Les mobiles de ces supposés pouvoirs comploteurs seraient fort peu réjouissants pour la masse populaire : exploitation par le travail, abrutissement délibéré et systématique des masses, affaiblissement de la santé et de la conscience, surveillance accrue et technologique de toute la population en visant les esprits résistants, utilisation de populations en termes de cheptel humain, instrumentation de la guerre à des fins économiques, scientifiques et stratégiques, gestion des marchés de la drogue, développement d'armes dépassant l'imaginaire sans informer le public, etc.

[modifier] Exemples de théories du complot

[modifier] Complot des lépreux

Au quatorzième siècle, dans certaines villes en Europe, se développe l'idée d'un complot des lépreux, qui vont être persécutés et isolés dans certaines villes en France. On leur reproche de chercher à prendre le pouvoir et d'empoisonner l'eau. Ces accusations vont s'étendre aux juifs, qui auraient passé une entente avec les lépreux et le roi musulman de Grenade. Ces peurs finiront par atteindre les présumés sorciers et sorcières aux quinzième et seizième siècle [6].

[modifier] Complots de la Révolution française

La période de la Révolution française a été propice aux théories du complot, de tout bord : de nombreux groupes ont été accusés de comploter contre elle, comme les girondins, les modérantistes, les Vendéens, les Autrichiens, les fédéralistes, etc.

A l'inverse, la révolution a été dénoncée comme complot de clubs de Franc-Maçons tels les Jacobins. Dès 1797 Augustin Barruel développe l'idée que la genèse et la conduite de la Révolution française étaient essentiellement attribuables aux agissement des membres des clubs issus de la Franc-maçonnerie comme les Amis de la Constitution. Il avait publié, dans quatre volumes de Mémoires pour servir à l'histoire du Jacobinisme, un ensemble de documents tendant à montrer que la Révolution française résulterait d'une conspiration contre l'Église et la royauté organisée dans des clubs, des loges et des régiments de la guerre d'Amérique, par des philosophes athées, des financiers et des négociants que l'on retrouve autour du Club des Jacobins ou du Club Massiac. Ainsi, ce ne serait pas le peuple français qui aurait pris le pouvoir par la violence, mais une petite élite urbaine qui en aurait chassé une autre pour instaurer un nouveau pouvoir émancipé de la royauté et de la religion. D'autres encore voyaient la révolution comme complot de l'Angleterre, de la Prusse.

[modifier] Complot juif

Caricature conspirationniste antisémite représentant le banquier juif Rothschild tenant le monde entre ses mains, 1898.
Caricature conspirationniste antisémite représentant le banquier juif Rothschild tenant le monde entre ses mains, 1898.
Icône de détail Pour l'article détaillé sur le complot juif, voir : Théorie du complot juif.

À la fin du XIXe siècle, l'idée d'un « complot juif » s'est rapidement développée en Europe. L’origine de ce récit se confond avec l’un des chapitres d’un roman, publié à Berlin en 1868, sous le titre de Biarritz et signé du pseudonyme de Sir John Retcliffe (un fonctionnaire du nom de Goedsche, qui avait été révoqué des services de poste Prussienne). L’auteur décrit alors dans une œuvre de fiction une réunion de rabbins, issus des douze Tribus d’Israël, qui prennent tour à tour la parole dans le vieux cimetière juif de Prague. Ils annoncent alors un plan méthodique, rigoureusement articulé, de domination et de contrôle du monde.

Suivent alors plusieurs publications en Europe orientale où, peu à peu, le roman se déforme, isolé de son contexte romanesque, il perd son caractère de fiction, pour atteindre la France en 1880 sous la forme d'une histoire vraie. Dans le numéro du Contemporain de juillet 1881 par exemple, la scène du cimetière juif passe pour être véridique, connue grâce au témoignage d’un authentique diplomate britannique Sir Jonh Readclif (le nom a déjà été légèrement déformé).

En 1896 dans l’ouvrage de François Bournaud, Les juifs nos contemporains, les propos des douze rabbins sont fondus en un seul monologue sous l’appellation « le discours du rabbin ». La diffusion va alors être sans cesse élargie. Il faut cependant attendre 1933, dans l’édition suédoise et dans l’introduction qui la précède, pour voir enfin annoncer la mort de Sir John (le nom a encore été modifié) mystérieusement assassiné comme il se doit[4].

Les effets se font sentir rapidement, dans un contexte où les foules avides cherchent des explications à des phénomènes qui semblent les dépasser. Ce thème est ravivé en France lors de l'Affaire Dreyfus. De même, la révolution soviétique de 1917 et la crise économique mondiale en 1929, trouvent pour certains une explication toute faite dans le complot juif mondial. Cette théorie alimente la haine contre le peuple juif et facilite l'engagement de la population dans un deuxième conflit, après la « Der des Der » (voir protocole des sages de Sion). Le parti national-socialiste allemand a abondamment usé de ce postulat du complot juif.

Le « complot sioniste » est l’avatar moderne du « complot juif mondial » visant à la domination du monde. Ces racines reprennent les mêmes poncifs antisémites mais se confondent avec la naissance du sionisme comme mouvement structuré à partir du 1er congrès sioniste de Bâle (août 1897) par Théodore Herzl.

Dès 1898 les Jésuites dans leur organe Civilta Cattolica dénoncent le congrès comme étant un « complot sioniste mondial ». Dans la foulée, un agent tsariste de l’Okhrana (la police secrète du Tsar), Nilus, lance la première version antisioniste des « Protocoles »

Après la Première Guerre mondiale les Protocoles des Sages de Sion gagnent en succès : ils expliquent en substance la première guerre mondiale et la révolution Bolchévique d'Octobre – les tenants du complot fantasment volontiers sur la coïncidence des dates entre la Déclaration Balfour (2 novembre 1917) et celle de la révolution d’Octobre (7 novembre 1917.) Les Protocoles se modifient et passent alors pour être les « séances secrètes du 1er Congrès sioniste ». Ainsi, en 1924 l’éditeur allemand Theodor Fritsch peut publier les « Protocoles sionistes ».

Après, le génocide hitlérien, tous discours antisémites semblent impossible. C’est de l’attaque anti-Israélienne, plus acceptable, que va renaître ce thème du complot : dans un premier temps, le sionisme et Israël passent pour une création artificielle de l'Occident lié à sa « culpabilité » et à sa « mauvaise conscience » tout en niant la réalité historique de la présence juive en Palestine et les liens affectifs qui unissent les juifs à cette terre.

Puis, dans un contexte de décolonisation et d’anti-impérialisme, Israël va progressivement être identifiée par certains au colonialisme (à partir de 1956) puis au racisme (à partir de 1975, condamnation par l’ONU) et ce d’abord dans les milieux d’extrême gauche (67-75) puis dans les milieux d'extrême droite. La condamnation par l'ONU.

Le vocable « sioniste » devient progressivement une injure du même type que le mot «  fasciste » et les stéréotypes antisémites, parfois sous-jacents, sont admis par l'essentiel de la couche intellectuelle [7]

Ces militants anti-impérialiste et anti-colonialiste vont alors établir deux postulats :

  1. tout juif = sioniste ; donc une essence raciste du sionisme et du juif
  2. légitimité d’Israël = Shoah.

La conclusion est simple, pour délégitimer Israël, il faut abattre la Shoah.

Des militants d’extrême gauche comme d’extrême droite vont alors, sur les base de poncifs antisémites et de dynamique du complot, découvrir le négationnisme (pour des raisons d’ailleurs opposées : aux premiers pour couper Israël de sa légitimité aux seconds pour réhabiliter le nazisme et donner cours à leur antisémitisme). Le négationniste français Faurisson s’inscrit dans cette logique et formule un nouveau développement au « complot sioniste ». Selon lui, la Shoah – et ce, faisant fi de toutes les preuves et témoignages accumulés – ne serait qu’un mensonge du « complot sioniste » pour créer Israël et en faire payer le coût aux Allemands. Il est suivi par d’autres personnes comme Roger Garaudy, qui ravivent ainsi les formes les plus éculées de l’antisémitisme et le thème du « complot juif mondial ».

Selon eux, toute critique de l'État d’Israël est impossible car ils seraient bâillonnés par un « lobby sioniste » (forme policée du « lobby juif » de Drumont ou de Céline). Ils interprètent alors tous les évènements récents en fonction d’un plan de domination mondiale des sionistes (guerres en Irak, mondialisation, hégémonie américaine etc.) L’ennemi à abattre serait alors l’axe « américano-sioniste », ils identifient et listent les juifs présents dans l'entourage du président Bush. Axe dont les mécanismes, on peut le voir, reposent en grande part sur des poncifs antisémites : juifs cosmopolites, s’insinuant dans les milieux d’affaires et complotant pour la domination du monde.[8]

Actuellement dans l'Afrique des grands lacs on trouve une théorie du complot analogue dans son fonctionnement à celle du complot Juif : le mythe de l'empire Hima-Tutsi, qui a été un des ingrédients de la propagande génocidaire du Hutu Power au Rwanda et est actuellement virulent en République démocratique du Congo, où se sont beaucoup repliés les génocidaires rwandais, pour dénoncer le complot des Tutsi burundais, congolais, ougandais et rwandais pour conquérir la région.

Il semble donc que les théories du complot fleurissent dans des époques d'incertitudes et de bouleversement. Elles offrent en effet un cadre de compréhension souple et englobant qui rassure.

[modifier] Complots bolchéviques ou anti-bolchévique

A l'époque de la décolonisation, certains ont développé que les guerres d'indépendance, comme celle de l'Algérie ou d'Indochine, ne seraient pas le fait des masses populaires, mais de factions d'opposition armées et financées par le Parti Communiste Soviétique ou d'autres pays étrangers pour s'approprier les ressources naturelles du pays.

L'URSS a également eu recours à la théorie du complot, invoquant des complots des Menchévistes, de membres du SR, des anarchistes ou de députés de l'ex-Constituante. Plus tard suivront la théorie du complot des Trotskystes qui entraînera l'assassinat de Trotsky, le complot de sabotage des Koulaks ukrainiens pour expliquer la famine ukrainienne ou le complot des Jdanovistes, dit aussi Complot des blouses blanches, visant des médecins juifs. Dans les années 1930, d'autres « complots » virtuels furent dénoncés et punis avec les Grandes Purges.

Inversement, la révolution bolchévique a pu également être dénoncée comme un complot, mené en particulier par le « judéo-bolchévisme ».

[modifier] Complots franc-maçons

Icône de détail Article détaillé : Théories du complot maçonnique.

Les franc-maçons sont souvent la cible de théories du complot, accusés qu'ils sont d'être une force agissant dans l'ombre. L'Affaire des fiches en 1904 – fichage secret et ségrégation politique et religieuse réalisés par l'organisation maçonnique Grand Orient de France contre les officiers catholiques – a ravivé l'imagination des affabulateurs. En Turquie, La Révolution Kémaliste serait due à un complot de la loge de Salonique Union et Progrès qui a créé le parti Jeunes-Turcs[réf. nécessaire]. La propagande de Vichy attribue la défaite de la France en 1940 à l'influence pacifiste de la Franc-Maçonnerie sur les gouvernements du Front Populaire[réf. nécessaire].

[modifier] Complots de l'Église catholique

L'idée même se répand chez les théoriciens du complot que le Vatican serait un pouvoir politique depuis son origine (premier concile de Nicée à l'initiative d'un empereur athée) et que Jésus n'aurait jamais souhaité être un chef religieux ni fonder de nouvelle religion, qu'il aurait été victime d'un complot politique, que son enseignement aurait été maltraité et expurgé de sa dimension essentielle pour servir à des fins politiques et maintenir les individus dans l'ignorance de leurs ressources intérieures et spirituelles, qu'un Évangile selon Jésus aurait été détruit pour cette raison.

Le Popish Plot ou Complot papiste de 1678 - terrible machination organisée en secret pour accuser les catholiques d'une conspiration contre la monarchie anglaise - qui déclencha de terribles persécutions, la promulgation de lois répressives, et des remaniements diplomatiques.

L'Opus Dei serait une société secrète et financière qui contrôle les États. Le roman Da Vinci Code reprend cette hypothèse.

L'alliance secrète du pape Pie XI avec le Nazisme pour contribuer à l'extermination des Juifs. Les preuves seraient dans la partie des archives du Vatican qui ne sont pas ouvertes.

De nombreux ordres religieux ont été la cible de théories du complot à travers l'histoire, comme les Templiers[9].

Plus tard, les Jésuites ont été également régulièrement visés dans de nombreux pays : au Portugal et en Espagne, en Chine et au Japon, en Pologne et en Allemagne (jésuites et les protestants). En France, les Jésuites complotent contre l'Université de Paris, entraînant la première interdiction de l'ordre. Ils sont ensuite visés par la théorie du complot politique des jansénistes, ce qui déclenche une deuxième interdiction. Au XIXe siècle, les Jésuites sont désignés comme l'Ordre noir par Jules Michelet, et Edgar Quinet qui attribuent, dans leur livre les Jésuites, la Restauration et la Monarchie de Juillet à un complot des jésuites. Les romans d'Eugène Sue (notamment le Juif errant publié, sous forme de roman feuilleton, dans le contexte difficile de la révolution de 1848) se sont largement fait l'écho de ces croyances. Les Jésuites sont interdits et bannis une troisième fois.

[modifier] Complots américains

Les États-Unis sont au cœur de nombreuses théories du complot. La question de l'intervention des multinationales américaines ou de la CIA dans les coups d'État de la seconde moitié du XXe siècle en Amérique latine (Chili, Bolivie, Panamá) est controversée. Leur intervention est parfois historiquement documentée (voir l'Opération PBSUCCESS par exemple) alors que dans certains cas seuls des soupçons alimentent l'idée d'un complot. L'assassinat de John F. Kennedy n'a jamais cessé de susciter diverses théories qui accusent les services secrets américains.

Les attentats du 11 septembre 2001 sont actuellement la théorie du complot la plus prospère selon le journal britannique The Economist[10]. On retrouve par exemple la mise en cause des services secrets américains pour réfuter l'implication des seuls pirates de l'air dans les attentats.

Pour Nicole Bacharan, politologue et historienne spécialiste des États-Unis, ces derniers sont au fondement de toute théorie du complot, avec un souhait de contrôler secrètement le monde. Ainsi, Bacharan de déclarer : « Dans les théories du complot, il faut poser une fois pour toute que l'Amérique a toujours tort et qu'elle a toujours de mauvaises intentions »[11].

Le fait que l'alunissage du programme Apollo a été accusé d'être un canular entre, selon de nombreux commentateurs, dans le cadre d'une théorie du complot[12].

[modifier] Complots mondialistes

A travers l'histoire, d'autres groupes plus ou moins secrets ont également été accusés de vouloir dominer secrètement le monde, comme les Illuminati de Bavière, le Groupe de Bilderberg ou la Commission Trilatérale.

[modifier] Complot islamiste

La thèse du complot islamiste a également rencontré récemment un succès important, en particulier avec les références à Eurabia. Le fondamentalisme musulman comploterait de conquérir démographiquement l'Europe et d'y construire des mosquées pour en faire une terre d'Islam.

[modifier] Complot des « 200 familles »

La théorie du complot a trouvé également des échos en France dans les années 30, les deux cent familles qui correspondent aux deux cents plus gros actionnaires de la Banque de France deviennent progressivement l'objet de théories du complot[13].

[modifier] Analyses du conspirationnisme

[modifier] Analyse de Karl Popper

Le philosophe Karl Popper développe une analyse de la théorie du complot dans le second volume de La Société ouverte et ses ennemis. Dans le chapitre 14, il écrit que la théorie du complot est à la base de l'historicisme[14] et, partant, des totalitarismes fasciste, nazi et communiste. Il souligne par exemple que « l'historicisme [..] est un dérivé de la théorie du complot »[15].

Il insiste également sur le fait que les complots existent mais sont à peu près toujours des échecs et que, ainsi, « les conspirateurs profitent très rarement de leur conspiration »[15]. Il utilise l'expression de « théorie conspirationniste de la société » pour caractériser les idéologies de Karl Marx ou d'Adolf Hitler : l'origine intellectuelle en est la même, un recours à l'historicisme pour proposer un système explicatif du monde : lutte des classes ou complot juif.

Pour Popper, recourir à la théorie du complot pour comprendre le monde est une erreur : cela revient à affirmer que tous les évènements sont la résultante d'actions délibérées, effectuées par des personnes qui auraient des intérêts communs et non-contradictoires à ces résultats, et qu'il leur est possible de prévoir avec certitude les conséquences futures d'actions données. Or, pour Popper, rien n'est plus contestable que ce présupposé de départ sur lequel est bâtie toute théorie du complot : il écrit ainsi qu'il est très rare que des actions provoquent exactement le résultat souhaité ou prévu, il y a toujours des effets secondaires imprévus. Popper donne l'exemple d'une personne voulant acheter une maison. Son intérêt est que son prix soit le plus bas possible. Mais du seul fait que cette personne se déclare comme acheteuse, cela fait monter les prix du fait d'un nouveau demandeur sur le marché, ce qui va manifestement à l'encontre de son intérêt. Là est un exemple typique de conséquences néfastes involontaires et inévitables d'une action. Pour le dire avec les mots de Popper[16] :

« Nous voyons ici clairement que les conséquences de nos actes ne sont pas toutes prévisibles; par conséquent la vision conspirationniste de la société ne peut pas être vraie car elle revient à supposer que tous les résultats, même ceux qui pourraient sembler spontanés à première vue, sont le résultat voulu des actions d'une personne intéressée à ces résultats »
    — Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis, chapitre 14

[modifier] Arendt : la théorie du complot comme réponse au besoin de cohérence des foules

Cette vision de la théorie du complot comme base du totalitarisme est reprise par la philosophe américaine Hannah Arendt dans Le système totalitaire, troisième partie de son ouvrage Les origines du totalitarisme, publié pour la première fois en 1951. Le recours à l'explication des évènements par un hypothétique complot permet de donner une cohérence au monde et de rassurer les foules. Arendt écrit ainsi que ces théories répondent à un besoin des foules, qui « ne font confiance ni à leurs yeux ni à leurs oreilles, mais à leur seule imagination, qui se laissent séduire par tout ce qui est à la fois universel et cohérent en soi-même »[17]. Et d'ajouter que « la fuite des masses devant la réalité est une condamnation du monde dans lequel elles sont contraintes de vivre et ne peuvent subsister, puisque la contingence en est devenue la loi suprême et que les être humains ont besoin de transformer constamment les conditions chaotiques et accidentelles en un schéma d'une relative cohérence »[18].

[modifier] Pierre-André Taguieff : le complotisme comme besoin de réenchantement du monde

Pierre-André Taguieff, philosophe, politologue et historien des idées français, a écrit plusieurs ouvrages sur le conspirationnisme : Les Protocoles des Sages de Sion : faux et usage d'un faux (nouvelle éd. refondue, 2004) ; Prêcheurs de haine. Traversée de la judéophobie planétaire (2004) ; La Foire aux « Illuminés ». Ésotérisme, théorie du complot, extrémisme (2005) ; et L'Imaginaire du complot mondial. Aspects d'un mythe moderne (2006), qui offre une synthèse des précédents[19]. Il s'intéresse en particulier aux développements récents de l'histoire du complotisme et de ses manifestations ésotéristes, antimaçonniques et antisémites. Très médiatisées sur internet, dans certains jeux ou films, elles répondent selon Taguieff à un besoin de « réenchantement du monde », selon l'expression de Peter Berger, et participent d'une reconfiguration des croyances et d'une sublimation du religieux sous une forme sécularisée. Pierre-André Taguieff a identifié quatre grands principes qui structurent les croyances conspirationnistes :

  • Rien n'arrive par accident ;
  • Tout ce qui arrive est le résultat d'intentions ou de volontés cachées ;
  • Rien n'est tel qu'il parait être ;
  • Tout est lié, mais de façon occulte[20].

[modifier] Vision psychiatrique : la paranoïa

Dans certaines pathologies mentales dont la paranoïa et surtout sa forme dite délire d’interprétation de Sérieux et Capgras, le thème délirant du complot est toujours présent. Cependant, l'accusation de paranoïa a aussi été une stratégie de l'URSS pour discréditer ses opposants, dont Alexandre Soljenitsyne.

[modifier] Histoire : entre complots avérés et suspicions de complots

L'histoire présente le cas de complots avérés comme l'incident de Gleiwitz organisé par les Nazi pour déclarer la guerre à la Pologne ou encore l'Opération Ajax qui provoqua la chute de Mossadegh en Iran. D'autres événements au retentissement mondial continuent de donner lieu à diverses théories relevant plus ou moins du complot tel que l'assassinat de John F. Kennedy qui est par exemple présenté au grand public dans le film JFK d'Oliver Stone comme une sorte de coup d'État camouflé, ou plus récemment les attentats du 11 septembre 2001, présentés par quelques auteurs comme résultant d'un complot intérieur aux États-Unis[21].

[modifier] Théorie du complot et sophismes

La notion de théorie du complot fait l'objet d'un débat sophistique :

L'utilisation de la théorie du complot peut se rapprocher de la méthode hypercritique : toute contre-argumentation peut sembler faire partie du complot, la personne argumentant étant considérée comme manipulée, voire faisant partie du « complot ». On peut aussi assister à un renversement de la charge de la preuve : c'est au tenant de l'explication rationnelle de montrer qu'il n'y a pas eu complot et les arguments à son encontre passant pour des manipulations supplémentaires. La théorie du complot se justifie ainsi par elle-même et n'a en cela rien de « scientifique ».

Au contraire, la qualification de théorie du complot permettrait de discréditer une argumentation, en l'assimilant à une attitude paranoïaque. L'accusation de théorie du complot pourrait donc servir à masquer un véritable complot. Par exemple, Webster G. Tarpley, qui considère que les attentats du 11 septembre 2001 ont été organisés par une faction au sein de l'administration et des services de renseignement américains[22], écrit : « Il est impossible de rédiger un écrit d'histoire politique sans admettre, de temps à autre, la possiblité d'accords confidentiels portant sur des actions concertées et déployant leurs effets à l'avenir. (...) quiconque exclut a priori tout complot risque de ne pas comprendre grand-chose à ce qui se passe. On en déduit que la phobie envers la supposée théorie du complot dans nombre de milieux universitaires post-modernes est en réalité un écran de fumée camouflant leur répugnance pour la pensée politique en soi.[23] ».

Des auteurs, avancent que la conspiration et le complot sont inhérents à la politique et à l'économie dès lors que des richesses et du pouvoir sont en jeux dans un cadre d'ambitions opposées. Par ailleurs, les études sur la notion d'émergence dans un milieu chaotique suggèrent que tout pourrait se passer comme s'il y avait complot sans que personne n'en tire forcément les ficelles de façon consciente[24].

[modifier] Conséquences en matière d'analyse

La certitude de l'existence d'un complot implique l'analyse de toute information et de tout fait au travers du prisme de cette théorie du complot. Ainsi, la certitude qu'il existe un complot contre ceci ou cela, amène la certitude que si ceci ou cela complote, alors il s'agit des conséquences du complot contre eux (propagande ou réaction). Par conséquent, l'évocation d'un complot est aussi le rétrécissement de l'univers d'analyse d'un fait, puisqu'il n'est mis en relation qu'avec d'autres faits issus de la théorie.

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

[modifier] Articles connexes

[modifier] Inspirations

  • les films Matrix réalisés par les Frères Wachowski pour une exemple de complot mondial impliquant le « monde des Machines »
  • la série télévisée X-Files pour un exemple d'un complot mondial impliquant des phénomènes extra-terrestres.
  • la série télévisée Le Caméléon (The Pretender) pour un exemple d'un complot mondial mettant en scène une organisation plus ou moins scientifique (Le Centre) ayant emprise sur le monde entier.
  • la série télévisée Prison Break.
  • les séries de jeux vidéo Deus Ex et Metal Gear dont leurs scénarios et l'univers s'intéresse beaucoup à la théorie du complot.
  • le film Complots avec Mel Gibson, un chauffeur de taxi paranoïaque découvre qu'une de ses théories de complot est vraie.
  • le film Invasion Los Angeles de John Carpenter, des extra-terrestres ont la ville et les États-Unis sous contrôle, en revêtant une forme extérieure humaine et s'accaparant tout les postes de l'élite politique.
  • Autres films : Lord of war, Arlington Road, The Parallax View, The Conversation, Nixon, A Beautiful Mind, JFK, etc.
  • Les livres de David Icke : des lignées de reptiliens, les Annunakis, contrôlent secrètement la terre.
  • Pour mieux comprendre la vogue que connaît actuellement le concept de « Théorie du complot », un exemple éclairant se trouve dans le chapitre 15 du livre de John Le Carré La Constance du jardinier.

Les oeuvres de Philip Kindred Dick ont souvent pour thème des visions du monde imposées aux populations pour protéger des intérêts particuliers, ou bien pour effectuer une infiltration[25] - et dans tous les cas une difficulté à situer la réalité entre différentes interprétations possibles. Ces thèmes se retrouvent dans les romans précurseurs 1984 d'Orwell et Le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley.

[modifier] Faux documents alimentant des théories du complot

[modifier] Autres articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Pierre-André Taguieff, La foire aux illuminés, 2005, p. 17.
  2. Pierre-André Taguieff, « La conspiration secrète pour dominer le monde »
  3. ab Marcel Gauchet, entretien paru dans les Collections de l'Histoire, n°33, octobre-décembre 2006, pp 60-67.
  4. abc Mythes et mythologies politiques, 1986.
  5. Frédéric Charpier, L'obsession du complot, 2005, Bourin Éditeur, 232 p., ISBN 284941025X
  6. Carlo Guinzburg, Le sabbat des sorcières, Gallimard NRF, 2006
  7. Ilan Greilsammer, La pente savonneuse de l'antisémitisme, Libération, mercredi 24 septembre 2003, reproduction en ligne
  8. Négationnisme et antisionisme : récurrences et convergences des discours du rejet , in Revue d'histoire de la Shoah n° 166, mai-août 1999, Centre de documentation juive contemporaine 1999 ; reproduit en ligne
  9. Voir par exemple The Knights Templar de Sean Martin, 2004, ISBN 978-1904048282
  10. (en)Conspiracy theories, The Economist
  11. Antoine Vitkine et Barbara Necek, Le Grand complot, Arte, voir en ligne
  12. (en) « NASA debunks moon landing hoax conspiracy », CNN.com, 19 février 2001.
  13. Henri Madelin, Rumeurs et complots, in Étvdes, tome 397, pp.477-488
  14. Karl Popper entend par historicisme les théories et explications qui prétendent que des lois, qui sont cachées, gouvernent l'histoire. L'historicisme vise ainsi des théories de Hegel, de Platon, de Comte et par-dessus tout de Marx.
  15. ab The Open Society and Its Enemies Volume 2: Hegel and Marx, édition 1973, ISBN 0 7100 4626 X, page 95
  16. Popper, ibid, p. 96
  17. Hannah Arendt, Le système totalitaire, Seuil, 2005 page 78
  18. Hannah Arendt, Le système totalitaire, Seuil, 2005 page 79
  19. P. A. Taguieff, L'Imaginaire du complot mondial, p. 3.
  20. P. A. Taguieff, L'Imaginaire du complot mondial, pp. 57-60.
  21. Voir par exemple David Ray Griffin, Steven E. Jones ou encore Webster G. Tarpley.
  22. Présentation de l'ouvrage par l'éditeur
  23. Webster G. Tarpley, La Terreur fabriquée, Made in USA, éditions Demi-Lune, 2006, p. 398.
  24. Emergence: The Connected Lives of Ants, Brains, Cities and Software, Steven Johnson
  25. We can remember it for you wholesale, qui inspira le film Total recall