Julio González

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Julio González

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Nom de naissance Julio Luis Jésus González-Pellicer
Naissance 21 septembre 1876
Barcelone Espagne Espagne
Décès 27 mars 1942
Arcueil France France
Nationalité Espagnol
Activité(s) Artiste-peintre, sculpteur
Formation Ferronier d'art et Beaux-Arts de Barcelone
Mouvement artistique cubisme
Influencé par Picasso
Pablo Gargallo
Influença David Smith
Eduardo Chillida
Illustration : La Petite Faucille

Julio González, né Julio Luis Jésus González-Pellicer le 21 septembre 1876 à Barcelone en Espagne et décédé le 27 mars 1942 à Arcueil en France, était un sculpteur et peintre espagnol associé au mouvement cubiste et à l'abstraction picturale. De 1928 à 1932, il poursuivra avec Pablo Picasso une collaboration mutuelle fructueuse, notamment autour des nouvelles techniques de soudure appliquées à la sculpture cubiste. Développant également son propre langage artistique, il est considéré comme le père fondateur de la sculpture en fer moderne[1],[2].

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Formation et débuts

González est le plus jeune des quatre enfants de Concordio González, un fameux ferronnier d'art et orfèvre de Barcelone, et de Pilar Pellicer, la sœur du peintre catalan José Luis Pellicer[3]. Dans sa jeunesse il a travaillé avec son père et son frère dans la fonderie familiale, tout en prenant des cours du soir aux Beaux-Arts de Barcelone. Il participe alors très jeune à plusieurs expositions avec son frère aîné Joan, où ils remportent la médaille d'or de l'Exposition internationale des arts appliqués de Barcelone en 1892 et la médaille de bronze de la Biennale internationale de Chicago[3].

À partir de 1897, il fréquente avec son frère Joan le café Els Quatre Gats, et où il fait la connaissance notamment de Picasso et Pablo Gargallo. En 1900, après le décès du père, la famille González part pour Paris[1] et s'installe avenue du Maine, dans le Montparnasse cosmopolite et artistique d'avant-guerre. González ne reviendra jamais dans son pays natal. En mars 1904, il s'installe dans l'ancien atelier de Gargallo, rue Vercingétorix. De 1900 à 1904, Picasso et González se fréquentent assidûment avant qu'une sombre affaire de dessins des González confiés à Picasso viennent brouiller leur amitiés. González écrit à Picasso le 23 août 1904 une lettre lui interdisant sa venue dans l'appartement familial et son atelier[4]. La brouille entre les deux artistes durera de nombreuses années.

En 1907, Julio González expose Mère et enfant au Salon des indépendants et déménage dans un nouvel atelier au 282, rue Saint-Jacques. La mort de son frère Joan en 1908 l'affectera longtemps et l'empêchera de travailler près d'une année[5]. Il exposera à nouveau au Salon d'automne en 1909. Cette même année, il se marie avec Jeanne Berton dont il aura une fille, Roberta, en 1911 avant que le couple ne se sépare en 1912. Toutefois, durant toute cette période, il rencontre de nombreux artistes dont Pablo Gargallo, à qui il a alors apporté son aide pour ses sculptures en métal[6], Juan Gris et Max Jacob. Au lendemain du début de la Première Guerre mondiale, il devient sociétaire du Salon d'automne, et présentera de nombreuses œuvres et bijoux durant le conflit au Salon des indépendants[7].

[modifier] González-Picasso, le cubisme et les techniques de sculpture

En 1918, dans l'atelier de la maison qu'il habite alors au 11, rue de Médeah[8], il développe un intérêt pour différentes techniques de travail des métaux, et est engagé comme apprenti à l'atelier de chaudronnerie de la Soudure autogène française des usines Renault de Boulogne-sur-Seine[9]. Il apprend les techniques de soudure oxyacétylénique et les intégre dans ses sculptures. Les évolutions de l'art moderne de cette époque ne l'influencent cependant pas[1]. À l'hiver 1921-1922, il renoue une relation avec Picasso[10], qui vient de recevoir la commande du monument pour Guillaume Apollinaire, œuvre qui sera le fruit d'une succession de croquis et d'études sur plus de cinq années.

En 1927, González créé ses premières sculptures en fer forgé, mais reste peu audacieux et avance à petits pas[11]. À partir de 1928 commence la période d'intense collaboration technique entre les deux artistes espagnols[12]. González participe alors activement aux créations cubistes analytiques des sculptures filiformes en fer de Picasso, qui admire la dextérité technique de son ami et considère « qu'il travaille le métal comme une motte de beurre »[13]. Ainsi pour les maquettes du Monument pour Appolinaire, il propose à Picasso des solutions aux techniques de soudure que ne connait pas ce dernier[14] pour la réalisation des sculptures issues des dessins préparatoires du Carnet de Dinard, datant d'août 1928[15]. Tout en collaborant avec Picasso, González développe alors à son contact son propre style inspiré des recherches de l'initiateur du mouvement. Picasso prépare par de nombreux croquis à partir du 20 mars 1928, la fameuse sculpture Tête, à laquelle González apporte les solutions techniques de réalisation[6]. Trois versions de Tête seront réalisées et peintes par Picasso à l'automne 1928. De même, au printemps 1929, Picasso travaille dans l'atelier de González à la grande sculpture la Femme au jardin en fer soudé[16]. Comme il souhaite conserver l'original, qui de plus se détèriore à l'extérieur, il demandera en 1931 à González de réaliser une copie en bronze forgé et soudé qui constituera un « travail de titan » selon ce dernier[17]. Durant leur collaboration dans l'atelier de Picasso à Boisgeloup à partir de 1930, il est fréquent que les deux artistes aillent se fournir en matière première dans les décharges, chez les férailleurs, le forgeron, ou à la quincaillerie du quartier[18]. Le travail de recyclage des objets, l'appauvrissement de la matière, mêlés à la force de l'inspiration créatrice de Picasso, influenceront dès lors la conception des propres sculptures de González[19]. Entre 1929 et 1930, González réalise alors ses sculptures les plus importantes dont : Don Quichotte, la Petite danseuse, Tête aigüe, Le Baiser et l'Arlequin. En 1931, González travaille à Femme se coiffant, s'inspirant de Femme au jardin de Picasso qu'il est en train de couler en bronze. Après une ultime séance de dessin à Boisgeloup en juillet 1932, Picasso et González cessent leur collaboration[14]. González exposera au Salon des surindépendants à Paris en octobre 1932.

En décembre 1933, González commence à l'aide de l'architecte Périllard, la construction de son atelier-appartement à Arcueil dans la banlieue sud de Paris. Il ne le finira qu'en 1937. À cette période, alors qu'il n'est pas reconnu dans son pays d'origine[20], sa notoriété commence à dépasser les frontières de la France, avec des œuvres acquises aux États-Unis par John Graham et une exposition en Allemagne à l'automne 1934 à la Kunsthaus de Zurich, intitulée Qu'est-ce que le surréalisme ?, en compagnie d'Alberto Giacometti, Jean Arp, Max Ernst, et Joan Miró. S'ouvre alors pour González une grande période de reconnaissance de son travail aux côtés de ses contemporains espagnols tant lors des expositions surréalistes (comme à la Galerie du Jeu de Paume en février-mars 1936), que cubistes (comme au MoMA de New York en mars-avril 1936 avec l'exposition Cubism and Abstract Art et celle de 1937 Fantastic Art, Dada, and Surealism)[21].

[modifier] Les périodes de Guerres et sa fin de vie

Le 18 juillet 1936 éclate la Guerre civile espagnole. Les Républicains espagnols nomme Picasso directeur du Musée du Prado à Madrid le 14 septembre 1936 et celui-ci propose González au poste de Secrétaire général. Il présentera également une sculpture, Montserrat, au Pavillon d'Espagne qui abrite Guernica, lors de l'Exposition universelle à Paris de 1937. En 1939, Roberta González épouse le peintre allemand déserteur Hans Hartung et suite à la défaite de la France, toute la famille part s'installer dans le Lot.

Les restrictions de la guerre l'empêchent de pratiquer la sculpture avec ses techniques de soudure. Il s'oriente alors vers les plâtres, le dessin, et l'aquarelle. González revient à Arcueil en novembre 1941. Fatigué et éprouvé par la guerre sa santé décline, il décède en mars 1942. Picasso, présent aux obsèques de son ami, peindra le 5 avril 1942 une série de sept toiles inspirées par la mort de González et les vitraux de l'église d'Arcueil, intitulées Nature mortes à la tête de taureau (Hommage à González)[22],[23].

[modifier] Influence de González dans l'art moderne

Baron's Moon (1958) de David Smith, sculpture en acier soudé reprenant les techniques de González-Picasso.
Baron's Moon (1958) de David Smith, sculpture en acier soudé reprenant les techniques de González-Picasso.

Julio González est considéré par les historiens d'art comme le fondateur de la sculpture en fer moderne[1]. La « cordée Picasso-González », même si elle n'a pas eu la synergie, ni l'importance créatrice de celle qu'avaient constituée Picasso et Braque au début du siècle[6], marqua profondément les aspects techniques et conceptuels des futures sculptures de Picasso au lendemain de la guerre, bien que ce dernier, protéiforme dans ses créations, se détournera formellement de cette époque créatrice et collaborative des années 1930. Il n'en demeurera pas moins fortement influencé par les techniques qu'il a acquises au côté de González.

Le travail de González sera d'une importance majeure pour deux autres sculpteurs. D'une part l'américain David Smith, peintre de formation qui deviendra soudeur dans l'industrie de défense américaine, s'inspirera fortement des techniques et du travail de González dès la fin des années 1940 pour ses œuvres en acier soudé[24],[2]. Ceci est particulièrement évident avec des œuvres telles que Blackburn - Chant d'un forgeron irlandais (1950) ou Tank Totem V (1953-1956). David Smith considère par ailleurs González comme le « maître du chalumeau »[1]. D'autre part, l'espagnol Eduardo Chillida commencera à réaliser, également au tournant des années 1950, de nombreuses œuvres en métal forgé puis soudé qui feront sont succès en délaissant cependant totalement la figuration présente chez González[25]. On peut aussi citer les premières œuvres de César qui fera, avec des matériaux de récupération, ses premiers essais de soudure au début des années 1950 sur les bases développées par González et Picasso, comme avec la sculpture Scorpion datant de 1955[25].

Les travaux précurseurs de González, et particulièrement son influence sur ceux de David Smith, ont ouvert la voie aux artistes modernes et contemporains utilisant le fer et l'acier, souvent dans des sculptures gigantesques, comme Mark di Suvero, Richard Stankiewicz, Anthony Caro, Melvin Edwards[2].

[modifier] Œuvres principales

Le Musée national d'art moderne (MNAM) de Paris possède, avec 254 œuvres[12],[26], et avec l'Institut de Valence d'art moderne (IVAM) doté d'environ 400 œuvres[27], l'une des deux plus grandes collections d'œuvres de González. Pour les deux musées, l'enrichissement des collections est essentiellement dû aux donations et aux dations faites par la famille et les héritiers de González, notamment de sa fille Roberta González.

(sauf mention, les œuvres sont des sculptures)

  • Masques découpés et Natures mortes (1927), premières œuvres en fer forgé et découpé.
  • Le Couple/L'Étreinte (v. 1927-1929), fer forgé soudé, collection privée.
  • Le Baiser (1930), fer forgé soudé, collection privée.
  • Tête aiguë/Masque aigu (v. 1930), bronze à la cire perdue, MNAM.
  • Le Baiser II (v. 1930-1931), fer forgé soudé, collection privée.
  • L'Arlequin (v. 1927-1930), fer forgé soudé, Kunsthaus de Zurich.
  • Petite danseuse (1929-1930), fer forgé soudé, MNAM .
  • Don Quichotte (v. 1929-1930), fer forgé soudé, MNAM.
  • Femme se coiffant (1931), fer forgé soudé, MNAM.
  • Les Amoureux II (v. 1932-1933), bronze à la cire perdue, MNAM.
  • Bronze forgé et soudé de Femme au jardin de Pablo Picasso (1929-1930), réalisé par González entre 1931 et 1932 d'après l'original, Musée Reina Sofía, Madrid.
  • Tête dite «Le Tunnel» (v. 1933), fer soudé, Tate Gallery de Londres.
  • Tête longue tige (1932-1933), bronze, MNAM.
  • Le Rêve/Le Baiser (1934), fer forgé soudé, MNAM.
  • Femme à la corbeille (1934), fer forgé soudé, MNAM.
  • Danseuse à la palette (1934), bronze, MNAM.
  • Figure inclinée (v. 1934), fer forgé soudé, MoMA de New York.
  • Petite danseuse I, argent forgé brasé, MNAM.
  • L'Insecte/La Danseuse, intitulé l'Ange par Picasso[12] (v. 1935), fer forgé soudé, MNAM.
  • La Girafe (1935), fer forgé soudé, MNAM.
  • Femme assise II (v. 1935-1936), fer forgé soudé, MNAM.
  • Têtes de douleur (v. 1935-1936), pierre et fer soudé, divers musées dont MoMA de New York.
  • Montserrat (1935-1936), présentée à l'entrée du Pavillon d'Espagne de l'Exposition internationale de 1937 à Paris, Stedelijk Museum d'Amsterdam.
  • Tête plate dite « Le Baiser » (v. 1936), bronze, MNAM.
  • Femme se coiffant II (1936), fer forgé soudé, MoMA de New York.
  • Grande Vénus (v. 1936-1937), bronze, MNAM.
  • Femme au miroir (1936-1937)
  • La Petite Faucille (v. 1937), bronze, MNAM.
  • Danseuse à la marguerite (v. 1937), bronze à la cire perdue, MNAM.
  • Daphné (v. 1937), bronze, MNAM.
  • Grande maternité
  • Homme-cactus I (1939), acier soudé, collection particulière, et bronze à l'IVAM.
  • Madame-cactus/Homme-cactus II (v. 1939-1940), acier soudé à l'IVAM et bronze au MNAM.

[modifier] Textes de Julio González

[modifier] Bibliographie

[modifier] Références et notes

  1. abcde L'Art au XXe siècle par Karl Ruhrberg, Manfred Schneckenburger, Christiane Fricke, et Klaus Honnef, volumes I & II, aux éditions Taschen, Cologne, 1998, p.469-470, (ISBN 3-8228-8355-7).
  2. abc (en)He Taught Picasso and Learned to Draw in 3 Dimensions dans The New York Times du 27 mai 2005.
  3. ab González - Picasso, dialogue catalogue de l'exposition aux Abattoirs de Toulouse, édité par le Centre Georges Pompidou et la Réunion des musées nationaux, 1999, p.132., (ISBN 2-85850-957-3).
  4. González - Picasso, dialogue, p.133. selon une lettre datée de ce jour-là et conservée au Musée Picasso de Paris.
  5. González - Picasso, dialogue, p.134.
  6. abc Picasso, sculpteur par Werner Spies, catalogue raisonné des sculptures de Picasso aux éditions du Centre Pompidou, Paris, 2000, p.130-131, (ISBN 2-84426-045-4).
  7. González - Picasso, dialogue, p.135.
  8. Il s'agit d'une ancienne rue du 14e arrondissement de Paris, qui fut détruite avec la construction de l'actuelle Gare Montparnasse en 1960.
  9. González - Picasso, dialogue, p.136.
  10. Picasso rencontrant González par hasard sur le Boulevard Raspail aurait dit : « Voyons, nous n'allons pas restés fachés toute notre vie ! Embrassons-nous !» d'après Roberta González dans Julio González, My Father, Arts, nº5 fevrier 1956, p.24.
  11. González - Picasso, dialogue (Marielle Tabart), p.16.
  12. abc González, le savoir fer dans Libération du 16 août 2007.
  13. Werner Spies, Op. cit. p.134.
  14. ab Picasso, González, le fer et le feu par Philippe Dagen dans Le Monde du 31 août 1999.
  15. González - Picasso, dialogue, reproductions p.88-94.
  16. González accueille Picasso dans son atelier pour cette œuvre, mais ne participera aucunement à sa réalisation, Picasso soudant lui-même les pièces. González - Picasso, dialogue, p.15.
  17. González - Picasso, dialogue, p.8 et 141.
  18. Werner Spies, Op. cit. p.143. Picasso rapporte à Spies que pour Tête de femme (1930), il décide d'utiliser des égouttoirs à salade pour le derrière de la tête : « J'ai dit à González : Achête-moi des égouttoirs à salade. Et il m'apporta deux égouttoirs à salade tout neufs. ».
  19. Werner Spies, Op. cit. p.138.
  20. Karl Ruhrberg et coll., Op. cit., p.245.
  21. González - Picasso, dialogue, p.144-145.
  22. González - Picasso, dialogue, p.147.
  23. Picasso par Roland Penrose (1958), collection Champs chez Flammarion nº607 p.404.(ISBN 2-08-081607-1)
  24. Les Arts au XXe siècle, par Edward Lucie-Smith aux éditions Konëmann, Cologne, 1999, p.242, (ISBN 3-8290-1718-9).
  25. ab Edward Lucie-Smith, Op. cit. p.243.
  26. Julio González, collection du Musée national d'art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, éditions MNAM, 2007 (ISBN 978-2-84426-323-0).
  27. À Valence, les beaux jours de l'Ivam dans Le Figaro du 15 octobre 2007.