Johannes Reuchlin

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Johannes Reuchlin
Johannes Reuchlin
Johannes Reuchlin (détail d'un bois gravé sur un prospectus imprimé en 1516
Johannes Reuchlin (détail d'un bois gravé sur un prospectus imprimé en 1516
Johannes Reuchlin parmi les savants de son temps, gravure protestante de Strasbourg (1521)
Johannes Reuchlin parmi les savants de son temps, gravure protestante de Strasbourg (1521)
De arte cabbalistica, Haguenau (1530), page de titre avec les armes de Reuchlin.
De arte cabbalistica, Haguenau (1530), page de titre avec les armes de Reuchlin.

Johannes Reuchlin (né le 22 février 1455 à Pforzheim; † le 30 juin 1522 à Stuttgart, aussi écrit: Johann Reichlin), hellénisé en Kapnion (« fumée », par allusion à son nom, apparenté à l'allemand Rauch de même sens), ou Capnio (par Érasme), est un philosophe et théologien allemand. Convaincu, contre l'opinion commune de ses contemporains, que l'hébreu, langue de la Bible, avait une valeur spirituelle, notamment par le biais de la kabbale, il fut le premier hébraïste allemand non-juif.

Icône de détail Article connexe : Kabbale chrétienne.

Sommaire

[modifier] L'universitaire

Reuchlin est né à Pforzheim d'un marguillier. À l'âge de 15 ans, alors qu'il n'avait fréquenté que l'école primaire et la classe de latin du cloître dominicain Saint-Étienne de Pforzheim, il s'inscrivit en 1470 à l'université Albert-Louis de Fribourg-en-Brisgau, et y étudia la grammaire, la philosophie et la rhétorique.

Diplômé maître ès arts, il entreprit en 1477 ses premiers travaux académiques.

Il étudia le grec ancien à l'Université d'Orléans, commença à y étudier le droit et obtint sa licence à Poitiers. Il devint en 1481 secrétaire et conseiller ducal à la cour d'Eberhard V de Wurtemberg (Eberhard le Barbu).

Il accompagna le duc Eberhard V de Wurtemberg à Rome de février à avril 1482. À cette occasion il put soumettre au pape Sixte IV son projet d'organisation de l'université de Tübingen, qu'Eberhard avait fondée en 1477. Les lectures et les rencontres qu'il fit lors de ce voyage entre Rome et Florence, où il rencontra entre autres Ange Politien, eurent sur lui une influence décisive.

Il fut anobli en 1492 par l'empereur Frédéric III.
L'assassinat de Hans von Hutten par Ulrich de Wurtemberg le poussa à quitter Stuttgart. Il trouva asile à Heidelberg chez Philippe, le chancelier de l'électeur de Palatinat, chez l'évêque de Worms Johann von Dalberg et à la cour de l'électeur palatin. Lors d'un troisième voyage en Italie en 1498 où il servait d'interprète au chancelier Philippe, il put se procurer des ouvrages en hébreu et en grec et fit la connaissance d'Alde Manuce. De retour à Stuttgart, il s'établit comme procureur et juge de la cour de Souabe. Ruiné, il fuit la guerre et la peste en 1520 à Ingolstadt, où Johannes Gussubelius le recruta comme premier professeur de grec et d'hébreu. Il revint à Tübingen en 1521, et prit parti contre la réforme de l'Église de Luther. À partir de 1516 il vécut comme frère convers de l'ordre des Augustins puis se résolut finalement à être ordonné prêtre.

[modifier] Œuvres

Avec Érasme, Johannes Reuchlin est considéré comme l'Humaniste par excellence. Influencé par son aîné hollandais Rudolph Agricola, il s'imposa comme le représentant du Néo-platonisme allemand. Il fit connaître les fondements mystiques et théologiques des oracles chaldéens et de la Kabbale (dans ses traités « De verbo mirifico » de 1494 et « De arte cabbalistica » de 1517), et aussi chez Zoroastre et Pythagore.

Poète néo-latin, il transposa la poésie du dialogue au théâtre et à ce titre il est le promoteur du nouveau théâtre allemand et du théâtre classique. Il fit représenter à Heidelberg en 1496/97 ses pièces de théâtre intitulées « Satire Sergius » et « Scaenica Progymnasmata (Henno) », que le poète Hans Sachs remania en spectacles de Carnaval. Reuchlin annonce par ses pièces les thèmes de la Commedia dell'arte.

Ses traductions, ses écrits et ses prises de position personnelles favorisèrent l'étude du grec ancien. Par sa défense de l'hébreu en tant que langue de culture et non pas seulement langue d'une minorité, il revivifia l'étude de l'Ancien Testament. De ce point de vue, son cours d'hébreu « De rudimentis hebraicis » fit date.

[modifier] Hostilité des Dominicains

Johannes Pfefferkorn, un boucher juif de Cologne converti au catholicisme, publia en 1505 sous le nom de « frère Strohmann, dominicain de Cologne » plusieurs pamphlets antisémites et exigea de l'empereur Maximilien Ier un mandat pour la saisie et l'autodafé de tous les écrits des Juifs. Il demandait aussi l'interdiction de tous les livres en hébreu. L'archevêque de Mayence Uriel von Gemmingen chargea en 1510 Reuchlin d'examiner quelle influence la littérature juive avait eue sur le christianisme. Cela amena Reuchlin à entrer en conflit, par écrits interposés, avec Pfefferkorn, d'où naquit une opposition féroce et durable entre les deux hommes, au cours de laquelle Reuchlin défendit sa prise de position contre la destruction des livres juifs dans un livre intitulé métaphoriquement Augenspiegel 1511. La querelle culmina avec les Lettres des hommes obscurs (1515-1517) rédigées à partir des pamphlets de Pfefferkorn par le polémiste Ulrich von Hutten mais reprises à leur compte par les Dominicains de Cologne. Quoique les clercs du Saint-Empire, dans leur majorité, penchassent majoritairement pour Reuchlin, ce dernier dut pourtant se présenter à Rome devant l'Inquisition comme suspect d'hérésie.

Non seulement le Ve concile du Latran (1512-1517) prit position en faveur de la thèse de Reuchlin, ne pouvant rien trouver dans le Talmud qui soit contraire au christianisme, mais le pape Léon X jugea même la contradiction entre Talmud et christianisme une hérésie[1]. L'arrière-pensée du souverain pontife était sans doute que, s'il ne coupait pas court à l'action des Dominicains, il ne pourrait plus s'appuyer sur les livres juifs pour affirmer la suprématie historique du catholicisme en l'inscrivant dans la continuité des croyances antérieures.

En 1520 le pape interdit finalement la réédition des Lettres des hommes obscurs, probablement parce que Luther, par ses prises de position, commençait à susciter un courant contre-réformateur au Vatican.

[modifier] Postérité

Admirateur sincère de Reuchlin, Érasme s'inquiétait de la passion (néfaste selon lui) de l'érudit allemand pour les livres juifs, et observa un silence prudent lors du procès de l'Inquisition. Pétri de remords après la mort de Reuchlin, il écrivit en son honneur un de ses colloques, l'apothéose de Kapnion.

Depuis 1955, la ville de Pforzheim attribue tous les deux ans le prix Reuchlin pour récompenser la meilleure œuvre humaniste. Sa ville natale a préservé la maison de ses parents (la Reuchlinhaus), la loge maçonnique Reuchlin et perpétue sa mémoire à travers le lycée « Reuchlin-Gymnasium ». Il y a aussi à Ingolstadt, où il fut professeur, un lycée Reuchlin.

[modifier] Notes

  1. Source : Wikipedia germanophone.

[modifier] Bibliographie

  • Érasme - «Les Colloques d'Érasme» (1998), trad. E. Rummel, éd. du Cerf, coll. Classiques du Christianisme, 130 p. ISBN 2-204-05835-1
  • J.-C. Saladin - La bataille du grec à la Renaissance (2004) - éd. Les Belles-Lettres, Paris. ISBN 2-251-38047-7
  • Blum, Godin, Margolin et Ménager - Érasme (2000) éd. Robert Laffont, coll. Bouquins, ISBN 2-221-05916-6

[modifier] Liens externes

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