Utilisateur:JLM/Brouillon2

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Georges Izambard Je fus en effet professeur de rhétorique à Charleville, exactement de janvier à août 1870. Je succédais à un professeur nommé Feuillâtre que je n’ai pas connu. J’eus Rimbaud comme élève : il avait quinze ans et quelques mois ; j’avais cinq ans de plus que lui et j’allais tirer au sort cette année-là. (J’étais) tout flambant de foi enseignante mais un peu inquiet tout de même devant mes vingt-cinq à trente premiers grands diables, dont quinze ou dix-huit en soutane et quelques-uns plus âgés que moi (...) Le collège de Charleville sous l’Empire était soumis à un régime hybride et bizarre : le séminaire voisin daignait y envoyer ses élèves à titre d’externes (et) c’est devant cet auditoire que je faisais cours. Entre eux existaient d’intimes divisions ; moi naturellement je restais neutre.

Arthur Rimbaud Bien vu de ses camarades du collège qu’il obligeait volontiers de ses lumières et considéré par ceux-ci comme leur porte-drapeau dans les compositions, était cordialement détesté par les champions du camp adverse... Un jour, dans la classe aux gradins étagés, pendant le calme plat d’une composition en vers latins, une voix aigre s’élève d’un des bancs supérieurs « M’sieur ! Rimbaud triche... Il a passé un papier à son voisin. » Je me précipite, saisis le corps du délit et le leur tend pour prouver qu’il n’a rien de suspect... Mais déjà Rimbaud s’est levé à demi : avec le geste du semeur, il envoie son Thesaurus à la tête de l’énergumène (...) Mon Rimbaud s’est rassis, stoïque et dédaigneux, comme un qui chante dans les supplices...

Ce Rimbaud-ci, c’est le Rimbaud première manière (1870-1871), le poète de A la musique, le Forgeron, Soleil et chair, Ma Bohême, le Cœur supplicié, en un mot tout ce qui précéda Le Bateau ivre. C’est le « Petit Poucet rêveur », menu et timide, l’élève de rhétorique un peu guindé, sage et douceâtre, aux ongles propres, aux cahiers sans taches, aux devoirs étonnamment corrects, aux notes de classe idéalement scolaires, bref un de ces petits monstres exemplaires et impeccables, incarnant au superlatif le type de la bête à concours, de « l’assis » de collège... Masque d’habitude et non d’hypocrisie, non voulu sans doute, mais que je vis toujours sur son banc de classe.

Le Rimbaud intime que j’ai connu parallèlement, que j’ai appris à connaître quand il m’attendait à la sortie pour m’accompagner jusqu’à ma porte, c’est l’intellectuel vrai, tout vibrant de passion lyrique et si ingénument fier de se révéler tel, si heureux de trouver enfin à qui parler de vers et de poètes !... C’est l’enfant traité d’abord en camarade plus jeune et peu à peu en ami cher, dont j’ai reçu les premières confidences, exacerbées par l’oppression familiale, les premiers aveux d’ambition littéraire impatiente et enfin ces chaudes effusions de cœur que révèlent ses lettres et dont il s’est montré, comme on l’a remarqué, fort peu prodigue en d’autres temps.

Izambard-Rimbaud — La Mère Rimb’ Aussi le traitais-je en homme. Et comme, visiblement, il n’y était pas habitué, cela lui allait au cœur. Il me disait ses lectures, déjà abondantes, variées, sans pruderie, mais sans recherche aucune de salacités équivoques... Ce qu’il ne me disait pas encore, c’est à quelles ruses il était forcé de recourir, chez lui, pour y déguster en catimini les romans les plus anodins, les plus manifestement littéraires. (« Mais il est une chose que je ne saurais approuver, par exemple la lecture du livre comme celui que vous lui avez donné il y a quelques jours (les misérables. Vhugot-sic). Vous devez savoir mieux que moi, monsieur le professeur, qu’il faut beaucoup de soin dans le choix des livres qu’on veut mettre sous les yeux des enfants (...) il serait certainement dangereux de lui permettre de pareilles lectures (...) » V. Rimbaud, 4 mai 1870)

J’y allai de ce pas (chez la mère Rimbaud). J’eus à subir comme entrée de jeu tout un cours de politique au poivre : Victor Hugo, c’était l’ennemi du trône et de l’autel, justement banni pour ses productions dépravées... Les Misérables surtout, cette œuvre qui... que... Je compris qu’elle avait sur le cœur le mot de Cambronne, imprimé en effet en toutes lettres dans le chapitre sur Waterloo... « Trouvez-vous bien d’enseigner ces choses-là à vos élèves, monsieur le professeur ? » (...) ce n’était pas les Misérables, c’était bel et bien Notre Dame de Paris ; et j’avais prêté cela à son fils pour qu’il fît provision de couleur locale en vue d’un discours français donné en classe...

L’orageuse entrevue que j’ai dite avait eu lieu moins d’un mois avant le grand coup de feu des concours académiques. Rimbaud s’y préparait par un redoublement des devoirs supplémentaires qu’il déposait sur le coin de ma chaire (...) Quand vinrent les concours, Rimbaud était prêt. Le sujet de discours latin, je ne me rappelle pas ; en vers latins, on donna comme matière : Allocution de Sancho Pança à son âne (Grandeur de notre éducation humaniste passée ! Si vous me le permettez.) Rimbaud obtint les deux prix : un premier en vers, un second en discours (...)

Départ d’Izambard La distribution des prix était fixée au 6 août, mais rien ne m’obligeait à y assister, et je comptais, aussitôt ma dernière classe faite, partir à Douai où je passerais mes vacances. Je gardais mon petit appartement à Charleville, J’en laissai la clef à mes propriétaires en les priant de la remettre à Rimbaud quand il viendrait la demander (...) pour lui permettre de s’enfermer avec mes livres — lesquels étaient d’honnêtes livres... « M. Izambard, que vais-je devenir ? C’est sûr, je me sauverai un de ces jours. Je ne supporterai pas cette existence une année de plus !...) Dans les lettres qu’il m’écrivit ensuite à Douai, notamment à la date du 25 août, aucune allusion nouvelle à ses projets d’escampette. Or, quatre jours après, il était en fuite.

Première fugue « Ce que vous me conseilliez de ne pas faire, je l’ai fait : je suis allé à Paris, quittant la maison maternelle ! J’ai fait ce tour le 29 août. » Paris l’hypnotisait ; un train était en gare, il prit le train, délibérément. Le 4, il était à Paris, à l’heure même où commençait le chambardement de l’empire ; il allait voir une révolution ! Il ne la vit pas, faute d’un ticket à montrer. Cueilli par deux agents, il fut conduit au poste, fouillé à fond, délesté de ses papiers, pris pour un voleur, pour un espion (son accent ardennais) (...) finalement enfermé dans un panier à salade et, fouette cocher ! en route pour Mazas (maison d’arrêt cellulaire, Bd Mazas, aujourd’hui Bd Diderot). Là, il veut s’expliquer, n’est pas compris ou pas écouté, l’heure n’était pas aux joueurs de flûte ou de mandore ; les jours se passent, il se cherche des références, cite mon nom. Le directeur de Mazas m’écrit à Douai... Quelques jours après, il nous arrivait, penaud, défait, heureux tout de même d’en être quitte... comme l’enfant prodigue, parfaitement !... et n’eut le sermon qu’après. Puis on causa : il dit son arrivée, l’interrogatoire pas commode, ses effarements de bête traquée, le petit passage à tabac réglementaire, la vermine et le reste...

Mais le plus urgent — et le plus difficile à tous points de vue — était d’écrire à sa mère. Les lettres entre le Nord et les Ardennes passaient par la Belgique, retardées dans les deux sens par la désorganisation postale (...)

Une réponse arriva seulement le 21 septembre... elle était si violente, si comminatoire, si brutale pour lui, pour moi, pour les miens pour quiconque se permettait de le recueillir au lieu de le chasser, que Rimbaud, perdant son calme de commande, fait les grands bras, sacre, jure, proteste qu’il ne retournera là-bas à aucun prix. Je me fâche, nous nous fâchons tous, lui signifiant notre volonté. Calmé, il a fini par souscrire à tout ce qu’on veut, mais j’ai de la méfiance (...) je ne puis de Douai lui prendre un billet direct (car) il bifurquera au premier arrêt dans l’état d’esprit où il est... je décide d’accompagner Deverrière et Rimbaud... et le 26 ou 27 septembre, nous partons tous les trois par la Belgique... Rimbaud s’est isolé dans un coin du wagon, ne desserre pas les dents, l’esprit ailleurs. Fait-il encore des vers ou songe-t-il à l’accueil qui l’attend ?

Très au vinaigre, à son habitude, la maman Rimbaud flanqua comme de juste une pile monstre à son petit prodige de fils et m’admonesta pour mon compte en termes si âpres que j’en restais d’abord tout ébervigé et bientôt m’enfuis sous l’averse.

Deuxième fugue Huit jours après, comme je revenais d’une douloureuse excursion au champ de bataille de Sedan, (le 8 octobre) on me remet un mot apporté par Mme Rimbaud... Elle m’annonce que son fils est encore par voies et par chemins ; elle voudrait me demander conseil... Ah ! non !... J’en ai assez ! et je crois que tout le monde dans mon cas aurait la même exclamation... mais... si... pourtant je puis quelque chose... Allons ! je retarde l’heure de mon départ, j’attends la dame, je l’écoute : Arthur est reparti la veille... il aurait pris à pied la direction de Fumay. Me voici à Fumay... Oui, L-B l’a hébergé en effet mais il est reparti à Vireux... « Rimbaud ? parfaitement. Il est reparti pour Charleroi, où il espérait se faire embaucher comme rédacteur... » En route pour Charleroi... « j’ai décliné ses offres de collaboration, et il s’en est allé »...

(Izambard perd sa piste et se rend à Bruxelles chez son ami Paul Durand)... votre élève « le petit Rimbaud » est venu nous donner avis de votre prochaine visite... Il est très doux, très gentil... le pauvre enfant avait beaucoup marché... Il était poudreux, boueux, faux col sale, cravate en tordions... je l’ai requinqué de mon mieux... puis il a déclaré qu’il avait à faire son tour de Belgique pour son instruction...

Cinq ou six jours plus tard, je réintégrais Douai. Je trouve les tantes en grand émoi parce que Rimbaud est là... en faux col à la mode à coins cassés, plastronné d’une cravate en soie mordorée, d’un effet aveuglant ; un vrai dandy... Nous n’avons pas le droit de vous garder et nous ne voulons pas vous chasser. Alors, il n’y a que le commissaire — je comprends très bien. Je le savais. Faites, je vous obéirai...

Je rentre. Rimbaud est prêt et m’attend, son petit baluchon sous le bras. Il a dit gentiment adieu aux tantes qui lui ont fait promettre d’être « sage »... Il a promis. En route, je lui parle avec mon cœur, mon souci de son avenir, de sa gloire, de sa dignité aussi... J’ai l’impression qu’il me comprend, qu’il est ému en dedans, qu’il a le cœur serré... Je me trompe peut-être !... Il est si impénétrable... Nous sommes arrivés : présentation au commissaire, celui-ci m’a promis qu’il ne serait pas rudoyé. On se serre le mains avec force, et... vat !... C’est la dernière fois que je l’ai vu.

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[modifier] Sinclair (chanteur)

Signalé par : Niju 18 octobre 2007 à 01:39 (CEST)

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