Islam en Indonésie

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Sous le régime de Soeharto, l'islam faisait partie des cinq religions officiellement reconnues parmi lesquelles les Indonésiens devaient choisir pour remplir l'obligation de faire mentionner leur religion sur leur carte d'identité.

Les chiffres officiels de 1998 indiquent que 88% des Indonésiens sont musulmans, 5% protestants, 3% catholiques, 2% hindouistes, 1% bouddhistes, le 1% étant constitué d'"autres" religions, ce qui inclut le judaïsme et le christianisme orthodoxe[1].

Malgré cette majorité musulmane officielle, l'Indonésie n'est pas (contrairement à la Malaisie par exemple) un pays musulman mais pluri-religieux. Elle est née du désir de populations culturellement et religieusement diverses de construire une seule nation. Sa constitution ne fait aucune référence à l'islam. Les groupes extrémistes musulmans qui prétendent imposer la sharia aux musulmans d’Indonésie représentent donc une menace pour l’unité nationale, à laquelle les Indonésiens, musulmans au premier chef, s'opposent. Ainsi, aux élections de 2004, les différents partis musulmans, qui ne réclament pourtant pas la sharia, n’ont obtenu que 21 % des voix. La vigueur du mouvement de protestation contre un projet de loi « anti-pornographie » soumis au parlement en 2005 par un parti islamique est une autre expression du refus de la société indonésienne de se voir imposer des lois portant atteinte aux libertés individuelles et des valeurs étrangères à sa culture.

Une illustration de la volonté de l'Indonésie d'affirmer son identité à travers son héritage historique et culturel sont les armoiries de la République, Garuda, l'oiseau de la mythologie hindoue qui sert de vahana (véhicule) à Vishnu pour descendre sur terre, et le nom de la compagnie aérienne nationale, Garuda Indonesia.

Une autre démonstration de cette volonté d'une identité pluraliste est le nom de l'organisme membre du CICR : la Palang Merah Indonesia ou Croix Rouge Indonésienne.

Sommaire

[modifier] Diffusion de l'islam

Des marchands musulmans étrangers commerçaient avec l'Indonésie et la Chine depuis des siècles. On trouve, dans un mausolée musulman à Leran dans l'est de Java, une pierre tombale portant une date correspondant à 1082 après J.-C.

Ce sont surtout les sources étrangères, notamment chinoises mais aussi européennes, qui donnent des éléments permettant d'établir les jalons d'une histoire de la diffusion de l'islam en Asie du Sud-Est insulaire. On peut distinguer deux processus, liés mais distincts :

Le contexte de cette diffusion est l'essor du commerce international entre d'une part, les Moluques et la Chine et d'autre part, l'Inde et le Moyen-Orient. Ce commerce passe nécessairement par le détroit de Malacca. Situé au point le plus étroit de ce détroit, Malacca devient vite une escale obligée de ce commerce florissant, dominé par les marchands musulmans. À Java, située sur la route des Moluques, c'est aussi l'essor du commerce international qui amène des marchands musulmans à faire escale dans les ports du Pasisir.

On peut attribuer le succès de l'islam auprès des souverains et des classes dirigeantes des cités portuaires de l'archipel par plusieurs facteurs :

  • Nombre des marchands étrangers étaient liés à des confréries soufies, dont la spiritualité présentait un attrait et pouvait se couler dans les conceptions religieuses traditionnelles des habitants de l'archipel.
  • L'islam apportait une conception individualiste des rapports sociaux et la notion de protection des intérêts par le contrat, ce qui ne pouvait manquer de séduire les milieux marchands.
  • Religion prosélyte, l'islam encourageait les nouveaux musulmans à promouvoir leur foi.
  • Enfin, la menace que représentait l'expansionnisme portugais a favorisé l'émergence d'une conscience commune chez les souverains musulmans.

Les habitants de l'archipel deviennent en fait musulmans sans s’en rendre compte. Un indice est le mot adat, qui désigne la coutume et les traditions antérieures à l'arrivée de l'islam et distinctes de lui. Ce mot est d'origine arabe. On peut donc penser qu'à un moment, les gens aient éprouvé le besoin de nommer quelque chose qui était intrinsèque à leur existence et dont ils n'avaient pas conscience, et qu'ils n'aient pu le faire qu'avec un mot étranger.

[modifier] Position de l'islam contemporain

Ce processus explique le fait que jusqu'à aujourd'hui, l'islam (mais c'est le cas des autres "grandes religions" en Indonésie) cohabite, aussi bien dans la société qu'au niveau des individus, avec des croyances et des pratiques antérieures. Le cas le plus manifeste est celui du kebatinan javanais (mot tiré de l'arabe bathin, "intérieur, spirituel"), qu'on appelle dans les langues occidentales "javanisme". Le mot "javanisme" est en fait une traduction du javanais kejawen, qui signifie en fait "javanité, le fait d'être javanais". Le concept de kejawen englobe l’ensemble des éléments de la culture javanaise considérés comme essentiellement javanais. Ceci inclut les aspects spirituels et les pratiques rituelles qu'on appelle kebatinan. Mais pour les musulmans indonésiens orthodoxes, le kejawen désigne avant tout cette spiritualité et les pratiques qui lui sont liées.

L'ex-président Soeharto, qui a dirigé l'Indonésie de 1966 à 1998, était un adepte du kejawen. L'évolution de la société indonésienne, caractérisée par une accélération de la modernisation et de l'urbanisation provoquée par le décollage économique et la croissance des années 1970 et 1980, se traduit par un recul du kejawen et un essor de conceptions plus orthodoxes de l'islam dans les nouvelles classes moyennes urbaines. Soeharto est conscient de cette évolution de la société et du rôle grandissant des milieux musulmans dans la vie, aussi bien économique que politique, du pays. Il pousse dont à la création d'une "association des intellectuels musulmans" (Ikatan Cendekiawan Muslim Indonesia ou ICMI) en 1990. Lui-même fait pour la première fois de sa vie le pèlerinage à La Mecque en 1991 et prend ensuite le nom honoririque de "Muhammad", comme c'est souvent l'usage à Java.

[modifier] Sumatra et le monde malais

En 1282, le roi de Samudra, situé dans l'actuel Aceh, envoie en Chine deux émissaires portant des noms arabes. Dans son voyage de retour de la cour de Kubilai Khan à Venise en 1292, Marco Polo fait escale à Perlak, voisin de Samudra, et note que le souverain de ce port est musulman, ce qui n'est pas le cas de "Basma" et "Samara". On a essayé d'identifier, sans certitude, Samara à Samudra et Basma à Pasai, une autre principauté voisine.

Le grand voyageur berbère marocain Ibn Battûta fait escale à Samudra à l'aller et au retour de son voyage en Chine en 1345-1346. Il note que le souverain est musulman de l'école shafi'ite.

Deux pierres tombales musulmanes à Minye Tujuh en Aceh témoignent de la transition en train de s'opérer dans le pays. Toutes deux rédigées en malais, l'une est écrite dans un alphabet d'origine indienne qualifié de "proto-sumatranais", l'autre en arabe. Elles signalent le décès d'une fille du sultan Malik al Zahir. Les deux inscriptions portent une date en ère Saka et en ère de l'Hégire, mais diffèrent d'une dizaine d'années, l'une mentionnant l'équivalent de 1380 après J.-C. et l'autre, 1389.

On peut identifier les jalons historiques suivants :

  • 1290 : le souverain de Pasai devient musulman.
  • 1303 : la "pierre de Terengganu" (Batu Bersurat terengganu) sur la côte est de la péninsule malaise porte un fragment de texte juridique rédigé en malais mais en écriture arabe.
  • Vers 1410 : le souverain de Malacca se convertit à l'islam.
  • Vers 1500 : celui de Brunei se convertit.
  • vers 1520 : celui de Patani se convertit.

Tomé Pires, un apothicaire de Lisbonne qui séjourne à Malacca de 1512 à 1515, note que tous les rois de Sumatra sont musulmans mais que ce n'est pas le cas de leurs sujets.

La route de la soie maritime, contrôlée par des marchands musulmans, passe par l'archipel indonésien. Les princes des cités portuaires trouvent avantage à se convertir à l'islam, ce qui leur permet d'entrer dans ce réseau marchand.

[modifier] Java

A Java, la tradition attribue la propagation de l'islam à « neuf saints », les Wali Songo : les sunan ("souverains") Gunung Jati (dont on situe deux tombes, l'une à Cirebon et l'autre à Banten), Kalijaga (dont la tombe est à Demak), Kudus (dans la ville du même nom), Muria (dans la région du même nom), Bayat (dont la tombe est près de Surakarta), Bonang (Tuban), Giri (Gresik), Ngampel (Surabaya), Walilanang (près de Madiun).

On peut identifier les jalons suivants :

  • Vers 1410 : un Chinois musulman fonde Gresik.
  • Vers 1480 : un Chinois musulman du nom de Cek-ko-po fonde Demak.
  • 1526-1527 : des souverains musulmans sont installés à Cirebon et Banten.

Dans un mausolée à Leran près de Surabaya dans l'est de Java, il y a une stèle musulmane datée de l'an 475 de l'Hégire (1082 après J.-C.). On estime toutefois que l'islamisation de Java débute à l'époque du royaume hindou-bouddhique de Majapahit dans l'est de Java. On trouve en effet, sur le site de l'ancienne capitale à Trowulan, des tombes musulmanes. La plus ancienne est datée de 1290 de l'ère Saka (1368 après J.-C.). La plus récente est datée de Saka 1397 (1475 après J.-C.). La période couverte par ces tombes va donc du règne de Hayam Wuruk (1350-89) à celui de Singhawikramawardhana (1466-78). Elles portent des inscriptions en arabe et un médaillon représentant le "soleil de Majapahit". On pense donc qu'elles sont les sépultures de membres de la famille royale. Pourtant, le Nagarakertagama, poème épique écrit en 1365 sous le règne de Hayam Wuruk, dit du roi qu'"il est Shiva et Bouddha"" et cite les clergés bouddhique et shivaite, mais ne mentionne pas l'existence de musulmans à Majapahit. On peut se demander si ce n'est pas parce que le poète Prapanca considère que des musulmans ne sauraient être considérés comme faisant partie de la société de Majapahit.

Il ne semble pas y avoir de conversion de masse avant le début du XVIe siècle. Ma Huan, l'interprète qui accompagne l'amiral chinois musulman Zheng He dans ses escales à Java en 1413-1415, puis en 1432, note que les habitants des ports de Java sont de trois sortes : les "Hui-hui" (musulmans des contrées occidentales), les Tang (Chinois, dont une partie est musulmane) et des indigènes dont il fait une description horrible[2].

À la fin du XVe siècle, un Chinois musulman nommé Cek Ko-po fonde la cité de Demak sur la côte nord de Java, qu'on appelle le Pasisir. Son successeur Trenggana entreprend l'expansion du royaume vers l'est et l'ouest du Pasisir. À l'est, Demak conquiert en 1527 Tuban, le grand port de Majapahit, et Kediri, ancienne vassale de Majapahit qui semble avoir pris le contrôle du territoire. La tradition javanaise voit dans Demak le successeur de Majapahit. À l'ouest, Demak prend Cirebon, déjà musulmane, sous sa protection et conquiert en 1526 Banten, un port du royaume hindouiste sundanais de Pajajaran. L'expansion de Demak favorise l'essor de l'islam sur le Pasisir.

Voir aussi : Majapahit ~ Malacca ~ Chinois d'Indonésie

Icône de détail Articles détaillés : Muhammadiyah et Nahdatul Ulama.

[modifier] Est de l'archipel

On identifie les étapes suivantes :

[modifier] Notes et références

  1. CIA, World Factbook 2007
  2. Raden Abdulkadir, Islam in the Netherlands East Indies, The Far Eastern Quarterly, vol2, p.48-57, 1942

[modifier] Bibliographie

  • Buresi, Pascal, Géo-histoire de l'islam, Paris, Belin, 2005
  • Feillard, Andrée, Islam et armée dans l'Indonésie contemporaine : Les pionniers de la traditions, 2000
  • Feillard, Andrée et Rémy Madinier, La Fin de l'innocence ? : L'islam indonésien face à la tentation radicale de 1967 à nos jours, 2006
  • Ricklefs, M. C., Mystic Synthesis in Java, 2006