Hypertension artérielle gravidique

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L'hypertension artérielle gravidique devient la première cause de mortalité maternelle au cours de la grossesse dans les pays développés. Elle trouve son origine dans un trouble de la placentation. Le dépistage pourrait être fait grâce à l'étude indirecte de la placentation par l'étude des artères utérines par effet doppler.

Sommaire

[modifier] Définition

L'hypertension artérielle gravidique se définit comme une hypertension (pression artérielle systolique supérieure à 140 mm Hg et/ou pression artérielle diastolique supérieure à 90 mm Hg) isolée, sans protéinurie apparue à partir de la vingtième semaine d’aménorrhée (SA) en l’absence d’antécédent. Elle concerne 10 % des grossesses.

La pré-éclampsie (anciennement toxémie gravidique) est définie par l'association d'une hypertension artérielle gravidique associée à une protéinurie supérieure à 300 mg par jour. Elle concerne 3 % des grossesses.

[modifier] Physiopathologie

L'anomalie initiale menant à l'hypertension artérielle gravidique et ses complications est un trouble précoce de la placentation (anomalie d'invasion des artères spiralées utérines, qui sont de calibre insuffisant et ne perfusent pas correctement le placenta), ceci aboutit à une ischémie placentaire (le placenta ne reçoit pas assez de sang, et donc pas assez d'oxygène et de nutriments).

[modifier] Conséquences maternelles

En réponse à cette ischémie est produit un excès de facteurs vasoconstricteurs dont l'objectif est de diminuer le calibre des artérioles, et donc d'augmenter la pression de perfusion. L'effet pervers corollaire est une hypertension artérielle. À cette hypertension s'ajoutent des anomalies liées à la libération par le placenta ischémié de substances toxiques, qui altèrent la paroi des vaisseaux. Ceci aboutit à des lésions vasculaires rénales, hépatiques (microangiopathie thrombotique), cérébrales, et des troubles hématologiques (coagulation intravasculaire disséminée, thrombopénie) par action toxique sur les éléments du sang.

[modifier] Conséquences fœtales

Le fœtus ne reçoit pas assez de nutriments et d'oxygène, ce qui provoque une souffrance fœtale chronique avec retard de croissance intra-utérin dysharmonieux (car tardif, postérieur à la 20e semaine) : le cerveau est privilégié par la vascularisation aux dépens des viscères et des membres : on a un aspect échographique de « fœtus araignée » (grosse tête et membres grêles). L'ischémie rénale entraîne une diminution de la formation d'urine, et donc un oligoamnios (volume insuffisant du liquide amniotique).

[modifier] Diagnostic

[modifier] Facteurs de risque

L'hypertension artérielle gravidique est une maladie dont les causes sont à la fois immunologiques (mauvaise reconnaissance par les anticorps maternels de l'unité fœto-placentaire), génétique (il existe des formes familiales de prééclampsie), et mécanique (morphologie de l'utérus). Les causes principales sont :

  • la nulliparité (aucune grossesse) ou la première grossesse avec un nouveau partenaire,
  • les grossesses multiples,
  • des antécédents personnels ou familiaux d'hypertension, de diabète sucré, de maladie rénale, de lupus, de syndrome des antiphospholipides,
  • une exposition insuffisante au sperme (qui ne permet pas aux anticorps maternels de développer une tolérance aux antigènes paternels) par exemple par utilisation prolongée de préservatifs,
  • un âge maternel avancé,
  • l'obésité.

[modifier] Diagnostic clinique

  • À l'interrogatoire : recherche d'antécédents d'hypertension artérielle, de diabète, de retard de croissance in-utéro, d'hématome rétro-placentaire, de prématurité, de mort fœtale in-utéro, d'hypotrophie.

Recherche de complications : phosphènes, acouphènes, céphalées, douleur épigastrique, diminution des mouvements actifs fœtaux, œdèmes, prise de poids récente et importante.

  1. Brassard adapté au morphotype de la patiente.
  2. Le manomètre à colonne de mercure et la méthode auscultatoire constituent la référence. En général, la prise de pression est réalisée après un premier repérage de la pression artérielle systolique par la palpation du pouls radial. Le niveau de pression artérielle diastolique est celui pour lequel il y a disparition complète de tous les bruits.
  3. La mesure doit se faire au repos, la patiente est assise ou demi-assise, bien calée, le bras dénudé, détendu et positionné à la hauteur du cœur.
  • En cas de doute, une mesure de contrôle doit être effectuée 4 heures plus tard.
  • Pour ce qui est de la protéinurie, comme des publications récentes ont mis en exergue les faiblesses du dépistage par les bandelettes urinaires, il faut privilégier la détermination de la protéinurie des 24 heures, plus contraignante mais plus précise.
  • Mesure de la hauteur utérine, du poids, recherche d'œdèmes des membres inférieurs.

[modifier] Diagnostic paraclinique

Ces examens sont normaux en dehors d'une complication.

[modifier] Surveillance

[modifier] Complications

[modifier] Prééclampsie légère

  • Associe à une hypertension artérielle gravidique une protéinurie, supérieure à 300 mg/j ou supérieure, à 2 croix à la bandelette urinaire. Dans certains cas, la protéinurie peut manquer initialement, il est cependant licite de suspecter une prééclampsie devant une HTA de novo associée à l’un ou l’autre des signes suivants :
  • Signes de souffrance maternelle
  1. œdèmes d’apparition brutale ou rapidement aggravés
  2. uricémie supérieure à 350 µmol/L
  3. augmentation des transaminases hépatiques au-delà des normes du laboratoire
  4. plaquettes inférieures à 150 000/mm∏
  5. Hémolyse avec élévation des LDH et de l'haptoglobine, présence de schyzocytes, de réticulocytes,
  1. Diminution des mouvements actifs fœtaux
  2. retard de croissance intra-utérin (RCIU).
  3. Oligoamnios
  4. Anomalies du doppler ombilical

[modifier] Prééclampsie sévère

  • Se définit soit par une hypertension grave (pression artérielle systolique supérieure ou égale à 160 mm Hg et/ou pression artérielle diastolique supérieure ou égale à 110 mm Hg), soit une hypertension artérielle gravidique avec un ou plusieurs des signes suivants :
  1. douleurs épigastriques, nausées, vomissements,
  2. céphalées persistantes, hyper réflectivité ostéo-tendineuse, troubles visuels,
  3. protéinurie supérieure à 3,5 g/j,
  4. créatininémie supérieure à à 100 µmol/L,
  5. oligurie avec diurèse inférieure à 20 mL/H,
  6. hémolyse,
  7. transaminases hépatiques supérieures à trois fois la norme du laboratoire,
  8. thrombopénie inférieure à 100 000/mm∏.

[modifier] Éclampsie

Complication gravissime, elle survient dans environ 1 % des prééclampsies. Elle doit être redoutée devant certains symptômes qui doivent être particulièrement surveillés : céphalées en casque, douleurs abdominales intenses, nausées et vomissements, acouphènes et phosphènes, majoration des œdèmes.

Elle se manifeste par des crises convulsives généralisées, tonico-cloniques, suivi d'un coma post-critique. Le risque maternel est la survenue d'un état de mal épileptique, d'hémorragie cérébrale, d'infarctus cérébral, d'insuffisance respiratoire. La mortalité fœtale est très élevée (50 à 80 %).

Le traitement est une urgence absolue : libération des voies aériennes supérieures, traitement antiépileptique (par benzodiazépines), puis extraction fœtale par césarienne dès la fin de la crise.

La crise d'éclampsie peut se produire dans les 48 heures suivant l'accouchement.

[modifier] Hématome rétro-placentaire

Voir l'article détaillé : hématome rétro-placentaire.

[modifier] HELLP syndrome

C'est un syndrome grave, de définition purement biologique :

  • hémolyse, avec hausse des LDH, présence de schyzocytes, baisse de l'haptoglobine,
  • cytolyse hépatique avec hausse des transaminases,
  • thrombopénie inférieure à 100 000 plaquettes par mm³ de sang.

Ce syndrome témoigne de micro-angiopathie thrombotique et peut se compliquer d'hématome sous-capsulaire du foie, de rupture du foie. Le traitement est ici aussi l'extraction fœtale urgente.

[modifier] Autres complications maternelles

  • Hémorragie cérébrale
  • Œdème aiguë du poumon
  • Insuffisance rénale aiguë
  • Rupture hépatique

sont responsables des décès maternels.

[modifier] Complications fœtales

  • Mort fœtale in utero
  • Retard de croissance dysharmonieux
  • Souffrance fœtale aiguë (en particulier en cas d'hématome rétro-placentaire et d'éclampsie)
  • Prématurité (liée à l'obligation de césarienne urgente provoquée par les complications. De part les causes profondes de l'hypertension artérielle gravidique (anomalies du placenta), le seul vrai traitement est l'accouchement.)

[modifier] Traitement

Il est difficile de mettre en évidence le bénéfice du traitement médical de l'hypertension artérielle gravidique. Normaliser la tension artérielle ne diminue pas le risque d'hématome rétro placentaire, ne diminue pas les retards de croissance intra utérin. Le traitement n'a aucune influence sur la morbidité et la mortalité néonatale. La gravité de certaines hypertensions artérielles gravidiques précoces oblige parfois à proposer une interruption médicale de grossesse. Le seul vrai traitement de l'hypertension artérielle gravidique est l'arrêt de la grossesse.

[modifier] Hypertension artérielle gravidique non compliquée

  • Repos au lit, sur le flanc gauche (décubitus latéral gauche) afin d'améliorer la perfusion du placenta en décomprimant la veine cave inférieure,
  • arrêt de travail jusqu'à l'accouchement,
  • traitement antihypertenseur (alfa methyl dopa , hydralazine et inhibiteurs calciques sont autorisés),
  • diurétiques, inhibiteurs de l'enzyme de conversion et régime sans sel sont formellement contre-indiqués (en effet, l'hypertension gravidique s'accompagne d'une hypovolémie relative qu'il ne faut surtout pas aggraver),
  • surveillance stricte à domicile par un médecin ou une sage femme avec examens biologiques, échographiques, doppler régulier et hospitalisation en cas de signe de gravité (apparition d'une protéinurie en particulier).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes