Histoire de la police française

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Sommaire

En France, on ne peut à proprement parler de police avant le XVIIe siècle. Les auxiliaires de justice, sergents et archers, étaient mal payés et parfois incompétents. Les juges, note Arlette Lebigre, ne s'intéressaient guère à la chasse aux brigands, dangereuse et peu lucrative, contrairement aux procès civils, tandis que les malfaiteurs savaient jouer de l'enchevêtrement des juridictions et des compétences. Au XVIe siècle, la maréchaussée, police des armées, devient la police des campagnes… souvent plus nuisible que les voleurs eux-mêmes. Dans les villes médiévales, les autorités organisaient des rondes de nuit (guet); mais c'était souvent les habitants qui remettaient les suspects aux mains de la justice. Aux XVIe et XVIIe siècles, cette solidarité laissa la place à la peur et à l'indifférence. Les misérables affluaient des campagnes, submergeant les villes. Les cours des miracles se multipliaient dans Paris.

Véhicule de la police française en 2007.
Véhicule de la police française en 2007.

[modifier] Naissance de la police à l'époque moderne

Icône de détail Article détaillé : Lieutenant général de police.

Dans son acception moderne, le terme de police revêt une réalité très large : associé dans la formule médiévale, au notion de « justice » et de « finance », il désigne des tâches multiples, édilitaires, sanitaires, économiques, de la cité au royaume, dont l’expansion est partie liée à celle des villes. Progressivement, la police est l’ordre en toute chose dans la cité. Plus généralement, elle est aussi l’administration des sociétés dites policées. C’est l’emploi qu’en fait Louis Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris, en évoquant les lois qui régissent la vie urbaine. A la fin du siècle, le terme se précise et tend à s’approcher de l'acception contemporaine : non plus l’administration, mais une part de celle-ci, qui obéit à deux missions principales : surveiller et punir.

Le 24 août 1665, le lieutenant criminel Tardieu et sa femme sont assassinés chez eux par des voleurs. Colbert et Louis XIV réagissent en séparant à Paris la police de la justice et en la plaçant sous l'autorité d'un lieutenant de police (édit de 1667). La police était née. La Reynie fut le premier lieutenant de police, en fait une sorte de gouverneur de Paris. Sa tâche, colossale, était de lutter contre la pègre et de la surveiller, mais aussi de mettre sur pied une véritable administration centralisée. Ses principales missions revenaient à faire respecter les édits, jusque là lettre morte, réglementer le commerce, les manufactures, organiser des secours en cas d'incendie, assurer l'hygiène des rues, l'approvisionnement et la stabilité des prix. Il lui fallait encore veiller à la censure et à l'information du pouvoir. Il augmenta les effectifs du guet et le nombre de rondes de nuit ; il fit raser la Cour des miracles. Il réussit à se faire obéir par les commissaires au Châtelet, dont il augmenta le nombre afin de les répartir dans tous les quartiers de Paris. Mieux payés, ils devaient rendre compte chaque jour de leurs activités.

À la fin de l'Ancien Régime, le lieutenant de police occupe un poste très politique. Véritable ministre sans le titre, il lui faut naviguer entre la Cour, le Parlement, mais aussi une opinion publique très frondeuse. En 1753, la moitié du budget de la police parisienne servait à rémunérer les indicateurs. Le lieutenant de police d'Argenson fit ficher les personnalités. Leur correspondance transitait par un Cabinet noir. Quant au peuple de Paris, il était exaspéré par les contrôles tatillons et la corruption de la police.

[modifier] Une police surtout politique

L'ancienne police s'évanouit en 1789. La Lieutenance générale de police de Paris disparut, tandis que la police fut confiée aux municipalités. Dans les plus grandes villes, divisées en sections, la police était confiée à des commissaires élus par les citoyens de chaque section, secondés par la Garde nationale, une milice, placés sous l'autorité de la municipalité. Les compagnies de maréchaussées furent fusionnées pour former la Gendarmerie nationale en 1791, chargée essentiellement de la police des campagnes. Après la chute de la royauté en août 1792, le Comité de sûreté générale et les autres polices révolutionnaires, promptes à alimenter la guillotine, se substituent à l'éphémère garde nationale élue. En 1795, de Terreur en Contre-terreur, la police est totalement désorganisée. Le Directoire crée le ministère de la Police générale, mais la police dépend en fait des autorités locales. Pire, le ministère de la Police (c'est-à-dire Fouché) finança en partie le coup d'État du 18 brumaire, estime Denis Woronoff. Bonaparte, premier Consul, entreprend de constituer une police à sa dévotion, dont il nomme lui-même les commissaires. Il crée la Préfecture de police de Paris, héritière de la Lieutenance générale. Fouché, pendant les dix ans de son "règne", s'intéressera presque exclusivement à la police politique. Sous la Restauration, le ministère de la Police générale est supprimé (il sera rétabli par Napoléon III). La Préfecture de police étend alors son action jusqu'en Province, tandis que le caractère policier du pouvoir s'accentue encore. C'est pourtant à la toute fin de la Restauration qu'est créé le "sergent de ville", au service de la sécurité et de la prévention. Mais sous la monarchie de Juillet, cette nouvelle forme de police se voit détournée de sa fonction première. Avec Napoléon III, la police politique prospère, aux dépens de la police judiciaire, souligne A. Lebigre. En 1858 l'attentat d'Orsini contre l'Empereur est l'occasion d'une vague de répression. Durant tout le second Empire, les effectifs de la police sont passés de 5000 à 12 000 hommes, mais cela s'explique en partie par la croissance des villes, considère Alain Plessis. La Révolution industrielle, de par les conditions de vie inhumaine du prolétariat, alimente la délinquance et l'esprit de révolte. De 1826 à 1880, la criminalité aurait quadruplé. Les Renseignements généraux, créés en 1855, travaillent à prendre la température de l'opinion publique, mais aussi à surveiller les personnalités et à traquer les opposants ainsi que les propagateurs du socialisme. À la fin du XIXe siècle la police est pour la première fois confrontée, avec les anarchistes, au terrorisme international. Pour avoir refusé la grâce de l'anarchiste Vaillant, le président Sadi Carnot est ainsi poignardé le 24 juin 1894 par Caserio.

[modifier] La police au XIXe et XXe siècles

La police connaît des héritages parfois pesants. La Belle Époque est aussi celle des Apaches, qui narguent la police, des bandes organisées qui écument la province. En 1907, Le Petit journal faisait du triplement en 50 ans de la "criminalité juvénile" la une de son supplément illustré. Georges Clemenceau crée en 1907 les premières brigades mobiles de la PJ, les "brigades du Tigre". C'est désormais la guerre entre la Sûreté générale, autonome depuis 1877, dont dépendent, outre ces brigades, RG et contre-espionnage, et la Préfecture de police.

[modifier] La police sous Vichy

De fait, coexistent en France différentes polices, créées au fur et à mesure des besoins sans coordination entre elles. Afin d'en faire un instrument efficace, Vichy travaillera à unifier et à réorganiser la police par la loi de 1941, qui crée la Police Nationale. En 1941 seront aussi créés les GMR (Groupes mobiles de réserves) destinés à constituer une police de mantien de l'ordre et de police des foules. A partir de 1942, la Police Nationale a à sa tête René Bousquet, un haut-fonctionnaire qui conclut des accords de collaboration avec le général SS Karl Oberg, chef de la Gestapo et de la police allemande en France, La nouvelle Police Nationale se trouve de ce fait engagée dans des actions contre la Résistance et participe aux arrestations des juifs, notamment à l'occasion de la rafle du vel'd'hiv du 16-17 juillet 1942, Bousquet sera remplacé, fin 1943, par Joseph Darnand, un collaborationniste virulent qui se trouvait à la tête de la Milice. Après la Libération, épurées de leurs éléments les plus compromis, les institutions créées par le régime de Vichy ne seront pas remises en cause, la Police Nationale conservant son rôle unificateur, limité par l'autonomie de la Préfecture de Police de Paris, et les GMR, après dissolution en novembre1944, donnant naissance, en intégrant des éléments des Forces Françaises de l'Intérieur, aux Compagnies républicaines de sécurité (CRS).

[modifier] La police sous la IVe et Ve République

CRS et manifestants pendant la lutte contre l'extension du camp militaire, Larzac janvier 1973
CRS et manifestants pendant la lutte contre l'extension du camp militaire, Larzac janvier 1973

Maurice Papon, ancien collaborateur, inculpé en 1983 de crimes contre l'humanité (mais ce n'est qu'en 1997 que débutera son procès), a été préfet de police de 1958 à 1966. Il a écrasé dans le sang la manifestation pro-FLN du 17 octobre 1961 ainsi que la manifestation à Charonne en 1962.

Plus généralement, la préfecture de Police se trouve mêlée sous la Ve République à de nombreux scandales, en raison de sa grande autonomie d'action. En 1966, elle se voit fondue avec la Sûreté générale dans la Police nationale. En 1968, le sang-froid du préfet de police Maurice Grimaud explique le faible nombre des victimes des affrontements entre étudiants et CRS.

[modifier] La police aujourd'hui

Actuellement la police est confrontée à la montée de la petite et moyenne délinquance comme aux nouvelles formes de criminalité organisée, liées aux trafics mondiaux et à l'informatique. On lui demande de pallier, par la répression ou la prévention, les carences de la socialisation, voire d'incarner à elle seule l'État dans certains quartiers. Tandis que la gauche insiste sur le rôle de la « police de proximité » et de la prévention, la droite privilégie la répression.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Michel Auboin, Arnaud Teyssier et Jean Tulard, La police, Histoire et dictionnaire, Éditions Robert Laffont, 2005, (ISBN 2221085736)
  • Michel Bergès, Le syndicalisme policier en France (1880-1940), L'Harmattan, Collection sécurité et société, 1995
  • Jean-Marc Berlière, avec Laurent Chabrun, Les policiers français sous l'occupation d'après les archives inédites de l'épuration, Perrin, 2001
  • Catherine Denys, Police et sécurité au XVIIIe siècle dans les villes de la frontière franco-belge, L'Harmattan, Coll. Sécurité et société, 2001
  • Georges Carrot, Histoire du maintien de l'ordre en France, Presses de l'IEP de Toulouse, 1984, 2 vol,
  • Georges Carrot, Histoire de la police française, Taillandier, 1992
  • Arlette Lebigre, La Police: une histoire sous influence, Gallimard, 1993.
  • Hélène L'Heuillet, Basse politique, haute police, une approche philosophique et historique, Fayard, 2001, 434 p.
  • Jean-Louis Loubet del Bayle, Police et politique. Une approche sociologique. L'Harmattan, 2006
  • Alain Pinel, Une police de Vichy : les Groupes Mobiles de Réserve (1941-1944), L'Harmattan, Collection Securité et société, 2004.
  • Paolo Napoli, Naissance de la police moderne, pouvoir, norme, société, La Découverte, 2003, 307 p.
  • Société d'histoire de la révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle, Maintien de l'ordre et polices en France et en Europe au XIXe siècle, Paris, Créaphis, 1987, 413 p. – Voir l'introduction par Alain Faure : "Nos intentions... et quelques résultats", à télécharger de la page-catalogue de ses travaux publiés [1]

[modifier] Liens externes