Hermann Rauschning

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Hermann Rauschning (Thorn (aujourd'hui Toruń, en Pologne), 1887 - 1982) était un homme politique conservateur allemand. Membre du Parti nazi, il était président du Sénat de Dantzig. Il démissionne de cette charge en 1935, et doit fuir l'Allemagne ; exilé en Suisse, en France, puis aux États-Unis, il devient un opposant au régime nazi, et écrit plusieurs ouvrages dans lesquels il cherche à avertir ses contemporains de la nature nihiliste du mouvement dirigé par Hitler.

Sommaire

[modifier] Biographie

Descendant d'une famille de propriétaires terriens de Prusse-Orientale, appartenant à l'aristocratie militaire des Junkers, il intègre le corps des Cadets prussiens. Il est blessé au cours de la Première Guerre mondiale. Riche propriétaire, agronome compétent, il devient président de l'Association des agriculteurs de Dantzig. Pensant que le national-socialisme était le seul moyen de sortir l'Allemagne de la situation pénible qu'elle connaissait alors, il adhère au NSDAP, puis est élu au Sénat de Dantzig, devenue ville-libre.

Mais quand le parti commence à exiger de lui qu'il mette en œuvre le Gleichschaltung (processus tendant à établir le totalitarisme), fasse arrêter les prêtres catholiques s'opposant au régime, applique la législation discriminatoire à l'égard des Juifs et supprime les autres partis politiques, il refuse, et démissionne du parti. Aux élections d'avril 1935, il soutient le constitutionnalisme, et doit abandonner ses exploitations agricoles et finalement quitter Dantzig, où l'influence nazie se fait de plus en plus pressante.

Il fuit d'abord en 1936 en Suisse, émigre en France en 1938 et part l'année suivante au Royaume-Uni. En 1941, il achète finalement une exploitation agricole à Portland, dans l'Oregon, qu'il ne devait plus quitter.

En 1939, paraît l'édition française de son livre Hitler m'a dit, où il relate des confidences qu'il prétend avoir reçues de Hitler lors d'entretiens particuliers.

[modifier] Critiques

Des historiens (dont certains au moins sont indemnes du soupçon de sympathie envers le nazisme) ont mis en doute l'entière véracité du livre Hitler m'a dit de Rauschning.

Theodor Schieder[1] contredit Rauschning, notamment sur son degré d'intimité avec Hitler.
En 1984, un professeur d'histoire suisse, Wolfgang Hänel, soutint que, contrairement à ses affirmations, Rauschning avait rencontré Hitler au plus quatre fois et jamais seul à seul[2].
Samuel W. Mitcham, Jr.[3] note que "Wolkgang Koch, un autre historien éminent de l'époque nazie, est d'accord avec l'opinion de Henry Ashby Turner et fait aussi observer que Reeves (Emery Reeves, autre nom de Imre Rosenbaum, dit aussi Imre Réves, journaliste antinazi, directeur d'une agence de presse à Paris) aida Hermann Rauschning à écrire le livre Hitler m'a dit[4].
D'après l’Encyclopedia of the Third Reich[5], "The research of the Swiss educator Wolfgang Hänel has made it clear that the 'Conversations' were mostly free inventions." (« Les recherches de l'enseignant suisse Wolfgang Hänel ont rendu clair que les Conversations étaient pour l'essentiel de pures inventions. »)

L'historien britannique Ian Kershaw, auteur d'une biographie d'Adolf Hitler qui fait autorité[6] écrit : « I have on no single occasion cited Hermann Rauschning's 'Hitler Speaks', a work now regarded to have so little authenticity that it is best to disregard it altogether. » (« Je n'ai pas cité une seule fois Hitler m'a dit, de Rauschning, car on considère maintenant ce livre comme si peu authentique qu'il vaut mieux l'ignorer complètement. »

Dans une « Note de l'éditeur » précédant la réédition française de 2005 de Hitler m'a dit[7], on lit : « Après avoir fait longtemps figure de source privilégiée pour la compréhension d'Hitler et de sa doctrine, l'ouvrage de Rauschning a été contesté par de nombreux historiens, qui en ont suspecté l'authenticité. (...) Mais la plupart des historiens continuent d'estimer qu'il s'agit d'une source importante, Rauschning ayant rassemblé et compilé des propos et des écrits d'Hitler lui-même. »
Il semble donc que, dans certains cas au moins, Rauschning ait prétendu mensongèrement tenir de la bouche d'Hitler des propos qui provenaient en réalité d'écrits d'Hitler. Le livre de Rauschning vaut donc ce que valent ses sources.

[modifier] Œuvres

  • Hitler m'a dit, Paris, éd. Coopération, 1939. Réédité avec un avant-propos (de 1979) de Raoul Girardet, Hachette, 2005, ISBN 2012792391
  • La Révolution du nihilisme, Gallimard, 1940
  • L'Allemagne entre l'ouest et l'est - la révolution européenne, Julliard, 1952.
  • Le Temps du délire (die Zeit des Deliriums), Luf Paris, Egloff Fribourg, 1948.

[modifier] Études

  • Pia Nordblom, « Wider die These von der bewussten Fälschung. Bemerkungen zu den Gesprächen mit Hitler », in Jürgen Heusel et Pia Nordblom (éd.), Hermann Rauschning. Materialen und Beiträge zu einer politischen Biographie, Varsovie, Fondation Friedrich Ebert, 2002; 2e éd., Osnabrück, Fibre Verlag, 2003. (Sur la question de l'authenticité / véracité de « Hitler m'a dit ». Conseillé dans la note précédant la réédition française de 2005.)

[modifier] Notes et références

  1. Hermann Rauschning "Gespräche mit Hitler" als Geschichtsquelle (Opladen, Westdeutscher Verlag, 1972)
  2. Hänel a fait d'autres critiques. Il a notamment rappelé un rapprochement, déjà fait par Bergier et Pauwels dans le Matin des magiciens, Gallimard 1960, entre une scène de Hitler m'a dit et un passage du Horla de Maupassant.
  3. Why Hitler, the Genesis of the Nazi Reich, Praeger, Westport and London, 1996 p. 137
  4. Mitcham renvoie à H. W. Koch, « 1933: The Legality of Hitler's Assumption of Power », in H.W. Koch, ed., Aspects of the Third Reich, New York, St. Martin's Press, 1985, p. 39 et 55.
  5. MacMillan Publishing, 1991, volume 2, page 757, (tr. anglaise de : Christian Zentner et Friedemann Bedürftig dir., Das Große Lexikon des Dritten Reiches, Munich, 1985)
  6. Hitler, vol. 1, Londres, 1998, p. xiv.
  7. Hachette, collection Pluriel
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