Henri Ey

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Henry Ey (Banyuls-dels-Aspres 10 août 1900 - Banyuls-dels-Aspres 8 novembre 1977) est un psychiatre et psychanalyste français, connu pour avoir cherché à rapprocher psychiatrie et psychanalyse.

Très fécond par ses écrits, notamment un traité de psychiatrie (Masson éd. 1980) et par son enseignement de cas cliniques à la bibliothèque de l'hôpital parisien Sainte-Anne, alors qu'il dirige un CHS à Bonneval, en Eure-et-Loir.

Sa conception de la psychiatrie gravite autour de l'organodynamisme.

Sommaire

[modifier] Idéologie

Henri Ey s'est attaché à souligner à la fois les soubassements organiques (hérédité, physiopathologie, neuromédiateurs cérébraux, etc.) et la perspective dynamique, psychanalytique à l'écoute de la parole du sujet. Son approche s'intitule l’organodynamisme.

L'organodynamisme tente une synthèse entre les symptômes psychiatriques et les données neurophysiologiques. Il se base sur l'idée que la défaillance d'une fonction peut engendrer l'excessif développement d'une autre jusqu'au saut dans le pathologique.

Ses sources historiques et théoriques sont à chercher dans le courant jacksonien et néo-jacksonien.

L'histoire du jacksonisme en psychiatrie est d'abord celle d'un échange entre le fait clinique neurologique et l'évolutionnisme.

Dans les années 30 paraissent certaines œuvres de John Hughlings Jackson : le modèle de Jackson est aussi applicable à la psychiatrie, par exemple on l'a utilisé dans la description de la schizophrénie (distinction des symptômes primaires et des symptômes secondaires).

Il a défendu (à partir de 1936 et enrichi jusqu’à sa mort) une théorie médico-philosophique, l'Organodynamisme (OD) qui est –mais n'est pas que cela- un « néo-jacksonnisme », parce que reprenant à J.H. Jackson l'opposition des phénomènes négatifs et positifs, exprimés par le phénomène de dissolution (*) impliquant une inscription corporelle du déficit, une tendance au maintien ou à la restauration d’ensembles signifiants (référence à la Ganzeithéorie de Goldstein), une hiérarchie des niveaux et une normativité évolutive de l’organisme (référence à Spencer et à Fr. Jacob); enfin, une ontologie stratifiée des niveaux de l'Être (référence à Nicolaï Hartman).
Tout cela se déroule selon un jeu « dialectique » portant sur des oppositions à l’intérieur de dipôles qui sont les « 7 concepts-clés » couronnant le Traité des Hallucinations (1973) : couples antinomiques qui « ne peuvent se définir chacun que par son contraire, c’est-à-dire que s’excluant réciproquement, ils se lient » (paradigme de distinction-conjonction d’Edgar Morin). Ce sont :

  1. - le Sujet et l'Objet
  2. - Le Moi et autrui
  3. - La Cs et l'Ics
  4. - Le Symbolique (enraciné dans le corps) et la pensée abstraite
  5. - Le Réel et l'Imaginaire
  6. - L'Expression (du désir) et la Création (de l'œuvre)
  7. - La Volonté et l'Automatisme.


Le versant négatif s'ouvre sur une mise en garde : il n'est ni prudent, ni raisonnable d'inférer directement, du trouble organique à sa matérialisation dans et par le symptôme (mécanicisme). Il y a toujours un « écart organo-clinique ». Cela sous-entend qu'il y a un processus de réorganisation dans le processus de désorganisation et qu'il y a toujours un événement psychique dans le fait psychopathologique. Pour autant, si la symptomatologie est, dans sa manifestation, relativement indépendante du trouble négatif, elle en est toujours pathogéniquement dépendante.
Le versant positif accueille toutes les productions de la création artistique, de l'inspiration poétique, de la « Folie » (le « noyau lyrique » de l’humanité) et fait donc une place importante à la psychanalyse. Psychanalyse dont Ey combat l’impérialisme (1970), mais dont il utilise les concepts ; soucieux non pas de renverser Freud mais de le compléter. Au point qu’on a pu résumer son projet –qui, là non plus, ne saurait se réduire à cela- à celui de « l'unification de la psychiatrie et de la psychanalyse » (R. Sarro, 1978).

[modifier] Critique

Il y a dans l'organodynamisme l'idée que l'opposition de la Psyché et du Soma, de la psychogénèse (causalité psychique) et de l'organogénèse n'est pas heuristique. L'être humain, le « corps psychique » n'est pas duel, mais bipolaire. Le corps se prolonge historiquement par l'esprit ou encore, pour parler comme Aristote et Thomas d’Aquin, “l'Esprit est la forme du corps”. Théorie toujours réfutable selon les principes Poppériens, synthèse ambitieuse mais ouverte (hospitalité de cette théorie comme celle, légendaire, de l'homme), surtout cadre de travail bien utile et même de plus en plus indispensable dans le désarroi épistémique actuel, le morcellement des théories et des pratiques en médecine psychiatrique (RM. Palem).

[modifier] Ey et le Japon

Le docteur Henri Ey a toujours été ému par l'intérêt que les psychiatres japonais ont porté à son œuvre (ainsi qu'il apparaît dans sa correspondance avec le Professeur Hiroshi Ohashi de Kyoto et Osaka, en 1969, à propos de la traduction de La Conscience). Mais cet intérêt s'était manifesté dès 1939, en des temps bien troublés (lettre d'O.Miyagi, de Tokyo, conservée aux Archives), à propos de sa conception organo-dynamique.

Plus récemment, en janvier 1995, sur Internet, le docteur Fuyuhiko Furukawa (du Women's Medical College de Tokyo), à l'occasion d'un échange avec des psychiatres nord-américains qui n'avaient jamais entendu parler de H.Ey, déclarait que « Henri Ey est un des psychopathologues les plus connus au Japon ». Ce psychiatre nord-américain s'est depuis excusé de ses « lacunes » en apprenant que H. Ey avait été traduit en anglais, en 1978 aux Presses de l'Indiana (Consciousness) et était docteur honoris causa de l'université de Montréal.

[modifier] Bibliographie de Henri Ey

  • Hallucinations et Délire, Alcan 1934.
  • Des idées de Jackson à un modèle organo-dynamique en psychiatrie, Doin 1938, Privat 1975, L’Harmattan 1997.
  • Le Problème de la psychogenèse des névroses et des psychoses (avec L. Bonnafé, S. Follin, J. Lacan, J. Rouart), Desclée de Brouwer,1950.Réédition 1977 et 2004 (Tchou)
  • Études psychiatriques : Desclée de Brouwer t.I, 1948, 296p; t.II. 1950, 550p; t.III 1954.
  • Traité de psychiatrie de l’Encyclopédie Médico-chirurgicale (avec 142 collaborateurs), 3 t. 1955.
  • Manuel de psychiatrie (avec Bernard et Brisset), Masson 1960, 5 fois réédité.
  • L’Inconscient 1 vol. Desclée de Brouwer 1966. Réédition 2004 (Tchou)
  • La Conscience, l vol. PUF 439p (1963) et Desclée de Brouwer 1968.
  • Conscience, article in Encyclopædia universalis, vol.IV, mai 1969,922-927.
  • La dissolution de la conscience dans le sommeil et le rêve et ses rapports avec la psychopathologie. Esquisse d'une théorie de la relativité généralisée de la désorganisation de l'être conscient et des diverses maladies mentales, in l'Evolution psychiatrique, rééd.: 2007, n0 72, ISBN 2842998981
  • Traité des hallucinations, Masson 1973, 2 tomes. Réédition 2004 (Tchou)
  • La Notion de schizophrénie (séminaire de Thuir), Desclée de Brouwer 1975.
  • Psychophysiologie du sommeil et psychiatrie. Masson 1974.
  • Défense et illustration de la psychiatrie, Masson 1977.
  • Naissance de la médecine. 1 vol. Masson, 1981.

[modifier] Bibliographie sur Henri Ey

  • Hommage à Henri Ey, Évolution psychiatrique n° spécial 1977, 530 p. (48 auteurs); avec la Bibliographie complète des œuvres de H. Ey par J.Grignon (présente aussi sur le site de l’Association H.Ey: <www.ey.asso.fr> ).
  • Blanc (CJ), Durand, (Ch.), Kammerer (Th.), Laboucarié (J.) : article "Henri Ey" in Encyclopædia Universalis Plurisciences 1978.
  • Tatossian (A.), Albernhe (T.) et Roux (J.) : La pensée de Henri Ey. Ed. médicales Spécia, 1990.
  • Blanc (CJ.) :
  • Henri Ey, théoricien de la conscience, Actualité d’une œuvre historique, in Psychiatrie française 1996, n°1,33-46.
  • Psychiatrie et pensée philosophique. Intercritique et quête sans fin. 1 vol. L’Harmattan 1998.
  • Blanc (CJ), Chazaud (J.) et coll.: La Psychopathologie et la philosophie de l’esprit au Salon. 1 vol. L’Harmattan, 2001.
  • Garrabe (J.)
    • Les Etudes cliniques et psychopathologiques sur la schizophrénie de H.Ey. Empêcheurs/Synthelabo 1996.
    • Henri Ey et la pensée psychiatrique contemporaine. Empêcheurs,1997.
  • Palem (R.M), Belzeaux (P.) et coll.: Henri Ey, un humaniste catalan dans le siècle et dans l’Histoire, 1997, Ed.Trabucaire, 2 rue Jouy d’Arnaud 66140 Canet-en-Roussillon.
  • Palem (RM.)
    • H. Ey psychiatre et philosophe. Ed.Rive droite, Paris, 1997
    • La modernité d’H. Ey: l’organodynamisme. Desclée de Brouwer éd.1997 et Soronsha Tokyo 2004 (trad. T.Fujimoto).
    • Organodynamisme et neurocognitivisme. L'Harmattan éd.2006
  • Prats (Ph.) : Une psychiatrie philosophique : l’organodynamisme comme anthropologie, L’Harmattan éd., 2001.
  • Belzeaux (P.) : Vie et œuvre de H.Ey (chronologie) sur le site WEB de l’Association pour la Fondation H.Ey : <www.ey.asso.fr>
  • Charles (M.): Ey-Lacan: du dialogue au débat ou l'homme en question. L'Harmattan 2004. -Henri Ey psychiatre du XXIe siècle. Actualité de l'œuvre d'Henri Ey", collectif de l’Assoc. Fondation HEY, Ed. : L'Harmattan, 2000.
  • Jacques Chazaud, Lucien Bonnafé : La folie au naturel, le premier colloque de Bonneval comme moment décisif de la psychiatrie, l'Harmattant, 2005, ISBN 2747598365
  • Evans (Ph.) : Henri Ey’s concepts of the organisation of Consciousness and its disorganization: an extension of Jacksonian theory. Brain vol.95,II,1972,413-440.
  • Farina (B.), Ceccarelli (M.), Di Giannantonio (M.) : Henri Ey’s Neojacksonism and the Pychopathology of disintegrated mind. Psychopathology 543, 2005 Karger AG. Basel

[modifier] Liens externes

Autres langues