Groupes d'homotopie des sphères

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Le j-ieme groupe d'homotopie de \mathbb{S}^n noté \pi_{j}(\mathbb{S}^n) est l'ensemble des classes d'homotopie d'applications [\mathbb{S}^j\to\mathbb{S}^n]\quad qui envoient un point fixé de la sphère \mathbb{S}^j sur un point fixé de la sphère \mathbb{S}^n. Cet ensemble (pour j et n fixés) peut être muni d'une structure de groupe abélien.

La suite spectrale de Serre fut inventée pour calculer les groupes d'homotopie des sphères, mais aucune liste complète de ces groupes n'est connue. Pour calculer ces groupes, on utilise aussi les fibrations de Hopf et la technique des variétés équipées (framed en anglais) qui provient de la théorie du cobordisme.

Sommaire

[modifier] Propriétés générales

Nous donnons quelques résultats :

  • Les groupes d'homotopie des sphères sont abéliens de type fini (avec un nombre fini de générateurs).
  • \pi_j(\mathbb{S}^n)=0,\quad pour\quad  j\leqslant n-1
  • \pi_n(\mathbb{S}^n)=\mathbb{Z}

[modifier] Dimension 1

En dimension 1, on a:

  • \pi_1(\mathbb{S}^1)=\mathbb{Z},
  • \pi_q(\mathbb{S}^1)=0,\quad pour\quad  q\geqslant 2

[modifier] Dimensions 2 et 3

En dimension 2 et 3, la fibration de Hopf et d'autres techniques permettent d'obtenir :

  • \pi_1(\mathbb{S}^2)=\pi_1(\mathbb{S}^3)=\pi_2(\mathbb{S}^3)=0
  • \pi_2(\mathbb{S}^2)=\pi_3(\mathbb{S}^2)=\pi_3(\mathbb{S}^3)=\mathbb{Z}
  • \pi_4(\mathbb{S}^2)=\pi_4(\mathbb{S}^3)=\pi_5(\mathbb{S}^2)=\pi_5(\mathbb{S}^3)=\mathbb{Z}/(2)
  • \pi_6(\mathbb{S}^2)=\pi_6(\mathbb{S}^3)=\mathbb{Z}/(12)
  • \pi_j(\mathbb{S}^3)=\pi_j(\mathbb{S}^2) pour j\geqslant 3
Groupes d'homotopie de \mathbb{S}^3 et \mathbb{S}^2
k 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22
\pi_k(\mathbb{S}^3)=
\pi_k(\mathbb{S}^2)
Z Z2 Z2 Z12 Z2 Z2 Z3 Z15 Z2 Z22 Z12Z2 Z84Z22 Z22 Z6=
Z2Z3
Z30=
Z2Z15
Z30=
Z2Z15
Z2Z6=
Z22Z3
Z22Z12 Z22Z12 Z22Z132

[modifier] Théorie générale

Calculer les groupes d'homotopie des sphères est difficile et les résultats sont compliqués. La table suivante donne une idée de la complexité :

π1 π2 π3 π4 π5 π6 π7 π8 π9 π10 π11 π12 π13 π14 π15
S1 Z 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
S2 0 Z Z Z2 Z2 Z12 Z2 Z2 Z3 Z15 Z2 Z22 Z12×Z2 Z84×Z22 Z22
S3 0 0 Z Z2 Z2 Z12 Z2 Z2 Z3 Z15 Z2 Z22 Z12×Z2 Z84×Z22 Z22
S4 0 0 0 Z Z2 Z2 Z×Z12 Z22 Z22 Z24×Z3 Z15 Z2 Z23 Z120×Z12×Z2 Z84×Z25
S5 0 0 0 0 Z Z2 Z2 Z24 Z2 Z2 Z2 Z30 Z2 Z23 Z72×Z2
S6 0 0 0 0 0 Z Z2 Z2 Z24 0 Z Z2 Z60 Z24×Z2 Z23
S7 0 0 0 0 0 0 Z Z2 Z2 Z24 0 0 Z2 Z120 Z23
S8 0 0 0 0 0 0 0 Z Z2 Z2 Z24 0 0 Z2 Z×Z120
S9 0 0 0 0 0 0 0 0 Z Z2 Z2 Z24 0 0 Z2

Les entrées de la table sont soit le groupe trivial 0, soir le groupe monogène infini \mathbb Z, soit les groupes abéliens finis ou encore le produit de tels groupes abéliens.

[modifier] Stabilité en grandes dimensions

Pour les dimensions supérieures, on a:

  • \pi_{n}(\mathbb{S}^{n})=\mathbb{Z},\quad n\geqslant 1
  • \pi_{n+1}(\mathbb{S}^{n})=\mathbb{Z}/(2),\quad n\geqslant 3
  • \pi_{n+2}(\mathbb{S}^{n})=\mathbb{Z}/(2),\quad n\geqslant 2

Comme il peut être conjecturé, il s'avère que \Gamma_k=\pi_{n+k}(\mathbb{S}^{n}) est indépendant de n pour n suffisamment grand. Ce phénomène est connu sous le nom de stabilité. Il résulte du théorème de Freudenthal suivant :

  • Le morphisme de suspension S:\pi_{n+k}(\mathbb{S}^n)\to\pi_{n+k+1}(\mathbb{S}^{n+1}) est un isomorphisme pour n\geqslant k+2
  • et un épimorphisme (morphisme surjectif) pour n = k + 1.

[modifier] Liste des groupes d'homotopie stable

Nous donnons la liste des premiers groupes stables \Gamma_k=\pi_{2k+2}(\mathbb{S}^{k+2})=\pi_{n+k}(\mathbb{S}^{n}),\quad n\geqslant k+2

  • \Gamma_{-j}=\pi_{n-j}(\mathbb{S}^{n})=0,
  • \Gamma_0=\pi_{n}(\mathbb{S}^{n})=\mathbb{Z},\quad n\geqslant 1
  • \Gamma_1=\pi_{n+1}(\mathbb{S}^{n})=\mathbb{Z}/(2),\quad n\geqslant 3
  • \Gamma_2=\pi_{n+2}(\mathbb{S}^{n})=\mathbb{Z}/(2),\quad n\geqslant 2
  • \Gamma_3=\pi_{n+3}(\mathbb{S}^{n})=\mathbb{Z}/(24),\quad n\geqslant 5
  • \Gamma_4=\pi_{n+4}(\mathbb{S}^{n})=0,\quad n\geqslant 6
  • \Gamma_5=\pi_{n+5}(\mathbb{S}^{n})=0,\quad n\geqslant 7
  • \Gamma_6=\pi_{n+6}(\mathbb{S}^{n})=\mathbb{Z}/(2),\quad n\geqslant 5
  • \Gamma_7=\pi_{n+7}(\mathbb{S}^{n})=\mathbb{Z}/(240),\quad n\geqslant 9
  • \Gamma_8=\pi_{n+8}(\mathbb{S}^{n})=\mathbb{Z}/(2)\oplus\mathbb{Z}/(2),\quad n\geqslant 10

Les groupes d'homotopie stable sont finis sauf pour k = 0.

Groupes d'homotopie stable \ \Gamma_k=\pi_{2k+2}(\mathbb{S}^{k+2})
k 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23
Γk Z Z2 Z2 Z24=
Z8
Z3
0 0 Z2 Z240=
Z16Z3
Z5
Z22 Z23 Z6 Z504=
Z8Z9
Z7
0 Z3 Z22 Z480Z2=
Z32Z2
Z3Z5
Z22 Z24 Z8Z2 Z264Z2=
Z8Z2
Z3Z11
Z24 Z22 Z22

Z16Z8Z2
Z9Z3
Z5Z7Z13

[modifier] p-composantes des groupes d'homotopie stable

Voir l'article Groupe abélien de type fini pour la classification des groupes abéliens finis et la notion de p-composante.

La table précédente incite à s'intéresser à la classe de congruence modulo 4 de k :

  • Si k est divisible par 4 ou congru à 1 ou 2 modulo 4 et si p est un nombre premier supérieur à 5, la p-composante de Γk est 0 (quel que soit p>5).
  • Si k est congru à 3 (ou -1) modulo 4, la p-composante de Γk est cyclique et d'ordre p (\Gamma_k(p)=\mathbb{Z}/(p)) si (p-1)/2 divise (k+1)/4, sinon elle est nulle (0).

Par exemple \Gamma_k(7)=\mathbb{Z}/(7) si k = 12n − 1 et Γk(7) = 0 sinon.

\Gamma_k(11)=\mathbb{Z}/(11) si k = 20n − 1 et Γk(11) = 0 sinon.

\Gamma_k(13)=\mathbb{Z}/(13) si k = 24n − 1 et Γk(13) = 0 sinon.

La complexité réside essentiellement dans les 2-, 3- et 5- composantes du groupe Γk.

[modifier] Groupes d'homotopie non stables

Les premiers groupes non stables sont les suivants :

  • Pour \pi_k(\mathbb{S}^2)=\pi_k(\mathbb{S}^3)
    • \pi_3(\mathbb{S}^2)=\pi_3(\mathbb{S}^3)=\mathbb{Z}
    • \pi_5(\mathbb{S}^2)=\pi_5(\mathbb{S}^3)=\pi_4(\mathbb{S}^2)=\mathbb{Z}/(2)
    • \pi_6(\mathbb{S}^2)=\pi_6(\mathbb{S}^3)=\mathbb{Z}/(12)
  • \pi_7(\mathbb{S}^4)=\mathbb{Z}/(12)\oplus\mathbb{Z}

[modifier] Groupes d'homotopie infinis

Les groupes d'homotopie stable \pi_{n+k}(\mathbb{S}^{n}) sont finis sauf pour k = 0 (\Gamma_0=\mathbb{Z}).

Les groupes d'homotopie instables sont finis sauf les groupes \pi_{4p-1}(\mathbb{S}^{2p}). Ces derniers (\pi_{3}(\mathbb{S}^{2}), \pi_{7}(\mathbb{S}^{4}), \pi_{11}(\mathbb{S}^{6}), ...) sont isomorphes à la somme directe de \mathbb{Z} et d'un groupe fini.

[modifier] Groupes d'homotopie non nuls

On sait que si n>1 il y a une infinité de groupes \pi_{k}(\mathbb{S}^{n}) qui sont non nuls (ce sont des résultats de Jean-Pierre Serre).

On sait aussi que \pi_k(\mathbb{S}^{5})\neq 0 pour tout k>4 (M.L. Curtis).

[modifier] Applications

  • Pour les applications du groupe fondamental (n=1), voir l'article Groupe fondamental.
  • Le fait que \pi_{n}(\mathbb{S}^{n})=\mathbb{Z} implique le théorème de Brouwer qui affirme que toute application continue de la boule (de dimension >1) dans elle-même a un point fixe.

Ce groupe permet de définir le degré de Brouwer d'une application de la sphère dans elle-même.

  • Les groupes d'homotopie stable sont importants en théorie des singularités.
  • Le fait que le 3e groupe d'homotopie stable est \mathbb{Z}/(24) implique le théorème de Rokhlin qui affirme que la signature d'une variété spinorielle de dimension 4 est divisible par 16.
  • Les groupes d'homotopie stable servent à décrire les groupes de h-cobordisme des homotopies orientées de sphères, qui pour n\neq 4 est le groupe des sphères exotiques orientées de dimension n.
  • Les groupes d'homotopie des sphères sont liés aux classes de bordisme des variétés.
  • Ils permettent également de calculer les groupes d'homotopie des fibrés, des groupes de Lie et des espaces symétriques.

[modifier] Généralisation en géométrie algébrique

En géométrie algébrique, on définit les \mathbb{S}^{n,i} qui sont les sphères de dimension n et de poids i.

On peut définir les groupes d'homotopie stable des sphères comme colimites (ou limite inductive) de l'ensemble des classes d'homotopie d'applications de \mathbb{S}^{2r+n,r} vers \mathbb{S}^{2r,r+i}

[modifier] Références en français

  • Doubrovine, Novikov, Fomenko : Géométrie contemporaine : tomes 2 et 3 , ed. Mir.
  • Claude Godbillon : Eléments de Topologie algébrique, ed. Hermann.
  • Fabien Morel : Groupes d'homotopie de sphères algébriques et formes quadratiques in Leçons de mathématiques d'aujourd'hui, volume 3, ed. Cassini (2007)
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