Foi et raison

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La séparation de l’Église et de l’État, dessin de 1905
La séparation de l’Église et de l’État, dessin de 1905

Le conflit entre la foi (dans son sens religieux) et la raison est aussi ancien que l’existence des religions et des sociétés humaines. Il a longtemps été au centre de débats philosophiques et théologiques. Pour l’homme contemporain, depuis le triomphe des Lumières dans les sociétés occidentales et particulièrement depuis la loi de 1905, dite de séparation des Églises et de l'État, celui qui place sa confiance dans la foi est devenu d’autant plus suspect. L’homme politique y perçoit un ferment du fanatisme. Le philosophe y voit une démission de la liberté de l’esprit. Le scientifique la trouve irrationnelle et le scientiste parle même d’obscurantisme.

Sommaire

[modifier] La foi

La foi est, dans les mots de Pascal « un pari » sur Dieu. Pari par lequel l’homme aurait tout à gagner, la vie éternelle, le paradis, et bien peu à perdre : sa misérable existence. Le pari implique cependant qu’il est toujours possible de perdre dans la mesure où l’objet de la foi n’est pas perceptible, en tous cas pas accessible à la raison.

Statue allégorique de la Foi, Venise
Statue allégorique de la Foi, Venise

La foi n’est pas une conviction rationnelle, elle est une certitude intime. Les Évangiles proclament « Bienheureux les pauvres en esprit, car ils verront Dieu » [1]. L’homme de foi est délivré des incertitudes morales, il est à l’écoute d’injonctions qui déterminent pour lui ce qui est bien et mal, il suit les interdits et les préceptes de sa religion. Connaissant le doute que provoque la raison, il a même pu se mortifier dans le passé pour museler les exigences du corps et de l’esprit pensant. Le temps de la foi sans la raison était fondé sur la conviction que « La raison était alors impuissante à penser le mystère de Dieu ».[2]. Le mystique tentera de se rapprocher de ce mystère par des voies qui ne sont pas celles de la raison.

[modifier] La raison

Pour Kierkegaard, la Foi est un « saut dans l’irrationnel » [3]. Pour Kant, dans Critique de la raison pure : « J’ai donc du supprimer le savoir pour lui substituer la croyance »[4] Dans ces conditions, la foi et la raison ont toujours semblé irréconciliables.

L’évidence mathématique (2+2=4) ne demande rien d’autre qu’un esprit clair. Elle n’implique pas de croyance. La virginité de Marie, les miracles, sont considérés comme des défis pour la raison, voire des aberrations. La raison est fondée sur le perceptible, elle exclut généralement la religion, comme Kant l’exprime clairement [5] : « La morale, qui est fondée sur le concept de l’homme, en tant qu’être libre s’obligeant pour cela même, par sa raison à des lois inconditionnées, n’a besoin ni de l’Idée d’un Être différent, supérieur à lui pour qu’il connaisse son devoir, ni d’un autre mobile que la loi… elle n’a aucunement besoin de la religion ».

Fête de la raison, dessin de 1793
Fête de la raison, dessin de 1793

[modifier] L’argument du conflit

Les promoteurs de la foi, comme les promoteurs de la raison se renvoient la même critique centrale. Pour saint Thomas d'Aquin, la philosophie devrait être la « servante » de la religion parce qu’elle est limitée à son champ d’investigation : les perceptions rationnelles terrestres. Pour le rationaliste, la religion est au mieux un objet d’étude des comportements et égarements humains, produits par la peur et la fuite du réel. L’une et l’autre se reprochent ainsi ce qu’elles perçoivent comme leurs propres limitations.

[modifier] Une possible réconciliation ?

Le rationalisme scientiste a permis de dénoncer la corruption de la religion. Mais derrière les excès et l’automatisme des rituels, existe un désir humain de répondre à des questions essentielles. Le savoir ne répond pas aux interrogations existentielles. C’est pourquoi ces dernières ressurgissent en permanence. Le goût du sacré demeure.

Pascal affirme dans ses Pensées que les « vérités de la foi » sont au-dessus de la raison et pas contre elle.

Selon Serge Carfantan [6] : « La seule position que la raison puisse tenir pour rendre justice à l’esprit religieux, c’est de reconnaître qu’il y a au-dessus d’elle un supra-rationnel que le mental discursif ne parvient qu’avec difficulté à saisir, comme il y a en dessous d’elle un infra-rationnel qu’elle se doit aussi de reconnaître ».

Certains philosophes sont connus pour avoir tenté une réconciliation de la foi et de la raison. Entreprise difficile qui ne convainc guère les adeptes des deux bords. La division est consommée. Selon Aurobindo, philosophe indien, il y a d’un côté le déni matérialiste qui rejette la dimension spirituelle de l’existence, de l’autre le déni de l’ascète qui rejette la dimension matérielle de l’existence[7].

Même si le conflit reste ouvert, certains parlent cependant aujourd’hui de spiritualité sans religion, un peu à l’image de Spinoza qui quitte la synagogue tout en demeurant un esprit religieux.

Benoît XVI dans son discours de Ratisbonne, affirmait lui, le 12 septembre 2006, que le christianisme était la seule religion qui était parvenue à intégrer les catégories de la raison.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Références

  1. Première béatitude du Sermon sur la montagne verset 3.
  2. Foi et Raison selon Albert Lévy, chercheur au CNRS
  3. Miettes philosophiques 1846
  4. Noter les trois traductions possibles : Kant, Critique de la raison pure, préface de la deuxième édition, page 24. a) « J’ai donc dû supprimer le savoir pour lui substituer la croyance » traduit par Barni b) « Je dus donc abolir le savoir afin d’obtenir une place pour la croyance » traduit par Tremesaygues et Pacaud. c) « Il me fallait donc mettre de côté le savoir afin d’obtenir de la place pour la croyance » traduit par Renaut
  5. La Religion dans les limites de la simple Raison
  6. Docteur agrégé de philosophie, professeur à l’université de Bayonne et au lycée Victor-Duruy, Mont-de-Marsan http://sergecar.club.fr/index.htm
  7. La Vie divine, Albin Michel Spiritualités vivantes