Espace de subjectivation

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L'espace de subjectivation est un concept métapsychologique proposé par Saverio Tomasella.

Il désigne le lieu psychique de formation symbolique de la représentation, qu’elle soit de type pictogrammique, primaire, secondaire ou tertiaire ; c'est-à-dire l'espace de création du symbole.

Sommaire

[modifier] Contexte théorique

Le cadre de la réflexion est celui de la métapsychologie freudienne et post-freudienne. La visée est de définir l'espace interne où naissent, se développent et se rencontrent les différents processus psychiques.

  • Originaire :

Ce prototype du processus psychique est proposé par Piera Aulagnier. A partir de sa relation au monde qui l’entoure, le bébé va peu à peu « imager-symboliser » ses premiers ressentis perceptifs, sous forme de « pictogrammes ». Par exemple, le plaisir et le déplaisir, le vide et le plein, le besoin et la satiété, le dedans et le dehors… Un ensemble qui lui donne une première possibilité de représentation de ce qui l’entoure. « Un représenté se donne à la psyché comme une représentation d’elle-même », souligne Pierra-Aulagnier (1975).

  • Primaire :

Freud définit les processus primaires comme inconscients et déterminés par le « principe de plaisir ». Non liés, ils permettent le passage d’une représentation à une autre par condensation ou déplacement. Il s’agit de « représentations de chose ». « Les mots sont condensés et transfèrent sans reste, les uns aux autres, leurs investissements par déplacement. » (1915)

  • Secondaire :

Freud précise que les processus secondaires appartiennent au système préconscient-conscient et répondent au « principe de réalité ». Liés aux affects et aux pulsions, les mots sont articulés entre eux par un raisonnement qui devient discours. Ils ressortent des « représentations de mot ».

  • Tertiaire :

En 1972, Green présente la notion de processus tertiaires, pour sortir d’une « impasse clinique » : en orientant la psychanalyse vers la mentalisation et la rationalisation, la guérison et l’épanouissement du patient sont empêchés. Green s’engage en faveur d’une psychanalyse qui cultive les processus tertiaires. De tels « phénomènes transitionnels » assurent la mobilité des allers et retours entre les processus primaires et les processus secondaires.

Peu à peu, après des années de pratique psychanalytique, notamment avec les enfants, les personnalités frontières et les personnes souffrant de psychose, les processus tertiaires deviennent les plus essentiels et les plus significatifs, comme vecteurs d'évolution de la relation inter-transférentielle. En 1984, Harold Searles confirme ce point de vue en affirmant que la psychanalyse ne peut pas se réduire à un échange intellectuel, loin de là, et que chaque séance gagne à s'appuyer sur la "réalité ressentie", exprimée à partir de figures, de métaphores et de symboles...

« Tous ces processus de représentation s’effectuent au sein d’un espace en soi, une aire immatérielle, psychique donc subtile, de mise en forme de la pensée. », précise Tomasella.

[modifier] Définition

L'espace de subjectivation correspond à une "matrice" dans laquelle les processus psychiques peuvent être élaborés sous toutes les formes de la symbolisation (sensorielle, motrice, imagée, verbale). Cette matrice, enveloppe et contenant, est le corps du sujet pris dans la relation aux autres et à l'altérité, corps senti et imagé, en cours de symbolisation dans et par le langage humain : parole partagée et échangée.

D'après Tomasella, « L’espace de subjectivation peut être défini comme le lieu interne de formalisation, subjective donc singulière, de la représentation.»

Un tel champ aurait les qualités suivantes :

  • Suspension, par mise à distance de ce qui est observé, représenté, symbolisé, puis pensé.
  • Spéculation, par "regard en miroir" de soi-même ou de l'objet d'étude.
  • Réflexion, par l'élaboration d'un retour de l'information en soi.

Pour résumer :

  • L’aire de symbolisation, ou espace de subjectivation, est le creuset affectif, pulsionnel et libidinal de l’ensemble des transformations psychiques du sujet.
  • Les différents centres de représentation (originaire, primaire, secondaire) sont inter-reliés grâces aux processus tertiaires.
  • Ils interagissent au sein d’un espace transitionnel interne.

Aussi, l'espace de subjectivation est-il présenté par Saverio Tomasella comme un préalable métapsychologique nécessaire à la compréhension et à la mise en œuvre de l'interprétation par la méthode métasémiotique.

[modifier] Articles afférents

Voir archogenèse et métasémiotique.

[modifier] Références

  • Nicolas Abraham et Maria Torok
    • L'écorce et le noyau, Paris, Flammarion, 1987.
  • Piera Aulagnier
    • La violence de l'interprétation, Paris, PUF, 1975.
    • Un interprète en quête de sens, Paris, Payot, 1991.
  • Sigmund Freud
    • La naissance de la psychanalyse (1887-1902), PUF, Paris, 1992.
    • L'interprétation du rêve, Paris, PUF, 2002.
    • Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1985.
    • Le moi et le ça, Paris, Payot, 1981.
  • André Green
    • Notes sur les processus tertiaires, Paris, SPP, 1972.
    • Le discours vivant, Paris, PUF, 1973.
    • Le langage dans la psychanalyse, Paris, Les Belles Lettres, 1984.
  • Harold Searles
    • Mon expérience des états-limites, Paris, Gallimard, 1996.
  • Donald Winnicott
    • De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, 1992.
    • Jeu et réalité, l'espace potentiel, Paris, Gallimard, 1975.
  • Compléments
    • Paul-Laurent Assoun, Introduction à la métapsychologie freudienne, Paris, PUF, 1993 ; La métapsychologie, Paris, PUF, 2000.
    • Saverio Tomasella, Vers une psychanalyse de la marque et de ses expressions, Nice, UNSA, 2002.