Saverio Tomasella

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Saverio Tomasella est un psychanalyste français, d'origines italienne et suisse. Son travail clinique et thérorique s'inscrit dans la continuité de Sándor Ferenczi : Donald Winnicott, Harold Searles, du côté anglo-saxon ; Maria Torok, Claude Nachin, Serge Tisseron, du côté francophone. A la suite de Marie-Claude Defores, il explore les réalités psychiques des traumatismes extrêmes, comme la profanation ou la torture, et leurs conséquences humaines.

Docteur en communication, Saverio Tomasella développe une pensée sur la psychanalyse de l'image. Il élabore une métasémiotique, qui constitue un essai de sémiotique psychanalytique, à partir de la métapsychologie freudienne, enrichie d'une archogenèse et d'un espace de subjectivation.

Sommaire

[modifier] Pensée

[modifier] Comprendre les mouvements profonds de l'être

Les principales contributions concernent certains aspects de la pratique de la psychanalyse et de l'écoute du sujet :

  • "l'homéo-érotisme" est un mouvement libidinal profond qui consiste à créer du même, de la "mêmeté", au lieu du semblable, pour constituer et développer une identité vécue comme sienne ;
  • "l'essaim d'affects", lorsque les ressentis (sensations, émotions, sentiments) sont empêchés et gelés du fait d'une "prise en bloc des affects" ; par opposition au "courant d'affects", lorsque la mobilité psychique est retrouvée dans sa complexité et sa richesse ;
  • "la théorie du bonheur", parfois "théorie du malheur", que l'individu met en place tôt dans son existence pour prévoir, préparer sa vie future, souvent en compensation des carences, déboires ou désarrois de son enfance, et qui modèle son évolution, notamment dans sa façon de voir le monde, de vivre ses relations avec les autres et de se comporter en société ;
  • "l'éloignement de soi", phénomène par lequel l'enfant non reconnu comme humain s'exile de lui-même, de son existence et de sa présence au monde, pour se réfugier dans un non-lieu, en attente de se retrouver, peut-être un jour, lui-même (ce phénomème est parfois lié à des vécus de sidération);
  • "la part intacte", qui désigne ce que le sujet préserve de son intégrité humaine, même lors des pires cataclysmes, partie avec laquelle le psychanalyste peut faire alliance pour aider le patient à se reconstruire.


La réflexion est centrée sur l'écoute de l'analysant(e) à partir des "images du corps en relation" et du "corps ressenti". L'image intérieure surgissant dans l'entre-deux du transfert, ou "inter-transfert", comme vision proche des métaphores du rêve, permet un accès plus authentique et plus profond à l'inconscient du sujet, à ses "cryptes" (inclusions et enclaves) autant qu'à ses resources créatives, loin des constructions abstraites et souvent faussées de toute forme de discours. De fait, une grande importance est accordée aux processus tertiaires. Une attention particulière est également portée aux transmissions inconscientes entre générations, aux phénomènes de groupes (couples, familles, clans, entreprises, institutions) et à l'inconscient groupal...

Les notions de crypte, de fantôme et d'incorporation, ainsi que leurs tenants métapsychologiques, sont élargis à des réalités plus vastes, notamment à des possibilités nouvelles comme "l'incorporation d'un ça, du couple parental, d'un faux-soi, voire du surmoi d'un agresseur ou d'un référent porteur de secret".

Plus récemment, un travail d'articulation entre phénoménologie et psychanalyse permet d'aborder les questions difficiles de la perversion et de la psychose, notamment à travers l'intrication pulsionnelle du fantasme, de la jouissance et de la haine.

[modifier] Etre un témoin bienveillant des désastres intérieurs

De nouvelles notions sont venues s'ajouter aux fondements :

  • "L'amplification" est une augmentation quantitative des émotions et de leur impact sur le moi : face à des ressentis difficiles, douleur ou excitation, le sujet sent son identité vaciller et son enveloppe se détisser ; submergé par ses émotions, il perd ses capacités naturelles de protection psychique que sont la contenance et la transformation.
  • Le "déferlement" est un débordement émotionnel. La personne est prise, malgré elle, dans une décharge, parfois chaotique et frénétique, d’affects encore impossibles à reconnaître en soi, puis à comprendre et à transformer.
  • La "disparition" désigne un évanouissement de la présence au monde, de l'identité et de la personne du sujet, par incorporation de fausses identifications et entrée dans les fantasmes de l'autre.
  • "L’effraction" est une intrusion violente, qui brise ce qui fait limite. Elle constitue une attaque de l’enveloppe subjective. Négation de l’intimité, elle produit la dissolution des contours de l’être. Due à un viol physique ou à une violence psychique (abus, cruauté, humiliation, manipulation), elle provoque un déferlement qui submerge le sujet.
  • "L'effroi" : face à la mise en œuvre de la cruauté, de la haine ou de la profanation, la personne vit un effondrement ; elle perd sa capacité à maintenir la continuité de son identité et de son sentiment d’exister (sidération). La dépersonnalisation dans laquelle elle est entraînée la confronte à des angoisses d’une très violente intensité, pouvant aller jusqu’à la rendre folle.
  • La "préférence pour la mort" (ou "culture de mort") est un mode de fonctionnement particulièrement ancré et profond : le sujet préfère croire aux malédictions de sa famille sur sa personne. Il met en œuvre contre lui-même non seulement sa propre disparition, mais les conditions, les justifications et les motivations de celle-ci. Il s’enferme dans la loyauté aux manquements humains du clan familial au lieu de s’en dégager pour vivre la fidélité à lui-même et à son désir. Il choisit de se soumettre aux "lois de mort" plutôt que de mettre en œuvre les "lois de vie", de s'humaniser et de s'inscrire dans un mouvement personnel d'évolution...

[modifier] Ethique

[modifier] La loi au service du désir de vie

Dans le domaine de l’intériorité et de la relation, la loi est une disposition fondamentale qui échappe à toute négociation. Sa transgression amène désordre, plainte, folie, malheur, maladie ou mort. La "loi" détermine un "espace relationnel", vide et potentiel, exempt de toute mainmise, qui assure les mouvements de croissance de l’être, autant que ses échanges avec autrui. Les lois "symboliques", c’est-à-dire les lois de vie ou lois humaines, sont profondément structurantes. Elles déterminent le cadre dans lequel le sujet peut :

• accéder à la connaissance à partir de son savoir profond (son inconscient) ;

• accorder une valeur féconde et humanisante à son intuition ;

• déployer son identité personnelle singulière ;

• exercer et exprimer sa créativité ;

• soutenir son désir singulier ;

• entrer en relation ;

• vivre l’amour.

Les lois de vie expriment la disponibilité intérieure favorisant le développement et l’épanouissement humains.

[modifier] Humaniser la psychanalyse

Au fil des articles, livres et séminaires, Saverio Tomasella s'engage de plus en plus clairement en faveur d'une humanisation de la psychanalyse, qui soit effective dans la pratique autant que dans les écrits cliniques et théroriques. Il met en garde contre une tendance morbide, donc dépréciative et dépressiogène, à tout "pathologiser", à voir de l'anormal et de la maladie partout. A cela s'ajoutent la fascination - elle aussi potentiellement morbide - pour le vocabulaire technique, et son utilisation exagérée, qui participent souvent d'une séduction généralisée, pour méduser et abuser l'autre : enfant, élève, patient, etc.

La force libératrice d'une psychanalyse ne peut se vivre que de l'intérieur. L'extériorité observatrice a trop facilement tendance à devenir accusatrice et condamnatrice ; normalisatrice en son fond. L'éthique de la psychanalyse se situe d'abord résolument dans le refus de toute emprise, de tout pouvoir sur autrui ; donc de tout savoir établi. Rendre à chaque être sa dignité d'humain semble faire partie de la tâche, non seulement civilisatrice, mais également subvertive de la psychanalyse. Subvertir exprime mettre le plus profond à la surface : révéler la vérité du sujet, la personne réelle, le "vrai soi"...

Dans cet esprit, par exemple, la "symbiose" (entendue comme 'vivre avec') est surtout conçue comme une force fondatrice au début de toute relation saine et sincère : c'est-à-dire créative, épanouissante, paritaire et respectueuse. Dans les rapports de dépendance, c'est alors la question de la confusion qui est à interroger : le vacillement de l'identité des partenaires pousse à un mélange des personnalités et à un "accrochage" à la psyché de l'autre (parasitage).

Ainsi, la position éthique du psychanalyste favorise les mouvements progressifs d'introjection des différents vécus de l'analysant(e). Elle permet de constater la réalité, telle qu'elle est, sans juger, pour la faire sienne, l'intérioriser, voire la transformer. Cette attitude permet l'émergence du sujet...

[modifier] Œuvres

• Editions Eyrolles (collection psychanalyse) :

  • Oser s'aimer, Eyrolles, Paris, (2004) 2008.
  • Vivre en relation, avec Gilles Pho, Eyrolles, Paris, 2006.
  • Habiter son corps, avec Christine Hardy, Eyrolles, Paris, 2006.
  • Personne n’est parfait !, avec Catherine Podguszer, Eyrolles, Paris, 2005.

• Café-psycho & Eyrolles  :

  • avec Karin Trystram, Les configurations familiales atypiques et leurs implications humaines, Paris, février 2006.

• Adolescence (GREUPP) :

  • Les marques, Paris, mars 2004.

• Le Coq-héron  :

  • Haine, envie, jalousie : psychanalyse du désastre, Paris, octobre 2005.
  • Extension ou extinction des feux : de l’essaim au courant d’affects, Paris, mars 2004.
  • L’homéo-érotisme ou quête affective du même, mars 2001.

• Hermétisme :

  • De pouvoirs en capacités, Paris, mars 2006.
  • Jeux et enjeux de la souffrance, Paris, octobre 2005.

• Institut Psychanalyse et Management (actes des colloques) :

  • L’estime de soi, un préalable à la transformation, Lille, juin 2002.
  • L’élan créateur, Montpellier, juin 2001.

• Epistolettre, (Fédération des Ateliers de Psychanalyse) :

  • Attendre, tendre : la patience, accueil de l’étrange, Paris, février 2004.
  • L'école buissonnière, Paris, 2001.
  • Silence ou mutisme, Paris, 1999.

• Psychanalyse magazine  :

  • De l'image inconsciente du corps à l'image consciente du cœur, n° 23, pp. 52-55, Avignon, septembre 2004.
  • Les phénomènes de groupe, n° 23, pages 46 à 50, Avignon, septembre 2004.
  • Dépasser les préjugés sur la psychanalyse, Avignon, octobre 2002.
  • En deçà du principe de plaisir, Avignon, juillet 2001.

Travaux scientifiques :

  • Comprendre la psychanalyse, CEM, Nice, 2007.
  • Consommer la marque, CEM, Nice, mai 2003 (http://labocem.chez-alice.fr)
  • Vers une psychanalyse de la marque et de ses expressions (thèse de doctorat), Université de Nice Sophia-Antipolis (IAE), Nice, novembre 2002.

• Edition des écrivains  :

  • D'amour tendre, Paris, 1999.

[modifier] Articles afférents

Voir archogenèse, espace de subjectivation et métasémiotique.



Psychanalyse

Histoire · Écoles  · Métapsychologie
Dans le monde · Influence · Critiques . Index alphabétique