Ernest Denis

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Le buste est la plaque commémorative du Ernest Denis à Prague, place Malostranské
Le buste est la plaque commémorative du Ernest Denis à Prague, place Malostranské

Ernest Denis, né le 3 janvier 1849 à Nîmes (Gard), décédé le 4 janvier 1921 à Paris, est un historien français, spécialiste de l'Allemagne et de la Bohême. Il a joué un rôle important dans la fondation de l'État tchécoslovaque en 1918. Avec Louis Léger il peut être considéré comme le meilleur historien français du monde slave au début du 20ème siècle. A sa mort, la Tchécoslovaquie a acheté son domicile parisien de la rue Michelet afin d'y installer l'Institut d'Etudes Slaves nouvellement créé.

[modifier] Biographie

Nîmois, issu d'une vieille famille protestante du Gard, Ernest Denis a affirmé très rapidement des convictions républicaines qui ne le quitteront jamais. Après ses études secondaires à l'institution Jauffret à Paris, il est reçu huitième au concours d'entrée de l'École normale supérieure.

En 1870, Ernest Denis participa à la défense de Paris assiégé. C'est durant ce siège qu'il prit connaissance du manifeste que les députés tchèques adressèrent, le 8 décembre 1870, au comte de Beust, alors chancelier de l'Empire d'Autriche-Hongrie. À cette époque la Bohême était partie intégrante de l'empire d'Autriche-Hongrie et à ce titre des Tchèques siégeaient au parlement de Vienne. Dans ce manifeste qui devait être remis à l'empereur François Joseph Ier lui-même, les députés tchèques, au nom de l'humanité offensée, protestaient contre la violence faite à la France, « nation héroïque, remplie d'une juste fierté nationale ».

Ernest Denis fut très touché par ce manifeste et il voulut mieux connaître l'histoire du peuple tchèque alors très peu connue en France.

Après une année d'enseignement à Bastia, Ernest Denis, jeune agrégé d'histoire et très marqué par la récente et sévère défaite de la France contre la Prusse, entreprend son premier voyage en Bohême en 1872. Il s'inscrit à l'université Charles de Prague où il passe trois ans. Il apprend le tchèque et le russe et rassemble la documentation pour la thèse qu'il consacre au réformateur tchèque du début du quatorzième siècle, Jan Hus, victime lui aussi des Allemands au cours du concile de Constance. Celle-ci ne paraîtra qu'en 1878 après son retour en France. Ce premier séjour à Prague lui permet de rencontrer le grand historien des Tchèques, Frantisek Palacky (1798-1876).

Après son retour en France, Denis est nommé successivement professeur de l'enseignement secondaire à Chambéry, Carcassonne, Angoulême et Bordeaux. Ses convictions républicaines très affirmées suscitent alors quelques remous dans la France de l'"Ordre moral". Sa nomination dans l'enseignement supérieure en 1878 est aussi une façon d'écarter ce professeur compétent mais un peu trop républicain…

En novembre 1878, Denis est donc nommé maître de conférences à la Faculté des Lettres de Bordeaux où, malgré des devoirs professionnels très stricts, il s'efforce de faire place dans ses cours aux questions slaves sans oublier les intérêts de la France. Il arrive à attirer un public d'étudiants toujours plus nombreux. A la fin de 1881, il quitte Bordeaux pour se rendre à Grenoble en qualité de chargé de cours des littératures étrangères tout en faisant entrer la slavistique dans le cadre de ses obligations officielles.

Il effectue des voyages fréquents en Bohême, Moravie, Pologne, Russie et Allemagne entre 1885 et 1898, tout en revenant enseigner à Bordeaux.

En 1896, il est nommé suppléant d'Alfred Rambaud, professeur d'histoire moderne à l'université de la Sorbonne, quand celui-ci est élu sénateur. En 1906 il devient titulaire de cette chaire prestigieuse. À l'âge de 57 ans Ernest Denis est donc un historien reconnu. Il a alors publié plusieurs ouvrages de référence sur l'histoire de la Bohême (voir la bibliographie) et sur l'Allemagne contemporaine.

Les évènements de son temps (la crise dans les Balkans puis le déclenchement de la guerre) vont alors mobiliser toute son énergie pour la défense d'une cause : la libération des peuples tchèques et slovaques. Avec quelques autres slavistes comme Louis Léger, Louis Eisenmann, Jules Legras, ll va s'attacher à informer les décideurs politiques sur la situation interne de l'Autriche-Hongrie. Il fonde ainsi deux revues qui vont jouer un rôle de premier plan dans la connaissance que les Français pourront avoir de la situation des Slaves en Europe : La Nation tchèque en 1915 puis Le Monde slave. Il aide de son mieux les Tchèques et les Slovaques qui s'installent en France après 1914. Il accueille ainsi le jeune Edouard Bénès qui a pour mission de promouvoir l'idée de l'indépendance des Tchèques en France. Il rencontre aussi le philosophe tchèque Tomas Masaryk et lui ouvre les colonnes de La Nation tchèque.

Cette activité est récompensée à l'automne 1918 avec la reconnaissance de l'indépendance des Tchèques et des Slovaques par les alliés. L'empire d'Autriche-Hongrie se morcelle et un nouvel État, la Tchécoslovaquie, rassemble ces deux peuples qui n'ont jamais vraiment vécu ensemble jusqu'alors.

Ces généreux efforts furent également reconnus par la création d'une chaire d'histoire des Slaves et de leur civilisation à l'université de Paris. Cette chaire a reçu le nom de "Chaire Ernest Denis, Fondation de la République tchécoslovaque". Le gouvernement français créé à l'École nationale des langues orientales à Paris, une chaire et un lectorat de tchèque.

En 1919-1920 Ernest Denis enseigne pendant deux semestres à Belgrade et Prague. On peut comprendre qu'une nouvelle visite en Bohême, entreprise par Denis en octobre 1920, ait ressemblé à un voyage triomphal. Son nom est alors connu de tous les Tchèques et il fait figure de « père fondateur » du nouvel État au même titre que Masaryk, Stéfanik ou Bénès. C’est donc en pleine gloire qu'il est frappé par la maladie qui l'oblige à mettre un terme à son voyage plus tôt que prévu. Ernest Denis meurt le 4 janvier 1921 à Paris.

Un buste et une plaque commémorative en son honneur se trouve sur la place Malostranska, l'une des plus belles places historiques de la capitale tchèque, Prague. Un monument en l'honneur d'Ernest Denis avait été édifié à Prague, sur la même place Malostranska, en 1928. Mais après l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes de l'Armée du IIIe Reich en 1939, le buste fut détruit. Un autre avait toutefois été conservé dans la ville de Nîmes et est toujours disposé sur l'une de ses plus belles places.

"La Bohême nous a appris qu'il n'est pas nécessaire de s'entre-tuer parce que les hommes ne traduisent pas tous, par les mêmes symboles, leurs angoisses communes et leurs désirs semblables". (Ernest Denis)

[modifier] Bibliographie succincte :

  • Jean Huss et les Hussites, Paris, Leroux, 1878.
  • Origines de l'Unité des Frères bohêmes, Angers, 1885.
  • Georges de Podebrad.
  • La Bohême pendant la seconde moitié du XVe siècle, 1885.
  • Établissement de la dynastie autrichienne en Bohême, 1889
  • Fin de l'indépendance Bohême, 1890 (2 volumes)
  • La France à Moscou, 1891.
  • L’Histoire générale du IVe siècle à nos jours, ouvrage collectif, 4 volumes 1891 à 1894.
  • L'Allemagne 1789-1810, 1896.
  • L'Allemagne 1810-1852, 1898.
  • La Confédération germanique, 1898.
  • Mémoires et essais sur Palacky, 1898.
  • La Bohême depuis la Montagne-blanche, 1903.
  • La Fondation de l'Empire allemand, (1852-1871), 1906.
  • Qui a voulu la guerre ?, en collaboration avec le professer Émile Durkheim, 1914.
  • La Guerre. Causes immédiates et lointaines. L'intoxication d'un peuple,1915.
  • La Grande Serbie, 1915.
  • La Question d'Autriche, 1917.
  • L'Allemagne et la paix, 1918.
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