Eghiché Tcharents

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Eghiché Soghomian, dit Tcharents
Portrait d'Eghiché Tcharents
Pseudonyme Tcharents
Naissance 13 mars 1897
Décès 29 novembre 1937
Activité Poète
Nationalité Arménie Arménie
Langue Arménien
Genre Poésie

Eghiché (Élisée) Tcharents (en arménien Եղիշե Չարենց , Tcharents signifiant « de ce qui est mal » en grabar), né Soghomonian, le 13 mars 1897 à Maku et mort le 29 novembre 1937 à Erevan, est un poète arménien.

Sommaire

[modifier] Biographie

Né en 1897 dans la petite localité persane de Maku, Eghiché Tcharents passe sa jeunesse dans la ville de Kars (Anatolie orientale). C'est à cette époque qu'il découvre la littérature, la poésie arménienne et russe, François Villon, Dante, Victor Hugo et les poètes symbolistes.

Tcharents était un poète rebelle doublé d'un intellectuel, évoquant tour à tour les problèmes de la famine, des guerres et de la pauvreté, de toutes les questions sociales touchant le peuple arménien. En effet, il compose ses premiers poèmes alors qu'à l'Ouest le gouvernement ottoman organise le génocide arménien (en 1915-1916).

Tcharents, qui s'est déjà battu contre les Turcs en 1912, à l'âge de quinze ans, s'engage comme volontaire dans les rangs du régiment d'auto-défense contre les Turcs à Van (1915-1917), alors qu'à l'Est gronde déjà la Révolution bolchévique. Il prend les armes aussi en Arménie dans les rangs de l'armée rouge, au nom de la liberté et de la révolution. Il se fait connaître par un long poème, écrit en 1916, « La légende de Dante », où jeune partisan des corps de volontaires dashnaks sur le front russo-turc, il transcrit ses visions du génocide en cours.

Influencé d'abord par le futurisme russe, il élargit ensuite son champ de vision à la modernité littéraire, puise dans les traditions savantes et populaires de la poésie arménienne et renouvelle son art poétique. Déçu par la Révolution russe, il devient un défenseur de l'Arménie et est accusé de « tendances nationalistes ». « L'architecte en chef d'Erevan, Alexandre Tamanian, et le peintre Martiros Sarian se font alors de passionnés défenseurs de l’œuvre de Tcharents », selon Jean-Pierre Hatchikian de l'ACAM.

L'Arc de Tcharents, sur la route de Garni.
L'Arc de Tcharents, sur la route de Garni.
Vue sur l'Ararat depuis l'Arc de Tcharents.
Vue sur l'Ararat depuis l'Arc de Tcharents.

En juin 1921, Eghiché Soghomonian dit Tcharents épouse Arpenik Ter Astvatsatrian (1897-1927) qui meurt moins de sept ans plus tard. Il se remarie quelques années plus tard avec Isabella Niasian (1909-1969). Sa seconde femme enterra tous ses manuscrits lors de la période noire des purges[1].

Kostan Zarian (1885-1969) esquisse un portrait de Tcharents, lors du passage à Paris du poète prolétarien, en 1925. Après avoir affublé le poète du surnom de Tchartcharian (« le torturé »), il conclut par ces lignes : « En un mot, il était la quintessence de l'Arménie, un homme attaché à sa terre par chaque fibre de son être et pour qui le monde extérieur n'existe que tant qu'il peut le percevoir par analogie avec son monde à lui. Il a une vision arménienne du monde, une vision qu'il ne peut altérer. Et l'Arménie existe parce qu'il existe. Et cela malgré le chaos de sa pensée, le credo politique mal digéré, le baratin internationaliste et bolchévique. On lui pardonne car, dans son cas, changer serait une trahison envers lui-même. Il est l'Arménie et, comme tel, indestructible et immortel[2]. »

Victime de la terreur stalinienne, Tcharents est incarcéré avec Aksel Bakounts en 1937, l'une des années les plus noires de la Grande Purge. Atteint dans sa santé mentale, il meurt la même année dans un cachot du NKVD[3] à Erevan. Son corps est mis, semble-t-il, dans un grand sac de farine. On ne sait pas où il a été enterré.

Le « mauvais garçon » des lettres arméniennes, avec Nahapet Koutchak, comme il aimait à se nommer par son pseudonyme (« de ce qui est mal »), a été réhabilité depuis lors, et l'écrivain de la cause arménienne est à présent célébré. Eghiché Tcharents, poète subtil et tourmenté, visionnaire, habité et inspiré, est à la mesure de son contemporain Vladimir Maïakovski ; il demeure ainsi un auteur-phare de la littérature arménienne du XXe siècle. Ses poèmes ont été traduits par Valery Brioussov, Anna Akhmatova, Boris Pasternak et Louis Aragon. Le peuple arménien a rendu hommage à cette personnalité riche et complexe pour son centenaire.

Sur la route entre Erevan et Garni, à 28km de la capitale, un monument a été dédié au poète en 1960 : « L'Arc de Tcharents ». Il est construit dans un endroit magnifique pour son point de vue panoramique dominant la plaine de l'Ararat, et « c'est sur ce promontoire que le poète aimait à venir[4] », souvent pour méditer, selon les Erevanais. En 1975, sa maison à Erevan, au 17 avenue Mesrop Machtots, est devenue un musée, grâce à ses deux filles : Arpénik, née en 1932 et décédée en 2008, et Anahïte, née en 1935. Dans un poème-codé écrit à l'heure noire du soviétisme, Tcharents avait laissé un inactuel et courageux message pour les temps à venir : « Peuple arménien, ta force est dans ton unité ».

[modifier] Poème

« Tu vécus dans un siècle de lutte
et rien ne te sembla éternel,

Tu vis le proche et le lointain
et rien ne te sembla éternel :

Tu vis la chute et le renouveau,
la fin de solides fondations

Et, en dehors de la lutte,
rien au monde ne te sembla éternel. »
    — Roubayat, XXXVI, 1927 (traduction Elisa Mouradian et Serge Venturini)

[modifier] Œuvres

[modifier] Livres en arménien

  • Trois chants pour une jeune fille pâle (Erek erg tkhradaluk aghjkan, 1914)
  • La patrie aux yeux bleus (Kaputachia Hyerenik, 1915)
  • Légende dantesque, (Danteakan Araspel, 1916)
  • Arc-en-ciel (Tsiatsan, 1917)
  • Soma (1918)
  • Foules démentes (Ambokhnere Khelagarvats, 1919)
  • Recueil de poèmes (Ergeri Zhoghovatsu, en deux volumes, 1921)
  • Le Pays de Naïri, (Yerki Naïri, 1925) [Roman satirique]
  • Roubayat (1927)
  • Aube épique (Epikakan Lussabats, 1930)
  • Livre de route (Girk Chanaparhi, 1933) [Ouvrage ultime de réflexions sur le passé de l'Arménie, sur l'épopée populaire David de Sassoun, contenant des poèmes sur l'art et des chants philosophiques]

[modifier] Livres en français

  • La maison de rééducation, Erevan, 1926-1927, Collection Arménies, Éditions Parenthèses, 1992 (traducteur : Denis Donikian)
  • Choix de poèmes, Éditions Hamaskaïne, 1980 (épuisé) (traducteur : Luc-André Marcel), couverture
  • Quelques traductions dans La poésie arménienne, Anthologie des origines à nos jours, (pages 246-285), Les Éditeurs Français Réunis, 1973 (épuisé) (traducteurs : Jacques Gaucheron, Gérard Hékimian et Rouben Mélik)

[modifier] Sources et références

  1. Eguiché Tscharents, Dernière parole, Éditions Haïaguitak, Erevan, 2007, p.116.
  2. Kostan Zarian, « Bancoop and the Bones of the Mammouth », traduit par Ara Baliozian, New York, Ashod Press, 1981, et cité par Claire Mouradian dans sa préface à La maison de rééducation, p. 9.
  3. Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Privat, Toulouse, 2007 (ISBN 978-2-7089-6874-5), p. 619.
  4. Le petit fûté, Arménie, p. 217.

[modifier] Voir aussi

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[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes