Docimologie

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La docimologie est la science de l'évaluation en pédagogie.

Sommaire

[modifier] Historique

Le premier à avoir travaillé sur l'évaluation est Henri Piéron. Il s'est notamment intéressé à la variation de la note d'une même copie selon le correcteur.

[modifier] Influence de l'évaluateur

L'évaluateur a ses préjugés, son état d'esprit… Le résultat de l'évaluation dépend donc de l'évaluateur. En particulier :

  • si un élève est présenté comme brillant, sa copie sera mieux notée que s'il est présenté comme médiocre (effet de halo) ;
  • il y a un effet de contraste : une copie moyenne paraitra meilleure après de mauvaises copies qu'après des copies brillantes.

On peut expliquer ce phénomène par la sélectivité de l'évaluateur : selon ce qu'il sait de l'élève, il prendra en compte plutôt les bons côtés de la copie ou au contraire ses défauts. Cela pose notamment le problème de l'évaluation continue, et de manière générale de l'évaluation par le formateur lui-même :

  • d'un côté, le formateur connaît l'élève et donc est capable de faire la part, par exemple, entre une contre-performance accidentelle et une lacune réelle, ou bien de prendre en compte certaines compétences de l'élève pour mitiger son avis ;
  • d'un autre côté, l'évaluation a un biais dû aux a priori de l'évaluateur.

De la part de la personne évaluée, le fait de connaître l'évaluateur peut être positif (moins de trac) ou négatif (s'il pense que le formateur va le « sacquer »).

[modifier] Influence de l'énoncé

La manière de poser la question — au sens large, de présenter le problème servant à l'évaluation — va influer sur la réponse. Ceci a été étudié en psychologie cognitive. Elizabeth Loftus a mené l'expérience suivante[1] : elle montre le film d'un accident à plusieurs personnes, et demande la vitesse à laquelle s'est produit le choc et s'il y avait des bris de vitre. Si elle utilise le mot « fracassé » (smashed), la vitesse est estimée plus rapide que si elle utilise le mot « percuté » (hit) dans l'énoncé de la question. Et alors que le film ne montre pas de verre brisé, de nombreuse personnes affirment qu'elles en ont vu si elle utilise le mot « fracassé ».

On notera aussi que l'énoncé peut induire en erreur :

  • il peut comporter des erreurs (ce qui doit être bien sûr évité) : comment alors évaluer la réponse à une question erronée ? Cette situation peut également être voulue, par exemple pour tester la réactivité du candidat, sa capacité à prendre du recul, à douter de l'autorité ;
  • l'énoncé peut être inadapté à la formation : d'un niveau trop simple ou au contraire trop élevé, ou bien présentant une situation que l'apprenant ne peut pas gérer car les connaissances, savoir-faire ou savoir-être nécessaires ne font pas partie des prérequis à l'examen.

[modifier] Questions de base sur l'évaluation

Lorsque l'on conçoit une évaluation, il convient de se poser six questions :

  • pourquoi évaluer ? Voir ci après ;
  • pour qui évaluer ? Pour l'apprenant, pour le commanditaire de la formation, pour le futur employeur, …
  • comment évaluer ?
  • Qui évaluer ? L'apprenant, le formateur, la formation, …
  • quoi évaluer ?
  • Quand évaluer ?

[modifier] Buts de l'évaluation

Il convient d'abord de se poser la question du pourquoi de l'évaluation.

L'évaluation est d'abord un moyen de suivre les progrès : une formation a des objectifs à atteindre, en terme de transmission de savoirs (connaissances), savoir-faire (pratiques), savoir-être (attitudes), l'évaluation permet donc de situer les apprenants vis-à-vis de ces objectifs. Cela permet de motiver les apprenants, de leur faire prendre conscience qu'ils ont besoin de fournir un effort, de leur montrer qu'ils se sont améliorés, mais cela permet aussi au formateur de se remettre en question, d'adapter la formation (forme et contenu).

L'évaluation est ensuite un moyen de certifier que les objectifs ont bien été atteints. Cela prend en général la forme d'un diplôme, qui peut être reconnu par d'autres organismes et donc donner l'accès à un emploi, une fonction, à un niveau de formation plus élevé.

L'évaluation est donc un outil pédagogique (évaluation formative), qui contribue aux progrès de l'apprenant, et un outil de sélection (évaluation certificative).

[modifier] Qu'évalue-t-on ?

La complexité de l'évaluation est de savoir ce que l'on évalue exactement. Ainsi, dans un examen, on n'évalue pas seulement les connaissances, mais aussi la gestion de la tension nerveuse (stress), la stratégie (impasses, course aux points), l'ingéniosité (tricher sans se faire prendre), la chance… À l'inverse, l'évaluation continue permet de suivre au jour le jour le progrès des connaissances, mais est peu propice à la synthèse et la mémoire à long terme (la partie évaluée est restreinte et récente).

Dans un questionnaire à choix multiples, on va évaluer une capacité à trier, à se souvenir avec un support. Avec une composition (rédaction, dissertation), on va évaluer les connaissances mais aussi la capacité d'analyse, de synthèse, l'expression écrite. Dans un oral, on va évaluer en outre l'expression orale. Dans un jeu de rôle, on va pouvoir évaluer la gestion de la tension nerveuse, la réactivité, la capacité d'adaptation.

Dans une évaluation collective (entretien collectif, évaluation par projet), on va évaluer en particulier les savoir-être, la capacité à travailler en équipe.

La difficulté du problème posé n'est également pas anodine ; elle ne va pas simplement abaisser ou faire monter globalement les notes, elle va également changer ce qui est évalué. Prenons deux cas opposé :

  • on ne pose que des problèmes déjà traités durant la formation : on évalue la capacité de travail (« bachotage »), de mémorisation, de restitution, mais on ne détermine pas si la personne est capable d'utiliser ce qu'elle a appris dans un contexte nouveau ;
  • on pose un problème qui n'a jamais été vu : on évalue la gestion de la surprise, du stress, la capacité à prendre du recul… mais est-ce ce que l'on veut évaluer, et l'apprenant a-t-il été préparé sur ce point ?

Lorsque l'on conçoit une évaluation, il est donc primordial de savoir quels sont les objectifs de la formation, afin de pouvoir déterminer lesquels seront évalués ; et il faut se poser la question de l'adéquation entre le mode d'évaluation et les objectifs de la formation.

[modifier] Risques d'une évaluation inadaptée

Une évaluation inadaptée est une évaluation qui ne répond pas à la question posée, c'est-à-dire qui n'évalue pas, ou mal, les élèves vis-à-vis des objectifs de la formation.

Cela peut d'abord déboucher sur un problème de sélection : on risque de sélectionner un candidat ne correspondant pas au profil (mauvaise sélectivité) et éliminer au contraire un candidat intéressant (mauvaise sensibilité).

Cela peut également être un facteur de démotivation pour l'apprenant.

Une évaluation peut également être inadaptée parce qu'elle est inéquitable, par exemple parce que différents correcteurs attribuent les notes de manière différente. Outre le fait d'établir un barème plus précis, on peut mettre en place un système de péréquation des notes.

[modifier] Évaluation des connaissances et capacité professionnelle

Les mêmes principes règlent habituellement l'évaluation des connaissances aux deux bouts de la formation, dans l'enseignement supérieur et dans les apprentissages de base, se contentant de vérifier la possession d'un bagage, au mieux, d'un savoir-faire. Pourtant, l'exercice d'une profession est très loin de se limiter à la possession d'un ensemble de connaissances, ou même d'un authentique savoir. Si ce décalage ne porte pas à conséquence majeure dans les filières techniques, il n'en est pas de même dans toutes les branches où le facteur humain est sinon au premier plan, du moins reste une dimension incontournable ; peut-on être médecin, sans une certaine fibre psychologique ou assistant social sans empathie ?

Certes, on peut supposer qu'à l'origine le choix d'orientation a été fait en intégrant cette dimension et que l'élève possède le potentiel nécessaire (qu'aucune formation d'ailleurs ne pourra remplacer). On peut également espérer que la formation incluera des approches autres que l'acquisition d'un savoir technique, et qu'enfin, une évaluation permettra de vérifier les réelles capacités du futur professionnel en situation.

Dans tous les cas où ces supputations ne sont pas vérifiées, la validation d'une formation d'après une représentation du métier amputée de sa dimension humaine prend le risque de reconnaître comme apte professionnellement des personnes manquant des qualités requises pour un exercice harmonieux de leur métier. Individuellement, il y a dans ces cas, une perte progressive de motivation et finalement un gâchis humain ; socialement, la division du travail perd une bonne partie de son intérêt. Untel qui aurait du être architecte devra se contenter d'en rêver en étant juge comme il peut ; Unetelle qui aurait du être chimiste devra faire sa carrière dans l'obstétrique alors que le cœur n'y est pas.

Quoique l'évaluation ne devrait pas pour autant servir à vérifier l'affinité de l'élève avec son futur métier, puisque ceci est du ressort de vérifications bien antérieures, elle devrait permettre la prise en compte de capacités humaines au sens le plus large et en tout cas bien différentes de la pure acquisition de connaissances et de leur mise en application fictive. Dans l'idéal, elle permettrait de reconnaître des aptitudes plus que des savoirs et permettrait ainsi de situer réellement les individus par rapport à la mission sociale qu'ils auront à assumer des années durant ; la reconnaissance d'insuffisances plus ou moins rédhibitoires permet alors, pour les plus motivés, des compléments de formation ou des choix plus appropriés à leur profil effectif et surtout une réorientation pour les plus intrinsèquement inadaptés au métier.

Inversement, l'absence de prise en compte de talents non immédiatement liés aux connaissances sous-évalue la valeur professionnelle si ces talents sont en fait déterminants dans le quotidien du métier. Bien sûr, par la suite, l'activité donne à l'individu l'occasion d'exprimer son potentiel et ne conduit pas à la démoralisation ou à l'inadéquation éprouvée par celui qui est condamné à travailler en porte-à-faux de sa vocation, mais les risques de gâchis individuel et collectif demeurent : « Mais qui dira les frustrations, les amertumes stérilisantes chez tous ceux qui, pourvus des qualités nécessaires, n'auront jamais la possibilité de les faire servir au bien commun, puisqu'ils n'ont pas pu prouver, dans une épreuve de mathématiques, qu'ils avaient le sens des relations humaines, dans une épreuve de vérification des connaissances, qu'ils avaient l'esprit d'invention ! »[2]

[modifier] Types d'évaluation

[modifier] Voir aussi

wikt:

Voir « docimologie » sur le Wiktionnaire.

[modifier] Notes et références

  1. « Make-Believe Memories », American Psychologist, nov. 2003, p. 867–873 ; cité par N. Baillargeon dans Petit cours d'autodéfense intellectuelle, éd. Lux, 2005, p. 194–195
  2. Alfred Grosser, Le cercle des élites, éditorial in Ouest-France du 22 février 1995.

[modifier] Liens externes