Dissertation

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La dissertation est un exercice d'argumentation organisée, généralement et idéalement, en trois parties (une introduction, un développement et une conclusion) d'après une problématique. Elle ne désigne pas le même exercice en France que dans le monde anglo-saxon, où elle désigne exclusivement une thèse universitaire.

Sommaire

[modifier] Un exercice dominant le système scolaire français

En France, la dissertation est un exercice scolaire visant à développer les capacités réflexives d'un élève au long d'un processus analytique élaboré autour d'une problématique. Elle est proposée dans le secondaire et le supérieur.

Elle s'appuie sur un sujet, proposé généralement sous la forme :

  • d'une question générale ou d'une citation (en lettres et en philosophie)
  • d'une notion à analyser dans le temps et l'espace (en histoire et en géographie)
  • de mécanismes à expliquer et à commenter (en sciences économiques et sociales)

Cet exercice est principalement en usage dans le monde francophone, et il joue un rôle prépondérant dans le secondaire et le recrutement de la fonction publique en France. Il peut se rapprocher du paper, la forme de rédaction la plus utilisée dans le monde anglosaxon.

[modifier] La dissertation dans le secondaire

Avec le commentaire composé et l'écriture d'invention, la dissertation est un des exercices proposés à l'épreuve écrite de l'épreuve anticipée de français du baccalauréat français de première (technologique et générale).

Il est également proposé à l'épreuve de philosophie du baccalauréat français : le candidat doit choisir entre deux sujets de dissertation et un sujet d'explication de texte. Il dispose de quatre heures pour le traiter.

Enfin, la dissertation est aussi proposée sous forme de sujet (accompagné de documents en terminale) en sciences économiques et sociales, en histoire.

[modifier] La dissertation philosophique en classe de terminale

  • Définition officielle

« La dissertation est l’étude méthodique et progressive des diverses dimensions d’une question donnée. À partir d’une première définition de l’intérêt de cette question et de la formulation du ou des problèmes qui s’y trouvent impliqués, l’élève développe une analyse suivie et cohérente correspondant à ces problèmes, analyse nourrie d’exemples et mobilisant avec le discernement nécessaire les connaissances et les instruments conceptuels à sa disposition. »

  • Les attendus de l'exercice

« Les exigences associées à ces exercices, tels qu’ils sont proposés et enseignés en classe terminale, ne portent donc ni sur des règles purement formelles, ni sur la démonstration d’une culture et d’une capacité intellectuelle hors de portée. Elles se ramènent aux conditions élémentaires de la réflexion, et à la demande faite à l’élève d’assumer de manière personnelle et entière la responsabilité de la construction et du détail de son propos. »

[modifier] La dissertation dans le supérieur et la fonction publique

Au-delà du système secondaire, elle reste très employée dans le supérieur. La dissertation joue un rôle important dans les examens universitaires de premier et second cycle des facultés de lettres et sciences humaines.

Elle sert enfin dans les concours de recrutement de la fonction publique (épreuve de culture générale) et reste prépondérante en particulier dans le recrutement national des professeurs titulaires du secondaire (concours français du CAPES et de l'agrégation).

[modifier] L'origine de la dissertation

[modifier] Qu'est-ce qui caractérise la dissertation ?

Le terme « dissertation » n'évoque pas le même exercice dans le monde anglo-saxon (dissertation en anglais désigne une thèse universitaire de 50 à 150 pages qui conclut habituellement le travail d'une ou plusieurs années universitaires). Lire par exemple (en) The definition of a Dissertation.

La dissertation a la réputation d'être un exercice formel parfois décrit comme artificiel et reconnu comme un exercice « cartésien ».

Les universités américaines et britanniques ne pratiquent pas la dissertation (au sens qu'elle a pris en France), elle est plutôt remplacée par des résumés de lecture, des notes critiques, discussions et autres essais littéraires (généralement appelés papers).

[modifier] Naissance institutionnelle en France

À l'origine de la dissertation se trouve la disputatio médiévale (débat rhétorique oral sur les auteurs). La dissertation en latin n'apparaît qu'au XVIIe siècle. Elle remplace dans les universités l'ancienne disputatio, ou discussion orale des thèses.

La dissertation littéraire française remplace le discours comme exercice scolaire à partir de 1885, où une réforme de l'enseignement supprime l'enseignement de la rhétorique. La dissertation philosophique est en usage dans les lycées depuis 1864. Elle s'étend à partir de ce moment aux disciplines connexes.

Le genre de la dissertation s'impose dans l'enseignement en France vers 1955 et reste encore aujourd'hui l'exercice de base des khâgnes (classes préparatoires littéraires A/L et B/L), des concours de l'ENS, du CAPES, de l'agrégation, etc.

[modifier] Naissance intellectuelle de la dissertation philosophique

Elle est probablement née avec Aristote et la philosophie elle-même dans la Grèce antique, à la suite de ce qu'il nomme « l'étonnement ».

Elle est plus probablement instaurée comme forme logique de pensée par les six Méditations Métaphysiques de René Descartes (1641), où celui-ci déclarait rechercher systématiquement « les bases d'une science fondamentale » qu'il nomme mathesis universalis. C'est le fameux cogito.

Le rationalisme dont Descartes fit preuve à l'égard des preuves de l'existence de Dieu et d'un « point d'Archimède » lui permettant de la fonder ont valu à celui-ci la création d'un adjectif (cartésien) qui s'applique à la dissertation, en tant qu'un exercice logique rigoureux.

[modifier] L'intérêt pédagogique de la dissertation

La dissertation telle que systématiquement et strictement appliquée dans le système scolaire est peu employée par les philosophes eux-mêmes. C'est en effet un exercice qui s'oppose spontanément au cours régulier de la pensée, en la "tordant" au service d'une problématique.

En dépit de cet artifice « intellectuel », l'avantage de la dissertation est de forcer son « attention » à ne rien oublier du sujet proposé. Tous ses aspects doivent être couverts dans l'introduction et poser un problème. En effet, toute dissertation repose sur une problématique, qui est issue d'une réflexion méthodique préalable sur le sens du sujet.

[modifier] Les critiques de l'exercice

Les critiques à l'encontre de la dissertation touchent soit à son formalisme soit à l'organisation et à la visée de l'enseignement (purement philosophique, ou bien parfois général) qui prévaut en France.

Il est toutefois rare de lire des critiques publiques contre cet exercice, tant il s'est imposé dans les esprits et dans les faits comme un standard - parfois mythifié - du système scolaire français et du recrutement de ses élites.

[modifier] Méthodologie de la dissertation philosophique

La dissertation incite donc à s'interroger systématiquement sur le sens d'un sujet qui, par-delà son apparence « bien connue » pose un problème à la pensée. Une bonne dissertation philosophique devra

  1. balayer les sens du sujet afin d'en faire ressortir la contradiction (dans l'introduction)
  2. la traiter scrupuleusement en examinant sa thèse et son antithèse (dans le développement) afin de
  3. lui proposer une synthèse et de conclure.

[modifier] L'introduction et la problématique

Le rôle de l'introduction est d'exposer et de contextualiser (concrètement) tous les sens du sujet proposé, afin d'amener une contradiction en son sein à résoudre.

L'introduction se décompose en cinq temps ( généralement regroupés dans un seul et même paragraphe, quoique les consignes divergent suivant les enseignants) :

  • Annoncer le sujet: qu'est-ce qui peut nous amener à nous poser la question formulé dans le libellé? On peut partir d'une observation, d'une opinion commune etc.
  • Enoncer le sujet du libellé, comme conséquence découlant de l'annonciation.
  • Définition: il s'agit d'analyser le sujet, c'est-à-dire littéralement de le décomposer afin de donner le ou les sens des différents termes qu'il comprend: article, pronom personnel, structure articulative, concepts etc
  • Problématique: suit la phase de problématisation du sujet à proprement parler, où l'élève doit expliquer en quoi, pourquoi et comment la question posée fait problème, et pourquoi sa résolution est cruciale. Elle se pose sous la façon suivante : « comment expliquer que (la thèse) et (l'antithèse) soient paradoxales pour un même sujet ? ». Un problème en philosophie doit toujours se poser sous la forme d'une contradiction dans les termes du sujet
  • Le plan: la dernière partie de l'introduction doit permettre à l'élève de dessiner globalement les 2,3 ou éventuellement 4 grandes articulations ou parties de sa dissertations, en résumant chacune par une thèse.


[modifier] Exemple : "l'histoire nous appartient-elle?"

Voici un exemple d'introduction pour le sujet « En quel sens pouvons-nous dire que notre histoire nous appartient ? ». En italique, les paragraphes qui doivent impérativement figurer dans l'introduction :

Annonciation et énonciation du sujet:

« Notre vie, c’est toujours nous qui la vivons, qui y agissons, qui la ressentons au plus proche. Il n’y a nul parfum que je n’ai pas senti, souvenir que je n’ai pas vécu ou paysage que je n’ai pas vu. » Notre histoire nous appartient donc, et à personne d’autre, au sens où elle nous est propre (elle nous appartient) et que nous sommes les seuls à pouvoir la vivre et la raconter fidèlement. (§1 : Présentation de la thèse) « Étrange est donc l’idée qu’on soit pourtant toujours mené dans la vie par nos désirs, nos pulsions, notre aveuglément… toutes ces chose qui conduiraient notre histoire, et qui nous échapperaient, en faisant que notre histoire nous appartiendrait seulement en idéal – et pas dans la réalité. Elle appartiendrait à ces objets (même s’ils peuvent être en nous, ces objets restent "autrui") ». Notre histoire serait l’histoire de ces objets. (§2 : Présentation de l'antithèse) « En quel sens pouvons-nous dire que notre histoire nous appartient ? ».

Problématique:

« Ainsi, tout ce que nous faisons, nous le faisons, indubitablement. En ce sens notre histoire nous est propre, car c’est toujours à travers nous qu’elle prend vie (dans nos actions effectives). Mais qu’est-ce qui nous dit que les raisons pour lesquelles nous agissons nous soient pour autant propres ? Nous pourrions aussi bien être les héros d’une histoire que nous ne faisons que jouer, mais qui n’est pas la nôtre. Dans un cas nous serions les héros de notre propre histoire, pleinement responsables et propriétaires de l’histoire que nous écrivons, dans l’autre notre histoire ne serait qu’un jouet de déterminants qui nous dépassent. » Aussi, bien qu’elle nous soit propre, notre histoire ne nous appartiendrait pas. Comment expliquer ce paradoxe ? (§3 : Présentation de la contradiction + Question problématique).

Le but du développement sera de décrire minutieusement les deux thèses, tour à tour, pour résoudre cette contradiction (montrer que notre histoire nous est vraiment propre, mais qu'elle ne nous appartient quand même pas). L'introduction ne contient aucun nom de philosophe ou aucune référence proprement philosophique. Toutes les références philosophiques doivent être gardées pour le développement.

[modifier] L'élaboration du plan

Le plan doit dérouler l'intuition contenue et décrite dans l'introduction autour de deux, trois (dans l'idéal) ou quatre thèses en construisant un raisonnement logique, formel et explicite autour de deux ou trois sous-parties.

  • Logique : les arguments doivent s'enchaîner logiquement (du plus au moins évident, du moins vrai au plus vrai, du plus réfutable au moins réfutable, de façon systématique),
  • Formel : la qualité des transitions entre chaque partie (et en règle générale de l'écriture) est importante,
  • Explicite : une dissertation doit s'appuyer sur des exemples pour ne pas rester abstraite. Un exemple par paragraphe. L'exemple doit toujours être commenté, et ne pas être simplement énoncé: pourquoi, comment, en quoi vient-il confirmer l'argument?


Une dissertation de philosophie doit donner une impression d'unité et se dérouler logiquement, terme à terme, pour résoudre la contradiction initialement posée par la problématique, jusqu'à arriver à une conclusion.

[modifier] La conclusion

La conclusion résume les trois parties et récapitule les moments essentiels où la réflexion bascule. Elle doit être brève, tout autant (et souvent plus) que l'introduction. Elle peut proposer une ouverture, c'est-à-dire inciter la réflexion à rencontrer un nouveau problème philosophique logiquement dépendant de celui que l'on vient de résoudre, bien que cet aspect de la conclusion reste polémique suivant les enseignants.

[modifier] Méthodologie de la dissertation dans les autres matières

La dissertation n'est pas un exercice réservé à la philosophie, quoi qu'elle en garde le monopole. La dissertation est un exercice qui s'est exporté et généralisé aux autres matières littéraires et de sciences humaines.

Qu'elle soit littéraire, historique, économique ou philosophique, une dissertation reste composée de trois grands moments : l'introduction (avec exposition du sujet, contextualisation et déroulement d'une problématique), d'un développement (en deux ou trois parties) et d'une conclusion. Cette structure reste stable.

Enfin, certaines conventions sont spécifiques aux matières (il est autorisé d'écrire les titres et sous-titres des parties en dissertation d'économie ; il est recommandé de faire trois parties en dissertation de lettres dans le supérieur ; le plan d'un sujet d'histoire doit la plupart du temps être chronologique plutôt que thématique, etc.).

La méthode reste d'inspiration philosophique, mais on peut s'en référer à certains manuels spécialisés par matière ou par concours.

[modifier] Bibliographie

  • Collectif, Dissertation sociologique, Armand Colin (Collection Cursus), 2000, ISBN 2200251041

[modifier] Liens externes