Devoir de réserve dans la fonction publique française

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Le devoir de réserve est une obligation imposée par le droit administratif français aux agents chargés d'une mission de service public. Elle consiste en l'observation d'une stricte neutralité de l'agent en charge d'une mission de service public de sorte à ne point influencer, par ses propres opinions politiques, religieuses ou philosophiques, ni l'administré ni le bon fonctionnement du service public. Souvent qualifié à tort, dans les médias de « droit de réserve », il demeure un des fondamentaux du droit de la fonction publique française puisqu'il répond à l'une des trois lois de Rolland : neutralité. Il s'applique à l'ensemble des agents publics (fonctionnaires ou non), ce quel que soit le service et le lieu concernés, même si l'exhibition des opinions se fait en dehors du lieu et des horaires du service.

Ce devoir de réserve se manifeste par la recherche d'une certaine modération dans l'exercice de l'expression des idées personnelles en public. En effet, le souvenir de violences physiques ou d'excès de langage sous forme d'injures ou diffamations (ex : affaire Dreyfus, affaire des « fiches » portées contre certains militaires lors du vote de la loi sur la laïcité, Régime de Vichy, etc.) est susceptible de créer un trouble dans le service concerné voire de gêner l'exercice de la fonction assumée.

[modifier] Principe

Ce principe trouve sa source dans la jurisprudence du Conseil d’État depuis 1935 (arrêt CE, 1935, Bouzanquet) qui obligeait une certaine retenue dans l'extériorisation des opinions des fonctionnaires sous peine de diminution de la notation et/ou de sanctions disciplinaires. Il a été, ensuite, rappelé par la loi du 13 juillet 1972 qui précise que les opinions ne peuvent être exprimées, en dehors du service, qu'avec la réserve exigée par l'état militaire. Il est enfin rappelé dans le Code de déontologie de la police nationale du 18 mars 1986.

Si ce principe n'est pas rappelé dans le Statut général de la Fonction publique, il demeure nettement ancré dans les statuts de la magistrature (décret du 30 juillet 1963) pour la sphère judiciaire comme administrative puisqu'est interdite « toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions » voire pour les membres du corps consulaire (loi du 13 juillet 1972) qui sont « tenus aux obligations de convenance et de réserve résultant de l'exercice de fonctions sur le territoire d'un État étranger ».

[modifier] Limites

Néanmoins, l'appréciation de l'obligation de réserve s'avère particulièrement difficile selon si l'on traite le cas d'un agent titularisé ou d'un fonctionnaire stagiaire (ex: cas des élèves à l'École nationale d'administration face aux médias), d'un haut fonctionnaire ou non (certains hauts fonctionnaires, tels les préfets, sont généralement soumis non pas au simple devoir de loyauté mais de loyalisme envers leur hiérarchie), d'un agent présent dans un cabinet ministériel (donc par excellence politisé) ou dans une administration plus lointaine, etc.

À titre d'exemple, n'est pas considéré comme un manquement à l'obligation de réserve le fait pour un candidat à l'emploi d'ouvrier de l'armée de l'air de vendre sur la voie publique un journal interdit dans les établissements militaires (arrêt CE 1962, Hocdé).

Par ailleurs, le Conseil d'État a également annulé l'interdiction à concourir donnée par le ministère de la Fonction publique à un jeune candidat au concours de l’École nationale d'administration qui avait, publiquement et termes très vifs, manifesté sa vive hostilité vis-à-vis de la politique algérienne des pouvoirs publics, notamment au cours de réunions tenues à l'étranger en présence de dirigeants de la rébellion algérienne (arrêt CE, Wallon).

Toutefois, le Conseil d'État a maintenu la position de l'État quand un candidat, admis à passer les épreuves orales du concours de l'École nationale de la magistrature, s'était vu reprocher une participation à une manifestation d'étudiants critiquant l'institution militaire. L'argument retenu étant l'obligation d'indépendance du juge, l'attitude du candidat entrait en contradiction totale avec les intérêts de la fonction souhaitée (arrêt CE, 1983, Mulsant et Raoult).

Mais en aucun cas il ne s'agit, en l'espèce, d'une interdiction pour un candidat de concourir à tel concours pour ses opinions politiques, religieuses ou philosophiques. En l'espèce, le Conseil d'État avait déjà annulé une telle interdiction qui s'était portée à l'encontre d'un candidat au concours de l'École nationale d'administration pour sa position communiste en pleine Guerre froide (arrêt CE, 1954, Barel). Il s'agit en fait d'apprécier au cas par cas, en fonction des obligations retenues envers tel ou tel corps de la fonction publique (notamment les militaires, magistrats, policiers, etc.) si le fait de faire connaître, sur la place publique, ses propres opinions est de nature à porter préjudice à la fonction exercée ou à exercer.

Enfin, concernant l'expression des opinions syndicales, la jurisprudence a retenu aux seuls dirigeants syndicaux (et non aux adhérents) le droit de s'exprimer avec la vivacité souhaitée (arrêt CE, Dlle Obrego). Toutefois, si ceux-ci sont soumis à moins de modération que leurs collègues, ils n'en sont pas moins soumis à un certain devoir de réserve. Ainsi un syndicaliste policier s'est vu infliger une sanction pour appel à l'indiscipline collective (arrêt CE, 1997, Bitauld).