Détaché

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le détaché ou coup de poignet[1] est la technique de percussion propre au jeu de vielle à roue.

Sommaire

[modifier] Le double usage de la manivelle

La manivelle de la vielle sert à la fois à faire vibrer les cordes mélodiques, mais également à déclencher des percussions. Une corde spécifique est dédiée à la percussion, la "trompette". Elle a la particularité d'être en appui sur un support mobile, le "chien"[2]. Lorsqu'un à-coup est donné à la roue par la poignée, le choc soulève la corde. Solidaire, son support se détache de la table pendant une fraction de seconde[3]. La trompette se détend et se retend aussitôt. Alors que les autres cordes continuent de sonner à la même hauteur, l'ébranlement subit de la trompette produit le grésillement[4] caractéristique du détaché, analogue à la cigale qui craquète, une sorte de "dzzt".

[modifier] Un espace pour la poignée

Si le vielliste tenait fermement sa poignée de manivelle, il lui serait difficile de produire des détachés. C'est pourquoi il forme une cage avec sa main, ronde et souple, dans laquelle la poignée peut rouler, un peu comme les graines à l'intérieur des maracas. Tandis qu'il fait circuler la poignée dans cet espace, il est libre de la percuter pour produire un détaché isolé, ou bien de la faire rebondir pour enchaîner une suite rapprochée de détachés[5]. Après un détaché, une pression plus forte maintenue sur la poignée permet de laisser traîner le coup de poignet, qui émet alors un son continu après avoir claqué. Un maître de la vielle à roue, Valentin Clastrier, va jusqu'à parler d'un nécessaire doigté du détaché.

[modifier] Un art de l'ostinato

Même si le détaché est produit par un mécanisme sophistiqué, la percussion obtenue est assez rudimentaire[6]. C'est pourquoi il sert généralement d’accompagnement rythmique élémentaire. Un usage basique consiste à jouer un détaché par note. Un détaché plus efficace souligne la mélodie avec de petites cellules rythmiques répétées, comme des claves. L'art du détaché est ainsi presque toujours un art de l'ostinato. Il atteint parfois une finesse insoupçonnée. Formellement, le rythme joué à la main droite peut être totalement indépendant de la mélodie jouée à la main gauche.

[modifier] Techniques avancées

La base du détaché consiste à savoir jouer des suites de deux, quatre, voire trois détachés par tour de roue[7]. De nombreuses techniques vont bien au-delà[8].

  1. Certains joueurs maîtrisent des suites allant de 5, 6, et jusqu'à 8, voire 12 détachés par tour.
  2. Ils mesurent avec précision la durée des traînées.
  3. Ils sont libres de percuter à n'importe quel point du tour de roue, et pas forcément à l'un des quatre points cardinaux.
  4. Ils créent des ostinatos sur plus d'un tour, par exemple une suite de trois détachés réguliers sur deux tours de roue (technique développée par Marcel Piaud).
  5. Ils peuvent tourner la roue plus vite ou plus lentement tout en gardant un rythme au même tempo.
  6. Ils contrôlent encore le timbre du détaché, plus ou moins net ou étalé, lourd ou léger, mat ou brillant entre autres.

[modifier] Exemples : Discographie

  • Mouvements clos de Gilles Chabenat – reprise de l’ostinato du Boléro de Ravel (ostinato sur huit tours composé de suites de 4 et 6 détachés par tour)
  • Valentin Clastrier collection « les maîtres de la vielle à roue », édité par Silex – écouter Madranque pour les suites de 8 détachés par tour
  • Vielles 96, édité par l'AMTA - écouter la Mazurka à Rigal pour l'art des traînées
  • Les maîtres de la vielle à roue, édité par Silex - écouter La cabretta d'amor, Fils de Gascogne, et Regret joués par Marcel Piaud, pour sa technique d'ostinato sur deux tours de roue.

[modifier] Apprentissage

A l'aide du poignet resté souple, il faut donc percuter la poignée de la manivelle en divers endroits du tour de roue : le cercle sera divisé en deux pour le coup de 2 (en haut et en bas), en quatre pour le coup de 4 etc. L'apprentissage sérieux et voire "mathématique" de ce procédé est essentiel dès le départ puisque ne pas casser son poignet (Aucouturier), bien placer sa main et frapper au bon endroit empêchent le décalage et facilitent l'assimilation d'un détaché précis qui comporte un grand nombre de coups.

Un joueur propose des conseils précis et des schémas pour bien commencer l'apprentissage du détaché : Détaché et position de la main

[modifier] Notes

  1. Faut-il écrire "coup de poignet" ou "coup de poignée" ? La première orthographe est la plus usitée, mais la seconde serait plus juste techniquement. Le détaché est en effet un art de percuter la poignée de la manivelle. L'à-coup est donné par l'avant-bras et la main unis par un poignet qui ne bouge presque pas.
  2. Ce chevalet mobile, le chien, tire son nom de sa forme qui rappelle un chien devant sa niche.
  3. Trois pages d'explication physique du phénomène du détaché par Pierre Rebaud : Fonctionnement du chevalet mobile
  4. A défaut d'un autre, c'est le mot français qui semble le plus juste pour désigner le son du détaché.
  5. L'erreur ou l'imprécision la plus commune concernant le détaché est qu'il serait obtenu en accélérant la roue. Une accélération continue de la poignée, même brève, ne produit qu'un grésillement faible difficile à amplifier. Seule la frappe bien dosée de la poignée permet d'obtenir un détaché puissant et précis.
  6. Le mot peut paraître péjoratif. Le détaché est une percussion difficile à pratiquer et on peut employer de très nombreuses années à affiner sa technique. Cependant, il faut reconnaître que les possibilités de modeler le son du détaché sont restreintes. C'est à l'intérieur de ces fortes contraintes que s'exerce toute la finesse du vielliste. Peu malléable, la percussion de la vielle peut être comparé avec les castagnettes, les maracas déjà citées, la guimbarde ou le branleur occitan. Elle n'atteindra jamais la richesse des percussions à membranes, comme le tabla indien, ou la derbouka.
  7. Dans le jargon traditionnel, on appelle coup de deux, coup de quatre une suite de deux, de quatre détachés réguliers par tour de roue. Ces dénominations indiquent le nombre global de détachés par tour, indépendamment du rythme. Elles sont d'usage dans l'apprentissage de la vielle en musique traditionnelle, mais ne sont pas assez précises pour décrire des rythmes un peu élaborés, et la manière de les effectuer.
  8. Depuis la fin des années 1970, notamment grâce à l'introduction de l'enseignement de la vielle dans les conservatoires nationaux de musique, le niveau moyen de jeu s'est considérablement amélioré. Ce progrès ne vaut que pour cette courte période. Au XVIIIe siècle, les partitions écrites et les méthodes dédiées à l'instrument indiquent que la technique devait être excellente. On imagine aussi que depuis sa création au XIIIe siècle, il y a toujours eu des joueurs qui, isolés ou formant école, ont porté le jeu à des sommets. Il faudrait ébaucher une histoire de la technique du détaché, française, mais également européenne.
Autres langues