Débats contemporains autour de la désobéissance civile selon John Rawls

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Sommaire

[modifier] La remise en question de l’obéissance aux lois injustes.

La désobéissance à la loi, même non-violente, requière une justification tandis que l’obéissance s’en passe. Ce qui est un présupposé moral favorisant l’obéissance. Or cela semble raisonnable de supposer l’obéissance aux lois justes, mais pas aux lois injustes. Dire comme Rawls « presque juste » ou « raisonnablement juste » est un truisme qui demande qu’on éclaire les limites de l’injustice, compatibles avec l’obligation politique. Lyons ne reconnaît pas le devoir de réserve formulé par Rawls lorsqu’il évoque les minorités permanentes et affirme que l’obligation politique ne peut coexister avec une injustice significative, systématique et profondément établie. Selon lui, ni Gandhi, ni Thoreau, ni Luther King ne considéraient le système établi comme suffisamment juste pour porter l’obligation politique. C’est dire que l’obéissance n’est ni centrale ni essentielle et dépend des caractéristiques du système politique et des circonstances. L’obligation peut faire sens, mais seulement à condition qu’on y consente effectivement.[1]


Le voile d’ignorance, fiction construite par Rawls pour lui permettre d’imaginer un individu non déterminé socialement, physiquement, philosophiquement… n’est pas adéquate concernant la désobéissance civile car le désobéissant, s’ancre dans le fait de l’écart entre la réalité sociale et l’idéal. Passer d’une société idéale à une société non-idéale, engendre de sérieuses distorsions – que Rawls évite de considérer. Or, la désobéissance civile vise précisément les aspects non-idéaux de la société.

[modifier] De l’emploi de la menace

Selon Rawls, la désobéissance civile en appelle au sens de la justice de la majorité, alors que la menace (violente ou non-violente), intimide. La menace force la majorité à choisir, plutôt qu’elle ne tente de convaincre ou de persuader. Selon Rawls, cet appel ne peut co-exister avec l’intimidation. Pour Corlett, au contraire, certaines actions ressortent de la désobéissance civile, même si elles emploient la menace. Les fauchages de champs d’OGM sont assimilés à des actes de désobéissance civile, or ils constituent manifestement une menace : « tant que vous cultiverez ces plants, vous serez exposés à les voir fauchés ». A un autre niveau l’action, de Rosa Parks - qui refusa de changer de place dans un bus pour rejoindre les sièges réservés aux noirs - ne constituait-elle pas aussi une menace, au moins à l’encontre du ségrégationnisme ? Une menace de changement social ? La menace force à choisir, applique une pression sur la volonté de la personne. Il s’ensuit donc que Rawls doit revoir son jugement selon lequel la désobéissance civile n’est pas une menace en elle-même, sous peine de ne pas reconnaître des actions évidentes de désobéissance civile. Par contre il peut maintenir la condition de non-violence. Mais par menace, Rawls entend un mal physique. Or la menace peut également être de nature non-violente. Corlett, à la différence d’autres auteurs (Morreal, Harris, Smart) réaffirme la nécessité des moyens non-violents car on ne peut évidemment pas mettre les activités de Rosa Parks et celles de l’IRA, les sit-ins et le terrorisme violent, sous la même catégorie de désobéissance civile[2]

[modifier] De la théorie de la désobéissance civile à des théories de la désobéissance civile

De nombreux auteurs considèrent que le contrat social, hypothétique, n’est pas la base de la théorie de la désobéissance civile. « Un contrat hypothétique n’est pas une pale figure d’un contrat effectif, il n’est pas un contrat du tout » [3]. Alors, comment construire cette théorie ? Une réponse consiste à admettre qu’il n’existe pas de théorie générale unifiée. Selon Van Der Burg la désobéissance civile est l’expression d’un conflit entre des citoyens et le gouvernement, conflit qui doit être considéré dans les faits. Les conflits existeront toujours et la désobéissance civile à pour rôle d’ouvrir des débats qui s’abstiennent de partis pris et considèrent les différents points de vues : le point de vue moral du citoyen individuel (question : quand la loi cesse-t-elle d’être juste moralement ?), le point de vue politique du gouvernement, le point de vue légal du juge... (Une seule question pour ces deux derniers : comment réagir lorsque qu’un citoyen rompt avec la loi ?) Ceci signifie que nous devons construire plusieurs théories de la désobéissance civile, à partir de ces différents points de vue (pris de façon neutre) et qu’ensuite, peut-être une synthèse sera possible.[4]

[modifier] Sources

  1. David Lyons, Moral judgement, historical reality, and civil disobedience in Philosophy and public affairs, 1998, n°27(1), pp.31-49
  2. Angelo Corlett, What is Civil Disobedience? Philosophical Papers, 1997
  3. R. Dworkin
  4. W. VAN DER BURG, “The myth of civil disobedience”, Praxis international, 1989, n°9(3)